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Le message de Jésus-Christ est irréprochable, inattaquable. « Aimer Dieu et le prochain comme soi-même» est son essence. Qui peut proposer un meilleur idéal de vie? Le messager est les ministres ordonnés ou consacrés : évêques, prêtres et diacres. C’est à eux que revient la responsabilité des effets de leurs méthodes d’évangélisation. Le destinateur est nous autres les chrétiens qui nous retrouvons sur les bancs des églises, dans les confessionnaux et dans les autres assemblées chrétiennes. Nous pouvons être sourds au message salutaire même bien prêché. La raison par la quelle un homme peut refuser un message salutaires pour lui est finalement la réponse à notre question de savoir  pourquoi l’Evangile n’a pas pu nous sauver? Une raison supplémentaire dans le cas des messagers qui évangélisent le Rwanda depuis tant de décennies, est leur héritage colonial. Le clergé rwandais a gardé une ligne de pensée et de vie qui a vidé l’Évangile de ses effets normaux. L’évangélisation a davantage visé l’endoctrinement beaucoup plus que l’enracinement de l’amour fraternel dans le cœur des gens. Ce manque de racines dans le cœur de rwandais a facilité la tâche aux messagers de l’idéologie divisionniste.
A la suite du génocide contre les Tutsi, des réactions diverses ont été enregistrées dans les rangs du clergé aussi bien missionnaire qu’autochtone. On peut noter les suivantes : La réaction la moins évangélique est celle de ceux qui ont adopté purement et simplement la thèse raciste. Est- ce possible qu’un prêtre, pour ne pas parler d’un évêque, puisse en arriver là tout en continuant de célébrer la messe tous les jours? Si cela n’avait pas été vu, de fait, personne ne le croirait. Hélas, on l’a vu. C’est ce que les procès des présumés génocidaires sont entrain de nous fournir des preuves irrécusables. Deux d’entre eux sont déjà reconnus effectivement coupables de génocide et condamnés dans le tribunal de Kibuye. J’ose espérer que cette catégorie de prêtres est une infime minorité du clergé. La deuxième catégorie est celle des vaillants soldats du Christ qui sont restés impavides devant les menaces ou sont morts debout aux postes de service de la charité. On n’a malheureusement pas encore fait le recensement de ces dignes fils de l’Eglise et du pays. Mentionnons pour exemples, deux évêques, un prêtre et une laïque. L’évêque le plus prestigieux et chef de file des héros nationaux de l’évangile est Mgr Aloys Bigirumwami. Sa figure domine l’horizon de notre histoire depuis 1959 jusqu’à sa mort survenue le 03.06.1986. Le second, malheureusement peu connu, fut Mgr Bernard Manyurane. Il fut nommé évêque de Ruhengeri et mourut avant son sacre le 08.05.1961. Cette mort fut mystérieuse pour les non informés. Les témoins de cet événement racontent que Mgr Manyurane fut empoisonné dans les locaux de l’archevêque de Kabgayi. Il y est arrivé sain et sauf. Une heure après, il était à l’hôpital de Kabgayi, pris d’un mal mystérieux qui a fini par l’importer. La raison de cet empoisonnement serait, dit-on, son refus d’appliquer dans sa politique d’évêque le programme raciste du Parmehutu. Un originaire de Ruhengeri, qui veut marcher dans le sillage de Mgr Bigirumwami, c’était intolérable! L’autre exemple est celui du prêtre hutu, Sylvio Sindambiwe, directeur du journal catholique Kinyamateka. Ce prêtre a refusé d’introduire dans son journal le venin du racisme et du régionalisme des Nordistes (Abakiga). Longtemps persécuté par le régime Habyarimana, il finit par être mystérieusement liquidé dans un accident de voiture. L’accident est un euphémisme évident. Terminons par l’exemple de la très digne Député nationale Felicula Nyiramutarambirwa. Une fille hutu qui a tenu tête aux assauts des Zélés du régime au Parlement. Elle fut assassinée, elle aussi, dans un accident de lourage. Entre les deux groupes opposés, décrits ci-dessus, se situe celle des «ni froids ni chauds» : les Tutsi lâches et les Hutu peureux. Étant numériquement majoritaire, ce groupe impose au clergé dans son ensemble une sorte d’apathie. Voilà pourquoi, nos pasteurs ont assisté passivement au déroulement de l’événement malheureux de notre pays comme des mercenaires. Ils auraient dû se battre avec les loups même au risque d’être emportés avec les agneaux. Même les ecclésiastiques qui ont été tués, l’ont été, non à cause d’Évangile, mais à cause de leur ethnie ou de leur opinion politique. Normalement, si la foi des chrétiens avait fonctionné comme il faut, le génocide nous aurait laissé une longue liste de martyrs officiellement authentifiés, dignes de monter sur les autels comme ce fut le cas en Uganda.

IV. POUR UN FUTUR SEREIN


A la question de savoir « pourquoi l’Évangile n’a pas pu nous sauver », il a été clairement dit que l’Evangile, entant que message, reste irréprochable. Les lacunes sont du côté des pasteurs messagers et des chrétiens destinateurs. La question reste tout de même ambiguë. « L’Évangile n’a pas pu nous sauver », mais de quoi exactement ? Revenons sur cette interrogation pour mieux cerner les problèmes.

IV.1 L’évangélisation n’a pas été vaine



L’évangélisation n’a pas pu écarter le génocide, dans sa préparation, dans son exécution et dans ses séquelles. C’est l’évidence même. C’est cela le sens de l’interrogation. Nos réponses seront toujours à côté de la plaque. Le but de l’Évangile est la conversion du cœur de l’homme. Mais Dieu respecte l’homme qu’il a créé libre et responsable de ses actes. Vouloir que Dieu, empêche de force, l’homme d’abuser de sa liberté, c’est lui demander d’en faire un robot. Il ne le fera pas. C’est cette patience divine, cette longanimité, que l’on confond souvent avec son indifférence ou l’apparente inutilité de l’Évangile. Pour ce qui est du cas de l’évangélisation, l’échec a produit un effet bénéfique de nous convaincre qu’un christianisme essentiellement sociologique ne mène pas loin. Les chrétiens forment la majorité de notre population. Si elle avait été véritablement convertie au message d’amour évangélique, le génocide aurait été impossible. Voilà pourquoi, le Pape invite les évêques du Rwanda, nous l’avons lu dans ce qui précède, à viser l’« évangélisation en profondeur » et ne pas se laisser tromper par les statistiques : la qualité plus que la quantité! L’échec souligne aussi la responsabilité humaine. Le surnaturel ne remplace pas la nature. Si le monde va mal, il faut en vouloir à ses gestionnaires, à savoir les hommes, nous autres. Voilà pourquoi les acteurs politiques ont une part énorme dans l’organisation d’un monde humanisé et que les chrétiens y ont une place indispensable. Ensuite, même dans nos malheurs et peut-être à cause de ceux-ci, l’Évangile a porté plus de fruits en ce sens que beaucoup de gens ont mis plus de confiance en Dieu en l’absence des secours humains. Dans la misère, on revient beaucoup plus facilement à Dieu. Qui sait si plus de Rwandais n’ont pas retrouvé le chemin du salut de Dieu à cause de l’épreuve? Pour un chrétien, il n’y a pas de doute possible. Pour les non chrétiens, je l’avoue, c’est plus difficile. Pour comprendre le sens plein de la souffrance, on m’a appris à regarder la croix du Christ. Lorsqu’on la contemple, les reproches faites à Dieu tombent tous seuls. Dieu a laissé mourir son Fils d’une mort ignominieuse et mourir pour ses bourreaux. Il y a là un exemple qui ne résout pas nos problèmes mais qui nous empêche de blasphémer Dieu.
Au niveau du pays et de ses problèmes, les défaillances des Églises chrétiennes auront eu un fruit bénéfique. Nous savons maintenant qu’un chrétien, un prêtre, une religieuse, un évêque, peut garder un cœur incirconcis : sanctifier les autres par les sacrements sans en profiter soi-même. Nous avons vu que les pratiques chrétiennes purement extérieures ne sont pas la preuve de la vraie conversion. On ne s’y trompera plus. Un christianisme essentiellement sociologique que nous avons pratiqué a montré ses limites. A quelque chose, malheur est bon, a-t-on dit! Le meilleur fruit de l’échec de l’évangélisation est sa preuve qu’il faut désormais s’y prendre autrement. C’est ce point qui va retenir notre attention.
IV.2 Évangéliser les idées
On connaît la maxime que «ce sont les idées qui mènent le monde». C’est dans ce sens que je parle d’Évangéliser les idées. Les idées mal évangélisées deviennent des idéologies qui tuent. De ces idéologies, nous en avons eues au Rwanda. La principale fut la justification du racisme, monnayé dans des partis, politiques sous la mouvance du colonisateur. L’Église a eu le malheur d’avoir la partie liée avec ces milieux générateurs de ces idéologies et de n’avoir pas eu assez de distances pour pouvoir les critiquer. Pour l’avenir, avec un Gouvernement qui est étranger à ces préjugés, qui en a fait les frais, la tâche devrait être facile. La condition, c’est de rompre avec ce passé. Pour cette rupture, je vois un signe prometteur : le synode gacaca. A l’instar du Gouvernement, les Diocèses catholiques ont organisé des sessions extraordinaires portant sur une seule question : le problème ethnique. Les évêques ont convenu que c’est cela le problème numéro un de leur ministère. Fort heureusement, nous avons déjà dans cette initiative une double connivence avec le Gouvernement. Les deux institutions sont d’accord que l’unité entre les deux ethnies est le problème qui sous -tend tous les autres. Elles sont d’accord ensuite que la méthode à essayer pour trouver des solutions est celle dite « gacaca ». Voilà un début promoteur : une même méthode de travail, viser une même cible, bref regarder ensemble dans le même direction.
IV 3. Le triomphe du réalisme
Nos ancêtres l’ont dit : Abasenyera ku mugozi umwe ntibandurana (qui ramassent sur une même corde n’ont aucun intérêt à tricher). L’Église et l’État « ramassent» pour la même « corde» (le Rwanda). Tricher entre eux, « se voler les parts» (kwandurana) ne profite à aucun. Voilà pourquoi, après tant de fourvoiement, le réalisme finira par triompher. Le réalisme consiste à travailler ensemble, à regarder dans la même direction, à viser les mêmes objectifs. J’ai lu les contributions qui précèdent celle-ci. Je me rends compte que nous avons le même langage et la même inquiétude. L’Église veut le bien. L’État veut le bien. Les deux travaillent pour les Rwandais. Les erreurs du passé sont maintenant connues. Les hommes et les femmes d’Église vont devoir quitter leur comportement déphasé. Même les partis politiques ont commencé de comprendre. Le MDR a avoué que le racisme a été accouché dans leurs maisons. Les prisonniers du génocide sont fatigués, plus du mensonge que des murs de la prison. Ils finiront par tout dire. Dans les synodes «gacaca», les prêtres « assermentés» finiront par craquer. On finira par tout savoir. Il est impossible que les célébrations jubilaires de 2.000 ans d’évangélisation du monde et de 100 ans d’évangélisation du Rwanda soient du folklore pur et simple. De toute façon si le Gouvernement tient solidement son engagement pour l’unité nationale. Il rejoint ainsi l’idéal chrétien de l’amour fraternel. À coup sûr, l’Église catholique fera le chemin qui lui reste pour que les enfants de ce pays retrouvent enfin la quiétude et la concorde.
CONCLUSION GENERALE

Le dialogue est un terme qui exprime un sentiment noble. Son but est l’entente entre les gens qui sont dans une situation conflictuelle. Son succès suppose la bonne volonté des acteurs. Sinon, il reste un dialogue de sourds. Dans le programme de cette année, nous l’avons envisagé successivement entre les ethnies, entre les parties politiques et maintenant entre l’Église catholique et le Gouvernement actuels. Les réflexions ont-elles suggéré des possibilités d’arriver à quelque chose de positif? Ces différents niveaux d’analyse visent un même problème : l’opposition entre les Rwandais. Pour éviter l’euphémisme, il s’agit d’opposition actuelle entre le Hutu et le Tutsi. Cette affirmation est encore vague. Il s’agit plus exactement de la politique que les leaders politiques hutu ont pratiquée contre les Tutsi. Cette politique a eu pour effet de les acculer à l’exil, à la marginalisation politique et finalement au génocide. Cette politique qui a débuté officiellement en 1959 par ce qui a été nommé « la révolution sociale » n’a pas d’origine endogène mais exogène, c’est- à – dire coloniale. Le leader hutu a été utilisé comme pièce de rechange contre les autorités indigènes tutsi qui avaient réclamé l’indépendance à l’instar des autres pays africains. Les missionnaires européens, qui avaient eu la partie liée avec le colonisateur de même origine, ont entraîné l’Église dans cette politique. De telle sorte que les deux premières Républiques installées et appuyées par la colonisation ont gardé l’attitude de faire de l’Église catholique leur religion d’État. Kayibanda avec Perraudin, Habyarimana avec V. Nsengiyumva, sont les symboles de cette « inféodation réciproque».


Le FPR-Inkotanyi qui a renversé cette politique a pour base de départ des jeunes gens en majorité des Tutsi réfugiés. Cette coloration allogène affecte ce niveau régime d’une antipathie presque viscérale de la part de tous ceux qui avaient la sympathie des anciens régimes Hutu et pro- coloniaux qui se surnommaient volontiers les « Nkundabera ». Au bout de ce processus, le rapport des forces en présence sur l’échiquier politique donne deux groupes inégaux. D’un côté, il y a le minuscule groupe de Tutsi et des Hutu dits «modérés», c’est-à-dire qui ont refusé l’exclusion des Tutsi. De l’autre, il y a le groupe majoritaire hutu, appuyé par la sympathie agissante de presque tout le monde colonial. Voilà brossé rapidement le fond du tableau sur lequel on espère une réconciliation entre les Rwandais. N’est- ce pas une gageure? Ce numéro a évoqué des interventions actuelles du monde occidental pour rappeler que ce rôle n’est pas le fruit de notre imagination. Le succès du dialogue entre nous suppose que cet intermédiaire entre, lui-même, dans ce changement d’optique. Que peuvent-ils y faire les acteurs rwandais ? Un professeur Belge nous a dit un jour, dans un cours d’histoire, « Ni avec nous ni sans nous, vous ne pouvez rien faire» ! Tel est le paradoxe de notre situation. Est- ce l’impasse totale ? On a tout de même déjà renversé pas mal de barrières de cette impasse. Les « réfugiés » sont revenus. Quelques jeunes gens ont arrêté « le génocide et chassé un régime dictatorial » appuyé par des puissances colossales. Un Gouvernement d’union nationale est en place sans la grâce des protecteurs colonialo-missionnaires. Les structures de l’État et la viabilité de la société s’affirment de jour en jour. Nous ne sommes plus une nation sinistrée et ridicule dans la région. Ces atouts constituent des arguments pour amener l’Église à un dialogue obligé. Les 4 contributions qu’on vient de lire indiquent les conditions de ce dialogue. La première, peut-être d’ordre psychologique, est le réalisme. Qu’on le veuille ou non, les choses ont changé. Le Pape disait aux évêques : « n’ayez pas peur d’affronter la réalité de l’histoire de votre pays ». Il faut dire aussi que, entre l’Église et le Gouvernement qui cherche l’unité, il n’y a aucun conflit objectif. La collaboration qui est souhaitée n’est pas celle qui a régné dans le passé : la confusion des pouvoirs. C’est la distinction des domaines, le spirituel et temporel. L’Église prêche une « saine coopération». Celle-ci sera d’autant plus facile que le régime actuel n’est pas sorti de la sacristie comme les deux premières Républiques. La puissance temporelle de l’Eglise sous ces précédents régimes ne lui a apporté que des inconvénients dont le principal est la superficialité du christianisme. Un État laïc, non laïciste, est meilleur coopérateur de l’Église dont le « règne n’est pas de ce monde ». Cette parole évangélique rappelle que les chrétiens, surtout les ecclésiastiques, même du haut clergé, ne sont pas au-dessus des lois de l’État. L’agitation actuelle autour des membres du clergé, impliqués dans le génocide n’est pas de mise. C’est au chrétien la honte d’avoir permis le génocide qui aurait été impossible s’ils avaient agi en chrétiens. Nous espérons que les célébrations des jubilés de 2.000 ans du christianisme dans le monde et de 100 ans au Rwanda déclencheront, comme le souhaite le Pape, « un réveil spirituel » pour que l’Église rebondisse. Elle a les promesses d’éternité.

CAHIER N° 16
1959 EST- ELLE UNE ANNEE DE REVOLUTION OU DE REGRESSION ?

PRESANTATION DU NUMERO

«Apparentés, sans aucun doute, aux Abyssins, les Batutsi vinrent au Ruanda très longtemps après les autres races. Ceux d’entre eux qui descendent de souche non mêlée se reconnaissent à leur figure sémite, à leurs traits fins, réguliers, à leur taille élevée : 1 m 80 en moyenne» (A. Arnoux, Les Pères Blancs aux sources du Nil, 1950, p. 18). «Si nous voulons nous placer au point de vue pratique et chercher l’intérêt vrai du pays, nous avons dans la jeunesse mututsi un élément incomparable de progrès, que tous ceux qui connaissent le Ruanda ne peuvent sous-estimer. Avides de savoir, désireux de connaître ce qui vient d’Europe, ainsi que d’imiter les européens, entreprenants, se rendant suffisamment compte que les coutumes ancestrales n’ont plus de raisons d’être, conservent néanmoins le sens politique des anciens et le doigté de leur race pour la conduite des hommes, ces jeunes gens sont une force pour le bien et l’avenir économique du pays. Qu’on demande aux bahutu s’ils préfèrent être commandées par des roturiers ou par des nobles, la réponse n’est pas douteuse ; leur préférence va aux batutsi, et pour cause. Chefs nés, ceux-ci ont le sens du commandement… C’est le secret de leur installation dans le pays et de leur mainmise sur lui», (L. de Lacger, Ruanda, 1959, p. 523).
«Au Rwanda, c’est sans doute le poids massif d’une population opprimée, poussée à bout de patience et de silence, qui engendra la révolution de 1959. Mais comme l’éruption d’un volcan est conditionnée par une série de paramètres, la révolution ruandaise, comme les autres, fut provoquée par des facteurs, que je compte analyser tout au long de cet ouvrage. Bien entendu, les hommes en présence y ont joué un rôle non négligeable. J’ai été l’un de ces hommes, c’est tout» (G.Logiest, Mission au Rwanda, p.7-8) On ne pouvait pas mieux introduire ce numéro portant sur les événements survenus au Rwanda en 1959. La ligne de démarcation entre ces trois citations est nette. Les deux premières reflètent l’époque où, dans l’opinion coloniale, le Tutsi était considéré comme leur cousin». La troisième citation note le changement radical par lequel le Hutu est «canonisé» tandis que le Tutsi est «diabolisé». Voilà le flash qui annonce les contributions qu’on va lire. Dans la première, nous écouterons notre historien Alexis KAGAME qui raconte l’événement massif des faits du 28 novembre 1959, qu’on nommera plus tard «Le coup d’Etat de Gitarama». Cette relation sera elle-même introduite par une liste des membres du «Gouvernement Provisoire». La deuxième contribution est également une citation du livre de Jacques VANDERLINDEN, qualifiant et justifiant le caractère «révolutionnaire» des événements de 1959.
Les trois réflexions qui suivent s’inscrivent dans l’opinion qui qualifie 1959 comme l’année de la régression radicale. Gérard NYIRIMANZI livre son témoignage sur la discrimination dans les écoles, tandis que Paul RUTAYISIRE nous livre sa réflexion sur les mythes fondateurs de cette soi-disant révolution. Un sage parmi les sages, Pierre KAMANZI, répond aux questions des membres de la Rédaction dans une interview qui lui permet de réfléchir à haute voix. Il plaint les Hutu plus que les Tutsi. Il trouve que le rôle diviseur du colonisateur n’est pas enviable non plus. D’aucuns peuvent se demander : quel intérêt y a-t-il à faire l’anniversaire de 40 ans de ladite « révolution » de 1959 ? Un proverbe rwandais peut répondre : Akabi gasekwa nk’akeza (Du mal comme du bien, on en rit). Nos ancêtres voulaient dire : le bien est à imiter ; le mal est à éviter ; conclusion : il faut parler des deux. Dans un sens encore plus direct, un autre proverbe précise : Ukize inkuba arayiganira (Celui qui échappe à un coup de foudre ne tarit pas d’en parler). Garder le souvenir de 1959, de 1994, et des autres années fatidiques de notre histoire est même un devoir sacré. Ceux qui en prêchent l’oubli, c’est ceux qui en espèrent la répétition. Avec raison, on peut s’étonner que ce numéro soit intégré au programme sur la série portant sur le thème du dialogue. Il faut se souvenir, cependant, que l’objectif majeur de cette revue est, entre autres choses, l’accompagnement des événements du pays. Le 40ème anniversaire des événements de 1959 ne pouvait pas passer inaperçu. De plus, une telle anamnèse constitue un élément de dialogue. Savoir si ces bouleversements sont une révolution ou une régression est on objet de dialogue, c’est-à-dire de débat. Le dernier article formule clairement la question. L’ensemble des contributions répond en faveur de la régression. Leurs auteurs pensent que les bouleversements politiques qui font reculer le pays ne constituent pas une révolution. Ils ont donc de celle-ci une définition positive. Ami lecteur, notre but serait atteint si ces contributions réussissaient à te permettre de trouver la réponse personnelle à la question de savoir qui, à l’heure qu’il est, bénit dans son cœur les événements de l’année 1959 ? Ceux qui les regrettent que font-ils pour qu’ils ne reviennent pas ?
LE CAMOUFLET DE LA TUTELLE BELGE SUR-NOMME

« LE COUP D’ETAT DE GITARAMA »
Alexis KAGAME


  1. INTRODUCTION

Il est évident que l’auteur auquel est attribuée cette contribution n’est pas revenu de l’autre monde pour apposer sa signature sur le texte que nous allons lire. Il n’est même pas vrai que ce titre et tout son contenu vienne de lui. La rédaction donne son nom parce que la base de tout ce qui y est dit découle d’une citation de son livre sur l’histoire du Rwanda dont les références exactes vont être dûment indiquées. Avant cette citation, il est bon de garder en mémoire les deux autres faites dans la présentation du numéro, faisant référence aux livres des deux Missionnaires : Alexandre Arnoux et Louis de Lacger. Ces deux premières citations fournissent la clef de lecture des événements que raconte Alexis Kagame dans les passages que nous allons lui emprunter. Il s’agit principalement de la théorie de l’inégalité des races. D’après cette idéologie, il existe des races «nobles» (arya) et des races moins nobles. Arrivé au Rwanda, le colonisateur belge a classé les deux grands groupes de notre population en «race noble» identifiée aux Tutsi et en race moins noble appliquée aux Hutu. Aux plus nobles des nobles, c’est-à-dire les Tutsi supposés non mêlés au sang des noirs, il a confié le pouvoir exclusif des autorités indigènes : le Mwami, les chefs et les sous-chefs. La réforme de 1926 opérée par le Résident Mortehan a ainsi éliminé du pouvoir les Twa, les Hutu et la grosse majorité des Tutsi de «familles modestes».


Lorsque le vent de l’indépendance souffla sur le continent africain, le roi Mutara Rudahigwa avec beaucoup de ses chefs manifestèrent le désir du recouvrement de l’indépendance du pays. La réaction de l’Administration belge fut le scandale de l’ingratitude des autorités tutsi. Aussi, la décision fut prise : trouver un collaborateur indigène plus fidèle et qui n’entend pas nous mettre dehors. Les leaders hutu qui, depuis longtemps piétinaient à la porte du pouvoir étaient là pour ce service qui leur crée un encadrement politique. C’est ainsi que les partis politiques furent initiés. Ceux d’entre, de coloration hutu, furent portés à bout de bras par l’administration coloniale. L’Aprosoma de J.B. Gitera et le Parmehutu de Grégoire Kayibanda, furent élus partis vainqueurs des soi-disant compétitions démocratiques qui devaient suivre pour créer une situation irréversible par des faits accomplis. Ce plan réussit à merveille. L’étape de l’exécution de ce plan a exigé des stratégies bien à point. Comme une grande pièce de théâtre, il fallait un metteur en scène : ce fut le colonel Guy Logiest, avec l’appui inconditionnel du Résident Général Jean-Paul Harroy. Il fallait bien sûr, créer une situation justifiant un bouleversement social très grave, car, ne l’oublions pas, le Rwanda était sous l’autorité souveraine de l’ONU. Cette situation fut les «troubles de novembre 1959». Il fallait également, dans un pays toujours sous Tutelle, donner aux nouvelles autorités indigènes des moyens d’action. Ces moyens seront fournis par deux ordonnances accordant au Rwanda l’autonomie de gestion interne et les pouvoirs opérationnels. La dernière pièce de ce dispositif fut l’installation d’un «Gouvernement Provisoire», formé à égalité entre les ministres belges et rwandais. Dès que tout ceci fut fin près, le rideau du grand jeu tomba. Suivons maintenant le déroulement des actes.


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