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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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45 La capitation est un impôt qui fut créé en 1695 avec la participation malheureuse de Vauban. Le maréchal avait réclamé, comme il le ferait encore dans sa Dîme royale, la création d’un impôt proportionnel sur tous les revenus, pour remplacer la totalité (c’était son avis d’alors) ou la quasi-totalité (ce devint celui de la Dîme) de la fiscalité existante. Contrairement à ce souhait, la capitation fut créé en sup-plément de tous les autres impôts, et elle ne fut pas véritablement fixé proportion-nellement aux revenus. Pas moins de vingt-deux classes différentes furent créées, chacune correspondant à un montant d’impôt, pour balayer toute la société française. Nous étions loin, à l’évidence, du taux uniforme réclamé par Vauban. D’autant que, progressivement, les classes supérieures réussirent à s’en dégager en partie, ne laissant porter le poids que sur les frêles épaules des basses classes de la société française.

L’histoire ultérieure de cet impôt fournit peut-être une réfutation à l’optimisme de Vauban quant à sa dîme royale, car il affirme qu’elle en devra être que temporaire, et limité en taux, et le maréchal de s’en remettre au bon sens et à la sagesse du Roi pour cela. Or il s’est avéré dans le cas de la capitation, que cet impôt qui devait être temporaire, pour payer les dépenses de guerre, fut maintenu, jusqu’à ce que la Révolution française ne vienne le détruire ; lui qui devait être faible en montant prélevé, vit son taux grimper progressivement tout au long du XVIIIe siècle. Preuve s’il en est que l’arbitraire fiscal ne se vainc pas avec la seule arme de la bonne volonté.



46 Par ce terme, Vauban signifie tous ceux qui ne paient pas l’impôt, que leur exemption soit d’ailleurs d’origine légale ou illégale.

47 Il s’agit de la paix de Riswick, qui fut conclue en 1697.

48 Le cadastre, qui est aujourd’hui un principe fiscal ne faisant pas l’objet de débat, a été jugé de manière très sévère par les grands économistes du passé. Il s’agit, rappelons-le, de fournir une mesure soi-disant objective de la réalité des différents terrains soumis à l’impôt, afin de déterminer leur valeur. Si les économistes ne furent pas satisfaits par cette idée, c’est que la valeur change, et qu’il faudrait ou mesurer chaque année la valeur des terres, ou admettre que le cadastre réalisé précédemment est clairement imparfait. À l’époque, il est vrai, l’idée même d’envoyer à travers tout le pays des géomètres pour faire leurs calculs effrayait par le coût que cela impliquait, et le temps qu’il faudrait accorder à une telle opération.

Le grand Adam Smith, en 1776, remarqua bien ce désavantage : « Une taxe ter-ritoriale, assise d’après l’arpentage et sur l’évaluation de toutes les terres, quelque égale qu’elle puisse être d’abord, doit, dans un court espace de temps, devenir inégale. Pour empêcher qu’elle ne le devint, il faudrait que le gouvernement donnât une attention vive et continuelle à toutes les variations qui surviennent dans l’état et le produit de toutes les différentes fermes du pays. » (Richesse des Nations, livre V, chap. 2) Trente ans à peine plus tard, le Français Jean-Baptiste Say critiquera aussi le cadastre comme une manière très illusoire de résoudre la difficulté de la répartition de l’impôt territorial. « On a cru pouvoir vaincre cette difficulté, dit notre économiste, par un tableau comparatif de toutes les propriétés et de leurs valeurs ; mais la grandeur et la valeur de chaque propriété est perp-étuellement plus variable, et ce qui serait vrai à une époque cesserait de l’être quelques années plus tard. […] Somme toute, il est certain que les cadastres sont des opérations dispendieuses, et il n’est pas également certain qu’elles soient utiles dans la pratique. » (Cours d’économie politique, partie 8, chapitre V).



49 Taille assise sur les feux ou cheminées, établi en 1370, sous Charles V.

50 Vauban s’oppose donc également aux impôts sur la consommation, c’est-à-dire à ces taxes qui, comme notre TVA actuelle, reposent sur les biens et en renchéris-sent de ce fait le prix. Sur ce point également, les avis des personnes les plus éclairées en science économique lui ont donné raison. Jean-Baptiste Say, ayant eu l’occasion d’observer les conséquences fâcheuses de tels impôts en Angleterre, nota par exemple : « Par la raison même que ces taxes ne sont pas susceptibles de réclamations personnelles, et que les agents du fisc peuvent répondre à ceux qui s’en plaignent : Vous êtes libres de vous y soustraire, le fisc a pu leur donner une extension scandaleuse, comme dans les droits d’accise en Angleterre, et dans la régie des contributions indirectes en France. […] On peut affirmer que les impôts sur les consommations sont les plus inégalement répartis de tous ; et que, dans les nations où ils dominent, les familles les plus indigentes sont sacrifiées. C’est une des plaies de l’Angleterre. » (Cours d’économie politique, partie 8, chap. V)

51 Il existe de nombreux éléments d’ordre matériel ou biographique qui peuvent nous permettre de mesurer l’influence de la Chine sur l’œuvre de Vauban. Nous disposons par exemple de la liste approximative des ouvrages présents dans la bibliothèque de Vauban à sa mort. Cette liste a été trouvée par le comte de Blacas dans les archives du château d’Ussé. Cet inventaire a été publié pour la première fois par Henri Soulanges-Bodin en 1933. L’examen de cet inventaire, même s’il est partiel, nous fournit beaucoup d’éléments. On trouve dans cette liste plusieurs livres directement consacrés à la Chine, dont l’Histoire de la Chine sous la do-mination des Tartares, par Adrien Greslon, et les Voyages Curieux de Thévenot Melchisédech.

Divers renseignements d’ordre biographiques nous indiquent également que Vauban était curieux face aux institutions chinoises et qu’il chercha à les con-naître. Nous savons par exemple que le 21 mars 1699, Vauban a assisté à la séance de l’Académie des Sciences durant laquelle il fut fait lecture d’un témoignage du père Le Comte sur l’Empire chinois. (Michèle Virol, Vauban : de la gloire du roi au service de l’État, Champ Vallon, 2003, p.156)

     Dans sa réédition récente des Oisivetés de Vauban, Michèle Virol explique que le maréchal de France s’est inspiré précisément du neuvième chapitre (Politique et gouvernement de la Chine) des Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine de Le Comte. « On trouve dans son panorama de la fiscalité chinoise les quatre idées principales de Vauban, écrit Virol : imposition en nature, pas d’exemption, pas de douanes intérieures, d’où commerce, administration facile de l’impôt. » (Michèle Virol (éd.), Les oisivetés de monsieur de Vauban, ou ramas de plusieurs mémoires de sa façon sur différents sujets, Champ Vallon, note p.857)

Ce constat n’est pas nouveau. Dès 1938, Edgar Shorer expliquait que Vauban s’était inspiré de la Chine pour sa réforme fiscale de la Dîme Royale. (Edgar Shorer, L’influence de la Chine sur la genèse et le développement de la doctrine physiocratique, Paris, F. Lotivon, 1938, p.68)



52 Ces mots font écho de manière presque incroyable à ceux que prononcera le ministre Turgot quelques soixante-dix ans plus tard, quand il tâchera de réformer la France malgré l’opposition de la noblesse et du clergé, qui tenaient autant à leurs privilèges que lui les trouvaient détestables. C’est aussi la fermeté de Turgot que l’on retrouve dans ce passage, cette fermeté caricaturée, dénaturée, qui fut tant reprochée au ministre de Louis XVI, notamment lors de la célèbre « guerre des farines ». (cf. Edgar Faure, La Disgrâce de Turgot)

53 Cette radicalité, qui fut celle de Turgot, et qui causa sa perte, est peut-être l’une des raisons qui explique que la dîme royale proposée par Vauban soit restée inappliquée. Il faut dire néanmoins qu’après l’épisode de la capitation de 1695, quand on reprit son idée mais en la vidant entièrement de sa substance, le maréchal avait des raisons d’être très décidé à ce que cela ne se reproduise plus.


54 La perche de 20 pieds équivaut environ à 6.5 mètres, ce qui place la perche carrée de 20 pieds à un peu plus de 42.5 mètres carrés. Sur cette base, il est dif-ficile, avec les chiffres dont nous disposons aujourd’hui, de nier que Vauban se soit lourdement trompé dans ses estimations. Il faut dire, pour sa défense, qu’il se basait sur des cartes qui étaient entachées de lourdes erreurs, et qu’en outre, ainsi qu’il l’affirme lui-même, il dut arrondir à un niveau supérieur ses résultats, pour tenir compte des « bossillements » du sol.

55 Le thème de la population, bien avant qu’il ne devienne sulfureux à la toute fin du siècle avec les écrits de Thomas Malthus, fut le sujet principal de l’économie politique pré-moderne. François Quesnay, avec son article « Hommes » écrit pour l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et le marquis de Mirabeau, auteur du best-seller économique du siècle, l’Ami des Hommes, ou Traité sur la population, témoignent de cet engouement anticipé par Vauban.

56 Le dixième correspond à un impôt proportionnel de 10%, le vingtième à un impôt proportionnel de 5%. Vauban indique donc ici que sa dîme doit avoir un taux entre 5 et 10%, ce qui indique qu’il le voulait modéré.

57 Cette formule, qu’on croirait tirée d’Adam Smith, est le fruit d’une longue matu-ration intellectuelle. Vauban, jadis partisan de l’intervention étendue de l’Etat dans l’activité économique, se rangea à la sagesse du « laissez-faire », peut-être sous l’influence de Boisguilbert, qui avait fait sienne cette idée. Ces lignes finales de la préface de la Dîme royale, vraisemblablement rédigées quelques mois à peine avant la mort du maréchal, sont l’ultime témoignage de la conviction libérale du grand maréchal de France.

58 En peu de mots, Vauban esquisse toute une théorie de l’État, qui sera reprise par les Physiocrates. Sa justification de l’impôt est à retenir : tout homme a besoin de l’État pour protéger ses droits et sa propriété contre les attaques et les prétentions injustifiées de ses semblables. L’impôt n’est ainsi pas fondamentalement une spo-liation, s’il sert effectivement à garantir la sécurité des biens et des personnes, ce qui est la mission d’où l’État tire sa légitimité.

59 Cette définition semble antinomique avec celle, présentée dans la préface, qui consiste à dire que la richesse consiste en le nombre d’hommes d’un pays. Cette contradiction apparente se résout lorsqu’on considère que la prospérité d’un pays se mesure selon Vauban à la quantité d’hommes que les richesses produites peuvent faire vivre. Il s’agit d’un rapport entre les quantités de subsistances et la masse de la population.

60 Ce grand éloge de la France n’est pas autre chose qu’une manière pour Vauban de présenter sous un jour favorable son projet. Montchrétien, en son temps, lorsqu’il dédiait au Roi et à la Reine mère son Traité de l’économie politique, ne lésinait pas non plus sur le langage élogieux envers sa patrie.

61 Plus qu’une répartition « arbitraire », Vauban pointe ici du doigt le défaut de la fiscalité de nombreux pays à travers l’histoire : que leur mode de taxation n’incite ni à l’effort ni au travail, puisqu’il vient pénaliser grandement ceux qui tentent justement d’améliorer leurs conditions de vie. Après avoir travaillé avec énergie, loin de s’en trouver mieux, le pauvre contribuable se voit pressuré davantage.

62 Vauban apparait ici un grand partisan du libre-échange appliqué à l’intérieur des frontières nationales, ce qui peut apparaître comme une évidence, mais qui ne l’était pas, loin s’en faut, à l’époque. L’organisation des fermes générales, des péages, et la fiscalité qui recouvrait l’ensemble, limitaient en effet les échanges entre les différentes régions. C’était une idée très ancrée dans les esprits de cette époque qu’il fallait protéger sa région contre la concurrence des autres régions, comme c’est encore aujourd’hui un grand principe qu’il faut protéger chaque nation contre les autres, comme si elles étaient ennemis, ou membres d’une autre espèce que le genre humain.

     Plus loin, Vauban reviendra sur cette réforme importante qu’est la libéralisation du commerce entre les différentes régions de France. Et le maréchal de prédire la grande prospérité qui en résulterait : « comme les passages seraient libres de pro-vince à province, et de lieu à autre, parce qu’il n’y aurait plus de bureaux d’aides, et que les douanes seraient reléguées sur la frontière, on verrait bientôt fleurir le commerce intérieur du royaume par la grande consommation qui se ferait. » (infra.p. ????)



63 L’argument, pour un homme de guerre comme Vauban, est de toute première importance. Il est même possible de croire que c’est pour rendre la France plus capable de mener ses guerres que Vauban a cherché à solutionner les maux de la fiscalité française.

64 Vauban ne semble pas d’avis, comme le seront ses successeurs, de proportionner la dépense publique au revenus de l’impôt, plutôt que de proportionner l’impôt au niveau de la dépense publique. C’est sans doute qu’ils vivaient à une époque où la progression de la dépense publique avait été si vive qu’elle inquiétait ces hommes animé d’un sentiment libéral vif et sincère. Si la masse des contributions tirées de l’impôt ne fixait pas une limite à l’augmentation de l’intervention étatique, quel autre élément pourrait le faire ? Dans les yeux de Vauban, en revanche, l’inter-vention étatique semble naturellement devoir se limiter aux missions légitimes de protection, et mérite donc toujours que l’impôt soit levé pour les financer.

65 Vieux mot qui signifie : présent pour un service rendu.

66 Trente ans plus tard, tandis que ce défaut n’avait pas été supprimé par les ré-formes, Jean-Jacques Rousseau l’illustrera brillamment dans un passage de ses Confessions, où il raconte un épisode arrivé à Lyon en 1732 :

« Un jour entre autres, m'étant à dessein détourné pour voir de près un lieu qui me parut admirable, je m'y plus si fort et j'y fis tant de tours que je me perdis enfin tout à fait. Après plusieurs heures de course inutile, las et mourant de soif et de faim, j'entrai chez un paysan dont la maison n'avait pas belle apparence, mais c'était la seule que je visse aux environs. Je croyais que c'était comme à Genève ou en Suisse où tous les habitants à leur aise sont en état d'exercer l'hospitalité. Je priai celui-ci de me donner à dîner en payant. Il m'offrit du lait écrémé et de gros pain d'orge, en me disant que c'était tout ce qu'il avait. Je buvais ce lait avec délices, et je mangeais ce pain, paille et tout ; mais cela n'était pas fort restaurant pour un homme épuisé de fatigue. Ce paysan, qui m'examinait, jugea de la vérité de mon histoire par celle de mon appétit. Tout de suite, après m'avoir dit qu'il voyait bien que j'étais un bon jeune honnête homme qui n'était pas là pour le vendre, il ouvrit une petite trappe à côté de sa cuisine, descendit, et revint un moment après avec un bon pain bis de pur froment, un jambon très appétissant quoique entamé, et une bouteille de vin dont l'aspect me réjouit le cœur plus que tout le reste. On joignit à cela une omelette assez épaisse, et je fis un dîner tel qu'autre qu'un piéton n'en connut jamais. Quand ce vint à payer, voilà son inquiétude et ses craintes qui le reprennent, il ne voulait point de mon argent, il le repoussait avec un trouble extraordinaire ; et ce qu'il y avait de plaisant était que je ne pouvais imaginer de quoi il avait peur. Enfin, il prononça en frémissant ces mots terribles de Commis et de Rats-de-Cave. Il me fit entendre qu'il cachait son vin à cause des aides, qu'il cachait son pain à cause de la taille, et qu'il serait un homme perdu si l'on pouvait se douter qu'il ne mourût pas de faim. Tout ce qu'il me dit à ce sujet, et dont je n'avais pas la moindre idée, me fit une impression qui ne s'effacera jamais. Ce fut là le germe de cette haine inextinguible qui se déve-loppa depuis dans mon cœur contre les vexations qu'éprouve le malheureux peuple et contre ses oppresseurs. Cet homme, quoique aise, n'osait manger le pain qu'il avait gagné à la sueur de son front, et ne pouvait éviter sa ruine qu'en montrant la même misère qui régnait autour de lui. Je sortis de sa maison aussi indigné qu'attendri, et déplorant le sort de ces belles contrées à qui la nature n'a prodigué ses dons que pour en faire la proie des barbares publicains. » (Partie 1, livre IV)



67 Cette idée, qui veut que chaque contribuable contribue en fonction du besoin de protection qu’il a envers l’État, ne légitime pas nécessairement un impôt pro-gressif, sans quoi Vauban serait ici en contradiction avec lui-même, car lui se con-tente partout d’un impôt strictement proportionnel. En effet, avec un même taux d’impôt, par exemple 10%, un revenu de 10 000 livres verse un impôt de 1 000 livres, et un revenu de 100 000 livres en paie un de 10 000 livres. Avec un tel impôt proportionnel, les personnes les plus riches payent donc bien davantage que les plus pauvres.

Cela n’a pas empêché certains économistes, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, de réclamer l’impôt progressif, en se fondant, chose étonnante, sur le même argumentaire que Vauban et que ceux, comme les Physiocrates, qui défendaient l’impôt proportionnel. Ainsi Graslin, un partisan de l’impôt progressif écrivant en 1767, explique-t-il : « L’État échange sa protection, la sûreté exté-rieure, la police intérieure et la majesté de la Nation, qui reflue sur chaque citoyen, contre une portion de tous les autres objets de besoin, suffisante pour l’entretien de toutes les personnes qu’il emploie dans l’administration ; et cet échange est l’impôt. » (J.-J.-L. Graslin, Essai analytique sur la richesse et sur l’impôt, p.25) Suite à quoi, l’économiste breton expliquait que pour contribuer de manière équitable à la production de la sécurité, il fallait que l’impôt soit progressif. (note de l’éditeur)



68 La trêve de Ratisbonne devait durer vingt ans. elle avait été conclue le 20 juin 1684

69 Le grand Constantin, persuadé des vérités de la religion chrétienne, souhaitait que tous ses sujets fussent chrétiens, mais il avouait en même temps qu'il n'était pas en son pouvoir de les y contraindre et que la religion se devait persuader et non commander. (note de l’auteur)

70 Le préambule de cette déclaration pourrait être comme le suivant :

« Les grands obstacles que tous les princes de l’Europe, sans en excepter les catholiques, ont apportés pour empêcher l’exécution de l’édit que nous avons fait publier pour réunir à l’Église romaine nos sujets de la religion prétendue réformée, et les malheurs où les ennemis de la France les exposent tous les jours pour les faire périr après leur avoir donné retraite, sous prétexte de les vouloir protéger ; ému de pitié et touché du déplorable état où ils se trouvent réduits dans les pays étrangers, nous avons pensé sérieusement aux remèdes que nous pourrions apporter à leurs maux qui sont extrêmes, après avoir pourvu à la sûreté de l’État et fait ressentir, à ceux qui en voulaient troubler la prospérité, la peine et le châtiment qu’ils méritaient, et ayant considéré que tant que l’exercice de la religion pré-tendue réformée sera défendu dans notre royaume, ceux qui les amusent auront un prétexte spéciaux de les retenir en les entretenant par de vaines espérances, que la conversion des hérétiques est d'autant plus l’ouvrage de Dieu qu’il laisse les hommes dans la main de leur conseil, en leur donnant le libre arbitre ; qu’il ne veut pas qu’on force, mais persuade ; que l’obstination où nous les voyons nous fait croire que le temps de leur persuader la vérité n’est pas encore venu, et qu’après que nous avons donné à Dieu et à l’Église des preuves de notre zèle pour la pro-pagation de la foi, on peut tolérer, sans blesser notre conscience, quelques hérésies pour éprouver les justes, puisque l’Évangile nous apprend qu'elles sont nécessaires à cet effet.

« À ces causes nous permettons, par cette déclaration, l'exercice libre de la pré-tendue religion réformée de la manière qu’elle s’exerçait avant l'édit du 22 octobre 1685, qui la leur détend, laissant à la Providence le soin du salut de ceux qui n’ont pas voulu profiter de nos bonnes intentions, pour ne penser qu’à remédier à leurs misères présentes et au gouvernement temporel de l’État dont nous sommes uni-quement chargé. » (note de l’auteur)


71 Ce serait une erreur très grossière de croire que les contraintes puissent anéantir la religion prétendue réformée en France ; il y a plus de cent vingt ans que l’exer-cice de la religion catholique n’est plus permis en Angleterre, et cependant il y a encore assez de catholiques pour donner souvent de l’inquiétude aux protestants.

L’exemple des Morisques peut encore ici trouver lieu, car bien que la religion mahométane soit établie sur des principes très grossiers et aisés à détruire, les rois d’Espagne n’en purent jamais venir à bout, après bien des guerres et des révoltes à cette occasion, qu’en les chassant absolument de leurs États ; point fatal à la décadence de cette monarchie qui depuis n'a fait que déchoir ; tant il est vrai que la grandeur des rois se mesure par le nombre des sujets et non par l’étendue des États. (note de l’auteur)



72 Sous le titre de Réflexions sur la guerre présente et sur les nouveaux convertis, Vauban fit, à la date du 5 mai 1695, une nouvelle addition à son mémoire, dans laquelle il reproduit à si peu de chose près les mêmes idées en faveur du rappel des huguenots, que nous n’avons pas cru devoir l’insérer ici. Elle n’appartient pas d‘ailleurs au tome 1er des Orswuis. A.

73 Le roi a travaillé près de trente ans à la conversion des huguenots avec ap-plication et dépenses, ce qui lui en a ramené insensiblement, par des voies douces et bienfaisantes, plus d’un quart. Du moment qu’on a usé de contraintes, tel qui n’avait que peu ou point de religion, s’est avisé d’en avoir ; tout s’est élevé et l’on n’a plus converti personne.

Pour preuve de ce que dessus, gens qui le savent bien m’ont assuré qu'il n’y avait que le quart de catholiques à la Rochelle vers les années 1661, 1662, 1663, et que dans l’année 1687, il n’y avait plus que le quart ou le tiers au plus des huguenots. On dit la même chose ou à peu près de Nîmes et de Montpellier. (note de l’auteur)



74 On retrouve la grande vigueur d’un Turgot, inflexible.
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