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Forces et faiblesses du leadership hutu de 1959


Il est habituellement dit que le succès du Parmehutu est dû en grande partie à l’utilisation justement du terme hutu, comme élément de mobilisation de la masse illettrée. Le terme hutu aurait rallié à ce parti de nombreux membres du groupe social du même nom. C’est vrai, mais le terme hutu en lui-même était loin d’être ni nécessaire ni suffisant. Par contre, ce terme a trop bien servi l’ethnisme qui s’est bâti sur base des ethnies. Ce terme hutu a servi à polariser ce phénomène ethniste. Sur le plan purement politique, d’autres facteurs ont joué et ont contribué à donner à ce parti la force qu’il a eue et qu’il aurait eue même s’il n’avait pas porté le nom à connotation hutu. Ces facteurs sont : l’existence d’un réel malaise, la forte organisation des réseaux de mobilisation, la négociation intelligente d’alliances utiles et l’exploitation des faiblesses de l’adversaire. Le premier facteur est l’existence d’un malaise. Depuis quelque temps en effet, il y avait des discussions entre différents courants autour des injustices, des inégalités et même du fameux problème hutu-tutsi. La lutte était réelle. L’élite hutu, plus que toute autre était conscientisée. Elle avait même écrit et publié de nombreux document dénonçant le monopole politique tutsi. Tous ces écrits démontraient et montraient l’existence d’un malaise profond ; ce dernier n’était pas imaginaire. Le problème d’exclusion existait réellement. La force de l’élite hutu est de l’avoir canalisé. Mais n’importe quelle autre élite, sans être nécessairement hutu, qui aurait su canaliser ce malaise aurait constitué une force incontestable. Un bon leardship qui aurait pu saisir ce malaise et l’orienter dans la bonne direction, sans devoir utiliser le terme hutu, aurait pu avoir un succès réel. Il n’en a pas été le cas malheureusement : l’élite hutu s’en est saisi- ce fut sa force – mais elle l’a orienté vers l’ethnisme. Ce fut son irrémédiable échec. Que ce soit l’élite hutu qui ait canalisé ce malaise, c’est probablement par ce qu’elle l’ait orienté vers l’ethnisme, ce qu’elle manquait de culture politique juste et saine. Cette élite du Parmehutu avait des ouillères ethniques qui l’ont rendue bornée et étroite d’esprit incompatible avec un esprit nationaliste et patriotique. Un autre facteur qui a facilité l’adhésion massive de la messe hutu aux idées de Parmehutu est l’organisation bien structurée de ce parti à travers tout le pays. Kayibanda et ses collègues ont su se servir intelligemment du réseau de nombreuses associations, apparemment inoffensives, œuvrant dans toutes les paroisses du pays. Elles avaient généralement un caractère socio-économique et religieux. La force de Kayibanda est de leur avoir donné une dimension politique après les avoir infiltrées complètement. Une fois acquise à sa cause, ces associations ont été des instruments efficaces de mobilisation, de sensibilisation et de conscientisation politique. Les évoluée, qui les encadraient, une foi engagés, ne pouvaient qu’entraîner une grande masse derrière eux. Même si l’appellation du parti de Kayibanda avait été autre que Parmehutu, il est sûr que cette organisation et cet encadrement auraient entraîné l’adhésion massive aux idées d’égalité de libertés et de démocratie. L’appellation du Parmehutu, en tant que telle n’était ni nécessaire ni suffisante. Par contre cette appellation de Parmehutu par sa connotation ethniste portait ombrage à l’idée de démocratie dont ce parti se disait promoteur. C’est d’ailleurs pour cela que le leadership du Parmehutu a senti un certain moment le besoin de l’exorciser et de l’appeler «Mouvement Démocratique Républicain»(MDR). L’appellation Parmehutu subsista parce que son idéologie fondamentale se voulait ethniste et sectaristes. Le troisième facteur qui a facilité le travail de mobilisation du Parmehutu est la nature même de l’Unar son principal adversaire. L’UNAR était issu du pouvoir indigène. Or ce pouvoir n’était pas vierge. Il avait collaboré, des années durant, avec la colonisation pour asseoir un système de domination, d’exploitation et de violence inhérente à toute colonisation. Ce pouvoir indigène avait été surtout son bras droit et son fer de lance dans l’imposition de violences et d’injustices de toute sorte. Quand le vent indépendances s’engouffra dans notre pays, les même gens qui avaient fait des exactions inqualifiable et qui avaient bénéficié des miettes du pouvoir colonial se présentés comme des défenseurs attitrés et des champions autorisés des libertés, des droits et de l’indépendance. Ils se sont présentés comme de nouveaux convertis pour dénoncer le système qu’ils avaient servi et qu’ils servaient toujours d’ailleurs. A court terme, leur discours n’était pas crédible. Non pas que leur message soit faux. Non, l’indépendance était nécessaire juste et correct s’étaient longtemps compromis auprès de ce même peuple auquel ils s’adressaient. Il est clair que si ce discours avait été présenté par un leardership moins compromis, il aurait eu meilleur soutien.

Un des éléments qui a contribué à la victoire du Parmehutu- Aprosoma est que les promoteurs de ce parti étaient vierges. Ils ne s’étaient compromis en quoi que ce soit. Ils se n’ont pas été suivi nécessairement parce qu’ils étaient hutu, mais parce que leur approche anti-régime traditionnel était un réel atout. Le pouvoir qui avait collaboré, 50 ans durant, avec la colonisation était réellement impopulaire à cause des exactions passées. Tous les tenants de l’anti-régime sans être nécessairement hutu étaient des bienvenus aux yeux du peuple. Ceux qui se sont présentés, les promoteurs de l’Unar, semblaient dire : «Bon peuple, écoutez ce que je dis et ce que je promets avec l’indépendance mais ne pensez plus à ce que j’ai fait dans le passé. Oubliez-le. Désormais je serai bien avec vous». Oui …mais, le passé nous poursuit ! Le discours juste et nécessaire de l’Unar ne rassurait pas une partie du peuple à cause du passé de ses promoteurs. L’Unar et l’élite tutsi ne pouvaient bénéficier de l’indépendance qu’avec la complicité des colonisateurs, ex-alliés de cette même élite. Toute autre voie, c’est-à-dire la voie armée exigeait des grands moyens propres ou l’alliance et la collaboration totale, longue et prolongée avec la masse du peuple, élite hutu y comprise. Le choix était donc clair ou bien l’élite de l’Unar devait accepter de recevoir du colonisateur une «indépendance octroyée» gratuitement ou bien elle devait « arracher l’indépendance» en payant le prix nécessaire. Cette dernière option des moyens dont ne disposait pas l’Unar. Ce fut sa faiblesse. Le parti Parmehutu quant à lui a choisi la première option : une indépendance octroyée. Il a accepté de payer le prix trop élevé : la négation de l’unité du peuple rwandais, l’ethnisme et la soumission totale aux intérêts occidentaux. Ce fut son échec. Le dernier atout dont a bénéficié l’élite du Parmehutu- Aprosoma est justement l’appui de l’Eglise catholique et de l’Administration coloniale. L’Eglise a mis ses moyens, qui sont immenses, à la disposition de cette élite. L’Administration coloniale lui a prêté main forte sur plan aussi bien militaire que politique, administratif et même conceptuel.


L’alliance de ces deux puissances avec l’élite hutu déséquilibrait les rapports de force en faveur du Parmehutu- Aprosoma. Sa victoire physique était certaine que la cause soit juste ou non, que l’appellation soit hutu ou non. Plus grave, l’Eglise et le pouvoir colonial n’ont pas défendu la cause «hutu» parce que hutu. Non, ils s’en moquent éperdument. Ils ont appuyé l’élite hutu parce que cette dernière donnait des assurances quant à la protection des intérêts occidentaux. C’est un problème d’intérêts froids et bien calculés. Si l’élite tutsi avait donné des garanties suffisantes, elle aurait été aidée d’autant plus facilement qu’elle avait été associée avec ces deux puissances à la cogestion de la chose politique depuis plus de 50ans. Elle n’a pas su donné ces garanties et l’élite hutu lui a pipé le pion. Et ça a basculé. La faiblesse du Parmehutu réside dans son système idéologique. Kayibanda et ses compagnons n’avaient pas une culture politique. Kayibanda avait une culture religieuse, de moine rigoureux et peu tolérant. Il lui manquait l’essentiel : le sens de la Nation, le sens de l’Etat ; il n’a pas été un vrai chef d’Etat mais un chef de tribu et il a élaboré une idéologie à sa mesure. Quoiqu’il préconisait des réformes sociales, égalitaristes et même démocratiques, il n’était pas un vrai démocrate, ni un vrai défenseur des droits de la personne, ni encore moins un vrai révolutionnaire. Il avait une fausse idée de la démocratie, une fausse idée des droits et des libertés : l’idée qu’il s’en faisait était dévoyée. Le système mis en place par le Parmehutu a enseigné «le droit» de tuer impunément les Tutsi, d’exproprier et de saccager leurs biens. Il a inculqué à la masse hutu l’idée d’exterminer les Tutsi au nom de la soi-disant démocratie. Les vrais démocrates luttent pour la protection des individus contre l’arbitraire. Kayibanda et son système utilisaient l’arbitraire contre une partie de son peuple. La culture de l’égalité, de la démocratie, des libertés était une idée neuve au Rwanda. Kayibanda comme leader politique a largement influencé la mauvaise compréhension de ces concepts nouveaux par la masse ordinaire. C’est une conception erronée que cette masse a retenue : la majorité démocratique a été confondue avec la majorité ethnique, les Tutsi ont été considérés comme des citoyens de seconde zone avec des libertés et des droits limités sinon nuls. Tout ceci au nom de «la démocratie». En enseignant le droit de tuer en toute impunité, le système Parmehutu a tué la notion même de liberté qui est fondamentalement la base de la démocratie. Il n’y a pas de démocratie sans libertés. La Parmehutu a inculqué dans la tête des gens, des Hutu en particulier, une anti-valeur : l’ethnisme. Sans le vouloir ou peut être sans le savoir, les promoteurs de ce système ont favorisé la déréglementation du comportement des gens, principalement des Hutu. Cette déréglementation était considérée comme «normale» chaque fois qu’elle était dirigée contre les Tutsi. On ne peut impunément cultiver l’impunité. Paradoxalement, en instaurant un système politique à base ethnique Kayibanda mettait en place à son tour un système fermé. Un tel système, nous l’avons dit, est toujours condamné d’avance. Avec un pareil système, Kayibanda ne pouvait libérer le «peuple hutu» qu’il prétendait libérer. Au contraire il l’a aliéné. Il l’a rendu étranger aux valeurs intrinsèquement justes comme la démocratie et la liberté parce qu’il lui a inculqué une fausse notion de ces grandes idées. L’erreur de Kayibanda est si profonde qu’il a essayé de faire croire au peuple rwandais que par nature les Hutu sont plus démocrates, plus républicains que las Tutsi. Ces derniers seraient monarchistes par nature. Une telle approche est profondément raciste. Kayibanda a mis en place un système essentiellement raciste qui fut à la base du génocide rwandais. A force de nier les droits, des Tutsi, il leur a nié le droit à la vie. Il ne restait qu’une effroyable mise en exécution que du reste il a commencée mais pas achevée. Les héritiers de son système, les membres du MRND-CDR et du Hutu Power, s’en chargeront proprement en 1994.



  1. CONCLUSION

Nous nous étions proposé, au début de cet article, de montrer les échecs et les réussites des Partis politiques rwandais de 1956-1962. Nous voulions montrer les relations, le lien direct entre l’échec de ces partis et le génocide de 1990-1994. En réalité le génocide est un échec qui dépasse celui des partis politiques rwandais. Il l’est aussi pour la communauté internationale, pour la nation rwandaise et pour toutes les personnes éprises de justice, de liberté, d’égalité, de respect des droits et des libertés fondamentaux des gens. Personne n’en est sorti agrandie, mais amoindrie est rapetissée. Les racines lointaines de cette catastrophe se trouvent dans la colonisation. Cette dernière véhiculant l’idéologie raciste du 19ème siècle, a introduit dans notre pays des théories et des pratiques racistes. Après avoir désintégré la société nationale, elle lui a inoculé la culture de l’exclusion politique. Cette exclusion frappait les Hutu. Plus grave, ce racisme importé fut institutionnalisé. Une des caractéristiques du système précolonial rwandais était sa flexibilité, c'est-à-dire sa capacité de coopter des Tutsi. Il associait facilement au pouvoir des éléments venant des couches inferieures de la société. Le système créait des Tutsi par trois mécanismes conjoints : associer les intéressés au pouvoir central, leur faire adopter la culture de l’économie-vache et la femme tutsi. On se souvient que ces trois facteurs ont été manipulés par la colonisation pour affirmer que c’est par eux que les Tutsi, présentés comme une race étrangère de conquérants, ont imposé leur hégémonie sur le peuple autochtone hutu. En réalité, ces facteurs constituaient un mécanisme d’intégration et de symbiose entre les différentes couches sociales de la population. Ils rendaient ouvertes les frontières entre les trois catégories de la hiérarchie sociale traditionnelle : Tutsi, Hutu, Twa. Par exemple, les Basyette sont des Tutsi d’origine twa. Des milliers d’autres familles sont d’ethnie hutu ou tutsi non originelle mais acquise au cours des âges. Le système était dynamique et ouvert. Pouvoir, vache et femme tutsi sont les trois principaux facteurs qui faisaient passer n’importe qui de son statut ordinaire au statut supérieur. L’inverse était aussi vrai. Si du statut supérieur, on perd le pouvoir, la richesse et qu’on épouse la femme du rang inférieur, on devient associé à la catégorie de ce rang inférieur. La mobilité sociale était paradoxalement facteur de stabilité de ce système traditionnel.


Ceci explique d’ailleurs pourquoi une couche toute réduite a pu se maintenir au pouvoir pendant des siècles sans qu’il ait des bouleversements importants alors qu’elle ne disposait pas de technologies supérieures à celles des gens ordinaires. Ses atouts se trouvent dans son idéologie unificatrice, dans son organisation, et sa flexibilité. Le système pouvait adopter n’importe qui et le transformer en noble tutsi. La colonisation a bloqué cette flexibilité. Elle a rendu rigide le système. Elle a introduit deux éléments nouveaux : la fixité et l’exclusion sur base ethnique. La carte d’identité a été l’outil de fixation, et l’Ecole des enfants de chefs celui de l’exclusion des Hutu. Cette exclusion à base ethnique a eu des répercussions importantes et déterminantes au moment de l’éveil politique de notre élite vers des années 1948-1957, et de la création des partis politiques rwandais en 1959.
Cet éveil politique de l’élite rwandaise s’est réalisé sur fond raciste et ethniste. Cette élite était devenue bicéphale. Il y avait, grosso modo, d’une part les Tutsi au pouvoir et d’autre part, les Tutsi au pouvoir et d’autre part, les Hutu évolués exclus du pouvoir sur base des préjugés racistes de la colonisation. L’élite de l’Unar qui se recrutait principalement dans la fraction dirigeante tutsi eut trois faiblesses : au niveau de ses idées-forces, de ses stratégies et de ses moyens. Cette élite indépendantiste et nationaliste n’a pas suffisamment intégré dans ses idées-forces la lutte contre la fixité et l’exclusion. Les idées-forces de l’Unar étaient donc fortement incomplètes. Quant aux moyens, l’Unar n’a pas pu réaliser son projet de libération, car il s’agissait de cela, car il ne disposait ni des moyens propres ni d’alliances nécessaires. Il n’a pas pu avoir l’appui entier et total des bénéficiaires de son projet, c’est-à-dire le peuple rwandais contre les colonisateurs. L’indépendance-libération était fonction de la coalition du peuple rwandais avec l’Unar. Celui-ci n’est pas parvenu à faire participer tout le peuple à son projet politique pour la lutte de libération et la conquête de l’indépendance. Il n’a pas su concevoir une stratégie ad hoc. Ce fut son échec.
En général, des gens disent que la fraction dirigeante tutsi ne jouait qu’un rôle mineur de simples exécutants dans le système féodo-colonial qu’elle servait. Ce complexe d’innocence est tissé de gros fil blanc parce que, justement, l’exécutant comme courroie de transmission fait partie du système qu’il sert. Ensuite et surtout parce que l’exécutant qui veut s’émanciper doit se préparer en conséquence. L’Unar ne l’a pas fait. C’est une autre faiblesse. Le Parmehutu-Aprosoma a eu dès le départ une idée de libération dévoyée : la démocratie à base ethnique. Kayibanda, en fait, a récupéré le racisme colonial, en a extrait une idéologie ethniste qu’il a institutionnalisé à son tour. Du racisme colonial du début de la colonisation à la pratique féodo-colonio-raciste de la période 1930-1956, on arriva au néo-racisme hutu de 1959 à la période post-indépendance. La démocratie eut une connotation ethnique. Son sens premier fut détourné. La démocratie signifia alors la possibilité de tuer le Tutsi en tout impunité. Mais en tuant le Tutsi, la démocratie n’a pas gagné. Ni le Parmehutu, ni la République, ni personne. Ce qui s’est passé est simplement la rupture du contrat social entre Hutu et Tutsi. Une fois la rupture consommée, toutes les violaces, y compris le génocide, étaient du domaine du possible. Le plus grand tort que Kayibanda a fait aux Rwandais en général et aux Hutu en particulier est d’avoir produit une idéologie ethniste qui associe le terme hutu au terme génocide et qui a fait croire à des Hutu qu’il y avait entre eux solidarité et interdépendance dans le bien comme dans le mal. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les planificateurs du génocide : entrainer le plus possible de Hutu dans ce macabre besogne.
Des milliers et des milliers de Hutu ont alors répondu à l’appel par la soi-disant solidarité, par conformisme, par complaisance et par la soi-disant solidarité, par conformisme, par complaisance et surtout par fidélité et sympathie. Des braves gens, d’ordinaire irréprochables, se sont métamorphosés en monstres génocidaires. D’autres, comme la hiérarchie catholique, qui en avaient les moyens n’ont pas voulu s’opposer à cette folie collective faite au nom des Hutu. C’est pourquoi le génocide a semblé recueillir l’unanimité sur tout le territoire national. On fit silence complice sur l’inqualifiable horreur. Le terme «démocratie», dans la pensée du Parmehutu, n’a pas été synonyme de libération. Et c’est ici où Kayibanda et le Parmehutu ont eu une grande responsabilité. Au lieu de dépasser le système colonial ethniste, ils n’ont fait que le récupérer et assurer sa pérennité. Ils n’ont pas pu le libérer de son carcan raciste. Au contraire, ils en ont perpétué l’héritage. Or le système mis en place par la colonisation, avec ses théories et ses pratiques ethniste, n’était pas une fatalité. Il n’impliquait pas un déterminisme incontournable. C’est pour cette raison qu’il n’est pas correct de dire que tous nos malheurs nous viennent de la colonisation. L’élite dirigeante rwandaise, principalement Kayibanda et ses héritiers politiques, en ont une très grande responsabilité. Ils ont transformé le racisme colonial en ethnisme post-colonial. Et ils l’ont institutionnalisé. On pouvait le dépasser et s’en débarrasser. C’était le seul salut du Rwanda. Mais personne ne l’a fait. Le pays a manqué d’hommes politiques de grand calibre susceptibles de le faire sortir du pétrin ethniste dans lequel la colonisation l’avait fourvoyé.
Les héritiers de la 1ère République de Kayibanda sont Habyarimana et le MRND. Ce dernier parti a maintenu l’héritage du Parmehutu à savoir le sectarisme, l’exclusion et l’ethnisme. Il y a ajouté deux éléments nouveaux : le mensonge et la figuration à travers un discours centré sur «l’unité nationale» et l’équilibre ethnique. Mais en réalité il a utilisé l’ethnisme comme système de conservation du pouvoir. Et quand il a senti le vent de démocratisation lui dérober le sol sous les pieds, il a mis en marche la machine du génocide. Ce dernier, comme un prêt-à-porter, avait été élaboré par le Parmehutu-Aprosoma et déposé dans les tiroirs des dirigeants ethnistes hutu. Ils s’en ont servi, le moment venu, pour achever leur effroyable forfait.
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Notes bibliographiques
1° Institut Royal des Relations internationales, chronologie de politique étrangère, Volume XVI, N° 4-6, Bruxelles, juillet-décembre 1963, p. 536.

2° Idem, p. 541.

3° Idem, p.542.

4° Idem, p. 546-556.

5° Nkundabagenzi, F.., Rwanda Politique 1956-1960, les Dossiers du C.N.I.S.P., Bruxelles juillet 1961, p. 20.

6° Exposé des Représentants Bahutu et certains autres Bahutu, in Conseil Supérieur du Pays, Quinzième session du 19 au 29 mai et du 9 au 12 juin 1958, annexe I, p. 1,4-8,10,11,13.

7° Questions Muhutu-Mututsi, Idem, Quinzième session du 9 au 12 juin 1958, p.3.

8° Protestations des Bahutu contre l’intervention de Gitera, Idem, Annexe III, p.1 à 12.

9° Idem, p. 1.

10° Temps nouveaux d’Afrique, N° 39, du 27/9/1959 et Temps Nouveaux d’Afrique, N° 40, du 4/10/1959. Ces deux N° se rapportent au meeting de l’Unar, mais ce dernier a fait une mise au point dans le N° de «Temps Nouveaux» du 15 novembre 1956.

11° Le Tract est intitulé «u Rwanda urusasira imigozi rukayiguhambiriza». Il a été traduit partiellement dans «Rwanda Politique», op.cit. p.75.

12° Gitera, Note remise au Ministre Van Hemelrinck, publiée in «Ijwi rya Rubanda rugufi», article unique, du 15/6/1959.

13° Aprosoma, Meeting du 27/9/7959 : sous le signe de «fête de libération des Hutu à l’égard de esclavagisme tutsi», in Dossier, Partis Politiques, Centre Saint-Dominique, Kigali.

14° Les Dix commandements font partie du dossier du meeting du 27/9/1959, ci-dessus cité. Il est à noter qu’il y a eu une 2ème publication des «onze commandements des Hutu», publiés dans Courrier africain, N° 51, p.23.

15° Musangafura Sixbert. La propagande du MDR-Parmehutu, (Mémoire), UNR, Ruhengeri, 1987, p. 27-36.

16° Supplément Jya mbere, N° 3, du novembre 1959.

17° Temps Nouveaux d’Afrique, N° du 17/7/1960.

18° Rudipresse, N° 190, du 24 septembre 1960.

19° Supplément Rudipresse, N° 179, juillet 1960.

20° Déclaration du Mouvement de l’Emancipation hutu, adressée au Ministre De Schryver, in Temps Nouveaux d’Afrique du 13/12/1959.



POUR UN PLURALISME CONSTRUCTIF
Paul RUTAYISIRE


  1. INTRODUCTION

Dans l’ensemble des contributions de ce numéro sur le dialogue entre les partis politiques, celui-ci commence par un survol historique sur le pénible processus d’installation du multipartisme. Le chemin était long car on venait de loin. Les anciens partis d’avant l’indépendance avaient creusé un fossé presque infranchissable entre les formations politiques. Les quatre grands partis qui se partageaient l’espace politique avaient fini par former deux blocs de coloration ethnique. Au départ Aprosoma et Parmehutu différents par des moyens stratégiques utilisés ont fini par fusionner en MDR-Parmehutu. Unar et Rader sensiblement différentes ont fini par être mis dans le même sac qui fut jeté aux orties par le MRD-Parmehutu en inaugurant le régime républicain à l’indépendance du pays.


Fatigué par les méthodes dictatoriales de ce parti-Etat, le pays a sécrété les mécanismes qui ont fini par imposer le multipartisme. Le parti MRND successeur du MDR-Parmehutu, le MDR, le PSD et le PL furent les principaux protagonistes de ce processus. Le terme de ce processus fut les Accords d’Arusha même et mal gré qu’ils furent des mort-nés ! C’est par ces Accords que le FPR a pu nouer le dialogue avec les autres partis internes au Rwanda. C’est même par cette ouverture que, après l’élimination du parti génocidaire (le MRND-CDR), le FPR qui a chassé la dictature et arrêté le génocide, forme, avec les autres partis, le gouvernement d’union nationale.


A présent, ces partis ont à organiser un pays délabré par la désignation du peuple rwandais. A cette première tâche s’ajoute celle du multipartisme avorté qui doit poser des bases solides pour une démocratie pluraliste. Posons-nous maintenant la question de savoir si la vie des partis politiques a un avenir crédible. La première étape de l’histoire des partis uniques est traitée dans le précédent article. Dans le présent, il va s’agir des phases successives du multipartisme. Après une rétrospective qui fait le survol de son histoire tumultueuse, nous ferons une prospective sur un multipartisme constricteur de la vraie démocratie

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