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POUR UNE SAINE COOPERATION ENTRE

L’EGLISE CATHOLIQUE ET L’ETAT
Bernardin MUZUNGU, o.p.
O. INTRODUCTION
Parler des rapports entre l’Eglise catholique et le Gouvernement Rwandais actuel fait penser à un climat conflictuel. On pense à l’ecclésiastique impliqué, à tort ou à raison, dans le génocide et d’autres désordres dans le processus de l’ethnisation de la vie politique. On pense moins aux bienfaits que cette Eglise a apportés au pays depuis sa fondation voici déjà 100 ans. La doctrine de l’Eglise concernant ses relations avec l’État est claire. Elle se base sur le principe de distinction des deux domaines : le spirituel et le temporel. « A César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 17-21). Dans les domaines Mixtes, comme l’éducation de jeunesse, il faut « une Saine coopération», dit Vatican II (GS, 75). Si l’aspect doctrinal de ces relations ne pose aucun problème, il n’en va pas autant pour l’aspect concret, et pratique. Toujours est-il que le point qui intéresse cette réflexion est la situation actuelle. Il serait, cependant, nuisible de ne pas tenir compte de l’aspect évolutif de ces relations. Il s’agit donc de voir ce que sont ces relations à l’étape actuelle entre la troisième République et l’Eglise catholique contemporaine à ce régime. Il faut être conscient de la difficulté de définir ces relations car, à ce qui semble, cette définition n’a jamais existé. Ce qui existe, c’est la vie, le concret, l’attitude générale contenue dans un certain nombre de textes et d’actes officiels des représentant de l’Eglise. L’un de ces textes est le discours que l’archevêque vient d’adresser au Pape lors de la dernière visite «Ad limina» et de la réponse du Saint-Père. Ces deux textes nous semblent refléter les rapports actuels entre le Gouvernement et l’Eglise. Citons –en quelques passages les plus significatifs de cette situation. Pour ce qui est de l’attitude du Gouvernement, il ne semble pas qu’il y en ait une officiellement définie. Ce qui existe, c’est la pratique, exprimée à l’occasion des rencontres ou des règlements de certain problème particuliers. Nous essaierons de résumer les lignes majeures de cette attitude.

I. L’attitude de l’Eglise a l’égard du Gouvernement


La dernière visite «Ad limina apostolorum» des évêques catholiques du Rwanda, la première après le génocide, effectuée au mois de Septembre 1998, a été l’occasion d’une prise de parole des évêques et d’une réponse du Pasteur Suprême de notre Eglise. Ces deux discours nous semblent répondre les mieux à notre recherche de trouver un lieu où s’exprime l’attitude de l’Eglise à l’égard du gouvernement Rwandais actuel. Nous aurons à analyser et à commenter ces documents pour nous faire une certaine idée de ce comportement.
I.1 L’adresse de l’archevêque au Pape
«...3. Très Saint-Père, Nous avons encore fraiche en mémoire la visite que votre Sainteté a effectuée dans notre pays en septembre 1990. Vous nous exhortiez alors à œuvrer pour la paix et l’unité, en renforçant entre tous les rwandais les liens d’amour, de fraternité et de communion. Hélas, Très Saint-Père, cette attente de la paix et de la concorde a été fort compromise par les forces du mal qui ont profondément et scandaleusement abîmé notre pays. Les dissensions politico- ethniques déclenchées depuis 1990, ont culminé d’Avril à juillet 1994 dans le génocide et les massacres, rares dans l’histoire de l’humanité. Cette atroce tragédie a sensiblement affecté le pays en général et l’Eglise en particulier. Le bilan des pertes de vies humaines et du matériel est très lourd et continu à peser très fortement sur l’ensemble de la vie nationale. Cette catastrophe humanitaire a laissé derrière elle un sombre tableau coloré par la détresse des orphelins et de veuves, par la misère des masses des réfugiés qui étaient concentrés dans les pays limitrophes du Rwanda, par la désolation des personnes déplacées à l’intérieur même du pays, par les cas innombrables de gens traumatisés par les horreurs de la guerre et du génocide, et par le surpeuplement des prisons par les gens présumés coupables de génocide…».

I.1.1 Une analyse sémiotique

Il est intéressant et respectueux de tenir à la lettre de ce texte pour toute compréhension et interprétation. Que trouvons-nous dans les passages-clés de cet extrait?
1° L’idéal de l’unité nationale
L’archevêque Thaddée Ntihinyurwa, au nom de ses collègues, rappelle la dernière visite du pape au Rwanda en septembre 1990, à l’occasion de laquelle il exhortait tous les Rwandais à « renforcer leurs liens d’amour, de fraternité et de communion». Cette visite se situe à la veille de l’attaque du FPR Inkotanyi qui eut lieu exactement le premier octobre de la même année. On aurait dit que ces paroles prononcées à peine un mois avant ces événements étaient prophétiques. Sans doute qu’à l’époque tout le monde sentait la charge électrique dans le climat politique du pays. Ce rappel constitue un diagnostic. Le Saint-Père savait que le problème numéro un au Rwanda était la concorde entre les Rwandais. C’est la raison pour laquelle il le mentionne spécialement et parle de « renforcement des liens d’amour entre les Rwandais».

2° L’obstacle à l’unité


La désignation des obstacles à l’unité, de la part de l’archevêque, est fort indicative de l’analyse des évêques du Rwanda. Pour eux, voici la situation. Il y a des « forces du mal »… - Ces forces sont derrière « les dissensions politico- ethniques»…- Ces dissensions sont« déclenchées depuis 1990»… - Le résultat le plus pervers est le génocide et les massacres de 1994»…

3°. Le bilan de la catastrophe

- La détresse des orphelins des veuves … - La misère des réfugiés dans les pays limitrophes…- La désolation des personnes déplacées à l’intérieur du Pays…- Les gens traumatisés par la guerre et le génocide…- Le surpeuplement des prisons par les présumés Génocidaires…

I.1.2 Un commentaire

Cette adresse des évêques au Pape après le génocide a mérité une attention particulière. Tout le monde voulait saisir au vif la compréhension de la situation du Rwanda par les évêques catholiques. D’aucuns ont été surpris par ce qui suit : Les dissensions politico-ethniques ont été déclenchées depuis 1990… Pour les analystes politiques, cette phrase est la clé de lecture de tout le discours de l’archevêque de Kigali au nom de ses confrères. Peut-être que cette affirmation a été écrite sans préméditation. Toujours est-il qu’elle est inexacte et lourdement grave. On dirait que les évêques ont une lecture colonialo-Parmehutu de notre histoire : avant cette date, le Rwanda était un havre de paix et un modèle de développement (1).
« Les forces du mal» en question dans le texte sont ainsi identifiées (les Inkotanyi). On peut concéder que ce jugement dépend du camp de la guerre où l’on se situe. Mais, dire que «les dissensions politico-ethniques» aient eu pour origine la guerre d’octobre et aient commencé à cette date est une contre-vérité historique. La vérité est le contraire : la guerre fut le dernier recours des réfugiées dont le gouvernement rwandais avait dénié le droit au rapatriement. Comme on va le voir, le Saint-Père ne s’est pas laissé leurrer par une telle lecture des événements. C’est qu’il bénéficie d’autres sources d’information Écoutons :

I.2 La réponse du Pape aux évêques du Rwanda

«Chers frères dans l’épiscopat,
La célébration du grand Jubilé de l’an 2000 est désormais toute proche. Pour l’Église au Rwanda, elle coïncidera avec le premier centenaire de l’évangélisation. Le 8 février 1900, en effet, la premier paroisse était crée a Save dans l’actuel diocèse de Butare. Avec vous et avec toute l’Eglise de votre pays, je rends à Dieu pour tout ce qui a été vécu au cours de ces années, pour l’ardeur apostolique des premiers missionnaires qui ont apportée l’Evangile sur votre terre, pour le courage de tous ceux et des toutes celles qui ont témoigné fidèlement de l’Esprit du Christ. Je voudrais aussi exprimer la reconnaissance de l’Eglise aux missionnaires qui, aujourd’hui, par leur travail inlassable et désintéressé, poursuivent l’œuvre de ceux qui les ont précédés. Leur présence au service des communautés de vos diocèses gardent toute sa signification. Elle est le signe de l’universalité de L’amour de Dieu, de la mission de L’Eglise, qui est envoyée à tous les hommes sans distinction. La période préparatoire aux célébrations jubilaires est favorable à un regard de vérité sur le passé. N’ayez pas peu d’affronter la réalité historique telle qu’elle est ! Au cours de ce premier siècle d’évangélisation, il y a eu l’admirable héroïsme, mais aussi, des infidélités à l’Évangile qui exigent un examen de conscience sur la façon de la bonne nouvelle ont été vécues depuis cent ans. L’appartenance au christ n’a pas toujours été plus forte que l’appartenance à des communautés humaines. Une « nouvelle évangélisation en profondeur » est urgente pour que le message évangélique soit annoncé, et vécu par les hommes de notre temps»…
I.2.1 Une analyse sémiotique de ce discours du Pape
Une analyse textuelle de ce passage du discours papal fait apparaître les idées suivantes : - Le rappel du double jubilé qui approche : 2.000 ans d’évangélisation du monde et 100 ans de celle du Rwanda. - Action de grâce pour l’œuvre accomplie par les hérauts de l’Évangile. - Invite à un regard de vérité sur le passé. - Appel à un réveil spirituel et à une évangélisation en profondeur et en urgence.
I.2.2 Un commentaire
De ces idées, la principale pour la présente réflexion est celle concernant le «regard de vérité sur notre passé » récent. Le Saint-Père a les mots pour le dire :
-N’ayez pas peur d’affronter la réalité historique telle qu’elle est!...

- Il y a eu d’admirables héroïsmes, mais aussi des infidélités à l’Evangile...

- Ces infidélités sont nommées : les appartenances aux communautés humaines ont prévalu sur notre lien dans le christ.

- Ces infidélités exigent un examen de conscience…



- Sur la façon dont la bonne nouvelle a été vécue
C’est merveilleux. Cette parole procède d’une connaissance correcte de notre situation. Soulignons quelques idées.
1° Le Pape invite les évêques à avoir le courage d’affronter la réalité historique, non pas comme ils a souhaitent mais telle qu’elle a été. Ce choix du terme « affronter» est à la fois prémédité et pertinent. Il montre que le pape sait que cela ne va pas de soi pour nos évêques. Si tel avait été le cas, il n’aurait pas eu besoin de le dire. Ce courage d’affronter la réalité historique est souvent interprété comme une « persécution contre l’Eglise». Les évêques sont presque toujours sur « la défensive ». Le seul fait historique du génocide prouve que quelque part, l’Eglise a failli à sa mission. « Un regard de vérité» n’a rien d’humiliant; il est plutôt un tremplin pour mieux sauter. Autrement, on s’enferme dans un négativisme stérile.
2° Le Pape s’applique la leçon qu’il vient d’administrer aux évêques. Sous l’expression « appartenance aux communautés humaines mise au-dessus de notre union dans le Christ, il veut signifier l’ethnisme ou problème hutu-tutsi ». Voilà tout ! Le Pape, vu sa place, ne pouvait pas aller plus loin. Mais on peut être plus explicite. Comment? Toutes ces formules sont des euphémismes. En effet, « l’ethnisme», c’est quoi ? Ce n’est pas une haine atavique et spontanée entre les tutsi et les hutu comme prétendent certains. Car, dans toute notre histoire antique, il n’existe aucune trace d’un tel antagonisme des deux groupes. Celui-ci est le résultat d’un endoctrinement politique récent qui date de l’époque coloniale et qui est devenu un mode de gouvernement sous les deux premières républiques. Le génocide n’est pas le résultat d’une guerre civile entre deux armées. C’est celui d’un pouvoir qui a entraîné une partie de la population (des Hutu) dans un crime collectif visant l’extermination d’un autre (les Tutsi). Affronter cette vérité est la condition de toute réconciliation; c’est le faire à tête découverte, sans euphémisme, sans faux-fuyants. Voilà la vraie base de la réconciliation nationale. Plus que personne, les évêques devraient montrer l’exemple.
3° Que dire des reproches faits à l’Église? Son discours permet de penser que le Pape admet l’idée que l’Église du Rwanda puisse mériter des reproches. De ceux-ci, il faux exclure un certain nombre de fausses accusations. Son enseignement est irréprochable puisqu, il n’est rien d’autre que l’Évangile. Il faut aussi écarter les fautes individuelles des chrétiens. Chacun de ceux-ci est responsable des ses actes. A vrai dire, personne n’a avancé ces griefs contre l’Église. De quoi alors reproche-t-on valablement l’Église? A notre vis, deux sortes de griefs sont inévitables et sont fondées
- En premier lieu, il s’agit de la responsabilité de l’Église entant que «. Corps social organisé ou Église-famille ou communauté des croyants». Les actes ou les omissions de cette réalité sociale, agissant par ses représentants légitimes que sont normalement les évêques diocésains, sont imputables à l’Église. Dans le cas présent du Rwanda, la Conférence des évêques au niveau du pays et chaque évêque dans sont diocèse, engagent l’Église. Celle-ci n’est donc pas une réalité fantomatique ou un amas d’individus isolés, collectivement irresponsables. Ils ont même un lien organique qui les rend solidairement imputables des actes de leurs membres comme dans un corps humain. A ce niveau-ci, l’Église du Rwanda s’est surtout rendue coupable des fautes d’omission. Comme le déplore l’« Association des prêtres rwandais » (Aprerwa) (2), notre Église, par la bouche de ses représentants, n’a pas lutté fermement et clairement contre des partis politiques racistes comme le parme hutu et la CDR. Elle n’a adressé au pouvoir en place aucune protestation énergique et claire au sujet de la propagande, de la préparation et de l’exécution des actes génocidaires qui ont duré des décennies, depuis 1959 jusqu’en 1994. Bien au contraire, elle a manifesté un zèle intempestif pour un régime manifestement génocidaire (3).
- Le deuxième niveau de responsabilité de l’Église se trouve dans l’action de chaque évêque, le chef de diocèse. Comme le disaient déjà les lettres de sainte Ignace d’Antioche au début du deuxième siècle de notre ère, « là ou évêque entouré un collège de presybistres, là est aussi l’Église locale ». Eh bien, un évêque diocésain, agissant comme tel, pose actes attribuables à son Église diocésaine. Ces actes peuvent entraîner la responsabilité collégiale des autres évêques du même territoire métropolitain. Au Rwanda, deux illustrations de ce cas sont souvent citées. D’abord « le mandement de carême » de Mgr perraudin, publié en 1559. Cette lettre fut comprise comme « l’identification des injustices sociales avec race (les tutsi) (4). La seconde est la déclaration de Mgr Phocas Nikwigize, alors évêque de Ruhengeri à un journal flamand, laquelle déclaration traitait les tutsi de « mauvis par nature» et « justifiait leur génocide » (5). Il eut été normal que les autres évêques rwandais protestent contre un tel blasphème, visant indirectement le créateur de tous les hommes. Ils ont préfère le mutisme, sans doute un silence gêné. Voilà terminée la présentation de ces deux documents de la hiérarchie de l’Église catholique. Ils donnent une certaine idée des questions débattues aujourd’hui au sujet de sa responsabilité dans la crise rwandaise face à cette appréciation, essayons de présenter l’attitude de gouvernement Rwandais.

II. ATTITUDE DU GOUVERNEMENT FACE A L’ÉGLISE CATHOLIQUE


Depuis toujours, aussi bien dans les monarchies traditionnelles que sous la colonisation et les deux premières Républiques, le religieux et le civil étaient intimement liés. Qu’on s’en souvienne. Jadis, le roi était une sorte de « théo- cratié» : le pouvoir était supposé venir d’Imana et le Mwami participait à la sacralité divine. La colonisation et les deux Républiques issues de son inspiration ont utilisé l’Église catholique pour administrer le pays. Pour eux, « évangéliser et civiliser» le pays allait de pair et constituait une continuité avec le passé. Le danger de cette conception fut manifesté par notre histoire récente : l’inféodation réciproque. Le régime actuel, mis en place indépendamment de l’Église, se situe dans la logique des États modernes. De ce point de départ, son attitude à l’égard de l’Église catholique peut se ramener à la position ci-après.
II.1 Un État laïc
Sans devoir recourir aux textes officiels, telle la constitution actuellement en mutation, la troisième République pratique la conception de « la laïcité de l’État ». Cela veut dire que l’État est « neutre» par rapport à la pratique religieuse de ses citoyens. Chacun est libre de pratiquer la religion de son choix. Il « n’oblige ni empêche» personne de suivre telle ou telle religion, pourvu que l’ordre public soit sauf. Cette conception est parfaitement conforme à la doctrine du concile Vatican II, exprimée, entre autres, dans sa « déclaration sur la liberté religieuse » où nous lisons le passage suivant : « Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel. Il doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens. Mais il faut dire qu’il dépasse ses limites s’il s’arroge le droit de diriger ou d’empêcher les actes religieux» ( n.3).
II.2 La fin des privilèges
La conséquence de la laïcité de l’État est que la situation privilégiée de l’Eglise catholique a cessé. Toutes les «Confessions religieuses» sont mises au même pied d’égalité et traitées d’une manière « religieusement neutre». L’Église catholique ne peut que s’en féliciter pour se dégager des « inféodations » dont elle a fait tant de frais. Le poids des habitudes, du côté aussi bien des hommes d’État que des ecclésiastiques, continuera de peser encore longtemps. Les plus gagnants dans cette nouvelle perspective sont les autres Confessions religieuses qui avaient la part du pauvre. Au demeurant, l’Église catholique gagnera aussi dans une clarification de sa mission qui n’est pas une puissance temporelle. Lorsque le roi Mutara Rudahigwa a consacré le Rwanda au christ- roi (6), les prémisses d’ « un christianisme sociologique » étaient posées. C’est ainsi qu’on a pu parler de la « tornade » (irivuze umwami». La crise de 1959-1994 a montré la fragilité d’un tel christianisme. Dans le texte ci-dessus cité, nous voyons que le Pape invite les évêques à centrer leur apostolat sur une « évangélisation en profondeur ».
II.3 Une saine collaboration
Les deux institutions sont au service du même citoyen rwandais. Voilà pourquoi, chacune, restant sur son domaine, les deux institutions doivent concourir au bien commun et intégral des Rwandais. L’Église s’occupe du « spirituel » et l’État du « temporel terrestre». Le bien intégral de l’homme exige les deux dimensions de sa nature. De façon particulière, la coopération se situe dans les domaines « mixtes». Ces domaines sont, par exemple, celui de l’éducation de la jeunesse, de la santé et du développement. Par fois même l’Église doit assurer des œuvres de « suppléance». Là où l’État n’a pas les moyens pour s’occuper des domaines qui sont les siens, l’Église, si elle le peut, doit le remplacer.
II.4 Un «mal- aise»
Autant l’Église catholique a eu de l’aise dans tous les anciens régimes, autant elle est « mal-à-l’aise» dans le Gouvernement actuel. Le discours de l’archevêque métropolitain au Pasteur Suprême, ci- dessus rappelé, nous semble l’avoir suffisamment montré. L’Église n’a pas encore réussi à prendre le tournant de notre histoire, à se connecter au courant actuel de la politique de notre pays : elle est «déphasée», comme on dit. Voici quelques raisons de ce déphasement.
1° Le lien avec l’ordre ancien

Dans un certain sens, les deux premières Républiques étaient comme des émanations de l’Église catholique. Les symboles de cette étroite collaboration et soutien de ces Régimes sont les deux archevêques Andre Perraudin et Vincent Nsengiyumva. La chose est si connue que point n’est besoin d’en dire davantage. L’Église a du mal à tourner la page, surtout l’Église missionnaire.


2° L’origine du pouvoir actuel
Le Gouvernement d’union nationale, aujourd’hui aux affaires dans le pays, est issu de la lutte armée du FPR-Inkotanyi. Cette Force fut traitée par la branche dominante de l’Église officielle comme l’ennemi du pays. Toute la littérature ecclésiastique de l’époque en est témoin (7). Dès lors, on comprend que « embrasser aujourd’hui celui qu’on a maudit hier » ne soit pas un geste facilement spontané
3° Un régime identifié aux Tutsi

Le Gouvernement de la Troisième République a beau être d’union nationale, il est dit « tutsi» par une opinion largement répandue et têtue. Tous les partis politiques, moins le génocidaire, en font partie. Même lorsque le chef de l’État était hutu, et que la majorité des Ministres l’était aussi, rien à faire, le régime continue d’être appelé tutsi, parce qu’il ne les excluait pas comme les précédents.


Le fait que le FPR- Inkotanyi qui a libéré le pays et stoppé le génocide a respecté la base des accords d’Arusha partageant le pouvoir n’est pas apprécié. On continue de dire que c’est la minorité qui dirige le pays parce que c’est le FPR-Inkotanyi qui a libéré le pays et qui continue de le diriger jusqu’à présent. Comme si cela était une faute; comme si celui qui a libéré le pays devait le laisser immédiatement à une main inhabile ou à ceux-là, même qui l’ont détruit. Il ne faut pas oublier non plus que le FPR, qui dirige actuellement le pays, n’est pas le parti d’une seule ethnie et dirige le pays avec plusieurs autres partis politiques agréés dans le pays.
4° Un pouvoir accusé de persécuter l’Eglise

Le fait que le régime actuel traite les personnes et les biens de l’Église selon le droit rwandais sans privilège pour personne donne à certains le change qu’il persécute l’Église. Les ecclésiastiques impliqués dans le génocide ont donné l’occasion à cette accusation. La liste de ces prétextes peut être allongée (8).


5° Le négativisme de l’Église catholique
Le Gouvernement et bien d’autres gens trouvent que l’Église a joué un rôle négatif qu’elle devrait reconnaître pour donner le bon exemple de conversion qu’elle enseigne aux autres. Il est fort regrettable que certains ecclésiastiques considèrent cette reconnaissance comme un acte humiliant et qu’il ruine la crédibilité de l’Église. A notre avis, la vérité c’est justement le contraire. L’exemple du Prince des Apôtres, « Saint Pierre qui a pleuré sa faute de renier son Maître » (Mc14,72) reste un modèle pour nos apôtres d’aujourd’hui. Certains disent : de quoi l’Église doit-elle battre son «mea culpa»? Une déclaration de l’«Association des Prêtres rwandais» (Aperwa) en a donné un exemple. De manière précise, on pourrait noter deux fautes.
Tout d’abord, l’Église entant que corps social organisé, représenté par les évêques regroupés en «Conférence épiscopale», agit officiellement et valablement par ces représentants. Eh bien, cette Église peut mériter ou démériter de manière solidaire, par actes, par silences, par abstention et par omissions. C’est surtout la faute d’omission qui est reconnue à cette Église. Par exemple, le fait de n’avoir jamais blâmé officiellement des programmes de partis politiques « racistes» comme celui du Parmehutu ou du CDR. Un autre exemple : N’avoir pas milité pour le droit au rapatriement des anciens réfugiés, sous prétexte de l’exiguïté du territoire rwandais. Un pouvoir spirituel qui ne s’occupe pas des droits fondamentaux de ses membres manque gravement à son devoir sacré. Église devrait aussi s’accuser des fautes de ses enfants qui ont participé massivement au génocide. Nier toute faute est une attitude vraiment peu chrétienne qui empêche le Gouvernement de la prendre sérieux.

6° A quelque chose malheur est bon


Tout en souhaitant que les relations entre les deux institutions se normalisent, il est heureux que nous ayons un Gouvernement qui ne doit rien à l’Église. La nécessaire distinction entre les deux s’en trouve mieux garantie. Nous avons tellement souffert de l’inféodation réciproque dans le passé, qu’une nette distinction n’est que souhaitable. Dans un pays pauvre comme le nôtre, dès qu’il y a un minimum d’entente sur le projet de société entre les deux institutions, l’État aura tendance à ces déchargés sur l’Église. Celle-ci devrait réfléchir à deux fois avant d’accepter de nouveau des « œuvres de suppléance » qui l’empêchent d’accomplir ses tâches propres. L’évangélisation en profondeur, que le Pape rappelle, n’est possible que si les pasteurs en font leur intransigeante priorité.
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