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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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Par un mesurage fait sur les meilleures cartes de ce royaume, je trouve que la France, de l’étendue qu’elle est aujourd’hui, contient trente mille lieues quarrées ou environ, de 25 au degré, la lieue de 2 282 toises trois pieds. Que chacune de ces lieues contient 4 688 arpents 82 perches et demie de terre de toutes espèces, l’arpent de cent perches quarrées, et la perche de 20 pieds de long, et de 400 pieds carrés. 54 Ces 4 688 arpents 82 perches et demie divisés proportionnellement en ter-res vagues et vaines, places à bâtir, chemins, haies et fossés, étangs, rivières et ruisseaux ; en terres labourables, prés, jardins, vignes, bois, et en toutes les parties, qui peuvent composer un petit pays habitable de cette étendue, la fertilité de même pays supposée un peu au-dessous du médiocre : ces terres enfin cultivées, ensemencées, et la récolte faite, doivent produire par commune année de quoi nourrir sept ou huit cent personnes de tous âges et de tous sexes, sur le pied de trois septiers de blé mesure de Paris par tête, le septier pesant net 170 livres, le poids du sac défalqué.

De sorte que si la France était peuplée d’autant d’habitants qu’elle en pourrait nourrir de son cru, elle en contiendrait sur le pied de 700 par lieue quarrée, vingt-et-un million : et sur le pied de 800, vingt-quatre millions. Et par les dénombrements que j’ai supputé de quelques provinces du royaume, et de plusieurs autres petites parties, il se trouve que la lieue quarrée commune de ces provinces ne revient qu’à 627 personnes et demi, de tous âges et de tous sexes ; encore ai-je lieu de me défier que cette quantité puisse se soutenir dans toute l’étendue du royaume ; car il y a bien de mauvais pays dont je n’ai pas les dénom-brements. Je trouve donc au premier cas, c’est-à-dire de 700 personnes à la lieue quarrée, qu’il manque 72 et demie personnes par lieue quar-rée ; et au second, de huit cents à la même lieue, qu’il en manque 172 et demie ; ce qui revient au premier, à deux millions cent soixante-quinze mille âmes de différence par tout le royaume ; et dans l’autre, à cinq millions cent soixante-quinze mille, qui est à peu près autant qu’il y en peut avoir dans l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande ; et tout cela en dimi-nution de la partie basse du peuple, qui remplit encore à ses dépens les vides qui se font dans la haute, par les gens qui s’élèvent et font fortune.

C’est encore la partie basse du peuple, qui par son travail et son commerce, et par ce qu’elle paie au roi, l’enrichit et tout son royaume. C’est elle qui fournit tous les soldats et matelots de ses armées de terre et de mer, et grand nombre d’officiers ; tous les marchands, et les petits officiers de judicature. C’est elle qui exerce, et qui remplit tous les arts et métiers ; c’est elle qui fait tout le commerce et les manufactures de ce royaume ; qui fournit tous les laboureurs, vignerons et manœuvriers de la campagne ; qui garde et nourrit les bestiaux ; qui sème les blés, et les recueille ; qui façonne les vignes, et fait le vin : et pour achever de le dire en peu de mots, c’est elle qui fait tous les gros et menus ouvrages de la campagne et des villes.

Voilà en quoi consiste cette partie du peuple si utile et si méprisée, qui a tant souffert, et qui souffre tant de l’heure que j’écris ceci. On peut espérer que l’établissement de la dîme royale pourra réparer tout cela en moins de quinze années de temps, et remettre le royaume dans une abondance parfaite d’hommes et de biens. Car quand les peuples ne seront pas si oppressés, ils se marieront plus hardiment ; ils se vêti-ront et nourriront mieux ; leurs enfants seront plus robustes et mieux élevés ; ils prendront un plus grand soin de leurs affaires. Enfin ils tra-vailleront avec plus de force et de courage, quand ils verront que la principale partie du profit qu’ils y feront, leur demeurera.

Il est constant que la grandeur des rois se mesure par le nombre de leurs sujets ; c’est en quoi consistent leur bien, leur bonheur, leurs ri-chesses, leurs forces, leur fortune, et toute la considération qu’ils ont dans le monde. On ne saurait donc rien faire de mieux pour leur service et pour leur gloire, que de leur remettre souvent cette maxime devant les yeux : car puisque c’est en cela que consiste tout leur bonheur, ils ne sauraient trop se donner de soin pour la conservation et augmentation de ce peuple qui leur doit être si cher. 55

Il y a longtemps que je m’aperçois que cette préface est trop longue. Je ne saurais cependant me résoudre à la finir, que je n’aie encore dit ce que je pense sur les bornes qu’on peut donner à la dîme royale, que je crois avoir suffisamment étudiée, pour en pouvoir dire mon sentiment.

Il m’a donc paru qu’on ne la doit jamais pousser plus haut que le dixième, ni la mettre plus bas que le vingtième ; l’excès du premier chargerait trop, et la médiocrité du dernier ne fournirait pas assez pour satisfaire au courant. 56

On se peut jouer entre ces deux termes par rapport aux besoins de l’État, et jamais autrement ; parce qu’il est constant que plus on tire des peuples, plus on ôte d’argent du commerce ; et que celui du royaume le mieux employé, est celui qui demeure entre leurs mains, où il n’est jamais inutile ni oisif. 57

MAXIMES FONDAMENTALES DE CE SYSTÈME

I. Il est d’une évidence certaine et reconnue par tout ce qu’il y a de peuples policés dans le monde, que tous les sujets d’un État ont besoin de sa protection, sans laquelle ils n’y sauraient subsister.
II. Que le prince, chef et souverain de cet État ne peut donner cette protection, si ses sujets ne lui en fournissent les moyens ; d’où s’ensuit : 58
III. Qu’un état ne se peut soutenir, si les sujets ne le soutiennent. Or ce soutien comprend tous les besoins de l’État, auxquels par con-séquent tous les sujets sont obligez de contribuer.
De cette nécessité, il résulte :
     Premièrement, une obligation naturelle aux sujets de toutes con-ditions, de contribuer à proportion de leur revenu ou de leur industrie, sans qu’aucun d’eux s’en puisse raisonnablement dispenser.
     Deuxièmement, qu’il suffit pour autoriser ce droit, d’être sujet de cet État.
     Troisièmement, que tout privilège qui tend à l’exemption de cette contribution, est injuste et abusif, et ne peut ni ne doit prévaloir au préjudice du public.

PREMIERE PARTIE

PROJET

Quand je dirai que la France est le plus beau royaume du monde, je ne dirai rien de nouveau, il y a longtemps qu’on le sait ; mais si j’ajoutais qu’il est le plus riche, on n’en croirait rien, par rapport à ce que l’on voit. C’est cependant une vérité constante, et on en conviendra sans peine, si on veut bien faire attention, que ce n’est pas la grande quantité d’or et d’argent qui font les grandes et véritables richesses d’un État, puisqu’il y a de très grands pays dans le monde qui abondent en or et en argent, et qui n’en sont pas plus à leur aise, ni plus heureux. Tels sont le Pérou, et plusieurs États de l’Amérique, et des Indes Orientales et Occidentales, qui abondent en or et en pierreries, et qui manquent de pain. La vraie richesse d’un royaume consiste dans l’abondance des denrées, dont l’usage est si nécessaire au soutien de la vie des hommes, qu’ils ne sauraient s’en passer. 59



Or, on peut dire que la France possède cette abondance au suprême degré, puisque de son superflu elle peut grassement assister ses voisins, qui sont obligés de venir chercher leurs besoins chez elle, en échange de leur or et de leur argent ; que si avec cela elle reçoit quelques-unes de leurs denrées, ce n’est que pour faciliter le commerce, et satisfaire au luxe de ses habitants ; hors cela elle pourrait très bien s’en passer. 60

Les denrées qu’elle débite le plus communément aux étrangers sont les vins, les eaux de vie, les sels, les blés et les toiles. Elle fournit aussi les modes, une infinité d’étoffes qui se fabriquent dans ses manu-factures mieux qu’en aucun autre endroit du monde, ce qui lui attire et peut attirer des richesses immenses, qui surpassent celles que les Indes pourraient lui fournir, si elle en était maîtresse.

Elle a de plus chez elle des propriétés singulières, qui excitent un commerce intérieur qui lui est très utile. C’est qu’elle n’a guère de province qui n’ait besoin de sa voisine d’une façon ou d’autre ; ce qui fait que l’argent se remue, et que tout se consomme au dedans, ou se vend au dehors, en sorte que rien ne demeure.

Que si cela ne se trouve pas au pied de la lettre aussi précisément que je le dis, ce n’est ni à l’intempérie de l’air, ni à la faute des peuples, ni à la stérilité des terres, qu’il en faut attribuer la cause ; puisque l’air y est excellent, les habitants laborieux, adroits, pleins d’industrie, et très nombreux ; mais aux guerres qui l’ont agitée depuis longtemps, et au défaut d’économie que nous n’entendons pas assez, soit dans le choix des impôts et subsides nécessaires pour entretenir l’État, soit dans la manière de les lever, soit dans la culture de la terre par rapport à sa fertilité. Car c’est une vérité qui ne peut être contestée, que le meilleur terroir ne diffère en rien du mauvais s’il n’est cultivé. Cette culture devient même non seulement inutile, mais ruineuse au propriétaire et au laboureur, à cause des frais qu’il est obligé d’y employer, si faute de consommation, les denrées qu’il retire de ses terres lui demeurent et ne se vendent point.

Il y a longtemps qu’on s’est aperçu et qu’on se plaint que les biens de la campagne rendent le tiers moins de ce qu’ils rendaient il y a trente ou quarante ans, surtout dans les pays où la taille est personnelle ; mais peu de personnes ont pris la peine d’examiner à fond, quelles sont les causes de cette diminution qui se fera sentir de plus en plus, si on n’y apporte le remède convenable.

Pour peu qu’on ait de connaissance de ce qui se passe à la campagne, on comprend aisément que les tailles sont une des causes de ce mal, non qu’elles soient toujours et en tout temps trop grosses ; mais parce qu’elles sont assises sans proportion, non seulement en gros de paroisse à paroisse, mais encore de particulier à particulier ; en un mot, elles sont devenues arbitraires, n’y ayant point de proportion du bien du particulier à la taille dont on le charge. Elles sont de plus exigées avec une extrême rigueur, et de si grands frais, qu’il est certain qu’ils vont au moins à un quart du montant de la taille. Il est même assez ordinaire de pousser les exécutions jusqu’à dépendre les portes des maisons, après avoir vendu ce qui était dedans ; et on en a vu démolir, pour en tirer les poutres, les solives et les planches qui ont été vendues cinq ou six fois moins qu’elles ne valaient, en déduction de la taille.

L’autorité des personnes puissantes et accréditées, fait souvent mo-dérer l’imposition d’une ou de plusieurs paroisses, à des taxes bien au-dessous de leur juste portée, dont la décharge doit conséquemment tomber sur d’autres voisines qui en sont surchargées ; et c’est un mal invétéré auquel il n’est pas facile de remédier. Ces personnes puissantes sont payées de leur protection dans la suite, par la plus-value de leurs fermes, ou de celles de leurs parents ou amis, causée par l’exemption de leurs fermiers et de ceux qu’ils protègent, qui ne sont imposés à la taille que pour la forme seulement ; car il est très ordinaire de voir qu’une ferme de trois à quatre mille livres de revenu, ne sera quotisée qu’à quarante ou cinquante livres de taille, tandis qu’une autre de quatre à cinq cents livres en payera cent, et souvent plus ; ce qui fait que les terres n’ont pas ordinairement la moitié de la culture dont elles ont besoin.

Il en est de même de laboureur à laboureur, ou de paysan à paysan, le plus fort accable toujours le plus faible ; et les choses sont réduites à un tel état, que celui qui pourrait se servir du talent qu’il a de savoir-faire quelque art ou quelque trafic, qui le mettrait lui et sa famille en état de pouvoir vivre un peu plus à son aise, aime mieux demeurer sans rien faire ; et que celui qui pourrait avoir une ou deux vaches, et quel-ques moutons ou brebis, plus ou moins, avec quoi il pourrait améliorer sa ferme ou sa terre, est obligé de s’en priver, pour n’être pas accablé de taille l’année suivante, comme il ne manquerait pas de l’être, s’il gagnait quelque chose, et qu’on vît sa récolte un peu plus abondante qu’à l’or-dinaire. C’est par cette raison qu’il vit non seulement très pauvrement lui et sa famille, et qu’il va presque tout nu, c’est-à-dire, qu’il ne fait que très peu de consommation ; mais encore, qu’il laisse dépérir le peu de terre qu’il a, en ne la travaillant qu’à demi, de peur que si elle rendait ce qu’elle pourrait rendre étant bien fumée et cultivée, on n’en prît oc-casion de l’imposer doublement à la taille. 61 Il est donc manifeste que la première cause de la diminution des biens de la campagne est le défaut de culture, et que ce défaut provient de la manière d’imposer les tailles et de les lever.

L’autre cause de cette diminution est le défaut de consommation, qui provient principalement de deux autres, dont une est la hauteur et la multiplicité des droits des aides et des douanes provinciales, qui em-portent souvent le prix et la valeur des denrées, soit vin, bière et cidre ; ce qui a fait qu’on a arraché tant de vignes, et qui par les suites fera arracher les pommiers en Normandie, où il y en a trop par rapport à la consommation présente de chaque pays, laquelle diminue tous les jours ; l’autre, les vexations inexprimables que font les commis à la levée des aides, qui se sont fait depuis quelque temps marchands de vin et de cidre. Car il faut parler à tant de bureaux pour transporter les denrées, non seulement d’une province ou d’un pays à un autre, par exemple de Bretagne en Normandie, ce qui rend les français étrangers aux français mêmes, contre les principes de la vraie politique, qui conspire toujours à conserver une certaine uniformité entre les sujets qui les attache plus fortement au prince ; mais encore d’un lieu à un autre dans la même province ; et on a trouvé tant d’inventions pour surprendre les gens, et pouvoir confisquer les marchandises, que le propriétaire et le paysan aiment mieux laisser périr leurs denrées chez eux, que de les transporter avec tant de risques et si peu de profit. 62 De sorte qu’il y a des denrées, soit vins, cidres, huiles, et autres choses semblables, qui sont à très grand marché sur le lieu, et qui se vendraient chèrement, et se débiteraient très bien à dix, vingt et trente lieues de là où elles sont nécessaires, qu’on laisse perdre, parce qu’on n’ose ha-sarder de les transporter.

Ce serait donc un grand bien pour l’État, et une gloire incomparable pour le roi, si on pouvait trouver un moyen sûr, qui en lui fournissant autant ou plus que ne font les tailles, les aides et les douanes pro-vinciales, délivrât son peuple des misères auxquelles cette même taille, les aides, etc. les assujettissent. Et c’est ce que je me suis persuadé avoir trouvé, et que je proposerai dans la suite, après avoir dit un mot du mal que causent les affaires extraordinaires, et les exemptions.

Il était impossible dans l’état où sont les choses, de fournir aux dépenses que la dernière guerre exigeait, sans le secours des affaires extraordinaires, qui ont donné de grands fonds. Mais on ne peut dis-simuler, qu’à l’exception des rentes constituées sur l’hôtel de ville de Paris, des tontines, et autres engagements semblables, qui peuvent être utiles aux particuliers, et qui ont été volontaires, le surplus des affaires extraordinaires n’ait causé de grands maux, dont l’État se ressentira longtemps ; non seulement pour les rentes et dettes qu’il a contractées, qui en ont notablement augmenté les charges, en même temps que par les mêmes voies, elles ont ôté quantité de bons sujets à la taille, dont on les a exemptés pour des sommes très modiques, parties desquelles sont demeurées entre les mains des traitants : mais encore par la ruine pres-que totale et sans ressource d’une quantité de bonnes familles, qu’on a contraint de payer plusieurs taxes, sans s’informer si elles en avaient les moyens. À quoi il faut ajouter, que ces mêmes affaires extraordinaires ont encore épuisé et mis à sec ce qui était resté de gens un peu ac-commodés en état de soutenir le menu peuple de la campagne, qui de tout temps était dans l’habitude d’avoir recours à eux dans leur nécessité, tant pour avoir de quoi payer la taille et leurs autres dettes plus pressées, que pour acheter de quoi vivre et s’entretenir, assurés qu’ils étaient de regagner une partie de cet emprunt par le travail de leurs bras ; ce qui faisait un commerce capable de soutenir les maîtres et les valets, au lieu que les uns et les autres venant à tomber en même temps et par les mêmes causes, ne sauraient que difficilement se relever.

Pour rendre ceci plus intelligible, je prendrai la liberté de marquer en détail les défauts plus essentiels que j’ai observé en ces sortes d’affaires ; non pour blâmer ce qui a été fait dans une nécessité pressante, mais pour faire voir le bien qu’on ferait à l’État, si on pouvait trouver un moyen de remédier à une semblable nécessité, sans être obligé d’avoir recours à de pareilles affaires.

Le premier de tous est l’injustice de la taxe sur celui qui ne la doit pas plus qu’un autre qui ne la paie point, ou qui la paie beaucoup moindre ; et pour laquelle on n’apporte d’autre raison que celle du besoin de l’État, laquelle est toujours bonne par rapport à l’État ; mais ce pauvre particulier est fort à plaindre qui paie déjà par tant d’endroits, et qui se voit encore distingué par l’imposition d’une nouvelle taxe qu’il est con-traint de payer, sans qu’on lui permette de dire ses raisons.

Le second est l’usure que les traitants exigent de celui qui paie, qui est le particulier, et de celui qui reçoit, qui est le roi, qui ne va pas moins qu’au quart du total, et souvent plus.

Le troisième sont les frais des contraintes qui montent souvent plus haut que le principal même.

Le quatrième consiste aux rentes, gages, et appointements dont le roi a augmenté ses dettes, par tant de créations de charges, d’offices et de rentes sur l’hôtel de ville de Paris, sur les postes, les tontines, augmen-tations de gages, etc.

Le cinquième, en ce qu’on a affranchi un grand nombre de gens de la taille, dont l’exemption retombe directement sur les peuples, et indi-rectement sur le roi.

Le sixième, en ce qu’en achevant de ruiner ceux qui avaient encore quelque chose, il n’y a plus ou très peu de ressource pour les paysans, qui dans les pressants besoins avaient recours à eux.

Et le septième, en ce que les affaires extraordinaires ayant produit une multitude de petits impôts sur toutes sortes de denrées, ont troublé le commerce, en diminuant notablement les consommations. Aussi l’expérience a fait connaître que de semblables impôts ne sont bons que pour enrichir les traitants, fatiguer les peuples, et empêcher le débit des denrées ; et ne portent que peu d’argent dans les coffres du roi.

Ainsi toutes les affaires extraordinaires, de quelque manière qu’on les tourne, sont toujours également mauvaises pour le roi et pour ses sujets.

Il y a même encore une remarque à faire, non moins importante que les précédentes, qui est que la taille, le sel, les aides, les douanes, etc., peuvent bien être continuées, en corrigeant les abus qui s’y sont intro-duits ; mais cela ne peut être fait à l’égard des affaires extraordinaires, qui ne se peuvent pas répéter d’une année à l’autre, du moins sous les mêmes titres. C’est pourquoi quelque quantité qu’on en puisse faire, on est assuré d’en trouver bientôt la fin. Et c’est apparemment cette considération qui a donné à nos ennemis tant d’éloignement pour la paix ; car il ne faut pas douter qu’ils ne fussent bien informés de ce qui se passait chez nous. 63

J’aurais beaucoup de choses à dire sur le mal que font les douanes provinciales, tant par la mauvaise situation de leurs bureaux dans le mi-lieu des provinces françaises, que par les excès des taxes et les fraudes des commis ; mais je veux passer outre, et abréger. C’est pourquoi je ne m’étendrai pas là-dessus davantage, non plus que sur la capitation, qui pour avoir été trop pressée, et faite à la hâte, n’a pu éviter de tomber dans de très grands défauts, qui ont considérablement affaibli ce qu’on en devait espérer, et produit une infinité d’injustices et de confusions.

Quel bien le roi ne ferait-il donc point à son État, s’il pouvait sub-venir à ses besoins par des moyens aisés et naturels, sans être obligé d’en venir aux extraordinaires, dont le poids est toujours pesant, et les suites très fâcheuses ?

Comme tous ceux qui composent un État, ont besoin de sa protection pour subsister, et se maintenir chacun dans son état et sa situation naturelle, il est raisonnable que tous contribuent aussi selon leurs revenus, à ses dépenses et à son entretien : c’est l’intention des maximes mises au commencement de ces mémoires. Rien n’est donc si injuste que d’exempter de cette contribution ceux qui sont le plus en état de la payer, pour en rejeter le fardeau sur les moins accommodés qui succombent sous le faix ; lequel serait d’ailleurs très léger s’il était porté par tous à proportion des forces d’un chacun ; d’où il suit que toute exemption à cet égard est un désordre qui doit être corrigé. Après beaucoup de réflexions et d’expériences, il m’a paru que le roi avait un moyen sûr et efficace pour remédier à tous ces maux, présents et à venir.

Ce moyen consiste à faire contribuer un chacun selon son revenu au besoin de l’État ; mais d’une manière aisée et facile, par une proportion dont personne n’aura lieu de se plaindre, parce qu’elle sera tellement répandue et distribuée, que quoi qu’elle soit également portée par tous les particuliers, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, aucun n’en sera surchargé, parce que personne n’en portera qu’à proportion de son revenu.

Ce moyen aura encore cette facilité, que dans les temps fâcheux il fournira les fonds nécessaires, sans avoir recours à aucune affaire extra-ordinaire, en augmentant seulement la quotité des levées à proportion des besoins de l’État. 64 Par exemple, si la quotité ordinaire est le ving-tième du revenu, on le mettra au quinzième ou au dixième, à pro-portion, et pour le temps de la nécessité seulement, sans que personne paie jamais deux fois pour raison d’un même revenu, et sans qu’il y ait presque aucune contrainte à exercer pour les paiements, parce que le recouvrement des fonds se ferait toujours d’une manière aisée, très naturelle, et presque sans frais, comme il se verra dans la suite.

Je réduis donc cette contribution générale à quatre différents fond
PREMIER FONDS
Le premier fonds est une perception réelle des fruits de la terre en espèce à une certaine proportion, pour tenir lieu de la taille, des aides, des douanes établies d’une province à l’autre, des décimes, et autres impositions. Perception que j’appellerai dîme royale, qui sera levée généralement sur tous les fruits de la terre, de quelque nature qu’ils puissent être, c’est-à-dire des blés, des vins, des bois, prés, pâturages, etc.

Je me suis rendu à ce système après l’avoir longtemps balancé avec les vingtièmes et la taille réelle, parce que tous les autres ont des incer-titudes et des difficultés insurmontables.

Ce qu’on a toujours trouvé à redire dans l’imposition des tailles, et à quoi les ordonnances réitérées de nos rois n’ont pu remédier jusqu’à présent, est qu’on n’a jamais pu bien proportionner l’imposition au revenu ; tant parce que cette proportion demande une connaissance exacte de la valeur des terres en elles-mêmes et par rapport aux voisines, qu’on n’a point pour l’ordinaire et qu’on ne se met pas en peine d’acquérir, à cause qu’il faudrait employer trop de temps et de peines ; que parce que ceux de qui dépendent les impositions, ont toujours voulu se conserver la liberté de favoriser qui il leur plairait, dans les pays où la taille est personnelle. Et pour ce qui concerne les pays où la taille est réelle, une expérience sûre et bien éprouvée par un fort longtemps, fait voir que les anciennes estimations n’ont point de proportion au produit présent des terres, et qu’il y a une très grande disproportion des impositions, non seulement de paroisse à paroisse, mais de terre à terre dans une même paroisse ; soit que cela soit arrivé, parce que les terres, comme le corps humain, changent de tempéra-ment, et ne sont pas toujours au même degré de fertilité ; ou par l’iné-galité des superficies bossillées qui diversifient la qualité des terres à l’infini ; ou par l’infidélité des experts-estimateurs. Comme il est arrivé dans la généralité de Montauban sous l’intendance de feu Mr. Pelot, lequel voulant réformer les défauts de l’ancien tarif, fit faire, par com-mission du conseil, une nouvelle estimation par des experts qui le trompèrent, nonobstant l’application qu’il avait eue à les bien choisir, et tous ses soins et son habileté. En sorte qu’au dire des gens les plus entendus de ce pays là, il aurait bien mieux valu pour cette généralité qu’il eût laissé les choses en l’état qu’elles étaient, à cause des inégalités de son tarif plus grandes, à ce qu’on prétend, qu’elles n’étaient aupa-ravant.

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