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André Durand présente le résumé de ‘’À la recherche du temps perdu’’ (1913-1927) roman de Marcel proust


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André Durand présente
le résumé
de
‘’À la recherche du temps perdu’’

(1913-1927)
roman de Marcel PROUST

(3000 pages)


‘’Du côté de chez Swann’’ : page 2
‘’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’ : page 8
‘’Le côté de Guermantes’’ : page 16
‘’Sodome et Gomorrhe’’ : page 26
‘’La prisonnière’’ : page 36
‘’Albertine disparue’’ : page 44
‘’Le temps retrouvé’’ : page 49

Bonne lecture !

Du côté de chez Swann

(1913)
Roman de 420 pages

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Combray

I
Un jour, le narrateur s'éveille, incertain du lieu où il se trouve. Sa mémoire mise en branle, il revit son enfance à Combray, les réveils de l’enfant nerveux et maladivement attaché à sa mère qu’il était, l’importance qu’il donnait à ses chambres d'autrefois, à Combray, à Tansonville, à Balbec, dans lesquelles, au lieu de dormir, il reconstituait dans son esprit la chambre qui était dans l’obscurité. Il médite sur l’habitude. Il revient sur la difficulté pour lui du coucher du soir à Combray où ses parents, qui vivaient à Paris, son père étant directeur au ministère des affaires étrangères, passaient leurs vacances chez sa tante Léonie, qui ronchonnait, avec la grand-mère, les autres tantes, Céline et Flora, et la servante, Françoise. Pour le distraire de ce chagrin continuel, on avait inventé pour lui une lanterne magique où apparaissait Geneviève de Brabant. Mais l’angoisse le prenait, dès la fin de l’après-midi, à l’idée de « rester sans dormir loin de ma mère et de ma grand-mère ». Il se rappelle des soirées de famille, un petit cabinet sentant l'iris. Il attachait une importance cruciale au baiser du soir que lui donnait sa mère avant qu’il se couchât. Il vivait le « drame de [son] déshabillage ». Un soir qu’on recevait des invités à dîner et qu’on l’avait couché de bonne heure, voulant intensément voir sa mère, il avait pour cela mis en œuvre tous les moyens. La famille recevait l’ingénieur Legrandin, qui « aimait beaucoup les gens des châteaux » mais cachait son snobisme sous une apparence d’indépendance frondeuse, le musicien Vinteuil, petit professeur de musique veuf qui ne vivait que pour sa fille, et surtout leur ami, Swann. Le narrateur s’interrogeait sur la vie mondaine de celui-ci, qui était insoupçonnée de ses parents qui ne voyaient en lui qu’un bon voisin de campagne, et statue : « Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres ». Sa grand-mère lui rapporta sa visite chez la marquise de Villeparisis à Paris, occasion où elle avait été charmée par un giletier et sa fille, mais où, surtout, elle apprit avec étonnement que la marquise connaissait Swann dont d’autres conversations révélèrent qu’il appartenait à une caste supérieure. Aussi le narrateur fut-il de plus en plus intéressé par ce voisin. Pour son éducation, s’opposaient les « principes » de sa grand-mère et ceux de sa mère, tandis que son père avait une conduite arbitraire. Sa grand-mère, qui avait ses idées sur les livres, lui offrit ceux de George Sand et, en particulier, ‘’François le champi’’.



Pour élargir ses souvenirs, il avait recours à « la mémoire volontaire, la mémoire de l’intelligence ». Mais elle ne rend pas la couleur du passé. Cette résurrection de Combray s’est faite plus précise par « la mémoire involontaire » quand, un soir d’hiver, sa mère lui fit prendre du thé ; il porta à ses lèvres « une cuillerée du thé où [il] avai[t] laissé s’amollir un morceau de madeleine ». Il fut alors envahi d’une joie extraordinaire dont il s’efforça de chercher la cause, découvrant alors qu’ainsi tous ses souvenirs de Combray avaient soudain surgi, expérience fondamentale qui lui donna la révélation de ce qui allait lui permettre de retrouver son passé, le temps perdu.
Voir PROUST - La madeleine
II
Le narrateur put donc désormais se souvenir de l’ensemble de la vie d’autrefois à Combray. Il se souvint des deux chambres de sa tante Léonie. Détestant deux catégories de gens qui considéraient de deux façons différentes sa santé, elle n’avait plus de rapports avec le monde extérieur que par sa famille et, surtout, par la servante, Françoise. Il se souvint de la beauté de l'église Saint-Hilaire avec son porche et son clocher. Il se souvint de M. Legrandin, ingénieur à Paris qui n’était là que pendant les vacances, et de sa sœur, Eulalie. Il se souvint des déjeuners du dimanche, d’un coin du jardin, de l'arrière-cuisine, du cabinet de l'oncle Adolphe. Le narrateur avait « l'amour du théâtre », mais se contentait de rêver sur les titres qui apparaissaient sur des affiches. À Paris, chez l'oncle Adolphe, il fit la rencontre d’une «dame en rose » et découvrit que cet oncle était brouillé avec sa famille. Il évoque « la fille de cuisine » que Swann, amateur d’art, appelait « la Charité de Giotto ». Le narrateur passait des après-midis entiers au jardin à lire de grands écrivains. Il était tiré de ses lectures par la fille du jardinier qui venait voir le passage des cuirassiers. Il avait un camarade plus âgé, Bloch (qui, selon Swann, ressemblait « au portrait de Mahomet II par Bellini ») qui lui parla de l’écrivain Bergotte. Mais Bloch ne fut pas réinvité parce qu’il était juif (comme l’était aussi Swann). Le narrateur lut donc Bergotte, découvrit que Swann lui était lié. Celui-ci lui parla de la grande actrice qu’était la Berma. Le narrateur remarquait les façons de parler et le tour d'esprit de Swann. Il rêvait sur sa fille que la famille ne recevait pas. Le curé faisait des visites à sa tante Léonie. Celle-ci donnait une pièce à Eulalie pour, disait-elle « que vous ne m’oubliez pas dans vos prières », mais Françoise trouvait que c’était gaspillé. « Survint une nuit la délivrance de la fille de cuisine ». Sa tante Léonie fit un cauchemar. Le narrateur se souvient des déjeuners du samedi, des aubépines qu’il se plaisait à contempler sur l'autel de l'église, de M. Vinteuil, musicien qui avait été professeur de piano et était venu se retirer à Combray. « Sa seule passion était pour sa fille », qui « avait l'air d'un garçon », avait une « grosse voix ». Le samedi soir, « s’il faisait clair de lune », le père du narrateur faisait faire à la famille une promenade autour de Combray. La tante Léonie, « sans avoir jamais pensé à Louis XIV », respectait « ce que Saint-Simon appelait la ‘’mécanique’’ de la vie à Versailles ». Un jour, M. Legrandin, « marchant à côté d’une châtelaine du voisinage que nous ne connaissions que de vue », avait à peine répondu au salut du père du narrateur ; or « il tonnait contre les snobs » ; n’en était-il pas lui-même un? On pensa envoyer le narrateur en vacances à Balbec pour impressionner ce Legrandin.

Les promenades de la famille pouvaient faire aller soit du côté du manoir de M. Swann (ou côté de Méséglise-la -Vineuse), qui est fait d’immenses paysages de plaines, soit du côté de Guermantes (celui qui allait vers le château de ces nobles qui étaient comtes de Combray) qui est vallonné et arrosé. Mais, si ces deux côtés paraissaient sans communication possible à ses yeux d'enfant, le narrateur constate : « Mais c’est surtout comme à des gisements profonds de mon sol mental […] que je dois penser au côté de Méséglise et au côté de Guermantes. »

En allant du « côté de chez Swann », près du « parc de M. Swann », ils sentaient « l’odeur de ses lilas ». Puis ils passaient par un chemin bordé d’une haie d'aubépines qui, pour le narrateur, « formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir » ; aussi chercha-t-il à « approfondir » leur charme, entrevit-il ainsi que la beauté est derrière les choses ; et ce fut en contemplant longuement « un toit, un reflet de soleil sur une pierre, l’odeur d’un chemin » qu’il espéra les voir s’entrouvrir. Un jour, lui apparut « une fillette d’un blond roux », au « visage semé de taches roses », aux « yeux noirs », qui lui lança un regard étrange et dont il apprit qu’elle s’appelait Gilberte, nom « donné comme un talisman, qui me permettrait peut-être de retrouver un jour celle dont il venait de faire une personne et qui, l’instant d’avant, n’était qu’une image incertaine», car elle a été réprimandée par une « dame en blanc », accompagnée d’« un monsieur habillé de coutil et que je ne connaissais pas, [qui] fixait sur moi des yeux qui lui sortaient de la tête», dont il apprit bientôt qu’il était le baron de Charlus. L’amour naissant du narrateur pour Gilberte tenait au charme du nom de Swann « devenu pour moi presque mythologique ». Mais sa famille déplorait son mariage « au nom de principes et de convenances ». Quand il fallut rentrer à Paris, le narrateur fit ses adieux aux aubépines. Du côté de Méséglise, à Montjouvain, demeurait M. Vinteuil, dont on disait que la conduite de sa fille le rendait malheureux. Le narrateur décrit la pluie, voyant les gouttes d’eau « comme des oiseaux migrateurs qui prennent leur vol tous ensemble ». La famille s’abritait alors souvent sous le porche de Saint-André-des-Champs : « Que cette église était française ! » s’écrie le narrateur car il reconnaissait dans les sculptures Françoise et un jeune garçon de Combray, Théodore. À la mort de sa tante Léonie, Françoise connut une douleur sauvage. Cet automne-là, le narrateur se sentit, lors de ses promenades, exaltaté dans la solitude, constata le désaccord entre nos sentiments et leur expression habituelle : «Les mêmes émotions ne se produisent pas simultanément chez tous les hommes ». En même temps, il sentit « le désir de voir surgir devant moi une paysanne que je pourrais serrer dans mes bras », implorant en vain « le donjon de Roussainville » comme il le faisait autrefois depuis « le petit cabinet sentant l'iris » « au haut de notre maison de Combray ». Un jour, se trouvant à Monjouvain, près de la maison de M. Vinteuil, après la mort de celui-ci, d'un talus par une fenêtre ouverte, il vit sa fille avoir avec son amie une « familiarité rude et dominatrice » et cracher sur le portrait de son père.

En allant du côté de Guermantes, « on y avait presque tout le temps à côté de soi le cours de la Vivonne », dans les petits étangs de laquelle s’étendaient « de véritables jardins de nymphéas ». Mais jamais les promeneurs ne purent pousser jusqu’à Guermantes, ne purent voir le duc et la duchesse de Guermantes que le narrateur n’imaginait que comme des personnages de tapisseries ou de vitraux, à la façon de Geneviève de Brabant, « ancêtre de la famille de Guermantes », des personnages inaccessibles et merveilleux qui le fascinaient. Le narrateur découvrit le rôle que ces deux « côtés » allaient avoir dans sa vie future. Il espérait, après avoir écrit des poèmes, être reçu de la duchesse, car il rêvait de devenir un écrivain ; mais il se décourageait « de trouver un sujet où [il pût] faire tenir une signification philosophique infinie ». La duchesse de Guermantes vint « pour assister au mariage de sa fille », et il put, dans la chapelle de Gilbert le Mauvais, apercevoir « une dame blonde avec un grand nez, des yeux bleus et perçants, une cravate bouffante en soie mauve, lisse, neuve et brillante, et un petit bouton au coin du nez ». Il avait déjà des velléités « littéraires », essayait de se souvenir d’impressions de forme, de parfum, de couleur, mais doutait de son talent. Un jour, cependant, le docteur Percepied l’ayant fait monter dans sa voiture, il aperçut à l’horizon l’apparent déplacement des « deux clochers de Martinville » par rapport à « celui de Vieuxviq ». Il chercha à déterminer « la raison du plaisir qu’[il] avai[t] eu », et en écrivit une description, première joie de la création littéraire. Mais elle fut assombrie par la pensée de devoir bientôt aller se coucher. Il se demanda si la réalité ne se forme que dans la mémoire.



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II
‘’Un amour de Swann’’
Roman de 250 pages
Les riches bourgeois snobs et vulgaires que sont les Verdurin ont réuni autour d’eux un « petit noyau » de « fidèles » entichés de bohème et dédaigneux des gens du monde. Ils sont toujours prêts à encenser les maîtres de maison, en particulier madame Verdurin qui était «ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment, sanglotait d'amabilité». Fait partie du « clan » « une personne presque du demi-monde », Odette de Crécy, qui leur dit « avoir fait la connaissance d’un homme charmant, M. Swann, et insinua qu’il serait très heureux d’être reçu chez eux.» Swann est l'homme le plus élégant de sa génération, « un monsieur du Jockey, ami du prince de Galles », un grand bourgeois supérieurement intelligent, un être fin et distingué, un amateur délicat et un esthète passionné d'art, dont l'activité principale est l'étude de grands maîtres de la peinture, en particulier Vermeer de Delft, et certains maîtres italiens dont Botticelli, Ghirlandajo, Tintoret, un écrivain raté qui, certes, écrit, publie des articles élégants, mais n'achève pas son essai sur Vermeer. Il « aimait les femmes » et « avait connu à peu près toutes celles de l’aristocratie », menant une « carrière mondaine où il avait gaspillé dans les plaisirs frivoles les dons de son esprit » ; aussi s’intéressait-il maintenant à des femmes « d’humble condition ». Pourtant, à leur première rencontre, dans une soirée musicale et mondaine, Odette lui apparut « non pas certes sans beauté, mais d’un genre de beauté qui lui était indifférent ». Mais il était à un « âge déjà un peu désabusé » « où l’on sait se contenter d’être amoureux pour le plaisir de l’être ». Comme elle l’invitait à venir chez elle, lui affirmant : « Je serai toujours libre pour vous », « il avait allégué une étude - en réalité abandonnée depuis des années - sur Ver Meer de Delft » ; et elle, qui trouvait l'art bête et ennuyeux, lui déclara : «Vous allez vous moquer de moi, ce peintre, je n'avais jamais entendu parler de lui ; vit-il encore?» Cependant, il essaya de se faire introduire chez les Verdurin par le grand-père du narrateur de ‘’Combray’’ qui ne cacha pas son mépris : «Ah bien ! Nous allons avoir de l'agrément si Swann s'affuble des petits Verdurin !» Parmi les « fidèles » se trouvait le docteur Cottard, un homme peu assuré, qui manquait de « sens critique », qui se souciait de bien employer les locutions de la langue française. Il y avait aussi un pianiste auquel on fit jouer, pour Swann, une « sonate en fa dièse ». On le fit s’asseoir à côté d’Odette sur un canapé dont il savait que c’était un « Beauvais ». Or il reconnut, dans cette sonate, une phrase « aérienne et odorante » qu’il avait déjà entendue l'année précédente et qui l’avait ému. On lui apprit que c’était la « Sonate pour piano et violon » d’un certain Vinteuil dont il se demanda si c’était celui de Combray. Swann fut alors jugé charmant par Mme Verdurin. Mais ses « amitiés puissantes » produisirent sur elle un mauvais effet. Odette lui avait déclaré : « Je serai toujours libre pour vous», mais il tint à lui montrer « qu’il y avait des plaisirs qu’il préférait à celui d’être avec elle » « en consentant seulement à la retrouver après dîner » car il était épris « d’une petite ouvrière fraîche et bouffie comme une rose ». Cependant, quand ils allaient chez les Verdurin, le pianiste leur jouait la petite phrase de Vinteuil, «qui était comme l’air national de leur amour ». Elle donnait tous les signes du grand amour, le courtisait habilement et le transformait peu à peu en une sorte d'esclave d'elle-même et des Verdurin avec lesquels, cependant, il avait peu de points de communication. Un soir qu’il la raccompagnait chez elle, elle cueillit « un dernier chrysanthème » qu’il « enferma précieusement dans son secrétaire ». Mais il se contenta longtemps de « prendre le thé » chez elle. À sa seconde visite, « elle frappa Swann par sa ressemblance avec cette figure de Zephora, la fille de Jéthro, qu’on voit dans une fresque de la chapelle Sixtine » et qui est de Botticelli, et il se dit que « cette ressemblance lui conférait à elle aussi une beauté, la rendait plus précieuse. » Cependant, il commençait à se lasser d’elle, et il lui envoya « une lettre pleine de déceptions feintes et de colères simulées », et elle lui répondit par une lettre amoureuse écrite à la maison Dorée, le jour de « la fête de Paris-Murcie ». Mais, un soir, arrivant chez les Verdurin après le départ d'Odette, il fut surpris par « la nouveauté de la douleur au cœur dont il souffrait » ; et il la chercha avec angoisse dans la nuit, découvrant le besoin qu'il avait d'elle. Il Ia retrouva et elle lui donna un prétexte de son absence. Elle « tenait à la main un bouquet de catleyas », avait « dans les cheveux des fleurs de cette même orchidée », et d’autres étaient enfoncées « à l’ouverture du corsage décolleté » qu’il tint à remettre droites. Aussi finit-il « par la posséder ce soir-là » et, désormais, ils allaient appeler faire l’amour « faire catleya ». Il lui demandait de jouer « la petite phrase de la sonate de Vinteuil qui continuait à s’associer pour lui à l’amour qu’il avait pour elle ». S’il se rendait compte de sa vulgarité, de son souci du « chic », il se plaisait à adopter ses goûts au point de juger les Verdurin des « êtres magnanimes » pour lesquels, cependant, il n’était pas un vrai « fidèle ». Ainsi, il se sentit étranger lors d’un dîner chez eux, où Cottard fit encore de ses « calembours stupides », où le professeur de la Sorbonne, Brichot, fit des plaisanteries « pédantesques, vulgaires et grasses à écoeurer », où il voulut plutôt converser avec un peintre, M. Biche, qui cependant se montra lui aussi populacier. Était présent « ce Forcheville qu’Odette avait eu la singulière idée d’amener », qui était fort vulgaire, qui reprocha à Swann de fréquenter des aristocrates, ce qui déplaisait aux Verdurin qui se proposèrent de favoriser cette nouvelle liaison d’Odette. Swann ignorait encore la disgrâce dont il était menacé. Très rapidement, Odette se montra indifférente, distraite, irritable, se déroba à son amour : elle lui donna des rendez-vous auxquels elle ne se rendit pas, elle prétexta une migraine pour ne pas le recevoir, refusa de se montrer en public avec lui. Toutes ces attitudes engendrèrent chez Swann un vif sentiment d'inquiétude et de jalousie. Un soir, renvoyé par Odette à minuit, il revint chez elle, crut frapper à sa fenêtre mais se trompa de fenêtre. Cette jalousie, « l’ombre de son amour », réapparut quand il surprit un sourire complice d’Odette pour Forcheville alors que celui-ci se moquait d’un autre « fidèle ». Un jour, rendant à sa maîtresse une visite impromptue au milieu de l’après-midi, « il sonna, crut entendre du bruit, entendre marcher, mais on n’ouvrit pas. » Il alla par-derrière frapper aux carreaux d’une fenêtre, mais on n’ouvrit pas davantage. Étant revenu une heure plus tard, il fut reçu normalement par Odette qui lui dit avoir bien entendu sonner et frapper alors qu’elle dormait et que, quand ellle était venue ouvrir, il était déjà parti. Swann en conclut qu’elle lui mentait avec ce trouble qui, chez elle, accompagnait le mensonge quand elle essayait d’y faire entrer un fragment de vérité destiné à l’authentifier. Une autre fois, il déchiffra à travers l'enveloppe une lettre d'elle à Forcheville. Les Verdurin organisèrent sans l’inviter une partie à Chatou. Il fut indigné contre eux, qui lui reprochaient son manque d'admiration pour les choses médiocres et qui l'invitèrent de moins en moins puis l’exclurent de leur salon. Il continua à combler Odette de présents et d'argent, ne recevant en retour que mépris et absence. « Alors ce salon qui avait réuni Swann et Odette devint un obstacle à leurs rendez-vous. » Mais il mit « la même passion à chercher à la capter ». Une nuit, il l’attendit, mais « elle n’avait même pas pensé à lui ». Une autre fois, elle fit aussi entrer chez elle avec lui Forcheville. À certains moments ses soupçons se calmaient ; à d’autres « sa douleur le reprenait, il s’imaginait qu’Odette était la maîtresse de Forcheville ». La tendresse succédait à la jalousie : « Penser que, pas plus tard qu’hier, comme elle disait avoir envie d’assister à la saison de Bayreuth, j’ai eu la bêtise de lui proposer de louer un des jolis châteaux du roi de Bavière pour nous deux ». Il prenait d’éphémères résolutions de rester quelque temps sans la voir. Mais cet amour, « qui s’étendait bien au-delà des régions du désir physique », le faisait s’interroger sur « le mystère de la personnalité ». Il se servit de M. de Charlus et de l'oncle Adolphe pour pouvoir la voir car, pour se soustraire à lui, « elle invoquait les convenances ou prétextait des occupations », bien que, quand « il avait abusé de sa patience », il lui envoyait quatre mille francs. Il en vint à désirer la mort. Il évitait de comparer à l'Odette d'aujourd'hui l'Odette amoureuse d'autrefois ; mais « sa si précautionneuse prudence fut déjouée un soir qu’il était allé dans le monde. C’était chez la marquise de Saint-Euverte. » Car il avait recommencé à fréquenter les salons de l’aristocratie, où il pouvait goûter plus d'esprit tout en n'étant pas dupe, là non plus, du snobisme. Chez la marquise de Saint-Euverte, détaché, par son amour et sa jalousie, de la vie mondaine, il put l'observer en elle-même, « comme une suite de tableaux » : les valets de pied ; les monocles ; la marquise de Cambremer et la vicomtesse de Franquetot écoutant le ‘’Saint-François’’ de Liszt ; Mme de Gallardon, cousine dédaignée des Guermantes ; la princesse des Laumes qui conversa avec lui. Il présenta la jeune Mme de Cambremer (Mlle Legrandin qui était devenue, par son mariage avec un hobereau « bas-normand », marquise de Cambremer) au général de Froberville. Brusquement, dans ce milieu si étranger à Odette, il entendit de nouveau la fameuse phrase musicale de «la sonate de Vinteuil», compositeur en qui il sentait un «frère inconnu et sublime qui, lui aussi, avait dû tant souffrir». Mais cette phrase, qui était sans pitié pour la détresse présente de Swann, lui rendit tous les souvenirs du temps où elle l'aimait, d’où des réflexions sur la mémoire involontaire et la mémoire de l'intelligence, sur le langage de la musique. En lui faisant revivre le temps de l'amour d'Odette, la petite phrase apprit à Swann que cet amour ne renaîtrait jamais. Il se remit à son étude sur Ver Meer, et, s’appuyant sur sa fortune, sur son amitié pour M. de Charlus, sur son intelligence, petit à petit, il se guérit de cet amour néfaste, et se dit : « On ne connaît pas son bonheur. On n’est jamais aussi malheureux qu’on croit. » Il « sentait bien près de son cœur ce Mahomet II dont il aimait le portrait par Bellini et qui, ayant senti qu’il était amoureux fou d’un de ses femmes, la poignarda afin, dit naïvement son biographe vénitien, de retrouver sa liberté d’esprit. » Il en vint à souhaiter qu’Odette trouvât la mort dans un accident puisqu’elle voyageait, allant en Égypte avec Forcheville. Or la rumeur lui apprit qu'elle était bien peu digne de son intérêt : elle aurait mené une vie plus que galante à Nice, dans des villes d'eaux. S'il la questionnait à ce sujet, elle mentait effrontément, et il avoua que, plutôt que de vivre ce tourment, il préfèrerait être frappé d'une maladie mortelle. « Un jour, il reçut une lettre anonyme qui lui disait qu’Odette avait été la maîtresse d’innombrables hommes […], de femmes et qu’elle fréquentait les maisons de passe. » Il se demanda lequel de ses amis avait pu la lui envoyer. « Quant au fond même de la lettre, il ne s’en inquiéta pas. » La lecture d’un titre de pièce de théâtre, « Les Filles de marbre », lui fit se souvenir que Mme Verdurin avait dit à Odette : « Prends garde, je saurai bien te dégeler, tu n’es pas de marbre», qu’Odette lui avait dit : « Oh ! Mme Verdurin, en ce moment il n’y en a que pour moi, je suis un amour, elle m’embrasse, elle veut que je fasse des courses avec elle, elle veut que je la tutoie. » Il s’était demandé si Odette pouvait éprouver « une tendresse exaltée pour une autre femme ». Le nom d’une localité, Beuzeville-Bréauté, le fit penser à M. de Bréauté qui, selon la lettre, avait été l’un de ses amants. Sa jalousie le conduisit à penser que la possession d'un autre être est toujours impossible. Inquiet, il interrogeait continuellement Odette ; la crainte de mensonges passés vint corrompre jusqu'à ses souvenirs : dès lors « il regarda mourir leur amour». Cédant à ses questions pressantes, Odette lui avoua avoir eu une aventure avec une femme dans l'île du Bois, au clair de lune. Il se trouva ainsi précipté dans « ce nouveau cercle de l'enfer ». Il était victime de la terrible puissance recréatrice de la mémoire. Comme il voulait savoir « si elle n’avait jamais été chez des entremetteuses », elle lui répondit : « Oh ! non ! Ce n’est pas que je ne sois pas persécutée pour cela ». Il voulut savoir si elle n’avait pas déjeuné avec Forcheville à la Maison Dorée, « le jour de la fête de Paris-Murcie où il avait reçu d’elle la lettre qu’il avait si précieusement gardée »? Elle reconnut qu’elle était avec Forcheville, mais pas à la Maison Dorée. Peu à peu, toutefois, il lui devint possible de songer, sans trop souffrir, à tel nom, à tel décor du temps heureux, car il en vint à cette réflexion : « Ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, n'est pas une même passion, continue, indivisible. Ils se composent d'une infinité d'amours successifs, de jalousies différentes et qui sont éphémères, mais par leur multitude ininterrompue donnent l'impression de la continuité, l'illusion de l'unité». Les élans d'Odette lui parurent suspects. « Quelquefois il allait dans des maisons de rendez-vous, espérant apprendre quelque chose d’elle, sans oser la nommer cependant. » Il eut ainsi une « belle conversation» avec une fille. Odette partit en croisière avec les « fidèles». Mme Cottard lui assura qu'Odette l'adorait. Mais l'amour de Swann le quitta ; il ne souffrit plus quand il apprit que Forcheville avait été son amant. Cependant, sa jalousie revint dans un cauchemar. Il se prépara à partir pour Combray pour y revoir le paysage et le jeune visage de Mme de Cambremer qui lui avait semblé charmant chez Mme de Saint-Euverte, car « les intérêts de notre vie sont si multiples qu’il n’est pas rare que dans une même circonstance les jalons d'un bonheur qui n'existe pas encore soient posés à côté de l'aggravation d'un chagrin dont nous souffrons». Avant son départ, « il repensa à son rêve » où il avait revu « l'image première », et observa : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir pour une femme qui ne me plaisait même pas, qui n'était pas mon genre ! »

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