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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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Les premiers sont des billets ou promesses sous simple signature, dans lesquels les intérêts sont payés par avance, ou précomptez avec la somme principale ; et on les renouvelle de temps en temps, ce qui fait un commerce illicite contre les lois de l’évangile et celles du royaume. C’est pourtant un commerce qu’un grand nombre de gens font, tant pour ne rien hasarder dans le négoce avec les marchands, que pour être toujours maître de leurs deniers.

L’autre sorte de billets dont l’usage devient fort commun, et dont il serait important d’arrêter le cours, parce qu’ils sont tous pernicieux au roi et à la société civile, sont des billets payables au porteur sans autre addition, lesquels enferment d’ordinaire l’intérêt par avance comme les précédents. Cette manière de billets a été mise en vogue par les gens d’affaires pendant la dernière guerre, pour mettre leurs effets à couvert des recherches qu’on pourrait faire contre eux.

Un homme qui s’est mis en crédit, aura ramassé de grands biens, souvent aux dépens du roi et du public, et mourra riche de deux millions en de semblables billets. Ses héritiers après s’en être saisis, renonceront à sa succession. S’il a malversé dans le maniement des deniers du roi, ou s’il a pris ceux des particuliers, il n’y aura point de recours contre lui, parce que ces billets ne le manifestent point, et que l’argent donné en conséquence n’a point de suite.

L’usage des billets de la première sorte ne peut être toléré qu’entre marchands, et pour fait de marchandises seulement, et doit être interdit à toutes autres personnes ; ce qui sera très aisé, parce qu’il n’y aura qu’à déclarer qu’ils ne seront exigibles, et n’auront d’exécution, que de mar-chand à marchand, et selon les lois du commerce.

Mais je crois qu’il est nécessaire d’abolir absolument l’usage des billets de la seconde sorte. Un moyen court et facile pour en venir à bout, est non seulement de leur ôter toute exécution ; mais encore de condamner ceux qui les signeront à de grosses amendes. Le peu de bonne foi qui se rencontre aujourd’hui dans le monde, fera que peu de gens voudront se fier à de semblables billets quand ils ne seront plus exigibles ; et le danger de s’exposer à une grosse amende, empêchera l’obligé de les signer.

Revenons au commerce. Je suis persuadé que l’abonnement qu’on en pourra faire pour tout le royaume en la manière qui sera jugée la plus convenable, rendra à ce second fonds, sans compter les douanes des frontières qui entreront dans le quatrième, une somme de deux millions. Car il se fera bien peu de commerce dans le royaume, s’il ne s’en fait pour quarante millions par chaque année, dont la dîme royale sera de 2 000 000 livres.

Il reste encore la moitié du peuple et plus qui exerce des arts et métiers, et qui gagne sa vie par le travail de ses mains.

Nous supposons que la lieue quarrée contient plus de cinq cens cin-quante personnes ; mais nous ne croyons pas qu’il faille étendre ce nombre au-delà quant à présent, à cause des mortalités, et des grandes désertions arrivées dans le royaume, notamment dans ces dernières guerres, qui ont beaucoup consommé de peuple. Sur ce pied je compte que cette moitié va à huit millions deux cents cinquante mille âmes. Il en faut ôter les deux tiers pour les vieillards, les femmes et les petits enfants, qui ne travaillent que peu ou point.

Il ne restera donc que deux millions sept cent cinquante mille per-sonnes, dont il faut encore ôter les sept cent cinquante mille, pour tenir lieu des laboureurs, vignerons, et autres gens de pareille étoffe qui paient pour la dîme de leur labourage. Reste à faire état de deux millions d’hommes, que je suppose tous manœuvriers ou simples artisans répandus dans toutes les villes, bourgs et villages du royaume.

Ce que je vais dire de tous ces manœuvriers, tant en général qu’en particulier, mérite une sérieuse attention ; car bien que cette partie soit composée de ce qu’on appelle mal à propos la lie du peuple, elle est néanmoins très considérable, par le nombre et par les services qu’elle rend à l’État. Car c’est elle qui fait tous les gros ouvrages des villes et de la campagne, sans quoi ni eux, ni les autres ne pourraient vivre. C’est elle qui fournit tous les soldats et matelots, et tous les valets et servantes ; en un mot, sans elle l’État ne pourrait subsister. C’est pourquoi on la doit beaucoup ménager dans les impositions, pour ne la pas charger au-delà de ses forces.
Commençons par ceux des villes.

La première chose qu’il est à propos de faire, est d’entrer en connais-sance de ce qu’un artisan peut gagner ; et pour cet effet examiner la qualité du métier, et voir s’il est continu ; c’est-à-dire s’il peut être exercé pendant toute l’année, ou seulement une partie.

2. À quoi peuvent aller les journées des ouvriers quand ils travaillent, et les frais qu’ils sont obligés de faire, si ce sont des maîtres.

3. Combien les maîtres emploient de compagnons et d’apprentis.

4. Le temps qu’ils perdent ordinairement par rapport à leur métier, et aux autres ouvrages à quoi ils sont employés. Et enfin ce qui peut leur revenir de net à la fin de l’année.

Pour mieux faire entendre ceci, je prendrai pour exemple un tisserand. Il peut faire communément six aunes de toile par jour quand le temps est propre au travail, pour la façon desquelles on lui paie deux sols par aune, qui font douze sols. Sur quoi il est à remarquer, qu’il ne travaille pas les dimanches ni les fêtes, ni les jours de gelée, ni ceux qu’il est absent pour aller rendre la toile à ceux qui la font faire ; non plus que les jours qu’il est obligé d’aller aux foires et aux marchés chercher les choses nécessaires convenables à son métier, ou à sa subsistance, pendant lesquels il ne gagne rien ; à quoi on peut ajouter quelques jours d’infirmité dans le cours d’une année qui l’empêchent de travailler. Il lui faut faire une déduction équivalente à tout cela comme d’un temps perdu, et le lui rabattre ; en quoi il faut user d’une grande droiture. C’est pourquoi je compterai pour les dimanches d’une année, cinquante-deux jours, pour les fêtes trente-huit, parce qu’il y en a à peu près ce nombre ; cinquante jours pour les gelées, parce qu’il peut y en avoir autant ; pour les foires et marchés, et autres affaires qui peuvent l’obliger de sortir de chez lui, vingt jours ; pour ceux qu’il emploie à ourdir sa toile, comme aussi, pour le temps qu’il pourrait être malade ou incommodé, encore vingt-cinq jours.

Ainsi toute son année se réduira à cent quatre-vingt jours de vrai travail, qui estimés à sept deniers et demi par jour, parce qu’on suppose qu’il gagnera douze sols, reviendrait à cinq livres douze sols six deniers de dîme par an ; ce qui me parait trop fort pour un pauvre artisan qui n’a que cela, à cause des augmentations qui pourraient porter cette contribution au double dans les grandes nécessités de l’État. C’est pourquoi j’estime qu’il se faudrait contenter de régler la dîme des arts et métiers sur le pied du trentième.

Ainsi ce tisserand payerait pour le trentième de son métier trois livres quinze sols, et en doublant, comme cela pourrait quelquefois arriver, sept livres dix sols, à quoi ajoutant huit livres seize sols pour le sel dans les temps les plus chargés, et quand le minot serait à trente livres, supposant aussi sa famille composée de quatre personnes ; cela ne laisserait pas de monter à seize livres six sols, qu’il serait obligé de payer au roi par an dans les plus pressants besoins de l’État ; ce qui est, à mon avis, une assez grosse charge pour un artisan qui n’a que ses bras, et qui est obligé de payer un louage de maison, de se vêtir lui et sa famille, et de nourrir une femme et des enfants, lesquels souvent ne sont pas capables de gagner grand-chose.

Il faut aussi bien prendre garde qu’il y a des artisans bien plus achalandés les uns que les autres, plus forts et plus adroits, et qui gagnent par conséquent davantage : et d’autres qui ne sont pas si bons ouvriers qui gagnent moins, et dont les qualités sont cependant égales : ce sont toutes considérations dans lesquelles on doit entrer le plus avant qu’on pourra avec beaucoup d’égard et de circonspection, et toujours avec un esprit de charité.

C’est pourquoi il semble qu’après avoir fait dans chaque ville du royaume où il y a maîtrise, le dénombrement des artisans de même profession, et vu à peu près ce qu’ils peuvent payer les uns portant les autres, pour leur contribution aux besoins de l’État, on pourrait en laisser la répartition aux jurés et gardes de chaque art et métier, pour la faire avec la proportion requise au travail et au gain d’un chacun. Car ce qui est ici proposé pour un tisserand, peut être appliqué à un cordonnier, à un marchand, à un chapelier, à un orfèvre, etc., et généralement à tous les artisans des villes et de la campagne, de quelque espèce qu’ils pussent être, exerçant les arts et métiers qui leur tiennent lieu de rentes et de revenus.

On doit comprendre dans ce dénombrement les compagnons qui travaillent sous les maîtres, et même les apprentis, et estimer leur travail, pour en fixer la dîme comme dessus.

Parmi le même peuple, notamment celui de la campagne, il y a un très grand nombre de gens qui ne faisant profession d’aucun métier en particulier, ne laissent pas d’en faire plusieurs très nécessaires, et dont on ne saurait se passer. Tels sont ceux que nous appelons manœuvriers, dont la plupart n’ayant que leurs bras, ou fort peu de chose au-delà, travaillent à la journée, ou par entreprise, pour qui les veut employer. Ce sont eux qui font toutes les grosses besognes, comme de faucher, moissonner, battre à la grange, couper les bois, labourer la terre et les vignes, défricher, boucher les héritages, faire ou relever les fossés, porter de la terre dans les vignes et ailleurs, servir les maçons, et faire plusieurs autres ouvrages qui sont tous rudes et pénibles. Ces gens peuvent bien trouver à s’employer de la sorte une partie de l’année, il est vrai que pendant la fauchaison, la moisson et les vendanges, ils gagnent pour l’ordinaire d’assez bonnes journées ; mais il n’en est pas de même le reste de l’année. Et c’est encore ce qu’il faut examiner avec beaucoup de soin et de patience, afin de bien démêler les forts des faibles, et toujours avec cet esprit de justice et de charité si nécessaire en pareil cas, pour ne pas achever la ruine de tant de pauvres gens, qui en sont déjà si près, que la moindre surcharge au-delà de ce qu’ils peuvent porter, achèverait de les accabler.

Or la dîme de ceux-ci ne sera pas plus difficile à régler que celle du tisserand, pourvu qu’on s’en veuille bien donner la peine, en observant de ne les quotiser qu’au trentième, tant par les raisons déduites en parlant du tisserand qui conviennent à ceux-ci, qu’à cause du chômage fréquent auxquels ces pauvres manœuvriers sont sujets, et des grandes peines qu’ils ont à supporter. Car on doit prendre garde sur toutes choses à ménager le menu peuple, afin qu’il s’accroisse, et qu’il puisse trouver dans son travail de quoi soutenir sa vie, et se vêtir avec quelque commodité. Comme il est beaucoup diminué dans ces derniers temps par la guerre, les maladies, et par la misère des chères années, qui en ont fait mourir de faim un grand nombre, et réduit beaucoup d’autres à la mendicité, il est bon de faire tout ce qu’on pourra pour le rétablir ; d’autant plus que la plupart n’ayant que leurs bras affaiblis par la mauvaise nourriture, la moindre maladie ou le moindre accident qui leur arrive, les fait manquer de pain, si la charité des seigneurs des lieux et des curés, ne les soutient.

C’est pourquoi, comme j’ai fait un détail de ce que peut gagner un tisserand, et de ce qu’il peut payer de dîme royale et de sel, il ne sera pas hors de propos d’en faire autant pour le manœuvrier de la campagne.

Je suppose que des trois cents soixante-cinq jours qui font l’année, il en puisse travailler utilement cent quatre-vingt, et qu’il puisse gagner neuf sols par jour. C’est beaucoup, car il est certain qu’excepté le temps de la moisson et des vendanges, la plupart ne gagnent pas plus de huit sols par jour l’un portant l’autre ; mais passons neuf sols, ce serait donc quatre-vingt-cinq livres dix sols ; passons quatre-vingt-dix livres ; desquelles il faut ôter ce qu’il doit payer, suivant la dernière ou plus forte augmentation, dans les temps que l’État sera dans un grand besoin, c’est-à-dire le trentième de son gain, qui est trois livres, ce qui doublé fera six livres, et pour le sel de quatre personnes, dont je suppose sa famille composée, comme celle du tisserand, sur le pied de trente livres le minot, huit livres seize sols, ces deux sommes ensemble porteront celle de quatorze livres seize sols, laquelle ôtée de quatre-vingt-dix livres, restera soixante et quinze livres quatre sols.

Comme je suppose cette famille, ainsi que celle du tisserand, composée de quatre personnes, il ne faut pas moins de dix setiers de blé mesure de Paris pour leur nourriture. Ce blé, moitié froment, moitié seigle, le froment estimé à sept livres, et le seigle à cinq livres par commune année, viendra pour prix commun à six livres le setier mêlé de l’un et l’autre, lequel multiplié par dix, fera soixante livres, qui ôtés de soixante-quinze livres quatre sols, restera quinze livres quatre sols ; sur quoi il faut que ce manœuvrier paie le louage, ou les réparations de sa maison, l’achat de quelques meubles, quand ce ne serait que de quelques écuelles de terre ; des habits et du linge ; et qu’il fournisse à tous les besoins de sa famille pendant une année.

Mais ces quinze livres quatre sols ne le mèneront pas fort loin, à moins que son industrie, ou quelque commerce particulier, ne remplisse les vides du temps qu’il ne travaillera pas ; et que sa femme ne contribue de quelque chose à la dépense, par le travail de sa quenouille, par la couture, par le tricotage de quelque paire de bas, ou par la façon d’un peu de dentelle selon le pays ; par la culture aussi d’un petit jardin ; par la nourriture de quelques volailles, et peut-être d’une vache, d’un cochon, ou d’une chèvre pour les plus accommodés, qui donneront un peu de lait, au moyen de quoi il puisse acheter quelque morceau de lard, et un peu de beurre ou d’huile pour se faire du potage. Et si on n’y ajoute la culture de quelque petite pièce de terre, il sera difficile qu’il puisse subsister ; ou du moins il sera réduit lui et sa famille à faire une très misérable chère. Et si au lieu de deux enfants il en a quatre, ce sera encore pis, jusqu’à ce qu’ils soient en âge de gagner leur vie. Ainsi de quelque façon qu’on prenne la chose, il est certain qu’il aura toujours bien de la peine à attraper le bout de son année. D’où il est manifeste que pour peu qu’il soit surchargé, il faut qu’il succombe : ce qui fait voir combien il est important de le ménager.

Pour revenir donc au compte de ce que la dîme des arts et métiers pourrait donner sans rien forcer, nous avons vu que nous ne pouvons faire état que de deux millions d’hommes, dont je ne crois pas qu’on doive estimer la dîme au-delà de trois livres pour chacun le fort portant le faible, y compris même le filage des femmes, et tout ce qu’elles peuvent faire d’estimable de prix. Ainsi je compte que cet article pourra monter à la somme de six millions, ici : 6 000 000 livres

De sorte que tout ce second fonds ramassé ensemble, fera la somme de quinze millions quatre cents vingt-deux mil cinq cents livres, ici : 15 422 500 liv.
TROISIEME FONDS - Le sel.
Le troisième fonds sera composé de l’impôt sur le sel, que je crois devoir être beaucoup modéré, mais étendu partout peu à peu, en sorte que tous les Français soient égaux à cet égard comme dans tout le reste ; et qu’il n’y ait point de distinction de pays de franc-salé, d’avec celui qui ne l’est pas.

Voici quels sont dans le royaume ces pays qu’on appelle de franc-salé, c’est-à-dire non sujets à la grosse gabelle.

La plupart des côtes de Normandie, la Bretagne, le Poitou, l’Auvergne, le pays d’Aunix, la Xaintonge, l’Angoumois, le Périgord, le haut et bas Limosin, la haute et basse Marche ; les états de la couronne de Navarre ; le Roussillon, le pays Conquis, l’Artois et le Cambrésis ; ce que nous tenons de la Flandre, du Hainaut et du Luxembourg ; les Trois Evêchés ; les comtés de Clermont, d’Un, Stenai et Jamets ; les souverainetés de Sedan et de Raucourt, d’Arche et de Châteaurenault ; les duchés de Bouillon et de Rethélois ; le comté de Bourgogne ; l’Alsace ; les prévôtés de Longwy, et le gouvernement de Sarre-Louis.

Ce n’est pas que le roi ne tire du profit des sels qui se consomment dans tous ces pays-là ; mais ce n’est que sur le pied qu’il l’a trouvé établi quand il s’en est rendu maître, lequel est bien au-dessous de celui de la gabelle. Cependant comme les autres impositions sont pour l’ordinaire un peu plus fortes en ce pays de franc-salé ; ce que les habitants croient gagner d’un côté, leur échappe de l’autre.

Le sel est une manne dont Dieu a gratifié le genre humain, sur lequel par conséquent il semblerait qu’on n’aurait pas du mettre de l’impôt. Mais comme il a été nécessaire de faire des levées sur les peuples pour les nécessités pressantes des États, on n’a point trouvé d’expédient plus commode pour les faire avec proportion, que celui d’imposer sur le sel : parce que chaque ménage en consomme ordinairement selon qu’il est plus ou moins accommodé ; les riches qui ont beaucoup de domes-tiques, et font bonne chère, en usent beaucoup plus que les pauvres qui la font mauvaise. C’est pourquoi il y a peu d’État où il n’y ait des impositions sur le sel, mais beaucoup moindres qu’en France, où il est de plus très mal économisé.

Les défauts plus remarquables que j’y trouve, sont :

Premièrement, que les fonds des salines n’appartiennent pas au roi.

Deuxièmement, qu’elles sont toutes ouvertes et sans aucune clôture, et par conséquent très exposées aux larrons, et aux faux-saunages.

Troisièmement, qu’il y a beaucoup de particuliers qui ont des rentes et des engagements sur le sel, ce qui cause de la diminution à ses revenus.

Quatrièmement, qu’il y a une très grande quantité des communautés, et d’autres particuliers qui ont leur franc-salé, ce qui cause encore une diminution considérable aux mêmes revenus ; outre qu’en ayant beaucoup plus qu’ils ne peuvent consommer, ils en vendent aux autres.

Cinquièmement, que les pays exempts de la gabelle obligent le roi à un grand nombre de gardes sur leurs frontières, dont l’entretien lui coûte beaucoup, et qu’on pourrait utilement employer ailleurs.

Sixièmement, que le bon marché du sel dans une province, et sa cherté à l’excès dans une autre, y cause deux maux considérables ; dont l’un est le faux-saunage, qui envoyé quantité de gens aux galères ; et l’autre l’imposition forcée du sel, qui contraint les particuliers d’en prendre une certaine quantité, le plus souvent au-delà de leurs forces, sans que celui qui pourrait leur rester d’une année puisse leur servir pour l’autre ; ce qui les expose à beaucoup d’avanies de la part des gardes-sel, qui fouillent leurs maisons jusques dans les coins les plus reculés, et y portent quelquefois eux-mêmes du faux sel, pour avoir prétexte de faire de la peine à ceux à qui ils veulent du mal.

C’est en gros ce qu’il y a de mal dans la disposition générale des gabelles, sur lesquelles il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, mais qui ne sont point nécessaires à mon sujet. C’est pourquoi je me réduirai à marquer ici simplement et en peu de paroles les malfaçons sur les voitures, et sur la distribution du sel, soit en gros, soit en détail.

Premièrement, ceux qui font les voitures, chemin faisant font le faux-saunage tout de leur mieux aux dépens de la voiture même, où le déchet est souvent remplacé par du sable et par d’autres ordures.

Deuxièmement, sur la distribution en gros dans les greniers, où il y a toujours de la tromperie sur le plus ou le moins du poids des mesures, par le coulage du sel, au moyen d’une trémie grillée inventée exprès, pour frauder de quelques livres par minot.

Troisièmement, sur le débit à la petite mesure, où le sel est survendu, et souvent augmenté par du sable, et derechef recoulé.

Quatrièmement, sur le restant dans les greniers au bout de l’année, qui se partage entre les fermiers et les officiers ; mais de manière que les premiers ont toujours la petite part, et souvent rien du tout.

Il est très évident que si tous ces défauts rendent la vente du sel très onéreuse au peuple, ils la rendent encore très pénible en elle-même, et sujette à de très grands frais. C’est pourquoi nos rois pour le faire valoir et en assurer le débit, ont été obligés d’établir tout ce grand nombre de greniers à sel, d’officiers et de gardes, que nous voyons répandus dans toutes les provinces du royaume sujettes à la gabelle ; ce qui en augmente encore le prix, et fait qu’il y a beaucoup de menu peuple dans les pays où il n’est pas forcé, qui en consomment peu, et n’en donnent jamais à leurs bestiaux. D’où s’ensuit que les uns et les autres sont lâches et mal sains ; ce qui ne fait pas la condition du roi meilleure, parce qu’on en débite moins que si on le vendait à un prix plus bas. Et quoi qu’il semble très difficile d’y remédier, à cause du long temps qu’il y a que ce mal a pris racine, il ne me paraît pas néanmoins impossible qu’on n’en puisse venir à bout, en s’aidant dans l’occasion de l’autorité du roi, à laquelle rien ne résistera dés qu’elle sera employée avec justice.

La première chose qui me paraît nécessaire, serait d’ôter cette distinction de provinces ou de pays à l’égard du sel. Et je suis persuadé que l’établissement de la dîme royale, en la manière proposée en ces mémoires, dans les dix-huit généralités des pays taillables, et sujets à la grosse gabelle ; et la suppression de tous les autres impôts, en ouvriraient un chemin facile. Car on doit supposer comme une vérité constante, que le bien-être où ces généralités se trouveraient bientôt, ne manquerait pas de se faire désirer par les pays les plus voisins, qui demanderaient le même traitement ; ce qui serait suivi des autres provinces, et ensuite de tout le royaume. Or accordant ce même traitement aux pays où la gabelle n’est pas établie, on pourrait le faire à condition de la recevoir ; et même y ajouter d’autres moyens pour les en dédommager, comme de les décharger de quelques vieux droits onéreux, ou de payer leurs dettes ; ou enfin par tel autre moyen qu’on pourrait aviser, en gagnant les principaux du pays, et en usant d’autorité, où la raison seule ne pourrait pas suffire. Le roi est plus en état de le faire qu’aucun de ses prédécesseurs ; et il n’est pas juste que tout un corps souffre, et que son économie soit troublée, pour mettre quelqu’un de ses membres plus à son aise que les autres.

La seconde chose à faire est que le roi achète et s’approprie les fonds de toutes les salines du royaume. Après quoi il les faudrait réduire à la quantité nécessaire la plus précise qu’il serait possible, eu égard aux consommations des peuples, et à ce qu’on peut débiter de sel aux étrangers ; et supprimer les autres. Il faudrait ensuite fermer ces salines de murailles, ou de remparts de terre avec de bons et larges fossés tout autour ; et y faire après une garde réglée comme dans une place de guerre. De très médiocres garnisons suffiraient pour cela.

La troisième, d’y faire bâtir tous les greniers et les magasins nécessaires, et y établir des bureaux où le sel se débiterait à dix-huit livres le minot à tous ceux qui voudraient y en aller acheter pour en faire marchandise, et le faire ensuite débiter par tout le royaume comme les autres denrées. Si on ne trouvait plus à propos pour ôter toute occasion de monopole, d’en faire voiturer aux dépens du sel même, (un minot sur vingt suffira pour cela) dans la principale ville de chaque province, ou dans deux selon son étendue, où il serait vendu aux bureaux que le roi y a déjà, au même prix qu’aux salines ; ce qui en rendrait encore le débit non seulement plus facile et plus avantageux au peuple, mais aussi plus abondant pour le roi.

On suppose que la vente du sel aux étrangers payera largement tant la façon du sel, et le charriage ou portage qu’il en faudra faire dans les greniers et magasins, que les frais du débit qui se fera dans les bureaux, et ceux des garnisons.

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