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Une rétrospective

Lorsque le Président Juvénal Habyarimana évoque, dans son discours-programme du 15 janvier 1989, la possibilité d’«un véritable aggiornamento» au sein du MRND, parti au pouvoir, et des réformes qui s’imposent afin qu’il ne se sclérose pas, c’est en qu’entant que politicien avisé il se rendait sur le continent n’allait pas épargner le Rwanda. Partant de cette donnée, sa préoccupation n’était pas de s’opposer à l’inévitable. Il va procéder comme les autres dictateurs : sauvegarder d’une démocratie de façade, mais en réalité en cassant toute tentative d’une véritable démocratisation. L’opposition démocratique en a appris à ses dépens comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent.


Dans le plan du régime, les réformes politiques devaient s’étaler sur deux ans, à partir de la mise en place de commission de synthèse (septembre 1990), avec des différentes étapes : l’élaboration d’une carte politique à laquelle toutes les formations politiques adhéreraient, l’amendement de la constitution, la dissolution du MRND, de ses organes spécialisés et du CND, l’officialisation des parti politiques, la formation d’un gouvernement de transition, l’élections législatives et présidentielles. Les slogans à la mode sont développement = démocratie = multipartisme. Ou encore multipartisme = pluralisme politique. «Le multipartisme est sans doute source de développement car il est mobilisateur et utilise chaque citoyen où qu’il soit, quel que soient ses pinions ou agissements… Il est source de développement quant il est bien préparé La Relève, (N° 172, mai 91, p. 2). Très peu de personnes ont été suffisamment honnêtes pour dire leurs désapprobations du nouveau choix du régime, comme l’a fait J.P. Harroy. Je vais oser me demander si le fait de donner des gages à cette tendance actuelle (du multipartisme) apportera dans les faits au Rwanda plus la démocratie que désordre. J’ose ainsi affirmer qu’avec notamment son remarquable plan d’action communale, l’actuel régime qui règne sur les collines rwandaises, où le dirigeant a le temps et l’occasion d’écouter le dirigé, pourrait bien être le régime de gouvernement du peuple le plus démocratique de tous les pays d’Afrique (La Relève, N° 176, juin 1991, p.9). Son complice des années 1956-1962, Mgr Perraudin, était d’un avis contraire. Le multipartisme, dit-il, s’impose en ce moment au Rwanda comme il gagne petit à petit toute l’Afrique … L’essentiel maintenant est du bien préparer et du bien vivre. C’est un tournant historique qu’il importe de bien prendre avec sagesse et audace. Le prélat semble agacé cependant per des remises en cause des régimes précédents par presse : tout le monde dit du mal de tout le monde, c’est négatif au suprême degré, c’est tout sauf le dialogue (La Relève, N° 177, juin 1991, p.8).
Les regards critiques sur le passé ont toujours énervé Mgr Perraudin. Dans son mandement de crème (de 1959), il invitait déjà les Rwandais à ne pas juger l’histoire. En cela ses positions vis-à-vis du passé récent étaient proches de celles du MDR comme nous le verrons plus loin. Emmanuel Ntezimana a situé les véritables enjeux de ces changements politiques. C’est le résultat des contradictions entre les élites et les notables qui manipulent les masses au gré de leurs ambitions. Le problème majeur pour le Rwanda actuellement, c’est l’incapacité d’asseoir un projet de société susceptible de répondre aux aspirations profondes des masses paysannes constituées en majorité des jeunes. Cette entreprise suppose qu’il y ait dans l’immédiat beaucoup de courants et créateurs afin de contrecarrer la tendance à, l’uniformisation et à l’univocité qui ne profite qu’à une minorité (La Relève, N° 168, avril 1991, p.4).
Effectivement si le paysan avait été consulté, il n’aurait pas manqué d’exprimer sa déroute face aux nouveaux changements intervenus d’une manière soudaine. Hier on lui disait que seul le parti unique pouvait garantir l’unité nationale et le développement, que les partis politiques n’engendraient que les divisions et les haines. Ce sont les mêmes personnes qui maintenant lui vantent les mérites du multipartisme. Les textes officiels qui ont consacré le multipartisme, en mai- juin 91 (charte politique nationale, projet de loi sur les partis, le projet de la nouvelle constitution), n’ont pas dépassé le cercle des élites pour faire l’objet d’un débat et d’une consultation populaire. Les Rwandais apprendront que la démocratie est une culture. Que ce n’est pas une affaire de textes, ni de formations politiques. Parmi les obstacles ressentis, le régime a brandi le spectre des dérapages basés sur les clivages ethniques et régionalistes dans les formations politiques. Pourtant des groupes qui lui sont très proches revendiquaient le droit de former des partis à référence ethnique et régionaliste. Pourquoi veut-on nous empêcher de fonder nos partis politiques sur des bases ethniques, régionales, confessionnelles ou sur autre discrimination (La Relève, N° 168, avril 1991, p.6). Cette revendication n’a inquiété personne, pourtant c’est elle qui sera mise en avant par la CDR.
Les libéraux avaient une autre analyse, certes plus proche de la réalité, mais trop confiante dans la conversion soudaine de J.H. aux vertus de la démocratie. E. Ntezimana a tenu des propos pertinents à ce sujet : il nous faut une prise de conscience et une autocritique. Je me demande entre autres si la paix et l’unité qui aujourd’hui sont à l’épreuve ont été posées en termes et en équations adéquates par le MRND. J’ai tendance à croire que le régionalisme, l’ethnisme sont exacerbés au Rwanda et ailleurs en Afrique par des profiteurs des régimes. Les crises risquent de profiter aux extrémistes, ceux-là même qui ont les mains et les dossiers sales qui craignent que le système multipartiste ne mettre à jour leurs malversations. Le multipartisme peut aider à faire l’indispensable auto-critique (La Relève, N° 196, avril 1991, p.4). Le danger n’est pas nié. On reconnaît que la cristallisation des clivages et l’exaltation de la conscience ethnique au-dessus du sentiment national n’est pas une garantie pour déviation possible ne sont pas indiquées. On semble sous-entendre que le multipartisme va résoudre tout. Or la crise rwandaise avait des causes multiples. Le multipartisme ne pouvait pas être une solution miracle. Il pouvait à la rigueur créer une situation favorable sans pour autant être une condition suffisante.

1.2 La formation des partis politiques et le débat contradictoire
D’après le calendrier officiel, les partis politiques devaient commencer leurs activités en juin-juillet 1991. En réalité, ils étaient opérationnels bien avant cette date de leur reconnaissance officielle, faisant connaître leurs opinions à travers les journaux ou les organisations de la société civile quoi leur étaient affiliés, officiellement.
1.Le MRND a tenu son Congrès extraordinaire, le 28 avril 1991, au cours duquel il a décidé de changer les statuts pour conformer au multipartisme, son nom en ajoutant un «D» à son ancienne appellation et son drapeau. En principe le MRND devenait un parti comme les autres : c’était théoriquement la fin d’une époque. Mais en réalité il continuera à monopoliser les moyens de l’Etat. Son objectif, dans la nouvelle ère qui s’ouvrait, consistera à tout faire pour les préserver face à la nouvelle menace que constituaient les partis de la nouvelle opposition. Les dirigeants de ce parti, à commencer par le président, avaient une vision décorative des partis. Le MRND DEVAIT Etre le centre autour duquel tous les autres partis devaient graviter. Ils ne pouvaient permettre une grande autonomie de ces nouveaux partis. Ils vont tout faire pour casser toute velléité de leur part allant dans ce sens. Nous verrons plus loin les procédés utilisés. Si donc le président J.H. a démocratisé c’est en grande partie pour plaire à la France et ne pas rester en retard par rapport à un mouvement en vogue. Sa préoccupation sera de contrôler ce mouvement et de le casser s’il n’y parvenait pas.
2.Un autre qui s’est montré très tôt, c’est le MDR. En mars 1991, un groupe de 237 sympathisants a publié un appel pour restaurer le MDR-Parmehutu (Le Démocrate, Spécial, mars 1991), supprimé par le coup d’Etat de 1973. il se réclamait des acquis de 59 et de Kamarampaka, comme le MRND. Le programme des rénovateurs du MDR visait « l’assainissement politique» ; il était presque identique à celui du MRND : «dans plusieurs domaines, les deux partis promettent la même chose à quelques petites différences près, avec un réalisme incommensurable» (La Relève, N° 171, mai 91, p.9). Selon F. Twagiramungu, «le multipartisme des années 59-60 devait sauver le Rwanda de la monarchie et de la colonisation pour aboutir à l’indépendance …. En 1991 il faut prôner une idéologie autre que celle de libération. Les mécontents d’hier sont aujourd’hui satisfaits et très bien organisés. Le problème est de maintenir et promouvoir ensemble les acquis de la révolution de 1959 (La Relève, N° 180, juin 1991, p.3).
Le MDR va essayer, en un premier temps, de se démarquer de son rival en se présentant comme plus démocrate et en montrant sa nouvelle orientation de lutter contre Akazu et non plus contre les Tutsi. D’où la suppression de la mention Parmehutu. Cela ne veut pas dire qu’il abandonnait l’idéologie du Parmehutu. Dans le discours des restaurateurs du MDR, le Parmehutu est idéalisé. C’était, pour eux, un parti basé à sa naissance sur les principes démocratiques et républicains, avec le respect du multipartisme à travers les élections libres à tous les niveaux, et la séparation des pouvoirs. Une vision de l’histoire qui est fausse. Car le Parmehutu s’est constitué comme un parti unique en éliminant ses concurrents (RADER, UNAR, APROSOMA). Il a été régi par des mécanismes de centralisation et s’est particulièrement illustré par l’intolérance et l’exclusion. Plus tard, lorsqu’un groupe plus radical au point de vue ethnique va naître au sein du MRD, il ne va pas hésiter à revendiquer publiquement l’étiquette «Parmehutu». La stratégie du MRD était de reconstruire les anciennes alliances régionales du temps de Kayibanda. Effectivement les rénovateurs sont principalement localisés dans les anciens bastions du Parmehutu : Gitarama (30% des fondateurs) et de Ruhengeri (17%).

3. Le recyclage du Parmehutu ne fut pas du goût de tout le monde parmi les opposants, surtout les plus libéraux d’entre eux originares de Butare et de la capitale : soit des régions au passé politique spécifique (présence de l’Aprosoma et de l’Université à Butare), soit des régions dans lesquelles la population a été ethniquement mélangée où par conséquent le passé anti-tutsi du MDR n’était pas attractif, soit des centres urbains où l’esprit libéral était le plus poussé. Ce sont ces facteurs qui sont à l’origine de la naissance du Parti Social Démocratique (PSD) et du Parti Libéral (PL) en juillet 91. Le PSD voulait se positionner sur le centre-gauche pour attirer le public d’enseignants, de fonctionnaires et des professions libérales. Le Parti libéral, essentiellement urbain et considéré comme centre-droit, voulait attirer le monde des affaires. Contrairement au PSD, fortement implanté dans le sud, le PL n’a pas de base géographique précise : il est disséminé à travers tout le pays. Beaucoup de Tutsi n’y ont adhéré à cause de son approche libérale de la question ethnique. Il a exercé aussi une attraction sue ceux/celles dont le statut ethnique n’était pas clair ou ambiguë : les descendants des mariages «mixtes» (entre Hutu et Tutsi) ou les personnes mariées à un autre groupe. Cet esprit d’ouverture sur la question ethnique n’était pas automatique dans les partis de l’opposition.


Le quatrième parti est le Parti Démocratique Chrétien (PDC). Il n’a pas été officiellement soutenu par la hiérarchie de l’Eglise catholique, comme on aurait pu s’y attendre. Ceci pour la simple raison que cette dernière soutenait toujours J.H. et MRND. Son partenaire privilégié, l’IDC, avait le même choix : ce sont des membres du MRND qui ont été invités à participer à la conférence qu’elle a organisé à Bruxelles en novembre 91. Il a été difficile au PDC de se créer un espace : il a d’abord flirté avec la MRND avant de s’engager aux cotés des trois grands partis de l’opposition présentés plus haut. Après que les principaux partis aient été reconnus officiellement, beaucoup de personnes croyaient que le pays avait amorcé un changement politique radical et d’orientait véritablement vers la démocratie. Effectivement on peut dire que, pendant une année, le pays a connu un débat contradictoire sur des questions d’actualité auxquelles le pays faisait face.
I.3 Quelques exemples de friction entre le MRND et l’Opposition
Les textes ont été le premier point de discorde entre le régime du MRND et l’Opposition. Les textes de la commission de synthèse furent critiqués par l’opposition dès leur acceptation par les instances habilitées. Pour Félicien Gatabazi (PSD) la nouvelle constitution était muette sur l’essentiel, à savoir celui qui détermine et conduit la politique de la nation : le chef de l’Etat ou le chef de gouvernement. « La nouvelle constitution donne le pouvoir réel au chef de l’Etat tout en le déchargeant devant l’assemblée nationale ; c’est à peine différent de la situation actuelle». Quand le président et le chef du gouvernement appartiennent aux mêmes partis il y’a pas de problème. Il y a une complicité de la gestion de l’Etat. Quant ils appartiennent aux partis différents, «leurs tâches ne sont pas bien définies… Ce flou ne peut que contrecarrer le fonctionnement de l’appareil étatique. Il se crée une dualité du pouvoir qui n’est pas bénéfique» (La Relève, N° 173, mai 1991).
Cette prévision s’est révélée exacte au cours du mandat du gouvernement de coalition présidé par Dismas. Nsengiyaremye qui a été systématiquement bloqué par le président de la République. En outre, le rejet de la population de réforme de la constitution lors d’une «conférence des partis», avancée à mintes reprises par l’opposition, par le président de la République et son parti MRND, est une preuve des pouvoirs de blocage qu’elle lui accordait. L’autre grave lacune relevée dans la nouvelle constitution par l’opposition est l’absence de la Cour Suprême, dissoute en 1973. Le «statut quo» ne favorisait pas l’indépendance du pouvoir judiciaire. Pour le secrétaire du MRND l’indépendance de la justice dépendait de la valeur des magistrats et des garanties que leur statut leur accordait et non d’une quelconque organisation. Il avait intérêt que des pratiques illégales ou des malversations impliquant les barons du régime ne soient divulgués au grand public.
La formation du premier Cabinet de coalition a donné lieu également à une dure bataille. Les nouveaux partis (MDR, PSD, PL) ont formulé à travers leur organe de concertation (le Comité de concertation de l’opposition créé en septembre) des conditions, par exemple la destitutionalisation réelle du MRND, le président devant démissionner comme chef de parti et ce dernier être traité à titre égal comme les autres partis, la suspension du parlement, l’ ouverture des médias surtout audio-visuels à tous les partis… C’est surtout la tenue d’une conférence nationale (Rukokoma) qui a focalisé l’attention des politiciens. Formule inédite par certains pays qui sortaient du monopartisme, elle faisait beaucoup peur au Président et à son camp. Plusieurs arguments ont été développés pour le combattre. Ce parcours n’était pas obligatoire, car il y a des pays qui sont passés au multipartisme sans devoir y faire appel. Les pays qui ont organisé une conférence sont des pays où les structures de l’Etat étaient ébranlées et la paix compromise. Enfin, ceux qui préconisent la conférence nationale vont en faire un tribunal et tenter un coup d’Etat civil en douceur.
Pour les ténors de l’opposition la conférence nationale «ne devait pas être envisagée comme un tribunal mais plutôt une occasion de définir les nouvelles orientations de politique générale en correction des erreurs et des méfaits du régime finissant ; d’autre part de mettre en place des structures devant gouverner le pays pendant la période de transition» ( F. Gatabazi, in La Relève, N° 173, mai 1991, p.3). Des avis favorables ont été rapportés par les médias officiels, par exemple l’avis de ce lecteur parmi beaucoup d’autres qui s’est exprimé à ce sujet. «Je crois, dit-il, qu’elle (la conférence nationale) serait souhaitable tant qu’il s’entend peut être un cadre aveugles faisant ainsi bonheur à la franchise et au patriotisme» (La Relève, N° 191, p.8). Il n’y aura finalement pas de conférence nationale, les négociations d’Arusha ont assuré le rôle et les fonctions qu’on attendait d’elle. L’opposition voulait par conséquent des réformes fondamentales comme prérequis de sa participation à un gouvernement de coalition. Tandis que le Président voulait co-opter les membres de l’opposition. Cette dernière ne se prêta pas à ce jeu, à l’exception du PDC. C’est cette divergence qui a fait échouer le gouvernement monocolore de Sylvestre Nsanzimana, formé après 80 jours de tractations infructueuses.



    1. Le blocage du processus de démocratisation



Agacé par les critiques de l’opposition et de ses journaux, le Président et son camp vont tout faire pour neutraliser ceux qui les en embêtaient. Et pour cela tous les moyens possibles ont été utilisés ; depuis les moyens légaux jusqu’aux éliminations physiques individuelles et collectives des véritables ou supposés être des opposants. Une des astuces, que d’autres dictateurs ont utilisée, fut de favoriser la prolifération de petits partis pour compliquer davantage le débat politique. En mars 1993, il y avait une dizaine de petits partis sans rôle actif sur la scène politique nationale : le Parti Socialiste Catholique (PSC), le Rassemblement Travailliste pour la Démocratie (RTD), le Parti Révolutionnaire du Rwanda (PARERWA), le Parti Ecologiste (PECO), le Parti Démocratique Islamique (PDI) etc. Le Président va les utiliser aussi pour bloquer le processus des négociations des Accords de paix d’Arusha. Les trois grands partis de l’opposition ont dressé une liste d’autres procédés déployés par le Président de la République et son parti pour gêner leur action dans une lettre qu’ils ont adressée au Président et nommée : Mémorandum des principaux partis de l’opposition, le 17 novembre 1991. Le régime harassait leurs militants, gardait le monopole sur les médias, les bâtiments et les véhicules de l’Etat, les autorités locales se comportaient comme des activistes du MRND et non comme des responsables du service public. Dans ce document, l’opposition mentionne pour la première fois des bandes armées du MRND qui attaquent leurs sympathisants après les meetings ou les manifestations publiques. Le régime a exploité également l’opportunisme de certains leaders de l’opposition. Des pseudo-démocrates, qui paradoxalement bénéficiaient du soutien de la population, étaient nombreux. Les médias extrémistes se sont plu à ressasser les scandales des politiciens de l’opposition. Ces derniers étaient vulnérables. Car beaucoup d’entre eux étaient des transfuges du régime MRND dont les pratiques de détournement des biens publics et de la corruption étaient courantes. Le Président du PL avait particulièrement un passé peu recommandable au point de vue moral : emprisonnement pour assassinant, trafic d’influence, corruption, qui puisse lui permettre d’effacer des dettes contractées. Il a fini son parcours politique dans le camp de Juvénal Habyarimana et des extrémistes hutu à cause de son amour pour l’argent. Ceci dit, il y avait beaucoup d’hommes et de femmes politiques intègres qui malheureusement n’étaient pas très visibles sur la scène nationale. Même la bataille politique consistera à obtenir un poste ministériel, celui du commerce. Le leadership du PSD était composé d’homme reconnus comme intègres, tels que Félicien Ngango et François Nzamurambaho. L’opposition a fait recours aux moyens légaux pour lutter contre l’hégémonie du MRND. Pour démontrer sa capacité de mobilisation elle a organisé de grands rassemblements dans les rue de Kigali, par exemple le 8 janvier 1992, et dans les villes de l’intérieur comme Gitarama et Burundi du pays. Le régime s’en est rendu compte et n’a plus autorisé de tels rassemblements. La pression de l’opposition a été telle que Juvénal Habyarimana accepté un compromis historique : celui de la formation d’un Cabinet de coalition pour remplacer celui de Nsanzimana. Plusieurs ministères, dont celui de Premier Ministre (Nsengiyaremye) et des affaires étrangères (Ngurinzira) furent attribuées à l’opposition. Une des missions de ce nouveau Cabinet, formé le 7 avril 1992, était de négocier avec le FPR. C’était une victoire de l’opposition. L’événement consistait en ce que le MRND acceptât de partager le pouvoir, comprenant 9 postes ministériels sur 20.

Le nouveau cabinet a essayé de procéder à quelques réformes, comme la suppression de l’équilibre dans les écoles, le démantèlement du service central des renseignements (SCR), le remplacement des Préfets (diminution des Préfets originaires du Nord-ouest, affectation de membres de l’opposition), des tentatives de rendre le système judiciaire crédible et indépendant (certains décrets présidentiels déclares inconstitutionnels), démission de Juvénal Habyarimana comme chef des Armées sur pression, les reculs de Juvénal Habyarimana, la dynamisation de la société civile. Par exemple les organisations de défense des droits de la personne humaine dont certains ont pris beaucoup de risque pour dénoncer les abus commis par le régime et la presse diversifiée ont donné démocratie était possible. Même la hiérarchie de l’Eglise catholique, longtemps silencieuse, va prendre des positions audacieuses. Dans des documents remarquables, le Presbyterium de Kabgayi a fait le procès sans complaisance des rapports de l’Eglise avec le Pouvoir. Le terrain a été préparé par deux représentants du Pape : les Nonces Morandini, en 1985-1990, et G. Bertello, en 1990-1994, qui ont sensibilisé le Vatican sur le problème politique de l’Eglise catholique au Rwanda et marginalisé ceux qui, comme Mgr Vincent Nsengiyumva, étaient des fanatiques du MRND. La population voulait la paix, la fin de la corruption politique, la bonne gestion, la liberté d’expression, les structures du pouvoir en place opposaient une grande résistance à une véritable démocratisation qui menaçait des intérêts et des privilèges, souvent acquis dans l’illégalité. Les changements étaient fragiles dans la mesure où ils intervenaient dans un climat politique de tension intense. Les effets de la guerre pesaient lourdement sur l’économie du pays. Les actes terroristes, par exemple à la veille de la présentation de serment du gouvernement de coalition, se multipliaient. Certaines fractions de l’entourage de la présidence et du MRND ont senti cette évolution une capitulation. Elles ont opté pour la radicalisation en créant la Coalition pour la Défense de la République (CDR), en mars 92. Ce parti raciste hutu se situant à droite du MRND. Il s’est donné comme objectif de lutter contre la mollesse du gouvernement face au FPR et à ses «ibyitso» (complices). C’est au sein de ce cercle que naîtra la Radio Télévision Libre de Mille collines (RTLM) qui jouera un rôle de premier plan durant le génocide et dans lequel se grouperont les animateurs des publications racistes. A la fin de l’année 1993, la CDR ultra-raciste était devenue, de facto, un parti plus raciste que l’ancien MRND. Dans la suite, les Ministres du MRND ont tout fait pour paralyser la fonctionnement du gouvernement, par exemple en boycottant les réunions du Cabinet. Leurs sympathiques au niveau local faisaient de même en ignorant les ordres des Ministres de l’opposition. Enfin, le SCR s’est reconstitué clandestinement pour devenir le réseau zéro ou les escadrons de la mort. Les temps durs pour les démocrates commençaient.



    1. L’utilisation de la guerre dans la neutralisation de l’opposition



Le processus de démocratisation s’est déroulé dans une situation anormale : celle d’une guerre civile limitée, déclenchée en octobre 1990 par le FPR. Ses effets ne sont pas fait attendre : l’approvisionnement du pays par le corridor nord fut rendu impossible, le nombre de personnes déplacées n’a cessées de s’accroître. Elles étaient estimées à 300.000 en 1992 et de plus du double l’année suivante. La violence politique a accompagné le processus démocratisation : massacres au Mutara en octobre 1990, massacres des Bagogwe en janvier 1991 et 1993, massacres dans le Bugesera (mars 1992), ces massacres, dénoncés et bien documentés par les organisations de défense des droits de la personne humaine nationaux et internationaux, visaient les Tutsi. Le Gouvernement les a toujours minimisés et les a attribués à une juste colère du peuple  (Akajinya) : des opérations d’ «auto-défense» qui tuent spontanément les Tutsi ou les sympathisants du FPR. Cette thèse de la violence spontanée est contredite par témoignages oculaires. En effet, ces violences étaient très bien organisées. Elles étaient généralement précédées par des réunions de préparation et de sensibilisation qui avaient l’objectif de conditionner les populations locales pour tuer «ibyitso». Ces réunions étaient présidées par les autorités locales avec la présence d’une personne invitée, venue de Kigali pour donner une couverture officielle aux décisions qui en sortiront. L’ordre de tuer était donné par un Ministre, un préfet ou un Bourgmestre sous la forme des métaphores ou des euphémismes de faire l’umuganda. On connaît ceux qui l’ont fait avec enthousiasme. Par exemple Rwambuga à Kanzenze, et Gatete à Murambi et Léon Mugesera à Karago. Mais il semble que les enthousiastes ont été, durant les premières années, l’exception et non la règle. Ces massacres se sont déroulés à une échelle mais ils avaient simple d’attribuer ces violences aux milices uniquement. Même si avec le temps cela est devenu la réalité, les massacres signalés plus haut, qui ont eu lieu entre 1990 et 1993, ont été menés par des paysans ordinaires organisés par autorités locales de l’administration. Comment expliquer cette participation massive des paysans ? Les explications les plus simplistes sont celles des haines tribales ancestrales qui reviennent périodiquement. Les libéraux attribuent ces violences aux causes politiques et économiques. La violence tribale ou ethnique est plus complexe : elle n’est pas épuisée par ces deux explications. Celle-ci ne dit pas pourquoi la violence prend la forme tribale et pas une autre forme plus propre comme la violence idéologique. Il faut situer ces violences dans un contexte principalement marqué par l’analphabétisme. La grande majorité de la population a des horizons limités à l’environnement le plus immédiat. Les idéologies, tel que le multipartisme, ou la démocratie, y sont perçues comme les discours bizarres venus de l’extérieur réservés aux intellectuels. Dans ce contexte les solidarités familiales e ethniques sont les mieux comprises. Ces dernières, incolores au départ, sont manipulées par les élites pour le contrôle des ressources de plus en plus rares. Au Rwanda, le groupe au pouvoir a utilisé le matériau ethnique existant pour sa survie politique. L’autre question se laissent manipulés jusqu’au point de tuer les voisins les plus proches. La réponse est plus difficile car tout dépend de la mobilisation politique et militaire.
Or, chaque situation est spéciale. L’efficacité de la mobilisation dépend du temps, de la culture, de l’histoire, des traditions du pays. Au Rwanda, plusieurs facteurs sont intervenus pour rendre la barbarie systématique et acceptable aux paysans. On peut mentionner la culture politique du Rwanda marquée par l’obéissance aveugle, centralisée et inconditionnelle à l’autorité. Voir les légendes sur les Inkotanyi qui ont des queues. Voir aussi la banalisation du crime. Dans les zones rurales, Il est nommé «umuganda», «akazi». Les acteurs reçoivent pour récompense les biens des victimes. La victime est déshumanisée et l’autorité divinisée. C’est une des conséquences de l’idéologie de la « majorité hutu» vulgarisée par le Parmehutu et ses satellites (MRND, MDR, CDR). La violence a été, systématiquement utilisée par les structures du pouvoir en place pour stopper le processus démocratique. Les massacres sont une forme parmi d’autres. Il fallait par exemple renforcer la solidarité des Bahutu pour susciter une «haine commune» du FPR. Les attaques terroristes (grenades, assassinats, bombe) étaient une autre forme de violence. Ces attaques étaient attribuées au FPR pour le traiter de cruel et sanguinaire. En réalité, c’était le processus de démocratisation qui était visée. Dans la mesure où le Gouvernement pouvait intégrer le FPR, il devenait dangereux pour le régime en place. C’est pour cette raison qu’il devait être combattu et stoppé. L’opposition était incapable de faire face à cette violence et à ce terrorisme orchestré par le régime. Elle se rendait bien compte que le régime manipulait la conscience ethnique et parvenait à ses fins sans difficultés. C’est pour sortir de ce cercle que le dialogue direct entre l’opposition et le FPR s’amorça.
Les représentants de trois grands partis (MDR, PSD, PL) rencontrèrent ceux du FPR à Bruxelles (6 juin 92). Ils se mirent d’accord sur les modalités du processus de paix (qui allait débuter immédiatement après). Ce faisant l’opposition acceptait d’être considérée par le régime et ses sympathisants comme des traîtres. Il faut préciser que jusque-là le FPR et l’opposition combattait le régime de J.H. sans être des alliés. Dans un document le MDR le décrivait comme inyenzi, branche armée des féodaux. D’une manière générale le FPR était considéré par l’opposition comme un mouvement tutsi. L’opposition rencontra une seconde fois le FPR à Bujumbura (25/2-2/3/93) pour relancer les négociations suite à la guerre de février. A noter que la France, fortement impliquée dans la crise rwandaise, préconisait «un front commun hutu» constitué contre le FPR anglo-saxon.
La signature du cessez le feu, résultat des négociations d’Arusha, fit beaucoup d’heureux parmi la population lassée par la guerre. Mais elle créa aussi des mécontents parmi les extrémistes hutu qui le montrèrent à travers des manifestations hostiles au Premier Ministre, les mutineries dans certains casernes (à Gisenyi et Ruhengeri). Les durs du régime (akazu) craignaient que J.H. ne soit tenté par l’acceptation d’un compromis, pour eux, synonyme de la mise en cause du principe de la majorité sociale de 59 : la domination des Hutu dans tous les secteurs de la vie et la position monopolique dans la direction du pays. Le défit était pour eux le suivant : comment garder intact ce principe dans un système pluraliste que voulait promouvoir le processus d’Arusha. Sur certains points, ils ont pris une attitude de défense vis-à-vis du leadership officiel (attaques contre la mollesse du Président).
On ne peut pas exclure l’hypothèse qu’ils aient envisagé l’éventualité d’un coup d’Etat au fur et à mesure que les chances de paix s’accroissaient. Les négociations d’Arusha se sont déroulées dans un climat de tension de tension croissante : chaque pas positif étant salué par la violence et les actes terroristes fomentés par le régime. Ainsi l’accord sur un gouvernement pluraliste de transition a été immédiatement suivi par des massacres dans la préfecture de Kibuye. La fonction présidentielle développa la thèse selon laquelle elle n’était représentée à Arusha et qu’elle n’était pas consultée par la délégation du gouvernement (par exemple pour la discussion sur les postes ministériels). Dans son discours du 15 novembre 92 le président désavoua la délégation gouvernementale en disant qu’elle allait au-delà de son mandant. Il faut dire que ses positions, comme le principe d’une assemblée nationale de transition élue, furent très souvent rejetées.
La CDR réclama aussi la formation d’un Cabinet «élargi» en y incluant les petits partis. A l’instigation du régime, ces derniers exigeaient d’être consultés, d’être représentés à Arusha et dans le Cabinet. Ces exigences ont été avalisées par J.H. dans son discours du 22 octobre 92. Le but de cette manœuvre était de contenir l’opposition du MDR, PSD et PL.
La tension devint extrême lorsqu’il s’agit de la constitution d’une nouvelle armée (février 93). Le gouvernement de Nsengiyaremye avait tenté, de réorganisé les FAR (mise en retraite Bagosora. Ce dernier garda la direction des services dans le Ministère de la Défense. Les vieux militaires écartés se retrouveront à la tête de l’organisation militaro-civil, les escadrons de la mort, qui ont été impliqués dans les massacres du Bugesera et ceux qui ont été commis après ainsi dans les actes territoires. Cette société secrète travaillait avec une autre du même type, créée au sein des forces armées, appelée «amasasu». On peut dire que dès la fin de l’année 92 les futurs protagonistes du génocide sont en place : les sociétés secrètes (au sein des FAR et les escadrons de la mort) et les partis extrémistes. Le plan du génocide est à situer en ce moment-là. Le plan n’est peut-être pas détaillé. Mais le principe de résoudre la question du partage en tuant les Tutsi et les Hutu connus de l’opposition est accepté et les modalités se mettent petit en place par l’établissement des listes.
Les nouveaux groupes extrémistes, qui participaient aux tueries qui se déroulent à une échelle restreinte, espéraient ainsi faire changer la politique de cette manière. Ils voulaient le pouvoir absolue. Il devenait évident qu’ils allaient tout arrêter le processus de paix. L’occasion fut donnée par l’attaque du 8 février 93, déclenchée par le FPR en réplique aux violences et actes terroristes qui se généralisaient et qui constituaient un déni aux accords convenus. Les extrémistes et le Président ciblèrent les Hutu de l’opposition démocratique pour leur faire comprendre que l’attaque du FPR visait la prise du pouvoir. Le doute s’installa dans les têtes de certains qui, par crainte de «passer à une dictature tutsi» retournèrent à «la dictature hutu» de J.H. qu’ils avaient tant critiquée.
J.H. opéra ainsi une scission des partis de l’opposition : entre ceux qui voulaient un compromis avec le FPR et ceux qui voyaient le FPR comme l’ennemi à combattre. Il apporta un soutien aux réunions des dissidents des partis de l’apporta un soutien aux réunions des dissidents des partis de l’opposition. La première eut lieu au moment où les présidents des partis de l’opposition étaient à Bujumbura. Le président convoqua une «conférence nationale» à Kigali, qui regroupa les dissidents de l’opposition et les représentants du MDR et de CDR (le sommet anti-Bujumbura). Avec cette manœuvre le président et son camp parvenaient à leur objectif de remodeler le visage politique en créant un vaste mouvement, connu sous le nom de «Hutu power» (la nouvelle opposition), opposé à l’ancienne opposition et au processus de paix. La signature des Accords d’Arusha, le 4 août 1993, se déroula dans la confusion totale sur le plan politique. Le jeu politique avait atteint le paxysme de l’absurdité totale. Les racistes hutu critiquaient J.H qui traitait avec les libéraux qui voulaient sa tête. Les extrémistes continuaient à s’armer. Des politiciens, hier ennemis, siégeaient au gouvernement sans difficultés. Les extrémistes continuaient à s’armer. Des politiciens, opportunistes, hier ennemis, siégeaient au gouvernement sans difficultés. Le public était déçu de la « démocratie» que les politiciens opportunistes et égoïstes lui ont présentée. A la signature des Accords d’Arusha, les observateurs les plus avertis étaient conscients de la fragilité de ce document détaillé, élaboré avec peine dans le souci de démocratiser la société et les institutions rwandaises, mais rejeté par une partie des protagonistes avant même qu’il ne soit appliqué.
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