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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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Les erreurs de Vauban
Stricte égalité, et donc justice, telle était au fond la caractéristique de cette fiscalité. Cependant, jeté au milieu d’une société d’Ancien Régime pétri par des différences de classes validées par la loi, ce projet de dîme royale ne pouvait être bien accueilli. Malgré ses nombreux avantages, il avait un grave défaut, que L. Aucoc résumera comme il le fallait dans son discours sur Vauban : « elle attaquait les classes privilégiées ». 30

     Ce fait seul a suffi pour empêcher l’application des réformes fiscales de Vauban. Le maréchal vit s’élever contre lui une opposition farouche, celle même que nous trouverons devant nos pas à l’évocation même de l’idée d’une flat tax. Si nous aurions bien, comme Vauban avant nous, l’argument de la justice en notre faveur, puisque l’idée que chaque citoyen doit payer l’impôt en proportion de son revenu permet seul la liberté, l’égalité, et la fraternité, il nous faudrait encore l’emporter.

     L’échec de Vauban face aux classes privilégiés doit nous avertir que des oppositions vives existent pour empêcher à la grande masse des hommes de voir le fruit de leur travail protégé contre l’arbitraire fiscal.

Cependant
Vauban a inspiré de nombreux bienfaiteurs de l’humanité.
Adolphe Thiers, « Discours contre l’établissement d’un impôt sur le revenu », prononcé le 26 décembre 1871 à l’Assemblée Nationale,
« Cinquante ans avant Quesnay, il formule quelques-uns des plus importants axiomes de la science économique. » (p.30)
Premier projet de capitation en 1695, c’est-à-dire quand paraît le Détail de la France. Vauban ne mérite donc pas d’être considéré comme un successeur de Boisguilbert, même s’il s’en inspire. Il écrit et réfléchit parallèlement à lui.
« Vauban doit être considéré comme le créateur de la statistique. » (Daire, p.19) Ce que dit également Félix Cadet (Histoire, p.95)

De tous les manuscrits de Vauban réunis dans les douze volumes des Oisivetés, seul la Dîme royale fut imprimée du vivant de l’auteur, car seul ce mémoire fut jugé digne d’une publication.


Vauban a travaillé sur la Dime royale pendant près de quinze ans avant la publication finale, anonyme, et illégale.

Fin 1694, il couche sur le papier un projet de capitation qui forme le socle de la Dîme royale. En 1697, il sollicite le Roi pour lui présenter le projet. Dans ses mémoires ultérieurs, et notamment son Mémoire pour la navigation des rivières de 1698-1699, Vauban n’a de cesse de revenir sur cette idée de réforme fiscale.

À la fin du siècle, Boisguilbert et Vauban étudient tous les deux les moyens de mieux répartir l’impôt. Leurs efforts sont en partie dus à l’état catastrophique de l’économie française, impactée par plusieurs mauvaises récoltes au cours de la décennie 1690 ainsi que par le coût des guerres qui n’ont pas cessé depuis un demi-siècle.
Le dénombrement des populations avait déjà été signalé comme d’une extrême utilité par plusieurs économiques antérieurs. Jean Bodin, en 1576, dans la République, ou Montchrétien, dans son Traité de l’économie politique datant de 1615, signalèrent ce fait avant Vauban.

Dans la Dîme royale, Vauban se base sur ses études statistiques pour affirmer ses conclusions :

« On retrouve dans la Dîme royale beaucoup de traits déjà remarqués dans d’autres mémoires vaubaniens. Vauban part de constatations très précises et très finement analysées. Il soumet ses observations au crible de la statistique chiffrée. On ne peut s’admirer d’admirer ses dénombrements et ses calculs sur les superficies, par exemple celle des provinces. » (blanchard, p.535)
Le livre est un grand succès, en partie parce qu’il sera très vite interdit.

« Le livre de la Dîme royale fait si grand bruit à Paris et à la cour qu’on en a fait défendre la lecture par un arrêt du conseil, qui n’a servi qu’à exciter la curiosité de tout le monde, si bien que si j’en avais un millier, il ne m’en resterait pas un dans quatre jours. » (cité dans blanchart, p.537)


Vauban prévoit immédiatement une seconde édition, qui ne verra jamais le jour, à cause de la pression de la police et de la santé déclinante du maréchal, qui mourra quelques semaines seulement plus tard.
L’histoire incroyable de l’interdiction de la Dîme royale peut être trouvé dans
La proscription du projet de dîme royale et la mort de Vauban

Extrait du compte-rendu de l'Académie des sciences morales et politiques, rédigé par M. Ch. Vergé.




https://archive.org/details/laproscriptiondu00bois












Écrits Économiques
de Vauban










Lettre sur la manière
de faire les Statistiques

     Cette lettre fut écrite le 9 mars 1698 à l’attention d’Hercule Hüe de Caligny (1665-1725), ingénieur militaire alors directeur des fortifications de Dunkerque, Furnes, Bergue, Ypres, Graveline, La Kénoque et Calais. Elle concerne d’une manière tout à fait générale, quoique parfois assez précise, la méthode que Vauban affectionnait et qu’il souhaitait voir appliquer par ses collaborateurs, pour l’étude des différentes régions de France.

     Vauban avait compris que l’amélioration des connaissances humaines tant sur les matières militaires que sociales ne pouvait se faire qu’à la condition d’une meilleure appréciation, plus juste, plus scientifique, de la réalité. Convaincu de cela, Vauban profita des nombreux voyages qu’il fit à travers toute la France, pour s’enrichir d’une large expérience des faits, selon une méthode et avec une exigence qui transparaissent toutes deux dans cette lettre.

     Les efforts de Vauban dans ce sens ont été remarqués par certaines des plus importantes autorités de la science économique. Léon Say, économiste, ministre des finances sous la Troisième République et par ailleurs petit-fils de Jean-Baptiste Say, écrira par exemple que « Vauban s’est aidé de ses connaissances étendues, de son esprit d'observation et de sa science mathématique, pour créer, en quelque sorte, la statistique. C'était un statisticien merveilleux pour son époque, car les renseignements étaient alors difficiles à recueillir. Un très grand nombre des données statistiques de Vauban peuvent résister à la critique qu’on a pu en faire de nos jours. » (Léon Say, Les solutions démocratiques de la question des impôts, T.1, Paris, Guillaumin, 1886, p.81)

     Les statistiques, pour autant, ont fait l’objet d’utilisations très abusives dans l’his-toire de la pensée économique, car, en effet, elles ne sont pas l’outil le plus propre à guider les réflexions des économistes. « La statistique ne nous fait connaître que les faits arrivés, reconnaîtra Jean-Baptiste Say avec bon sens. Elle expose l’état des pro-ductions et des consommations d’un lieu particulier, à une époque désignée, de même que l’état de sa population, de ses forces, de ses richesses, des actes ordinaires qui s’y passent et qui sont susceptibles d’énumération. C’est une description très détaillée. Elle peut plaire à la curiosité, mais elle ne la satisfait pas utilement quand elle n’in-dique pas l’origine et les conséquences des faits qu’elle consigne. » (Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique, Paris, Guillaumin, 1861, pp.5-5 ; Institut Coppet, 2011, p.11) Il n’en reste pas moins qu’elle apporte une aide précieuse, permettant de confirmer ou d’illustrer, afin de rendre plus concret et compréhensible, les théories abstraites des économistes.

     Vauban, non seulement ne s’est jamais rendu coupable d’un emploi malavisé des statistiques qu’il recueillait, mais il enseigna à toute une époque la nécessité des faits précis et vérifiés dans l’étude des faits sociaux. S’il doit être considéré comme le « créateur de la statistique » (E. Daire, « Notice historique … », op.cit., p.19 ; et c’est également l’avis de Félix Cadet, Histoire de l’économie politique, Paris, 1869, p.95), il aura donc été tout autant l’un des rares à en faire le plus parfait des usages.


Le mémoire 31 que vous m’avez envoyé est si sensé et si bien recher-ché que cela même nous doit obliger à lui donner toute la perfection possible ; c’est ce qui me fait vous le renvoyer pour vous prier d’y ajouter tout ce qui pourrait lui manquer, espérant que vous aurez le loisir de le rendre parfait au point que je le demande, entre ici et la fin d’août, qui sera à peu près le temps que je passerai, s’il plaît à Dieu, à Ypres. La première chose qu’il faudrait donc ajouter est une carte du pays qu’il faudrait prendre sur la moins mauvaise des plus récentes qui en ont été gravées 32, et y marquer par des lignes ponctuées toutes les divisions du pays dont il est parlé dans le mémoire, qu’il faudrait toute enluminée des différentes couleurs, comme on fait d’ordinaire à toutes les autres cartes.

Cela fait, parcourir toute la description générale, ancienne et moderne, pour voir s’il y a des fautes à corriger et s’il n’y a rien de re-marquable à ajouter à la marge, aux endroits qui en auront besoin, soit par des dates, des nombres ou par des suppléments de raisons abrégées qui aident extrêmement à la lettre quand elles sont bien placées.

Examiner si, dans l’énumération des dépendances, il n’y a point de paroisses oubliées ou quelque lieu considérable, et expliquer à la marge ce que c’est que Brauch : si ce sont des hameaux ou annexes ou des fermes.

Ce que contient la mesure de terre de ce pays-là, par rapport à l’arpent plus commun de France, qui est de 100 perches, la perche de 22 pieds de roi de long et de 484 carrés de superficie, avec une petite proportion géométrique de l’un à l’autre. Parler du rapport commun de terres et endroits de chaque châtellenie, savoir ce que la mesure ou l’arpent rend, par commune année, de rasière33 de blé, pois, fèves, colza, etc., les semences remplacées ; quel rapport les mesures à blé, à vin et à bière de ces pays-là ont avec celles de Paris : si les terres de ce pays-là, ont besoin d’être fumées, et comment on les réchauffe avec de la chaux, et dire comment cela se fait ; combien de façons on leur donne et quelle semence fait le plus de profit, la quantité de mesures de terre en friche, et ce qui cause cet abandon ; s’il y a des maisons en ruine ou abandonnées dans les villes et principaux lieux, et à quoi va la diminution des peuples de chaque lieu ; en faire des notes à la marge, si cela se peut par dénombrement, sinon par estimation.

Les eaux et les rivières sont bien décrites ; mais il faudrait parler des sas du pays et dire même leur chute et l’ouverture de chacun. Le sas de Bousinghe mériterait que l’on joignit un plan, un profil de long et un de travers à ces mémoires, de même que le Guindal de la Fintelle, et enfin les pentes des eaux du pays et les côtés de leur écoulement autant qu’on le peut connaître.

Nous pourrions, par les suites, y joindre les plans des places forti-fiées réduits sur l’échelle commune que nous nous sommes faite, même des principaux lieux. En passant en ce pays-là, j’en demanderai aux ingénieurs de chaque place pour les joindre au mémoire qui pourra devenir une rareté singulière si vous voulez bien vous attacher à sa per-fection. À l’égard de la fortification et des propriétés des places, quoi-que ce que vous en dites soit fort bon, je ne laisserai point d’y ajouter encore quelque chose.

Il faut dire le nombre et la force des garnisons ordinaires en temps de paix ou du moins fort approchant.

Le nombre des ecclésiastiques, distingués suivant leur espèce, et les revenus des bénéfices depuis l’évêché jusqu’aux plus petites cures. Idem des abbayes, prieurés, commanderies de toutes espèces, couvents rentés et non rentés ; car, rentés ou non, il faut que tous vivent, et tels men-diants il y a qui font meilleure chère que les religieux rentés.

Il faut de même nombrer toute la noblesse grande et petite, et nommer par leurs noms, et ce qu’ils possèdent. 34 Vous l’avez déjà fait, mais vous n’avez marqué que les principaux et les revenus qu’ils ont dans le pays seulement et non ailleurs. Si vous connaissez d’autres exempts, les nommer aussi.

Si vous pouvez dire quelque chose de certain sur le commerce, faites-le aussi, après que vous aurez bien repassé tout ce que vous aurez écrit.

Nombrer aussi tous les gens de robe et de pratique des pays, non seulement à chaque chatellenie, mais encore au bout de la table des dénombrements. Dire autant que vous pourrez ce que les charges valent de revenu, ce qu’elles ont été vendues ; idem des gens de finance.

Faites aussi l’énumération de toutes les différentes levées qui se font dans le pays et marquez bien leur excès et leur entretaillement. Ne manquez pas de dire votre avis, à part et sur un cahier détaché, sur les réparations du pays dont vous seriez d’avis, mais de manière que le Roi y puisse trouver véritablement son compte, et toujours en comparant le passé, le présent et l’avenir, sans être trop à charge avec l’impossible qui détruit tout, et toujours dans la vue de repeupler le pays, qui est le plus grand bien qui puisse revenir au Roi, attendu que princes sans sujets ne sont que des particuliers incommodés.

Après que vous aurez bien recherché votre caboche sur tout cela, vous verrez si vous ne pouvez dire quelque chose de plus sur les bes-tiaux et notamment sur les volailles dont vous n’avez point parlé : elle ne laisse pourtant pas de faire un profit considérable tout le long d’une année. Il faut prendre le parti de mettre la plus grande partie en marge par apostilles, notes et énumérations. Ceux qui auront besoin de plus grande étendue, vous pourrez en faire des feuilles à part ; surtout je vous prie de rapporter à la fin de la table de dénombrement toutes les remarques suivantes en abrégé à la fin, comme par exemple :

« Il y a dans le pays 757 femmes et mariées plus que d’hommes ; 1 431 filles à marier plus que de garçons ; 341 petites filles plus que de petits garçons ; 734 servantes plus que de valets.

« La même chose des religieux ou religieuses. »

« En tout 3 363 femmes et filles, plus que d’hommes et de garçons. »

Il faut dire aussi ce qu’il y a dans le pays, d’ecclésiastiques, savoir : un évêque, tant de chapitres composés de tant de chanoines.

Tant de paroisses et tant de curés et de prêtres pour les desservir.

Tant d’abbés, tant de prieurs, tant de moines de l’ordre de Saint-Bernard, tant de l’ordre de Saint-Augustin, tant de Prémontré, etc., et ainsi de tous les autres ; tant de couvents de récollets, tant de religieux, tant de couvents de carmes et tant de religieux, tant de couvents de carmes et tant de religieuses et ainsi des autres, tant de maisons de jé-suites qui contiennent tant.

Faire la même chose des couvents de femmes et de tous les autres ordres et maisons pieuses, avec le total au bas.

Après cela, mettre l’abrégé de la noblesse dans la même table et celui de leur famille, celui des exempts par charge, même par industrie.

Celui-là expédié, venir à l’abrégé des gens de robe, de pratiques et de finance, celui des matelots, des charriots. S’il est possible, et des mou-lins à vent, à eau, et ce qu’ils peuvent faire de farine en un jour, les usines et autres moulins à huile et fouloirs à drap et tout ce qu’il y aura de remarquable dans le pays.

Tout ce que vous rapporterez dans la marge se pourra répéter dans la table, et si vous poussez cette recherche aussi loin qu’elle peut aller, vous verrez que nous saurons parfaitement le fort et le faible du pays où vous êtes.

N’oubliez pas, s’il vous plaît, la quantité d’arpents de bois dans chaque pays, et nous dire comment on a fait les coupes et en quel temps.

Si vous pouvez satisfaire à ces demandes, comme je n’en doute pas, vous aurez fait le plus bel ouvrage en ce genre-là qui se puisse faire, et vous promets de lui donner tout le lustre possible, de mettre votre nom à la tête et de vous en faire tout l’honneur. Peut-être servira-t-il de modèle pour de plus grands.

N’oubliez rien de ce que je viens de vous dire et ne craignez pas d’y ajouter du vôtre tout ce qui vous viendra dans l’esprit.

Souvenez-vous que vous avez cinq bons mois pour faire cela, et que, quand il y faudrait en mettre six, je ne les plaindrais pas. Faites-moi, s’il vous plaît, réponse de ce mémoire et que ceci demeure entre vous et moi.
Je suis, etc… 35
Dépensez-y une cinquantaine de pistoles ou 200 écus, je vous les rendrai incessamment, et cela pour employer quelque personne intel-ligente à qui vous donnerez l’extrait de ce que vous voulez apprendre.

J’ai trouvé les premiers dénombrements de Dunkerque, qui sont très beaux et très bien faits, et par rue ; il y a même à la fin une énumération de toutes les conditions qui fait plaisir à lire pour voir tous les arts et les métiers qui sont dans cette ville.

Je pars demain pour Paris. Adieu, Monsieur, je suis parfaitement à vous. Cette lettre contient la copie de celle que vous m’avez envoyée. Je vous conjure de travailler quand vous le pourrez à l’achèvement de cet ouvrage. Je me réjouis de ce que Mme de Caligny est accouchée heureusement.
Vauban.




De l’importance


dont Paris est à la France

     Ce court mémoire, qui fait partie du premier des douze tomes des Oisivetés de Vauban, selon la liste établie par Jacques de Gervain et André de Lafitte-Clavé en 1768, est le seul à dominante militaire que nous avons choisi de placer dans ce recueil. Il expose quels sont les risques auxquels doit faire face Paris dans des situations de guerre. Plus précis et plus économiques que le Traité de la défense des places, ce mémoire permet de comprendre que les préoccupations militaires ne sont jamais bien loin de l’esprit de Vauban, mais que le grand maréchal, pour autant, ne néglige jamais le pro-blème social dans ses études militaires.

     Selon toute vraisemblance, la rédaction de ce mémoire fut réalisée en grande partie en 1689, et qu’il ne fut que légèrement retravaillé en 1706, tandis que Vauban se re-plongeait dans ses anciens écrits, qui deviendraient les Oisivetés.

     Tout au long de ce mémoire, Vauban a soin de rappeler constamment que Paris est la ville la plus riche du royaume et celle où il s’y fait le plus grand commerce. S’il a soin de la protéger, c’est aussi parce que les conditions de vie de l’ensemble du peuple français en dépendent. Ainsi ébauche-t-il un projet de rénovations et de constructions qui a pour but de protéger davantage la capitale du royaume. Après l’avoir indiqué, il n’oublie pas la préoccupation économique, et écrit, dans des phrases qui préfigurent la vulgate keynésienne : « la dépense de ces ouvrages n’est pas ce qui en doit rebuter le Roi, puisqu’il n’en sortira pas une pistole du Royaume, ce sera un argent remué aux environs de Paris qui donnera à vivre à quantité de pauvres gens, et fera que les autres en payeront mieux la taille, parce qu’il s’y fera plus de consommation. » (infra, p. ???) Vauban ignorait-il que l’argent dépensé à ces constructions serait nécessairement pris sur celui qui aurait servi à payer des dépenses plus utiles, plus proches de l’intérêt des populations ? Nous ignorons s’il eut une telle réflexion, car même s’il l’eut, elle n’aurait pas mérité de prendre place dans ce mémoire, dont l’objectif était d’abord militaire, non économique.


     Si le Prince est à l’État ce que la tête est au corps humain 36 (chose dont on ne peut pas douter), on peut dire que la ville capitale de cet État lui est ce que le cœur est à ce même corps : or le cœur est considéré comme le premier vivant et le dernier mourant ; le principe de la vie, la source et le siège de la chaleur naturelle, qui de là se répand dans toutes les autres parties du corps qu’elle anime et soutient jusqu’à ce qu’il ait totalement cessé de vivre.

     Il me semble que cette comparaison se peut très bien appliquer au sujet dont nous voulons traiter, vu qu’il n’y a point de villes dans le monde avec qui elle ait plus der rapport qu’à Paris, capitale du Royaume de France, la demeure ordinaire de nos Rois, et de toute la maison Royale, des Princes du sang, des Ministres, Ducs, Pairs, Maré-chaux de France, et autres grands officiers de la couronne ; des Ambas-sadeurs des Rois, et principales têtes couronnées de la chrétienté ; c’est le siège d’un célèbre Archevêché et d’un clergé très considérable dans lequel sont comprises plusieurs grosses et riches Abbayes, celui de la principale cour de Parlement du Royaume, et d’une très grande quantité d’autres juridictions ; le rendez-vous de toute la noblesse ; des gens de guerre et de savoir de toutes espèces, même des étrangers qui se rendent en foule de toutes parts et de tous pays.

     C’est le vrai cœur du Royaume ; la mère commune des Français et l’abrégé de la France par qui tous les peuples de ce grand État subsis-tent, et de qui le Royaume ne saurait se passer sans déchoir considé-rablement de sa grandeur.

     Elle est très bien située tant à l’égard de la santé, du commerce et des commodités de la vie, que des affaires générales et particulières ; peuplée d’une très grosse bourgeoisie, et d’une infinité d’artisans de toutes espèces, parmi lesquels se trouvent les plus habiles ouvriers du monde en toutes sortes d’arts et de manufactures.

     Elle est d’ailleurs très marchande à raison du changement perpétuel des modes, des grandes consommations qui s’y font, et du nombre infini de gens de qualité qui la remplissent.

     Comme elle est fort riche37, son peuple encore plus nombreux, naturellement bon et affectionné à ses Rois, il est à présumer que tant qu’elle subsistera dans la splendeur où elle est qu’il n’arrivera rien de si fâcheux au Royaume dont il ne se puisse relever par les puissants secours qu’elle pût lui donner. Considération très juste, et qui fait que l’on ne peut trop avoir d’égards pour elle, ni trop prendre de pré-cautions pour la conserver d’autant plus que si l’ennemi avait forcé nos frontières, battu et dissipé nos armées et enfin pénétré le dedans du Royaume, ce qui est très difficile je l’avoue, mais non pas impossible, il ne faut pas douter qu’il ne fit tous les efforts pour se rendre maître de cette capitale, ou du moins la ruiner de fond en comble ; ce qui serait peut être moins difficile présentement (que partie de sa clôture est rompue et ses fossés comblés) qu’il n’a jamais été joint, que l’usage des bombes s’est rendu si familier et si terrible dans ces derniers temps que l’on peut le considérer comme un moyen très sûr pour la réduire à tout ce que l’ennemi voudra avec une armée assez médiocre, toutes les fois qu’il ne sera question que de se mettre à portée de la bombarder. 38 Or il est très visible que ce malheur serait l’un des plus grands qui peut jamais arriver à ce Royaume, et que quelque chose que l’on pût faire pour le rétablir, il ne s’en relèverait de longtemps, et peut-être jamais. 39

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