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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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tion de l'impôt, et vous verriez qu'il n'exagère rien,

car vous savez que, dans la deuxième moitié du

xvnr siècle, cet état s'était encore aggravé. Tous les

économistes ont cité, et sans doute vous avez tous

dans la mémoire un passage de Rousseau qui raconte

une rencontre qu'il fit dans les champs. Il était fati-

gué, épuisé de la course qu'il venait de faire ; il s'arrêta

chez un paysan qui lui fit le plus mauvais accueil, qui

ne lui donna que des mets qui étaient presque inac-

ceptables. Après qu'il l'eut rassuré, et qu'il lui eut

montré qu'il n'était pas un agent du fisc, le paysan leva

une trappe et il sortit de là de quoi lui faire faire le

meilleur repas. Puis il voulut payer. A ce moment où

l'homme qui a donné une hospitalité intéressée, au

lieu d'être soucieux devient satisfait, le paysan devint

tout à coup soucieux et ne voulut pas accepter le prix

26 DÉCEMBRE 1871. 625


du repas qu'il avait fait faire à sou voyageur. Enfin,

dit Rousseau, ce malheureux cachait son bien-être et

n'osait pas me montrer son vin par peur du commis

des aides, son pain par peur du taxateur des tailles,

et il était obligé d'afficher la misère pour échapper à

la tyrannie de l'impôt.


Il y a là des pages que je ne veux pas lire, mais

qui vous rappelleraient, à l'éloquence près, beaucoup

des pages écrites aujourd'hui sur la tyrannie de l'im

pot. (Rires approbatifs au centre et à droite.)


Voilà l'arbitraire de l'impôt dans l'ancien régime.

Je sais bien que, grâce à la Révolution française, non

seulement la législation de l'impôt est changée, mais

que même les mœurs de l'impôt sont changées, et

qu'aujourd'hui le commis des aides et le taxateur

n'auraient pas cette brutalité-là. Mais prenez garde :

si nos mœurs sont améliorées, les partis ne le sont

pas. (M oave nient.) Comment, clans un pays profondé-

ment agité comme le nôtre, vous investiriez quelqu'un

d'un pouvoir arbitraire dans l'impôt! Quoi! vous per-

mettriez à un gouvernement, quel qu'il fût, de dire

aux contribuables: Vous avez 10,000, 20,000, 30,000,

40,000, 50,000 francs de rentes! Vous le permettriez

à quelqu'un? (Non! Non!) C'est impossible! (C'est vrai!

C'est vrai!)
Nous avons tous passé depuis quarante ans sous

les gouvernements les plus divers ; nous avons vu

tomber trois fois la monarchie, une fois la république;

nous avons vu ce mouvement torrentiel des révolu-


xni. 40

626 IMPOT SUR LE REVENU.


tions passer d'un gouvernement à un autre. Vous figu-

rez-vous la société française taxée par celui qui se

serait emparé du pouvoir par hasard, et qui en userait

comme on use d'un pouvoir qu'on n'a que pour quel-

ques jours? Quoi! vous allez remettre à ces taxateurs

improvisés le soin de décider de votre fortune?


Je prévois la réponse, on dira : Mais ce ne sera pas

le pouvoir seul !


Oh! je sais bien; mais qui? Les conseils munici-

paux? (Sourires sur quelques bancs.) Quoi donc? Ce

n'est plus le pouvoir qu'on se disputera, ce sera la

faculté, la puissance de taxer. (C'est cela! — Très

bien !)
Quoi ! à toutes les causes qui nous divisent, à toutes

les raisons qui rendent l'élection nécessaire, oui, heu-

reusement nécessaire, car l'élection plus librement

pratiquée nous aurait évité les maux sous lesquels

nous ne succombons pas, mais sous lesquels nous

plions cependant... (C'est vrai! Ce n'est que trop vrai!)

Ce n'est pas l'élection que je crains; j'accorde qu'elle

intervienne et qu'elle contribue, en formant par

exemple la majorité du conseil municipal, à répartir

les charges de l'impôt; mais à toutes nos causes de

division, comprenez-vous qu'on ajoute une nouvelle

cause aussi puissante de perturbation, et que, dans

les élections, on se dispute la faculté de reporter l'im-

pôt à droite ou à gauche?... (Sensation. — Très bien!

Très bien!) Non, Messieurs, vous ne commettrez pas

une telle faute.


26 DÉCEMBRE 1871. 627


M. le comte de Bois-Boissel. — N'ayez pas peur !

(On rit.)


M. le Président de la République. — Je demande à

droite comme à gauche, je demande à gauche comme

à droite, qu'on ne se laisse pas leurrer par les mots

et qu'on ne devienne jamais les complices de l'arbi-

traire. De l'arbitraire, il n'en faut nulle part, en au-

cune chose, ni en haut ni en bas . (Très bien ! Très bien !)


Et ici, Messieurs, je parle comme toujours avec

une conviction profonde; mais, croyez-moi, vous qui

voulez faire un essai loyal de la République, et vous

avez raison... (Rumeurs sur quelques bancs. — Assenti-

ment sur les autres), il faut le faire loyal ; il ne faut pas

être des comédiens qui essayeraient d'une forme de

gouvernement avec le désir secret de le faire échouer.

(Très bien! Très bien!)


Cet essai, il faut le faire sérieusement, sincère-

ment, et, je le vois tous les jours à vos votes si sen-

sés, nous le voulons tous. (Rumeurs à droite.) Non,

encore une fois, nous ne sommes pas des comédiens,

nous sommes des hommes sincères, nous voulons

faire cet essai loyalement... (Nouvelles rumeurs sur

quelques bancs à droite. — Très bien! Très bien! et ap-

plaudissements à gauche.)


Messieurs, je voudrais vous unir et non pas vous

diviser. (Très bien!)


Eh bien, je sais qu'en vous parlant de loyauté, je

ne vous divise point; je vous unis au contraire. (Très

bien! Très bien!)

628 IMPOT SUR LE REVENU.


Je m'adresse à ceux qui veulent que cet essai

réussisse, et je suis sûr que c'est m'adresser à toute

l'Assemblée; mais je m'adresse spécialement à ceux

qui se font de la République un souci continuel, et je

suis du nombre... {Mouvement), je leur demande, au

nom du vœu secret, du vœu profond de leurs cœurs,

démettre, sous la république, de la justice partout;

je les supplie, eux qui souvent nous parlent du peuple

avec chaleur et sincérité, d'honorer ce peuple; je

les supplie de ne pas faire comme a fait le pouvoir

absolu {Très bien!), qui a voulu flatter le peuple, en lui

donnant des lois dont il s'est ensuite servi contre lui,

quand le peuple croyait s'en servir lui-même contre

d'autres. {Vive adhésion.)


N'imitez pas le pouvoir despotique, qui flatte les

masses en les trompant ; unissez-vous à moi pour trai-

ter le peuple non pas en enfant qu'on flatte pour le

corrompre, mais en homme fait, qui est capable d'en-

tendre la raison, mais en honnête homme, qui est ca-

pable d'aimer et de pratiquer la justice. {Très bien!

Très bien!)
Dites-lui que l'impôt ne doit pas être arbitraire-

ment réparti, qu'il ne faut pas, en essayant de le faire

peser sur les riches, aller le faire peser tantôt sur

les uns, tantôt sur les autres, et rarement suivant

l'équité.
Dites-lui que le mot richesse est un mot que les

partis peuvent jeter à l'envi, mais qui a un autre

sens pour une nation libre. Il faut que celui-là seul

-26 DECEMBRE 1874. 629


paye l'impôt qui peut le payer, et quand on peut prou-

ver qu'il est en état de le payer, uniquement quand on

peut le prouver, et non pas sur de simples allégations,

de façon qu'il suffise de dire aux contribuables :

« Vous êtes riches. » Non, il ne faut pas que ce soit

la volonté du taxateur qui décide ; il faut qu'on puisse

faire reposer l'impôt sur la preuve incontestable de la

richesse. (Très bien!)


C'est à ce titre que je vous demande de repousser

cet impôt général du revenu; je vous supplie de le

repousser.
Oh! je sais bien qu'il sera repoussé, mais je vous

supplie de le repousser à une majorité très grande.

Vous ferez ainsi plus de bien à la République que

par le vote contraire. (Très bien 1)


Je m'arrête ici, Messieurs : je pourrais aller plus

loin; je pourrais, en regard, en opposition avec l'im-

pôt sur le revenu, vous montrer des impôts qui vous

fourniront le moyen d'échapper à cette nécessité dont

on parlait; je pourrais vous prouver que la nécessité

n'est pas là; mais j'anticiperais sur le sujet de nos

discussions prochaines. Aujourd'hui je me borne, au

nom du gouvernement et de tous mes collègues sans

distinction, à repousser l'impôt du revenu établi sur

l'ensemble des ressources du contribuable.


(Vives et nombreuses marques d'approbation. — Ap-

plaudissements prolongés.)


630 IMPOT SUR LE REVENU.


La proposition Wolowski fut rejetée, et la majorité de

la commission du budget, considérant que le projet pré-

senté par elle rencontrerait, de la part du gouvernement, la

même opposition, fondée sur des raisons plus concluantes



encore, le retira.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k23696m/f634.image.r=.langFR


1 Pierre-Samuel Dupont de Nemours, « Notice abrégée des différents écrits mo-dernes qui ont concouru en France à former la Science de l’économie politique », Éphémérides du Citoyen, 1769, tome 1, p.xiii

2 Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique, Paris, 1803, pp.497-498 ; édition Institut Coppet, Paris, 2011, p.337

3 Eugène Daire, « Notice historique sur la vie et les travaux du Maréchal de Vauban », in Économistes financiers du dix-huitième siècle, Paris, Guillaumin, 1851, pp.9-32

4 La bibliographie des études portant sur la vie de Vauban est considérable. Pour l’intérêt du lecteur, nous pouvons renvoyer vers deux études récentes d’une très grande qualité : Anne Blanchard, Vauban, Paris, Fayard, 2007 ; et Michèle Virol, Vauban : De la gloire du roi au service de l’État, Champ Vallon,‎ 2007

5 René Sauliol, Le maréchal de Vauban, sa vie, son œuvre, Paris, Charles-Lavau-zelle, 1931, p.54

6 Georges Renaud, Les prophètes de la Monarchie. L’économie politique et ses premiers martyrs : Vauban et Turgot, Paris, Guillaumin, 1870, p.16

7 Cf. Eric Vilquin, « Vauban, inventeur des recensements », Annales de Démo-graphie historique, 1975, pp.207-257 ; Eric Vilquin, Vauban et les méthodes de statistique démographique au siècle de Louis XIV, mémoire de l’Institut de démographie de Paris 1, Paris, 1972

8 Christine Watterar, « Demographic projections: History of methods and current methodology », in G. Caselli, J. Vallin, & G. Wunsch, Demography. Analysis and Synthesis, volume II, Academic Press, 2005, p.150

9 Andrea Rusnock, “Quantification, precision and accuracy: Determinations of population in the Ancien Regime”, in Norton Wise, The values of precision, Princeton University Press, 1997, p.21

10 Vauban, « Note sur le recensement des peuples » (date inconnue, mais certaine-ment avant 1686) ; cité dans Jacques Dupâquier, Histoire de la population fran-çaise, volume 2, Paris, Presses Universitaires de France, 1988, p.32

11 Relations de divers voyages curieux, t.III ; Vauban en possède une édition établie par Thévenot Melchisédech

12 François de Neufchateau, « Mémoire sur le plan que l’on pourrait suivre pour parvenir à tracer le tableau des besoins et des ressources de l’agriculture fran-çaise », in Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiée par la Société royale et centrale d’agriculture. Année 1815, p.186

13 Vauban, « Description géographique de l’élection de Vézelay », infra ???????

14 Jacques Dupâquier, Histoire de la population française, Presses Universitaires de France, 1988

15 Lettre de Fénelon à Louis XIV, 1694, citée dans Pierre Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français, Paris, Fayard, 1991, p.215

16 Discours de Léon Aucoc sur Vauban, prononcé le 28 novembre 1891, in Ferdinand Dreyfus, Vauban économiste, éditions Lacour, 2008, p.53

17 Vauban, « Mémoire contre la révocation de l’édit de Nantes », cité par Georges Michel, Histoire de Vauban, Paris, Plon, p.439

18 Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, Paris, Lévy, 1866, p.273

19 Vauban, Projet de capitation

20 Vauban, Dîme royale

21 Cf. « L’impôt dans l’Ancien Régime et en 2013 », Laissons Faire, Volume 2, pp.7-10

22 Dupont de Nemours, cité dans Marcel Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, Volume 2, Paris, 1914, p.250

23 Vauban, Dîme royale

24 Discours de Léon Aucoc sur Vauban, prononcé le 28 novembre 1891, in Ferdinand Dreyfus, Vauban économiste, éditions Lacour, 2008, p.78

25 Anne Blanchard, Vauban, Paris, Fayard, 2007, p.533

26 Sur ce point, on se reportera plutôt à Benoît Malbranque, « Une idée dangereuse. Les économistes français et la démocratie », Laissons Faire, No.6, Octobre 2013

27 Léon Say, Les solutions démocratiques de la question des impôts, T.1, Paris, Guillaumin, 1886, p.81 pp.81-82

28 Discours de Léon Aucoc sur Vauban, prononcé le 28 novembre 1891, in Ferdinand Dreyfus, Vauban économiste, éditions Lacour, 2008, p.21

29 Vauban, Dime royale, infra, p….. ????

30 Discours de Léon Aucoc sur Vauban, prononcé le 28 novembre 1891, in Ferdinand Dreyfus, Vauban économiste, éditions Lacour, 2008, p.88

31 Le manuscrit de ce mémoire, qui a pour titre « Mémoire sur la Flandre Fla-mingante », est conservé à la Bibliothèque Nationale (n°2241). Il traite de l’his-toire et de la statistique de la Flandre. Il fait partie d’une collection de mémoires contenant les descriptions des généralités de France rédigées pour l’instruction du duc de Bourgogne.

32 Il est assez étonnant que Vauban, qui s’efforce partout d’obtenir des données objectives, et qui est l’un des plus conscients de son siècle du grand avantage qu’il peut y avoir à raisonner sur des faits avérés, des chiffres vérifiés et des obser-vations faites avec méthode, n’ait pas jugé utile de fournir une manière de faire les cartes géographique, ou du moins cherché à faire corriger les défauts des cartes existantes, qui n’en manquaient pas, ainsi qu’il en était apparemment conscient.

33 Rasière : ancienne mesure de capacité employée à Lille, en Picardie et en Nor-mandie pour les graines et les fruits.

34 Ce genre de détails, ainsi que les précédents, s’avéra très utile pour Vauban dans l’écriture de sa Dîme royale.

35 Le texte était d’abord de la main d’un secrétaire. Ce qui suit est de celle de Vauban.

36 Ce n'est point un paradoxe, mais un axiome incontestable de dire que le Prince est, ou doit être à l'État, ce que la tête est au corps humain. (note de l’auteur)

37 Paris contient en soi seul, plus de moitié des richesses du Royaume. (note de l’auteur)

38 II n'y a point de ville en Europe ni peut-être dans le monde où l'effet des bombes soit plus à craindre qu'à Paris, toutes les fois que l'ennemi se pourra mettre à portée d'y en jeter. (note de l’auteur)

39 On n'a jamais guère vu la perte d'une ville capitale d'un État qu'elle n'ait été suivie de celle du dit État. (note de l’auteur)

40 Le Détail de la France, ouvrage économique dû à Boisguilbert, avait paru en 1697. La concordance évidente des vues de Vauban et de Boisguilbert, si elle a certainement dû frapper l’esprit de ces deux grands penseurs, n’a pas contribué, loin s’en faut, à établir entre eux des relations cordiales. Si l’on peut tenir pour certain le fait que les deux hommes se connaissaient, et tirèrent un profit mutuel de l’étude de leurs écrits respectifs, il reste difficile de dégager parfaitement la part de l’influence de chacun sur ces œuvres. Les relations entre les deux hommes, en tout cas, souffrirent beaucoup de la concurrence entre deux systèmes fiscaux d’une étonnante proximité. L’une des raisons de cela fut sans doute l’écart hiérarchique entre les deux économistes, le premier, glorieux homme de guerre et maréchal de France, le second, simple lieutenant général de police à Rouen.

     C’est en décembre 1694 qu’eut lieu la première rencontre entre les deux hom-mes. Cet entretien fut sollicité par Boisguilbert, qui venait de terminer la ré-daction du Détail de la France, et s’apprêtait à le publier anonymement. Vauban fut certainement frappé par la vue d’un esprit ayant emprunté le même chemin d’idées que lui, bien que sans avoir abouti exactement aux mêmes conclusions pratiques. Il conseilla à Boisguilbert de publier son travail et de poursuivre plus loin ses réflexions. Et le Détail de la France parut finalement en 1697.

     Après cette date, Boisguilbert sollicita encore plusieurs fois Vauban, ce qui pro-voqua deux nouvelles rencontres, la première à Rouen, en 1699, la seconde à Paris, l’année suivante. Le 22 août 1704, Boisguilbert fit parvenir une nouvelle lettre à Vauban, le priant de considérer son projet fiscal et de le transmettre autour de lui. Vauban s’acquitta de cette tâche, et écrivit au Contrôleur général […] dès le 26 août : « J’ai trouvé, Monsieur, une lettre de M. de Boisguillebert [sic], que j’ai cru devoir vous envoyer parce qu’il promet monts et merveilles, si on veut l’écouter. Je sais bien qu’il est un peu éveillé de côté de l’entendement ; mais cela n’empêche pas qu’il ne puisse être capable d’ouvrir un bon avis. Quelquefois les plus fous donnent de forts bons avis aux plus sages. » Grâce à la recom-mandation de Vauban, Boisguilbert fut en mesure de communiquer ses vues au Contrôleur général de l’époque, Michel Chamillart.

     La Dîme Royale de Vauban, qui ne parut qu’en 1707, porte la marque de l’influence de Boisguilbert. Certains développements ont leur pendant chez les deux auteurs, sans que l’on soit toujours parfaitement certain de qui emprunta telle idée à qui. Le plus vraisemblable est que Vauban utilisa les démonstrations d’éco-nomie pure, que Boisguilbert avait conçu de manière autonome, et que parallèle-ment, Boisguilbert tira du maréchal de France une ample connaissance de l’état du Royaume de France, que seul Vauban était capable d’obtenir.

     L’esprit profondément libéral de Boisguilbert se retrouve bien, avec certaines nuances, chez Vauban. Trop habitué, peut-être, à donner des instructions précises sur la marche à suivre en matière militaire, et à régler dans le détail les agis-sements de ses subordonnés, Vauban n’avait pas l’esprit le mieux formé pour accueillir de tels sentiments. Cela ne l’empêchera nullement, ainsi que la suite du texte nous le montrera, de se faire vif adversaire de l’arbitraire d’État et protecteur du commerce libre, laissé entre les mains des individus.


41 Il ne sera sans doute pas inutile de décrire en quelques lignes les différents impôts de l’Ancien Régime, que Vauban critiquait et souhaitait ou amender ou remplacer. Les principaux impôts étaient au nombre de huit : taille, capitation, dixième, gabelle, aides, douanes, domaine, et ferme du tabac. Nous présenterons chacun d’eux à mesure que notre auteur les mentionnera dans le texte.

     La taille, d’abord, se divisait en deux catégories : la taille personnelle et la taille réelle. La taille personnelle portait sur les capacités financières de chaque con-tribuable, telle qu’évaluée subjectivement par les receveurs. Condamnée à varier avec la richesse apparente de chacun, plus encore qu’avec sa richesse réelle, la taille personnelle souffrait d’un autre abus majeur, celui de ne concerner qu’une portion limitée de la nation française. Non seulement les nobles et le clergé en étaient exempts, mais un nombre toujours croissant de riches individus, issus du tiers état, parvenaient à se défaire de cette charge. Parfois même l’exemption était accordée à des villes entières, comme ce fut le cas pour Paris et Lyon.



     La taille réelle était fixée en fonction de la valeur des terres et reposait sur les classes les plus modestes de la société, les biens nobles et ecclésiastiques étant exempts de toute contribution. De manière plus informelle, de nombreuses autres exemptions avaient lieu, et quiconque disposait d’une certaine influence ou d’un certain pouvoir en échappait aisément.

42 Les aides étaient des impôts indirects portant sur des biens, principalement sur les boissons.

43 Les douanes provinciales, supprimées dès les premiers temps de la Révolution française, sans doute sous la pression continue des économistes, et notamment des Physiocrates, étaient des droits de douanes dont il fallait s’acquitter pour faire passer des marchandises entre une province française et une autre. Il s’agissait donc plus ou moins des douanes actuelles, qui subsistent encore malgré les accords de libre-échange. L’un des grands défauts de ces douanes provinciales, comme de toute douane, était que la circulation des produits à l’intérieur de la France était très largement freinée. Quand un besoin pressant se faisait sentir, par exemple lorsqu’une catastrophe climatique causait la destruction d’une grande partie des récoltes dans une région française, le secours des autres provinces devenait limité, car l’abondance et le bon marché de denrées des régions environnantes étaient compensés par la lourdeur des droits de douanes.

44 Les affaires extraordinaires, ainsi que leur nom l’indique, étaient des perceptions d’impôt par des voies non traditionnelles, un phénomène qui ne se développa jamais avec une telle étendue que sous le règne de Louis XIV. Constatant que les ressources régulières de l’impôt ne fournissaient pas, loin s’en faut, les sommes nécessaires aux dépenses prévues. Ainsi vit-on le pouvoir vendre des offices, des privilèges, des titres, et même l’accès à certains métiers, afin de lever quelque argent supplémentaire, à jeter dans l’ouragan de la dépense publique.
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