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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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     C’est pourquoi il serait à mon avis de la prudence du Roi d’y pourvoir de bonne heure, et de prendre les précautions qui pourraient la mettre à couvert d’une si épouvantable chute.

     J’avoue que le zèle de la patrie, et la forte inclination que j’ai eue toute ma vie pour le service du Roi, et le bien de l’État, m’y a fait souvent songer ; mais il ne m’a point paru de jour propre à faire de pareilles ouvertures par le grand nombre d’ouvrages plus pressés qui ont occupé le Roi tant sur la frontière qui a toujours remuée depuis 22 ans en ça, que par les bâtiments royaux qu’il a fait faire, et par le peu de disposition où il m’a paru que l’esprit de son conseil était pour une entreprise de cette nature, qui sans doute, aurait semblé à plusieurs, contraire au repos de l’État, et à tous d’une très longue et difficile exécution, quoique le Roi ait entrepris et fait des choses qui la surpassent très considérablement ; joint que la prospérité de la France depuis vingt-cinq à trente ans avait si fort éloigné toutes les réflexions qui auraient pu donner des vues de ce côté là, qu’il n’y avait nulle apparence de croire qu’une telle proposition dût être écoutée : cependant cette pensée qui dans le commencement ne m’a passé que fort légèrement dans l’esprit, s’y est présentée si souvent qu’à la fin elle y a fait impression, et m’a paru digne d’une très sérieuse attention ; mais n’osant la proposer à cause de sa nouveauté j’ai cru du moins la devoir écrire espérant qu’il se trouvera un jour quelque personne autorisée, qui lisant ce mémoire, y pourra faire réflexion ; et que, poussé par la tendresse naturelle, que tout homme de bien doit avoir pour sa patrie, il en parlera, et peut être en proposera-t-il l’exécution, qui bien que difficile et de grande dépense ne serait nullement impossible étant bien conduite.

     Après y avoir donc bien pensé, et cherché tous les moyens à tenir pour pouvoir mettre cette grande ville dans une sûreté parfaite contre tous les accidents de guerre qui pourraient la menacer, je n’ai trouvé que l’expédient qui suit, de bien raisonnable : il est simple et fort cher à la vérité, mais très assuré, ainsi qu’on le verra ci-après ; sur quoi il est à remarquer : premièrement que je n’ai nul égard aux surprises ni aux intelligences particulières, cette ville étant trop peuplée pour que l’on puisse rien entreprendre contre elle sans faire de gros mouvements de troupes qui découvriraient tout, joint que ce que j’ai à proposer, est directement opposé à toutes les mauvaises subtilités que l’on pourrait mettre en pratique à cet égard ; et secondement, que je ne prétends mettre en avant que ce qui est nécessaire contre la bombarderie, les sièges réglés, et les blocus, qui sont les seuls moyens qui paraissent capables de la pouvoir réduire. Venons au fait.


I.

     Réparer les défectuosités de ce qui reste de sa vieille enceinte, et achever sa réforme telle qu’elle a été réglée en dernier lieu, revêtir ce qui ne l’est pas encore, et élever tout son revêtement de 36 à 40 pieds au dessus du fond de fossé, la faire flanquer simplement par les vieux bastions et grosses tours, telles qu’elles se trouveront sur pied, sinon en faire de nouvelles aux endroits où il en manquera, et les espacer de six vingt toises l’une de l’autre.

II.
     Bien et proprement terrasser la dite enceinte ; la rendre capable de porter un parapet à épreuve du canon, et environner le tout d’un fossé de dix à douze toises de large, profond de dix-huit à vingt, pieds réduits avec ses bords revêtu s’il est possible ; plus la prolonger de part et d’autre en travers de la Seine au-dessus et au-dessous de Paris, y bâtissant autant d’arches qu’il en sera nécessaire au passage des eaux, faire des ponts sur le derrière, et des bâtiments sur le devant de ses mêmes arches, pour y mettre à couvert les herses avec les tours servant à leur levée ; observant du surplus de raser tous les bâtiments des faubourgs qui approcheront plus prés de vingt à trente toises de cette enceinte.

     Au lieu des portes d’à présent qui ne ferment point, ou qui le font très mal, y en faire de nouvelles à deux ou trois fermetures, non compris les argues. Plus des corps-de-gardes haut et bas, grands et spacieux, et des ponts dormants coupés de pont-levis avec des barrières à la tête.


IV.
     Cette première enceinte étant mise en sa perfection, en faire une seconde à la très grande portée du canon de la première, c’est-à-dire, à mille ou douze cents toises de distance, occupant toutes les hauteurs convenables, ou qui peuvent avoir commandement sur la ville comme celle de Believille, de Montmartre, Chaillot, Faubourg St. Jacques, St. Victor, et toutes les autres qui pourraient lui convenir.
V.
     Bastionner la dite enceinte, ou l’armer de tours bastionnées, la très bien revêtir et terrasser, et lui faire un fossé de dix-huit à vingt pieds de profondeur sur dix à douze toises de largeur revêtu de mançonnerie.

VI.
     Faire toutes les portes nécessaires par rapport à celles de la ville, avec leurs corps-de-gardes, devant lesquelles portes il faudrait faire des demi-lunes aussi revêtues de même que partout ailleurs où il en serait besoin, les environnant de fossés approfondis et revêtus comme ceux de la place.


VII.
     Faire aussi des contregardes à l’entour des tours bastionnées, si on les préfère aux bastions, comme les figurés ci-après revêtues jusqu’à la hauteur du parapet du chemin couvert, et le surplus de leur élévation de terre gazonnée ou plaquée, observant toutes les façons nécessaires à ces remparts et chemins couverts, et de donner à ces derniers au moins six toises de large en considération des assemblées qui s’y feront pour les sorties. On pourrait après planter tout le terre-plein et les talus des remparts, d’ormes et autres bois particulièrement destinés aux besoins de cette fortification, sans jamais permettre qu’il en fût coupé pour autre usage que pour le canon, les palissades et fascines.
VIII.
     Prolonger la dite enceinte et la continuer en travers de la rivière comme la première, afin d’éviter le défaut par lequel Cyrus prit Babylone.
IX.
     Et parce qu’une ville de la grandeur de Paris, fortifiée de cette façon, pourrait devenir formidable, même à son maître s’il n’y était pourvu. Faire deux citadelles à cinq bastions chacune dans la deuxième enceinte ; savoir l’une sur le bord de la Seine au-dessus de la ville, et l’autre au-dessous dans l’endroit le plus propre ; l’une tenant un bord de la rivière d’un côté, et l’autre de l’autre, toutes deux très bien revêtues, et accompagnées de tous les dehors convenables, comme aussi de tous les magasins, arcenaux, souterrains et autres bâtiments nécessaires ; on pourrait même ajouter encore un réduit ou deux dans les endroits de la même enceinte les plus éloignés des citadelles s’il en était besoin : ces places bâties à profit et splendidement sans rien épargner qui pût faire tort à leur solidité, par les suites bien garnies de canon, d’une douzaine ou deux de mortiers chacune, et de quatorze ou quinze mille bombes avec toutes les poudres et munitions nécessaires ; il ne faudrait pas craindre que Paris se portât jamais à rien qui pût blesser son devoir.

X.
     Mais comme ce ne serait pas suffisamment pourvoir à la sûreté de cette grande ville que d’y faire beaucoup de fortifications sans la garnir en même temps des munitions de guerre et de bouche nécessaire, il y faudrait bâtir, des magasins à poudre capables d’en contenir au moins dix-huit cents milliers ou deux millions ; des arcenaux pour toutes les autres sortes de munitions de guerre nécessaires, et des caves et magasins à blé en suffisante quantité ; ces derniers pour pouvoir contenir deux millions et plus de septiers de blé, des légumes et des avoines à proportion ; ce qui se pourrait facilement faire peu à peu en prenant le temps que les blés sont à bon marché.


XI.
     Ces précautions seraient d’autant plus utiles que dans les chères années, le peuple à qui l’on pourrait vendre de ces grains à un prix modique s’en trouverait soulagé, et qu’aux environs de Paris à quarante lieues à la ronde, et le long des rivières navigables, les blés s’y vendraient toujours à un prix raisonnable dans le temps que la grande abondance les fait donner à vil prix, à causé des remplacements à faire dans les magasins ; ainsi les fermiers seraient mieux en état de payer leurs maîtres qui perdraient moins sur leurs fermes, et le pauvre peuple serait toujours soulagé dans ses misères : j’ai dit deux millions de septiers de blé et plus, parce que je suppose que, dans un temps de siège, la bourgeoisie de Paris jointe à ceux qui s’y réfugieraient des environs, et aux troupes renfermées entre la première et seconde enceinte, pourraient bien faire le nombre de sept à huit cents mille âmes, auquel cas il leur faudrait pour une année, aux environs de deux millions cent mille septiers de blé, parce que chaque personne en consommerait près de trois septiers par an pour sa nourriture ; outre cette quantité dont il est bon d’être assuré, on pourrait faire publier par une ordonnance que quiconque voudrait se réfugier à Paris, eût à y apporter une certaine quantité de grains et d’avoines et toutes les autres vituailles qui pourraient tomber sous la main. Y faire amas de tous les bœufs, moutons, chaires fraîches et salées, volailles, fromages, légumes de toutes sortes, etc. qui se pourront trouver.
XII.
     Faire garnir les ports de tous les bois de moules que l’on y pourrait faire descendre, ce qui serait fort aisé, et y amasser beaucoup d’avoine et de foin pour la cavalerie, paille, hachée et non hachée. Plus quantité de vin, d’eau-de-vie, d’orge et houblon pour faire de la bière ; du sel en quantité suffisante pour l’usage ordinaire, et pour les salaisons, et généralement pour tout ce que l’on pourrait avoir besoin, et imaginer capable de pouvoir faire subsister cette grande multitude un an durant ; et surtout avertir de bonne heure les chefs de familles et gens aisés de se fournir de moulins à bras, de fours de blés, et de gouverner sagement leurs provisions pendant un siège, ne les consommant que très à propos.
XIII.
     Cela une fois établi et la place munie de dix-huit cents à deux millions de poudre, quatre cents pièces de canon, de soixante à quatre-vingt mille mousquets et fusils dans les magasins, et d’autres armes à proportion, contre celles que les particuliers auraient chez eux ; si dans un temps que toute la terre serait liguée contré vous, il arrivait que la frontière fût forcée et la ville en péril d’être assiégée, quelque malheur qui pût arrivera nos armées, et au surplus au Royaume ; il est probable qu’elle ne serait jamais tellement défaite que le Roi ne fût toujours en état de retirer vingt-cinq à trente mille hommes dans l’entre deux des enceintes auxquels Paris en pourrait joindre huit à dix mille d’assez bonnes levées dans l’enclos de ses murailles, sans toucher à la garde ordinaire des bourgeois qui ne laisserait pas d’aller son train ; moyennant quoi, j’estime qu’il n’y a point dans la chrétienté d’armée quelque puissante et formidable qu’elle pût être qui osât entreprendre de bombarder Paris, et encore moins de l’assiéger dans les formes, vu premièrement, qu’il ne leur serait pas possible de l’approcher d’assez prêt pour pouvoir tirer des bombes jusque dans l’enclos de la ville, à cause de la deuxième enceinte qui les tiendrait éloigné à trois grands quarts de lieues de la première ; secondement, qu’il ne serait pas possible à une armée de deux cents mille hommes de la prendre par un siège forcé à cause de l’étendue de sa circonvallation, qui ayant douze à treize grandes lieues de circuit, l’obligerait d’étendre fort ses quartiers, qui en seraient par conséquent affaiblis, et à se garder partout égale-ment sous peine d’en voir enlever tous les jours quelqu’un. Troisième-ment, qu’il ne pourrait entreprendre deux attaques séparées, puisque pour pouvoir fournir à la garde des tranchées, il faudrait employer plus de trente mille hommes sans compter les travailleurs, et gens occupés aux batteries. Quatrièmement, qu’on ne pourrait point le faire par deux attaques liées, attendu que pour pouvoir fournir à la même garde, il y aurait tels quartiers qui auraient trois journées de marche à faire, et autant pour s’en retourner, ce qui les mettrait dans un mouvement perpétuel qui ne leur laisserait aucun repos. Cinquièmement, que dès le douze du quinzième jour de tranchée, pour peu qu’il y eut eu d’oc-casions, leurs forces seraient considérablement diminuées, et leurs troupes obligées de monter de trois à quatre jours l’un, auquel cas elles ne pourraient pas relever à cause de l’éloignement des quartiers, à quoi il faut ajouter que les fréquentes sorties grandes et petites qui se feraient à toute heure par de si grandes troupes, le grand feu qui sortirait des remparts et chemins couverts, et la grande quantité de canon dont elle pourrait se servir, empêcherait les travailleurs de faire chemin et réduirait ce siège à une lenteur qui, ayant bientôt épuisé leurs armées d’hommes et de munitions, les contraindrait à lever honteu-sement le siège.

XIV.
     De la prendre par famine, il ne sera pas possible non plus, vu que si la ville était pourvue, comme nous venons de dire, elle aurait des vivres pour un an et plus, moyennant quoi il n’y a point d’armée qui pût subsister si longtemps devant Paris, parce qu’il est à présumer que la plupart des vivres qui se trouveraient à quinze lieues à la ronde, aussi bien que les habitants auraient été retiré dans la ville. Je dis même que les armées qu’il y faudrait pour y pouvoir simplement former un blo-cus, n’y pourraient pas subsister ce temps là. Or, du moment qu’elles ne pourraient plus tenir la campagne, les assiégés seraient en état de s’y mettre, et de les aller chercher dans leurs quartiers, qui étant séparés et nécessairement éloignés les uns des autres ne pourraient pas s’y maintenir. Que si pour éviter ces inconvénients, l’ennemi s’éloignait en-core davantage, le pays s’ouvrirait, et pour lors à moins que tout ne fût saccagé et les peuples exterminés, les moins éloignés ne manqueraient pas d’y apporter ce qu’ils pourraient par l’espérance du gain ; ainsi Paris se soutiendrait facilement et sauverait le Royaume, puisqu’il est bien sûr que tous les principaux habitants des moindres villes et de la campagne à plus de cinquante lieues à la ronde y réfugieraient ce qu’ils auraient de meilleur, et loin d’être réduite au pouvoir de l’ennemi, elle donnerait moyen au Roi de remporter de notables avantages sur lui, et au pis aller de se tirer d’affaire par quelque traité qui pourrait même lui devenir avantageux à raison de l’impossibilité que les ennemis verraient de la pouvoir forcer et du mauvais état où de telles entreprises auraient réduit leurs armées.


XV.
     Au reste, bien que le temps qu’il faudrait employer à toute cette fortification, et la dépense nécessaire à sa Construction paraisse d’abord très considérable, cela n’irait pas si loin que l’on pourrait bien penser, et j’estime, qu’en se servant un peu du travail des troupes, on pourrait venir à bout de bâtir les deux enceintes avec les citadelles, et tous les bâtiments intérieurs et extérieurs qui leur pourraient convenir en douze années de temps bien employées ; et que pour la dépense vingt-quatre millions pourraient suffire abondamment en bâtissant noblement et avec toute la solidité requise à de tels ouvrages. Or, je ne fais pas grand cas d’une telle dépense, parce que l’argent ne ferait que circuler et revenir toujours au même point d’où il serait parti sans qu’il sortit une pistolle du Royaume, n’étant pas ici question d’aucun ouvrier ni de matériaux étrangers, bien au contraire, le moilon, la pierre de taille, et de quoi faire la chaux se trouvent presque, partout avec toute l’aisance possible.

     En voilà assez pour faire concevoir l’idée qu’on doit avoir de la grandeur et conséquence de Paris par rapport à la guerre. C’est à ceux qui aimeront véritablement le Roi et l’État, et qui se trouveront en situation convenable pour le pouvoir proposer, d’examiner à fond cette proposition ; et si après l’avoir bien examinée, on la trouve digne d’une sérieuse attention, de lui donner toute l’étendue qu’elle mérite ; après quoi si la résolution suit, il sera facile d’en faire le projet, et ce sera pour lors qu’il en faudra régler tous les dessins généraux, et particuliers avec toutes les instructions nécessaires à leur exécution, auxquelles il faudra ajouter l’examen des propriétés de cette ville ; le démembrement de son peuple effectif ; celui à peu près dont il pourrait augmenter en cas de siège, afin de diriger sur telles vues les bâtiments, les magasins et arcenaux qu’il y faudra faire. Ce dessin ne se pourra exécuter que dans une paix profonde, et après avoir réglé et affecté les fonds que le Roi voudra annuellement y dépenser, desquels il ne faudra souffrir aucune distraction pour quelque raison que ce puisse être. Je suis persuadé qu’il y faudra bien employer dix ou douze années de temps pour la pouvoir totalement finir.

     Au surplus, je répète encore que la dépense de ces ouvrages n’est pas ce qui en doit rebuter le Roi, puisqu’il n’en sortira pas une pistolle du Royaume, ce sera un argent remué aux environs de Paris qui donnera à vivre à quantité de pauvres gens, et fera que les autres en payeront mieux la taille, parce qu’il s’y fera plus de consommation. Et pour conclusion, cet argent faisant sa circulation un peu plus vite que l’ordinaire, reviendra toujours à son centre beaucoup mieux que de toute autre façon.

     Je joins ici deux systèmes de fortification les plus convenables à sa grande enceinte, et le profil commun de son revêtement, avec un petit plan de cette grande ville, tel que j’ai pu recouvrer, sur lequel on verra un à peu près des deux enceintes que je souhaiterais.







Description géographique


de l’élection de Vézelay

     Ce célèbre mémoire de Vauban, placé dans le deuxième tome des Oisivetés, nous fait revenir aux préoccupations « statistiques » du grand maréchal. Quand la lettre pré-cédemment citée illustrait le souci de la méthode qu’il demandait à ses collaborateurs de suivre, la « Description géographique de l’élection de Vézelay » est l’un des fruits les plus significatifs que Vauban ait fourni de son effort de dénombrement et de compréhension de la réalité économique des régions qu’il a traversé.



     Ainsi qu’on le remarquera dès les premières pages de ce mémoire, Vauban étudiait avec le plus grand soin cette réalité économique qui l’intéressait tant. « Il interrogea, raconta Fontenelle, les hommes de tous les rangs, de toutes les professions, de toutes les classes sur la valeur et le rapport des terres, sur les divers modes de culture, sur le taux des salaires, sur la nature des subsistances servant à l'alimentation des paysans. Il créait ainsi la statistique moderne ; par ses conseils, les intendants de provinces firent le dénombrement de la population et recueillirent, dans leurs généralités, tous les documents et notions se rattachant an commerce et à l'agriculture. » (Vauban, sa famille et ses écrits, ses Oisivetés et sa correspondance, Paris, Berger-Levrault, 1910, p.589)

L’élection de Vézelay est de la province de Nivernais, de l’évêché d’Autun, de la généralité et ressort de Paris, et la ville de Vézelay du gouvernement de Champagne. Elle est bornée au nord par l’élection de Tonnerre, à l’est par le duché de Bourgogne, à l’ouest par les élections de Nevers et de Clamecy, et au sud par celle de Châtel-Chinon.

Elle a quelque neuf, dix à onze lieues de longueur, sur quatre à cinq de largeur, et en tout quarante lieues carrées, de vingt-cinq au degré, en ce compris les parties séparées de son continent.

Son composé est d’autant plus bizarre que, toute petite qu’elle est, elle contient plusieurs enclavements des élections voisines, dans les-quelles elle en a aussi de fort écartés, sans qu’on en puisse rendre raison, si ce n’est que, quand on l’a formée, il se peut que les seigneurs de ces lieux hors œuvre ont eu des raisons pour désirer que leurs terres fussent de cette élection, à cause du ressort de Paris ; mais on est en même temps tombé dans l’inconvénient de rendre les exploitations qui se font pour cause de la levée des tailles beaucoup plus à charge, à cause des paroisses éloignées du siège de l’élection (défaut qui a besoin d’être corrigé, aussi bien que tous ceux qui lui ressembleront ailleurs).

Partie de ses paroisses sont situées en Morvan, partie sont mélan-gées de Morvan et de bon pays, et les autres entièrement dans le bon pays, qui ne l’est que par rapport au Morvan, qui est très mauvais. Celui-ci est considérablement plus bossillé et élevé que le bon pays, bien que l’un et l’autre le soient beaucoup.

C’est un terroir aréneux et pierreux, en partie couvert de bois, ge-nêts, ronces, fougères et autres méchantes épines, où on ne laboure les terres que de six à sept ans l’un ; encore ne rapportent-elles que du seigle, de l’avoine et du blé noir, pour environ la moitié de l’année de leurs habitants, qui, sans la nourriture du bétail, le flottage et la coupe des bois, auraient beaucoup de peine à subsister.

Dans les paroisses mélangées, il y croît un peu de froment et de vin, et, quand les années sont bonnes, on y en recueille assez pour la nour-riture des peuples, mais non pour en commercer.

Dans celles du bon pays, les terres sont fortes et spongieuses, chères et difficiles à labourer. Celles qui le sont moins sont pierreuses et pleines de lave ; c’est une espèce de pierres plates dont on couvre les maisons, qui est fort dommageable dans les terres où elles se trouvent, soit quand elles paraissent à découvert sur la superficie de la terre, ou quand elles sont couvertes de trois, quatre, cinq à six pouces d’épais, parce que les rayons du soleil, venant à pénétrer le peu de terre qui les couvre, échauffent tellement la pierre, qu’elle brûle la racine des blés qui se trouvent au-dessus, et les empêche de profiter.

Le labourage des terres se fait avec des bœufs, de six, huit et dix à la charrue, selon que les terres sont plus ou moins fortes. Leur rapport ne va guère, par commune année, à plus de trois et demi pour un, les sen-tences payées, quelquefois plus, quelquefois moins.

Le pays est partout bossillé, comme nous avons déjà dit, mais plus en Morvan qu’ailleurs. Les hauts, où sont les plaines, sont spacieux, secs, pierreux et peu fertiles. Les fonds le sont davantage, mais ils sont petits et étroits. Les rampes participent de l’un et de l’autre, selon qu’elles sont plus ou moins raides, et bien ou mal cultivées.

Le pays est fort entrecoupé de fontaines, ruisseaux et rivières, mais tous petits, comme étant près de leurs sources.

Les deux rivières d’Yonne et de Cure, qui sont les plus grosses, peuvent être considérées comme les nourrices du pays, à cause du flottage des bois. On pourrait même les rendre navigables, l’une jusqu’à Corbigny et l’autre jusqu’à Vézelay : ce qui serait très utile au pays. Les petites rivières de Cuzon, de Brangeame, d’Anguisson, du Goulot, d’Armance, sont de quelque considération pour le flottage des bois.

Il y a encore plusieurs autres ruisseaux moindres que ceux-là, qui font tourner des moulins et servent aussi au flottage des bois, quand les eaux sont grosses, à l’aide des étangs qu’on a faits dessus. On en pour-rait faire de grands arrosements, qui augmenteraient de beaucoup la fertilité des terres et l’abondance des fourrages, qui est très médiocre en ce pays là, de même que celles des bestiaux qui y croissent petits et si faibles qu’on est obligé de tirer les bêtes de labour d’ailleurs, ceux du pays n’ayant pas assez de force. Les vaches mêmes y sont petites, et six ne fournissent pas tant de lait qu’une de Flandre ; encore est-il de bien moindre qualité.
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