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CONTEXTE GENERAL DE L’EPOQUE

Cette partie se propose de montrer comment à l’apparition des partis politiques le tissu rwandais s’étaient désintégré bien antérieurement. Nous rappelons quelques étapes essentielles qui ont précédé cette époque. Nous en suivrons le cheminement sur une période allant de 1946 à 1956 au cours de laquelle il a eu éveil de conscience politique aussi bien dans le chef de l’élite hutu que de l’élite tutsi. Nous en montrerons quelques points de repère




    1. La désintégration du tissu social rwandais

La nation rwandaise, quoique multiséculaire, a été désintégrée. Sinon on ne peut s’expliquer comment et pourquoi une partie du peuple rwandais s’est livrée à l’extermination d’une partie de ce même peuple. Comment en est-on arrivé là ? Tout est né de la colonisation. Et cette dernière a procédé par étapes. Après s’être imposé sa domination politique, économique, morale, psychologique, mentale et idéologique. Le but était de casser moralement le colonisé après l’avoir dominé militairement. On a alors détruit chez lui toute base de dignité, de fierté et de sens de la Nation. La colonisation a coupé les racines, les références, les valeurs du rwandais et a essayé de lui en greffer d’outres. Les greffes, comme la démocratie à l’occidentale, ont mal pris. Et ce fut le début de notre drame.


La colonisation a atteint son but : elle a détruit la force morale et psychologique de notre peuple. Elle a détruit chez lui toute confiance en soi, et toute foi dans ses propres valeurs. Or une fois ces valeurs détruites, la société toute entière devient désintégrée à son tour. Le tissu social se désarticule. Ses différentes composantes ne sont plus soudées entre elles. Elles sont désunies. Les relations sociales entre différents groupes, entre gouvernants et gouvernés, deviennent plus conflictuelles qu’unificatrices. C’est normal puisque la colonisation est un système de violence par essence : elle détruit ce qu’elle trouve sur place pour imposer par la force sa propre vision des choses. Un système de violence engendre des théories et des pratiques violentes par nature. Les théories et pratiques de la colonisation, en excluant du commandement tout Hutu, ont contribué à désunir les membres de la communauté nationale. Elles ont produit une élite sans vision ni volonté commune de construire ensemble la «cité nationale». L’élite rwandaise n’est pas parvenue à avoir un même projet de société portant, ses divergences ont été tellement profondes qu’elles se sont traduites très vite par la mise en place d’une idéologie sectaire et radicaliste.


    1. Quelques points de repère dans l’éveil de la conscience politique


En fait, à parti des années 46-56, un certain éveil socio-politique s’était opéré au sein de l’élite rwandaise aussi bien hutu que tutsi. Cette élite se nommait «des évolués». Ces derniers parlaient de «progrès», de «libertés», de «démocratie», d’«indépendance», etc., toutes idées apprises à l’Ecole coloniale. On en avait pris goût. L’Accord de Tutelle, signé le 13 décembre 1946 avait prévu que «l’Autorité chargée de l’Administration favorisera le développement des institutions politiques libres qui conviennent au Ruanda-Urundi. A cette fin, elle assurera aux habitants du Ruanda-Urundi une participation croissante à l’administration et aux services tant centraux que locaux du Territoire ; elle développera la participation des habitants aux organes représentatifs de la population dans les conditions appropriées aux circonstances particulières à celui-ci» (1). L’Administrations de Tutelle était invitée à prendre les mesures propres à assurer l’évolution politique des populations du Ruanda-Urundi. La première Mission de visite des Nations- Unies était venue au Rwanda en 1948 pour voir où en était la mise en pratique des dispositions de L’Accord de Tutelle. Elle avait mandat «d’observer l’évolution des conditions politiques, économiques, sociales, et scolaires dans les territoires sous tutelle de Ruanda-Urundi et les progrès accomplis par ces territoires sur la voie de l’autonomie ou de d’Indépendance et les efforts faits par les autorités chargés de leur administration en vue de réaliser cette fin» (2). Le problème de l’autonomie et de l’indépendance était donc déjà sur l’agenda des Nations-Unies dès les années 1948. L’élite rwandaise en était vaguement au courant. Mais rien de palpable n’était encore réalisé par la tutelle en la matière. Le plan décennal 1950-1960 viendra combler cette lacune. Il proposera à cet effet des réformes progressives. Il prévoyait même «l’autonomie progressive» et une « indépendance réelle ». Le plan cherchait donc à se mettre en accord avec les exigences de L’Accord de tutelle. C’est ainsi que les premières élections des représentants auront lieu effectivement en 1953. Le contrat bovin sera aboli en 1952. Les premières élections générales aux suffrages universels se tiendront en 1956. Entre-temps la 2ème mission de visite des Nations-Unies, venue en 1956, avait eu comme mandat d’ «accepter et de recevoir les pétitions des indigènes» (3). Les rwandais s’étaient donc progressivement habituées au système de représentation par élections et à celui de présentation de pétitions écrites aux membres de l’ONU en visite au Rwanda. L’année 1957 sera une année charnière. Les membres du Conseil Supérieur du pays (C.S.P.) publieront une pétition appelée «Mise au point» (4), dans laquelle ils reconnaissaient déjà l’«existence d’un malaise». Ils parlaient «de l’autonomie dont l’idée provoque chez certains une appréhension entraînant la méfiance à l’égard de ceux qui manifestent ces aspirations» mais «le souhait était que d’ores et déjà on nous y prépare». Les membres du Conseil Supérieur du Pays montrent dans ce document que « la question essentielle qui se pose dans notre pays est sans contexte celle des relations humaines entre Blancs et Noirs». Et ils dénoncent «une discrimination politique prévoyant un statut de cadre indigène distinct de celui réservé aux Blancs avec une différence tellement accentuée que l’européen de l’échelon le plus bas, l’agent territorial, est de loin supérieur à l’africain de grade le plus élevé, Agent territorial adjoint, grade que d’ailleurs aucun Africain dépendant de la Belgique n’est parvenu à atteindre jusqu’à maintenant». Ils dénoncent « la ségrégation législative», et « l’inégalité de salaire entre Africains et Européens», bref « la discrimination économique » et « la discrimination sociale » toujours entre Noirs et Blancs. Ils exigent en conséquence que « les mêmes droits soient concédés dans les mêmes conditions entre Noirs et Blancs aussi bien le domaine industriel que commercial ». Et qu’ « un soutien spécial soit assuré aux autochtones» en la matière. Rien dans ce document de « Mise au point » n’évoquait le problème dit «hutu-tutsi». Rien sur l’exclusion dont l’élite hutu faisait l’objet dans l’accès aux charges publiques. Tout, dans le chef des membres du C.S.P., était focalisé sur l’inégalité entre Noir et Blanc c'est-à-dire en réalité entre cadre indigène tutsi et Agent colonial belge. L’exclusion de l’élite hutu ne semblait pas faire partie des soucis des membres du C.S.P. Il y avait d’autres injustices et d’autres inégalités que le document passe sous silence. Les membres du C.S.P. n’en parlent pas : oubli, inconscience, myopie ou choix délibéré ? On ne sait pas exactement, mais le ciblage sélectif d’inégalités est une erreur politique grave. En réaction à cette myopie politique, l’élite hutu relèvera les injustices internes c'est-à-dire celles existant entre « Noir et Blanc ». Elles seront publiées cette même année 1957, dans « une note sur l’aspect social du problème racial indigène au Rwanda » (5) note qui devaient devenir plus tard le fameux « Manifeste des Bahutu ». La note se focalise, elle, sur « un problème d’ordre intérieur tellement grave qu’il pourrait torpiller l’œuvre si grandiose que la Belgique réalise au Rwanda ». Les auteurs du «Manifeste» sont d’avis, quant à eux, «qu’il ne servirait en effet à rien de durable de solutionner le problème Mututsi-Belge si l’on laisse un problème fondamental Mututsi-Muhutu». Le «Manifeste» dénonce le monopole politique, économique, social et culturel « dont dispose une race la Mututsi». La publication de la «Mise au point» et du Manifeste des Bahutu départage les positions de l’élite rwandaise : une patrie parle d’inégalité entre Noir et Blanc ; une autre se focalise sur l’inégalité entre Hutu et Tutsi. Les camps sont tranchés. Paradoxalement, les problèmes dénoncés par les uns les autres sont réels mais partiels et incomplets. Les solutions préconisées par les uns et les autres seront à leur tour partielles, voire partiales et incomplètes. Ces solutions réductrices seront à la base de divergences tellement opposées qu’elles ne se rencontreront jamais.


    1. Quand la conscience du malaise se généralise

L’année 1956, nous venons de le voir, est l’année du langage des sourds. Progressivement l’écart entre la position des auteurs de « la Mise au point » et celle des auteurs du « Manifeste des Bahutu» se creuse dangereusement. Les divergences s’accentuent et, surtout, se politisent. Elles sortent de l’ombre et se portent au devant du grand public qui entre sans autres préparations dans le débat sur le problème de l’autonomie et de l’indépendance. Les positions se politisent et se polarisent. C’est à partir de ce moment, en 1958, que des écrits commencent à fuser de partout pour la première fois, ils sont l’œuvre non d’individus isolés mais de groupes concertés, de personnes agissant de concert. Et ces écrits proviennent de toutes les régions du pays. Une partie de ces écrits reprend les idées continues dans « le Manifeste» et considère Joseph Habyarimana Gitera comme le leader incontesté. Une autre partie dénonce haut et fort Gitera auto-proclamé leader des Bahutu. Tous ces écrits sont adressés soit au Roi soit au Conseil Supérieur du pays ; le Résident est informé. Le débat se généralise ; nous allons en montrer brièvement le genre de contenu.


1.3.1 Ecrits de soutien à Gitera et au Manifeste (6)
Un groupe de 4 Bahutu d’Astrida fait, en novembre 1957, tout un paquet de doléances dans « un exposé des représentants des Bahutu et certains autres Bahutu». Figurent parmi les signataires Gitera, I. Nzeyimana et A. Munyangaju qui se prennent déjà comme représentants son chemin. La «démocratie» à base ethnique y trouve son origine.
Du Marangara, six Bahutu font «une déclaration des Bahutu» du Marangara. Le document se présente en deux parties : «ce que les Bahutu désirent» et « ce que les Bahutu ne désirent pas». Ce qu’ils ne désirent pas : des corvées, le monopole tutsi dans l’enseignement, la nature du système foncier (ibikingi, amasambu) et les séquelles du contrat bovin. Ce qu’ils désirent : la démocratie, la liberté d’opinion, de réunion, d’association, le remplacement de corvées par une caisse de paie, l’enseignement agricole et professionnel, l’enseignement obligatoire entre l’âge de 6 et 12 ans, un jury composé de Hutu, de Tutsi et de Twa pour corriger les examens, l’abolition d’ibikingi, la représentation de groupes professionnels au C.S.P., l’indépendance du pouvoir judiciaire etc. Du Bwanamukari, (Astrida), sort un document signé par 17 Bahutu qui se disent «enfants de Gahutu de Kanyarwanda». Le document dénonce les avantages et les privilèges réservés aux Tutsi. Comparant les Hutu, les Tutsi et les Twa à des frères, les auteurs du document disent que «Gatutsi ressemble à un enfant glouton qui ne souhaite pas que son frère mange le plat que ses parents lui ont servi». Ils demandent pour terminer : «par quel droit Gatutsi nous opprime-t-il alors que nous sommes frères» ? Les Bahutu du Bushiru, territoire de Gisenyi, envoient à leur tour au Mwami (Roi) un document intitulé «Lamentation que les Bashiru offrent à leur Mwami – Mutara III». Ils présentent leurs doléances comme par exemple «être gouverné par quelqu’un (un Tutsi) que la population ne veut pas». Ou encore «engagement de Tutsi comme moniteur (chez eux) alors qu’il y a des Hutu capables de faire ce travail, accaparement de champs des Hutu par des sous-chefs tutsi»,etc. Du Kingogo, provient un document intitulé «Peines que les Hutu ont : Question posées au C.S.P.». Le document pose ses questions aux membres du C.S.P., questions portant sur les injustices dont les Hutu de disent victimes. En voici deux échantillons : «comment les Batutsi peuvent-ils nous représenter auprès du Mwami et des Blancs en tout ce qui nous concerne, comment le savent-ils puisqu’ils parlent en notre nom alors qu’ils ne nous consultent jamais« ? Ou encore «Pourquoi est-ce que les présidents de tous les même qui nous oppriment ? Comment défendraient-ils notre cause ? Existe-il quelqu’un qui se percerait volontiers le ventre» ? Du Kabagali, une lettre vient présenter au Mwami «l’inquiétude des Bahutu : Question et vœux. «C’est un groupe de 13 Bahutu qui posent une dizaine de questions du genre : «Au Rwanda, nous sommes trois races, quelles sont donc les conditions à réunir pour être nommé au pouvoir, est-ce l’intelligence ou la race» ? « Du Bufundu-Cyanika, un groupe de Bahutu présente un document intitulé : «Ce qui peine les enfants de Gahutu». Le groupe se plaint de toute sorte d’injustices dans les tribunaux, des amendes exorbitantes etc... Fait étonnant, parmi les signataires de ce document, on trouve un certain Polepole Mukwiye qui sera assassiné par «Iza Kigeri» dont le sinistre Nkeramugabo faisait encore partie avant de retourner ses armes contre les Tutsi de Gikongoro en 1963-1964.


      1. Document anti-Gitera et contre le Manifeste

L’élite hutu, comme l’élite tutsi, n’était pas monolithique. La demande d’autonomie et d’indépendance n’était le monopole d’aucune ethnie. Des fissures idéologiques et des divergences politiques traversaient les rangs des évolués, toutes ethnies confondues. Il y avait donc des Hutu qui s’opposaient, corps et âme, aux idées contenues dans le « Manifeste des Bahutu ». Mais surtout Gitera fut le plus attaqué au cours de l’année 1958. Il passe alors pour être le Représentant des Hutu. Et effectivement, il était le plus en vue de tous les «pétitionnaires» hutu venus à Nyanza assister aux débats du C.D.P. du 9 au 12 juin 1958, portant sur la «question sociale Muhutu-Mututsi». C’est d’ailleurs lui-même qui, le 10 01 58, avait écrit au Mwami, président du C.S.P., pour lui demander «d’ouvrir les débats sur ce problème intéressant la majorité de la population et d’y trouver une solution appropriée» (7). A cette occasion, il avait du reste protesté contre les mauvaises interprétations de « la Note sur l’Aspect Social du problème radical indigène, que l’on a « dénommée improprement Manifeste des Bahutu ». L’appellation de « Manifeste des Bahutu » n’a pas été inventée par les auteurs du document qui s’en défendent, mais par l’opinion publique. Le terme «manifeste» était alors à la mode : « Manifeste de l’Abako, Manifeste de la conscience noire », il y aura même un document appelé par Gitera « Manifeste des Batutsi ». Les écrits contre Gitera et le « Manifeste » proviennent aussi de toutes les régions du pays. En voici des échantillons (8).


De la chefferie de Bukonya-Bugarura (Ruhengeri) provient un document signé par un groupe de Hutu se disant « anxieux (par ce que) certains rapportent que Gitera affirme que nous Bahutu du Rwanda l’avons désigné pour signaler en notre nom au C.S.P. que nous avons été opprimés ; nous ne savons pas quand nous l’avons désigné et d’ailleurs peut-on commissionner quelqu’un avec qui on ne s’est jamais vu ou qu’on ne connaît pas ». Ils disaient alors que « ses déclarations sont gratuites et imaginaires ». « Ne nous comptez-pas, concluent-ils, parmi les partisans des rumeurs de Gitera dont nous ne connaissons pas le but ; ces propos ont leurs raisons qui ne peuvent être certainement celles de nous sauver…». Du Buliza (Kigali) le roi reçoit une lettre lui écrite par une vingtaine de Hutu se disant ceux qui ne veulent pas haine au Rwanda. Ils réaffirment la coexistence pacifique et séculaire des Bahutu, Batwa et Batutsi. Ils rappellent les alliances matrimoniales conclues entre les différentes groupes et souhaitent ne pas arriver au pouvoir en s’entre-tuant avec les Batutsi mais pas la compétence et le mérite acquis à l’école ». De Mvejuru, un groupe de 11 Bahutu envoie une lettre au Mwami, avec copie au Résident. L’objet de la lettre est «la protestation contre les calomnies de Gitera ». Ils jurent de n’avoir jamais mandaté Gitera ni de l’avoir délégué pour rédiger tout ce qu’il écrit. Ils profitent de cette occasion pour rappeler tous les services que le Mwami a rendus au menu peuple : la suppression du fouet, des corvées, d’Ubuhake etc… Une vingtaine de Hutu de Bwanamukari se dissolidarise à son tour de Gitera qui nie que des Hutu soient au pouvoir. Ils citent les noms de Hutu qui occupent des postes de responsabilités comme un certain Rwigira qui a sous ses ordres des princes bahindiro. D’autres lettres du même genre, protestant toutes contre les écrits de Gitera proviennent d’un peu partout dans le pays : du Biru (Kinyaga-Cyangugu), du Buganza-Nord et sud, de Mugina (Gitarama), d’Impara (Cyangugu) etc…, toutes refusent les arguments de Gitera et sa représentative (9). De ce qui précède tirons une conclusion. Toutes ces lettres et document pro-Gitera ou anti celui-ci montrent que le pays était en effervescence bien avant l’apparition des partis politiques en 1959, bien avant même la mort de Rudahigwa. Deux camps opposés s’étaient déjà constitués, des positions tranchées étaient prises. Un malaise généralisé couvait. Quand les partis politiques apparaissent en 1959, ils viennent canaliser et décanter tous ces courants d’idées préexistants. A l’inégalité entre Noir et Blanc, relevée par « la Mise au point », l’indépendance paraît être un remède approprié. A l’inégalité entre « Noir et Noir » c'est-à-dire entre élite hutu et tutsi le remède préconisé par « le Manifeste de Bahutu » était la rupture du monopole tutsi c'est-à-dire la « démocratie d’abord » identifiée malheureusement comme étant le pouvoir de la majorité ethnique. L’idée de démocratie était mal partie. Etait aussi mal l’éveil de conscience politique cristallisée très tôt en termes ethniques.


  1. A L’EPREUVE DE L’INDEPENDANCE ET DE LA DEMOCRATIE

Normalement, l’idée d’indépendance et de démocratie pour un pays colonisé devrait être accueillie favorablement par la population opprimée. Il n’en a pas été le cas au Rwanda. L’idée d’indépendance qui paraissait être du domaine du souhaitable et même du nécessaire a été lancée par le parti Unar mais rejetée par le parti Aprosoma et le Parmehutu. Elle ne rassurait pas ces derniers comme la « démocratie » ne rassurait pas les partisans de l’Unar, quoique ce dernier accepte publiquement le mode d’ « élections libres et totales ». L’indépendance et la démocratie ne semblaient pas donner les garanties réelles, nécessaires et suffisantes à toutes les composantes de la société rwandaise. Pourquoi ? Avant d’avancer quelques hypothèses de réponse, il faut d’abord rappeler comment les comment les différents partis politiques ont présenté leurs idées d’ « indépendance et de démocratie ».


2.1 Quand le parti Unar réclame l’indépendance
Le premier meeting de l’Unar a lieu à Kigali, Dimanche le 13 Septembre 1959, au stade de Nyamirambo. Les différents orateurs qui se succèdent parlent de l’unité nationale, de l’autonomie et de l’Indépendance. « Nous allons, dit un certain Ruzibiza, nous débarrasser de ceux qui nous maltraitent, de ceux qui nous divisent…, c’est l’heure décisive »(10). La foule l’acclame. Des exalté lancent : « Vive l’Autonomie interne, Vive l’Indépendance, Vive le Roi ». « A bas les Blancs ». « A bas les Abaprosoma » « Dehors les calotins ! C’est manifestement inhabituel. Pour la première fois, catholiques, protestants et islamistes fraternisent. D’habitude leurs différentes religions les divisent : la politique les a unis. Tous parlent le même langage. Quand, vers midi, François Rukeba monte sur un camion et se hisse sur une table de fortune servant de tribune, il commence par remercier ce « public venu nombreux sans être convoqué par les Bapadiri, poussé plutôt par le souci de trouver une réponse aux problèmes du pays, aux injustices des Belges, et à ceux qui leurs sont vendus. La réponse, renchérit-il, se trouve dans le parti d’Abashyirahamwe du Rwanda. Notre parti est le remède à ces maux, à cette situation. Il combattra ceux qui créent les divisions dans notre pays, ceux qui créent des partis de division qu’ils soient Blancs ou Abanyarwanda et vous les connaissez tous. Il combattra les ennemis de la monarchie…». Rukeba enchaîne : «Notre parti se propose comme but l’indépendance du Rwanda en 1962. Elle sera précédée de l’autonomie interne que nous réclamons pour 1960». Après Rukeba qui a présenté, entre temps, le Manifeste programme du parti, c’est le tour de Mutararuka d’expose en détail les objectifs du parti Unar : «lutter contre la colonisation, restaurer les coutumes du pays, reconquérir l’indépendance du Rwanda».

M. Cosma Rebero monte sur la tribune et rappelle que «toutes les races du Rwanda ont cohabité des siècles durant en paix, côte à côte, sans se faire le guerre». Il rappelle qu’il n’y avait pas de division entre Hutu et Tutsi et que les deux groupes se mariaient entre eux. « Je peux vous citer ici, dit-il, bon nombre de chefs ici présents dont les mères sont des Bahutukazi ou dont les ancêtres étaient des Bahutu». Il regrette que le pays se déchire et que Hutu et Tutsi s’entre-déchirent. M. Pierre Mungarurire expose le rôle et la place de l’Administration indigène et de l’administration de tutelle. Il explique comment l’Administration indigène exerce le pouvoir sous le contrôle du pouvoir de tutelle. Mais il admet que malgré ce contrôle, l’Administration indigène a commis des abus de pouvoir et des injustices non nécessairement sanctionnés par le pouvoir belge. « Le gouvernement belge, dit-il, s’est caché derrière l’Administration indigène pour commettre à son tour les abus ou les favoriser». M. Mungarurire exorcise le passé : il est d’avis que celui-ci ne devrait pas être un prétexte pour diviser encore les Banyarwanda. Il invite le public à combattre, comme des religieuses. Il invite les gens à penser plus à construire qu’à ressasser le passé révolu. M. Michel Rwagasana focalise son exposé sur l’autonomie interne et l’indépendance. Il en explique toutes les étapes à suivre et rejette tous les arguments brandis pour les étapes à suivre et rejette tous les arguments brandis pour retarder l’indépendance : manque de cadres, pauvreté du pays, indépendance précipitée, existence du problème hutu-tutsi. Abordant ce problème « hutu-tutsi», il affirme carrément que «pareils problème sont l’invention de certains qui essaient de détourner l’attention du peuple des vrais problèmes ». Il réaffirme l’engagement de son parti pour l’autonomie en 1960 et l’indépendance en 1962.


M. Chrysostome Rwangombwa reviendra sur le problème des relations d’inégalité entre Noirs et Blancs et même entre Rwandais et autres africains. Il dénonce le mépris dans Asiatiques et même certains Noirs venus d’autres pays d’Afrique. « Tous, dit-il, sont mieux considérés que nous dans notre pays ». (« Ibyo ga, Bahungu, bikaba ari ishyano : kurutwa n’Umwarabu, n’Umunyekongo cyagwa Umuganda mu gihugu cyacu ni ukuvuna umuheto »). Ce temps est révolu, conclut-il. Michel Kayihura parle du « patriotisme qui n’est ni le tribalisme, ni le taditionalisme attardé ni la haine des étrangers mais l’union de nous tous, Twa, Hutu, Tutsi, pour aimer le Rwanda par-dessus tout ». Quand le grand meeting de l’Unar prend fin, tout est dit. Les intentions du parti, des chefs et des notables haut placés dans l’Administration indigène sont connues de tous : missionnaires, colons, autorités belges, élite hutu. La modération n’a pas été le grand atout de ce meeting où tout a été dévoilé : ennemis du Rwanda, de la monarchie, de l’unité du peuple rwandais. Ils ont été identifiés et pointés du doigt. Ce sont les Belges, les Missionnaires et leurs valets rwandais c’est-à-dire «Abaprosoma». Ils ont été mis dans le collimateur. Par contre, le problème «hutu-tutsi» est ignoré, balayé d’un revers de la main.
Pour les partisans de l’Unar ce problème est une fiction ou plutôt une invention clerco-missionnaire. Mais une chose est sûr : l’exclusion dont l’élite hutu fait l’objet n’est pas une fiction ; elle est une réalité créée par la colonisations que malheureusement l’Unar ne dénonce pas. Ce premier meeting de l’Unar scelle de nouvelles alliances. Les forces mises en cause c'est-à-dire les Missionnaires, les Belges et les leaders hutu se rapprochent les unes des autres et serrent les rangs. Cette nouvelle alliance se mobilise non seulement contre l’Unar mais aussi contre l’ethnie tutsi toute entière, supposée être la base politique de ce parti Unar. En réalité la base de l’Unar n’était pas ethnique, mais la présenter comme tel avait pour les auteurs de cette stratégie l’énorme avantage de semer le division dans ses rangs. La nouvelle alliance sera aussi contre des idées-forces de ce parti : unité nationale, autonomie et indépendance. L’antidote contre l’union sera l’ethnisme, et contre l’indépendance, la démocratie à base ethnique. La coalition de la nouvelle alliance va pousser le parti Aprosoma à rejeter l’indépendance.
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