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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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Je puis encore rapporter ici ce que j’ai appris en passant à Honfleur, qui est que les habitants pour se soustraire aux misères et à toutes les vexations qui accompagnent la taille se sont non seulement abonnés pour la somme qu’ils avaient de coutume de payer chaque année qui est de vingt-sept mille livres ; mais qu’ils se sont encore chargés, pour obtenir cet abonnement, d’une somme de cent mille livres, qu’ils ont empruntée, et dont ils paient l’intérêt, pour fournir aux réparations de leur port, tant les désordres causés par l’imposition et la levée des tailles leur a paru insupportable.

Après quoi, pour faire application de tout ce qui vient d’être dit de la dîme royale, sur l’expérience faite en Normandie, à tout le royaume en général, voici comme je raisonne.

La France de l’étendue qu’elle est aujourd’hui, bien mesurée, con-tient trente mille lieues quarrées mesure du Châtelet de Paris. Otons-en un cinquième pour les rivières, les chemins, les haies, les maisons nobles, les landes et bruyères, et les autres pays qui ne rendent rien ou peu de chose ; restera vingt-quatre mille lieues dîmables, lesquelles sur le pied de l’essai ci-dessus, qui est de 5 600 livres par lieue quarrée pour la dîme ecclésiastique seulement, sur le pied de l’onzième gerbe, doi-vent rendre, cent trente-quatre millions quatre cents mille livres, et beaucoup davantage en dîmant les bois, les prés et les pâturages.

Je réduits cette somme à cent vingt millions ; et au lieu de la dîme entière, je ne donne à ce premier fonds qu’une demie dîme, c’est-à-dire le vingtième ; sauf à en augmenter la quotité dans les besoins de l’État, comme il a été dit, et qu’il sera montré ci-après. Ainsi cet article passera pour soixante millions de livres pour le premier fonds, soit : 60 000 000 livres.



SECOND FONDS
Les tailles et les aides, dans lesquelles je comprends les douanes pro-vinciales, étant ainsi converties en dîme du vingtième des fruits de la terre à percevoir en espèce, il se trouvera encore plus de la moitié du revenu des habitants du royaume qui n’aura rien payé, ce qui serait faire une injustice manifeste aux autres : parce qu’étant tous également su-jets, et sous la protection du roi et de l’État, chacun d’eux a une obli-gation spéciale de contribuer à ses besoins à proportion de son revenu, ce qui est le fondement de ce système. Car d’autant plus qu’une per-sonne est élevée au dessus des autres par sa naissance ou par sa dignité, et qu’elle possède de plus grands biens, d’autant plus a-t-elle besoin de la protection de l’État, et a-t-elle intérêt qu’il subsiste en honneur et en autorité ; ce qui ne se peut faire sans de grandes dépenses. 67

Il n’y a donc qu’à débrouiller le revenu de chacun, et le mettre en évidence, afin de voir comment il doit être taxé.

Ce que je dois dire à cet égard suppose un dénombrement exact de toutes les personnes qui habitent dans le royaume. Ce n’est pas une chose bien difficile, elle se trouverait même toute faite, si tous les curés avaient un état des âmes de leurs paroisses, comme il leur est ordonné par tous les bons rituels ; mais au défaut, je pourrai joindre à ces mé-moires un modèle de dénombrement, dont la pratique sera très aisée.

Toutes les personnes qui habitent le royaume sont ou gens d’épée, ou de robe longue ou courte, ou roturiers.

Les gens d’épée sont les princes, les ducs et pairs ; les maréchaux de France et grands officiers de la couronne ; les gouverneurs et lieute-nants généraux des provinces ; les gouverneurs et états majors des villes et places de guerre : tous les officiers et gens de guerre, tant de terres que de mer ; et tous les gentilshommes du royaume.

Les gens de robe sont ou ecclésiastiques ou officiers de justice, de fi-nances et de police. Les roturiers sont ou bourgeois vivants de leurs biens et de leurs charges, quand ils en ont ; ou marchands ; ou artisans ; ou laboureurs ; ou enfin manœuvriers et gens de journée.

Toutes ces personnes dans leurs différentes conditions, ont du re-venu dont elles subsistent et font subsister leurs familles ; et ce revenu consiste, ou en terres et domaines, en maisons, moulins, pêcheries, vaisseaux ou barques : ou en pensions, gages, appointements et grati-fications qu’ils tirent du roi, ou de ceux à qui ils sont attachés par un service personnel, ou autrement. Ou dans les émoluments de leurs charges et emplois ; ou dans leur négoce. Ou enfin dans leurs bras, si ce sont des artisans, ou gens de journée.

Il n’est donc question que de découvrir quels sont ces revenus, pour en fixer et percevoir la dîme royale. Et c’est à quoi je ne pense pas qu’on trouve bien de la difficulté, si on veut s’y appliquer ; et que le roi veuille bien s’en expliquer par une ordonnance sévère qui soit rigi-dement observée, portant confiscation des revenus recelés et cachés ; et la peine d’être imposé au double, pour ne les avoir pas fidèlement rapportés. Moyennant quoi, et le châtiment exemplaire sur quiconque osera éluder l’ordonnance, et ne s’y pas conformer, on viendra à bout de tout. Il n’y aura qu’à nommer des gens de bien et capables, bien instruits des intentions du roi ; bien payés, et suffisamment autorisés pour examiner tous ces différents revenus, en se transportant par tout où besoin sera.



Le détail suivant ne sera pas inutile à l’éclaircissement de cette pro-position.

Premièrement, il n’est point nécessaire de faire un article séparé pour les ecclésiastiques. Car ou les biens qu’ils possèdent et dont ils jouissent, con-sistent en dîmes, en terres, en maisons, en moulins, en charges, ou en pen-sions. S’ils consistent en dîmes, la dîme royale qui fait le premier fonds ayant dîmé la dîme ecclésiastique, ils auront satisfait par là à la contri-bution que les dîmes doivent à l’État. Il en est de même si leurs biens consistent en terres. Que s’ils consistent dans les autres choses ci-après mentionnées, ils sont au même rang que les autres personnes du royaume qui ont de semblables biens, et ils contribueront avec eux aux charges de l’État en la manière ci-après exprimée.

Deuxièmement, comme il y a des rôles et états de tous ceux qui tirent des pensions, gages, appointements, et dons du roi, de quelque nom qu’on les puisse appeler ; et de quelque nature qu’ils puissent être ; comme aussi de quelque qualité ou condition que soit le donataire, pensionnaire, ga-giste, etc. Il ne sera pas difficile d’en savoir le montant de chaque année.

Troisièmement, les maisons des villes et bourgs du royaume ; les mou-lins, non plus que les pêcheries des rivières et étangs, ne se peuvent cacher. Et ce que je dirai ci-après, fera voir qu’il n’est pas impossible de savoir ce que les arts et métiers peuvent rapporter.

Quatrièmement, les gages de tous les domestiques de l’un et de l’autre sexe servant dans le royaume, sont aussi faciles à découvrir.

Il ne sera pas hors de propos de dire ici un mot des rentes, pour montrer ce qu’il en peut entrer dans ce fonds. Il y en a de deux sortes, les seigneu-riales et les constituées .

Des seigneuriales, les unes sont fixées en argent, en grain, en volaille, etc. Et c’est à proprement parler ce qu’on appelle rentes seigneuriales. Les autres se lèvent en espèce lors de la récolte à une certaine quotité, plus ou moins, selon la quantité des gerbes que la terre donne ; et c’est ce qu’on appelle champart ou agrier.

Comme on suppose que la dîme royale se lève la première, et qu’elle dîme tout ce que la terre produit, il s’ensuit qu’elle aura dîmé les rentes seigneuriales qui ne sont dues, surtout en France où il n’y a point de serfs et d’esclaves, qu’à cause des fruits de la terre, laquelle n’a été donnée aux vassaux qu’à cette condition. Cela est clair à l’égard des rentes seigneu-riales de la première espèce ; un exemple rendra le fait évident pour celles de la seconde.

Supposons qu’un seigneur ait droit de champart au cinquième, de six-vingt gerbes il aura droit d’en prendre vingt-quatre. Mais comme la dîme royale a dîmé la première, et que des six-vingt gerbes, selon notre système elle en aura pris six, il est manifeste qu’il n’en restera que cent quatorze, desquelles le droit de champart ne sera plus que de vingt-deux gerbes quatre cinquièmes, ce qui démontre qu’il aura payé le vingtième du cham-part ; ainsi des autres, tant du côté de la dîme, que du champart. De sorte, que comme une des principales maximes sur lesquelles ce système est fondé, est qu’un même revenu ne paie point deux fois, il s’ensuit que ces rentes ayant payé dans le premier fonds, ne doivent rien payer dans le second.

Il en est à peu près de même des rentes constituées à prix d’argent, ou par dons et legs, qui ne doivent entrer dans ce second fonds, que pour au-tant qu’il en doit revenir au roi de celles qu’il a constituées sur lui-même, par les rentes qu’il a créées sur l’hôtel de ville de Paris, sur les tontines, sur les postes, sur le sel, et sur d’autres fonds semblables. Car comme ces rentes sont toutes hypothéquées sur des fonds, ou sur des choses qui tien-nent nature de fonds, telles que sont les charges ou offices de judicature et de finances, et que tous ces fonds doivent être sujets à la dîme royale ; il s’ensuit que quand elle a été payée sur le fonds en général, on n’a plus rien à demander aux rentes en particulier.

Un exemple éclaircira pareillement ce fait. Mr. Dubois possède une terre de six mille livres de revenu ; supposons que cette année le tarif de la dîme royale soit à la quinzième gerbe, et le reste à proportion ; cette terre devra au roi ou à son fermier, quatre cent livres, qui font la quinzième partie du total de son revenu, ce qui sera levé par la dîme des fruits, sans avoir égard si elle est chargée ou non. Cependant Mr. Dubois doit à Mr. Desjardins trente mille livres à constitution de rente, pour lesquelles il lui paie an-nuellement quinze cent livres, qui font le quart du revenu de cette terre. Il est donc évident que cette rente de quinze cent livres ayant payé la dîme royale par la perception de la dîme entière des fruits de la terre qui lui est hypothéquée, a satisfait pour ce qu’elle devait à l’État, et qu’on ne sera pas en droit de la demander à Mr. Desjardins.

Il en sera de même des rentes constituées par dons et legs ; comme aussi de celles qui sont constituées sur les charges de judicature et de finances, et sur tous les autres fonds qui sont censés propres et patrimoniaux.

Mais comme ces rentes sont un revenu d’autant plus exquis et consi-dérable à ceux qui en sont propriétaires, qu’il est aisé et facile à percevoir, et que la contribution qu’ils doivent aux besoins de l’État, a été avancée par le propriétaire du fonds sur lequel la rente est hypothéquée ; il est juste que le roi par une déclaration donne un recours aux propriétaires des fonds contre ceux des rentes pour la dîme royale qu’ils auront payée à leur décharge ; ce qui ne pourra faire aucune difficulté entre eux, puisque le propriétaire du fonds, n’aura qu’à retenir par ses mains ce qu’il aura avancé pour la dîme de cette rente. Ainsi Mr. Dubois sera en droit de re-tenir à Mr. Desjardins les avances qu’il aura faites pour sa part de la dîme royale, et de s’en rembourser par ses mains ; ce qui ne donne aucun lieu d’entrer dans les intérêts particuliers des familles.

Après quoi, pour venir à l’estimation de chacune des parties de ce second fonds, et savoir à peu prés ce qu’il pourrait rendre, voici comme je m’y prends.

Je commencerai par les maisons des villes et gros bourgs du royaume.

Soit qu’elles soient habitées par ceux à qui elles appartiennent, ou qu’elles soient louées, il est juste qu’on paie la dîme royale, ou le vingtiéme du louage, ou de l’intérêt pris sur le pied de leur valeur, le cinquième de l’intérêt ou du louage déduit pour les réparations.

Un propriétaire par exemple loue une maison 400 livres, le cinquième qui est quatre-vingt livres, lui sera laissé pour les réparations et entretiens, ainsi il ne sera fait compte que de trois cent vingt livres pour la dîme au vingtième, qui portera par conséquent seize livres.

Si le propriétaire occupe lui-même sa maison, il sera aisé d’en savoir la valeur ; ou par les louages précédents, ou par le contrat d’achat qui en a été fait, ou par l’estimation qu’on en fera par rapport à sa situation, au nombre de ses étages, à la solidité de sa structure, et au prix des maisons voisines qui sont dans la même situation, et qui ont même front à ruë. Cette estimation réglée, on saura en même temps quel doit être l’intérêt, dont on ôtera le cinquième pour les réparations, et le surplus payera la dîme.

Pour venir maintenant à la connaissance de ce que toutes les maisons des villes et bourgs du royaume pourraient rendre ; je suppose qu’on peut faire compte au moins de huit cens villes ou gros bourgs dont les maisons peuvent être estimées ; et on peut encore supposer sans crainte de se trom-per, qu’il y a dans chacune de ces villes ou bourgs le fort portant le faible, quatre cens maisons, ce qui fait en tout trois cens vingt mille maisons.

Comme je comprends dans ce nombre les maisons de toutes les grandes villes, même celles de Paris ; on peut hardiment supposer qu’elles pour-ront être louées cent livres chacune, l’une portant l’autre, déduction faite du cinquième pour les entretiens et réparations. Ainsi cet article ferait une somme de trente-deux millions, dont la dîme au vingtiéme donnerait seize cent mille livres ; qui est assurément le moins qu’on puisse estimer toutes les maisons des villes et gros bourgs du royaume prises ensemble, cy : 1600000 liv.

Comme on a dit que la superficie du royaume contenait trente mil lieues quarrées, et chaque lieue 550 personnes au moins ; on ne peut moins donner que deux moulins à chaque lieue quarrée ; chacun desquels pourra rendre d’afferme, l’un portant l’autre, pour le maître et pour les valets, trois cens trente livres. Mais parce que de semblable bien est sujet à de grandes réparations, et qu’il n’est estimé pour l’ordinaire qu’au denier dix ou douze ; je suppose qu’on doit laisser le quart pour les réparations ; ainsi les soixante mil moulins seront estimez rendre annuellement, quatorze millions huit cens cinquante mil livres, dont la dîme au vingtiéme portera sept cens quarante-deux mil cinq cens livres, cy : 742500 liv.

Il est à remarquer qu’on ne forme l’article précédent que des moulins à bled, et qu’il reste encore ceux des forges, martinets, et fenderies ; les moulins à l’huile, battoirs à chanvre et à écorces ; les scieries à eau, moulins à papier ; emouloirs ; fouleries de draps, poudreries ; et telles autres usines dont le revenu payerait la dîme royale au vingtiéme comme les moulins à bled ; ce qui rendra encore une somme assez considérable, que nous laisserons pour supplément de l’article précédent.

Il est juste que les bâtiments de mer et de rivières de toutes espèces, paient aussi la dîme royale, qui étant imposée à cinq sols par tonneau, pourra monter à la somme de trois cens mil livres, cy : 300000 liv.

On peut faire état que les pêcheries et étangs du royaume pourront aussi monter à cinquante mil livres, cy : 50000 liv.

Une des principales maximes qui fait le fondement de ce système, est que tout revenu doit contribuer proportionnellement aux besoins de l’état. Personne ne doute que les rentes constituées ne soient un excellent revenu qui ne coûte qu’à prendre ; il n’y a donc aucune difficulté, qu’elles doivent contribuer aux besoins de l’état.

Et c’est la raison pour laquelle, après avoir montré ci-devant que ces rentes avaient paié la dîme royale avec les fonds sur lesquels elles étaient hypothéquées, nous avons établi la justice qu’il y avait de donner un recours aux propriétaires de ces fonds, sur ceux à qui ils paient des rentes constituées pour la dîme royale de ces mêmes rentes qu’ils avaient avancées en payant la dîme de leurs fruits. Le roi ne doit pas être à cet égard de pire condition que ses sujets ; et comme la nécessité des affaires de l’état l’a obligé de constituer diverses rentes sur l’hôtel de ville de Paris, sur les postes, sur les tontines, sur le sel, et sur d’autres fonds qu’il paie fort exactement ; comme aussi quantité d’augmentations de gages envers la plupart des officiers de judicature du royaume, lesquelles tiennent à peu prés la même nature de rente ; il est juste qu’il ait la même faculté que ses sujets, et qu’il en retienne par ses mains la dîme royale ; même celle des pensions perpétuelles que sa majesté s’est imposée en faveur de ses ordres de chevalerie.

Leur grand nombre fait que ce fonds ne laissera pas d’être considérable. Et comme on fait état que ces rentes et les augmentations de gages peuvent monter toutes les années à vingt millions, nous mettrons icy pour la dîme royale au vingtiéme, un million, ce qui fera pour la seconde partie de ce fonds, cy : 1000000 liv.

La troisième partie de ce fonds doit être faite de la dîme au vingtiéme de toutes les pensions, gages, dons, gratifications, et généralement de tout ce que le roi paie à tous ses sujets, de quelque rang, qualité et condition qu’ils soient. Ecclésiastiques ou laïques, nobles ou roturiers, tous ont la même obligation envers le roi et l’état ; c’est pourquoi tous doivent contribuer à proportion de toutes les sortes de biens qu’ils reçoivent, à son entretien et à sa conservation ; et particulièrement de celui-ci qui leur vient tout fait.

Ainsi cet article comprend les princes du sang, et les étrangers ; les ducs et pairs, et les grands officiers de la couronne ; les ministres et secrétaires d’état ; les intendants des finances ; les gouverneurs et lieutenants généraux et particuliers des provinces ; les gouverneurs ; lieutenants de roi, et états majors des villes et des places ; les conseillers d’état ; maîtres des requêtes ; les intendants ou commissaires départis dans les provinces ; tous ceux qui composent les cours supérieures et subalternes du royaume ; et généralement tous les officiers de longue et courte robe, de justice, police et finances ; nobles ou roturiers ; grands ou petits, qui tirent gages ou appointements du roi, pension, ou quelque bienfait, d’autant que tous doivent se faire honneur et plaisir de contribuer aux besoins de l’état, à sa conservation, à son agrandissement, et à tout ce qui peut l’honorer et le maintenir.

J’estime que ce que le roi paie chaque année au titre ci-dessus exprimé de pensions, gages, appointements, etc., se monte à quarante millions ; c’est une chose aisée à savoir, dont la dîme estimée sur le pied du ving-tiéme, rendrait deux millions.

Je composerai la quatrième partie de ce fonds des gages et appointe-ments de tous les serviteurs et servantes qui sont dans le royaume, à compter depuis les plus vils, et remontant jusqu’aux intendants des plus grandes maisons, même des princes du sang et des enfants de France, lesquels ne subsistant tous que sous la protection de l’État, doivent comme leurs maîtres contribuer à son entretien, ainsi qu’il se pratique dans les États voisins. Je suis même persuadé qu’on doit obliger les maîtres qui ne donnent point de gages à leurs domestiques, de payer pour eux à pro-portion des gages qu’ils devraient leur donner.

Or je suppose qu’il y a certainement dans le royaume quinze cens mil domestiques des deux sexes, dont les gages estimez à vingt livres les uns portant les autres, ce qui est peu, car il n’y en a guère au dessous de ce pied, feraient trente millions de livres, dont le vingtiéme portera un million cinq cens mil livres.

Comme on sait ce que les charges du royaume donnent de gages et d’appointements, il est de même assez aisé de savoir ce qu’elles produisent d’émoluments, sur tout dans toutes les compagnies supérieures et subal-ternes du royaume où il y a des receveurs des épices, et où ce que les juges ou commissaires tirent des parties, est enregistré, ou le doit être ; ce qui donnera une dîme très considérable sur le même pied du vingtiéme.

Mais il y aura plus de difficulté de découvrir ce que l’industrie de la plume rend à ceux qui ne tirent aucuns émoluments sujets à être enre-gistré ; comme sont les procureurs et les avocats des parlements, et autres cours supérieures, et de toutes les juridictions et sièges inferieurs et su-balternes, qui ne laissent pas de gagner beaucoup. Il y faudrait procéder par estimation fondée sur la quantité d’affaires que les uns font plus que les autres, et abonner avec eux pour la dîme royale après qu’on en sera convenu. C’est sur quoi peu de gens seront bien traitables ; mais si on impose la peine au double, même l’interdiction de la pratique à ceux qu’on convaincra de n’avoir pas déclaré juste, on en viendra à bout.

À l’égard des procureurs des cours supérieures et subalternes qui font corps, il serait plus à propos d’estimer le revenant bon de leur pratique en gros, sur un pied modique et raisonnable, pour être réparti ensuite par eux-mêmes, suivant les connaissances particulières qu’ils ont des pratiques d’un chacun.

Par exemple, il y aura dans un parlement cent procureurs, dont la pra-tique sera bien petite si on ne les peut mettre, les uns portant les autres, à cent écus, la dîme royale au vingtiéme ne laisserait pas de porter quinze livres pour chacun, et quinze cent livres pour tous. Ainsi des autres.

Les notaires seront imposés de même que les procureurs, chacun à pro-portion de ce que son emploi peut lui rendre. C’est ce qu’il faut estimer judicieusement avec un esprit de charité, en prenant les choses sur le plus bas pied ; parce qu’il y a toujours beaucoup d’inégalité dans le savoir faire des hommes. C’est la règle générale qu’il faut observer dans toutes ces estimations, mais principalement envers les avocats, dont les talents sont fort différents ; et généralement envers tous les gens de robe et de plume.

De tout ce qui vient d’être dit sur cet article, je compte qu’on peut faire état, que les épices et honoraires que prennent les gens de justice, de police, et finances ; et ce que les avocats, procureurs, notaires, et tous autres gens de plume et de pratique, retirent de leurs emplois par tout le royaume, peut aller à dix millions, dont la dîme royale au vingtième, sera de 500 000 livres.

Je laisse en surséance l’article du commerce, sur lequel je serais d’avis de n’imposer que très peu, et seulement pour favoriser celui qui nous est utile, et exclure l’inutile qui ne cause que de la perte. Le premier est désirable en tout et par tout dedans et dehors le royaume ; et l’autre est ruineux et dom-mageable partout où il s’exerce. Il faut donc exciter l’un par la protection qu’on lui donnera, l’accroître et l’augmenter ; et interdire l’autre autant que la bonne correspondance avec les voisins le pourra permettre.

C’est pourquoi je ne proposerai rien de déterminé sur le fait du com-merce, pour la conservation duquel il serait à souhaiter qu’il plût au roi de créer une chambre composée de quelques anciens conseillers d’État, et de deux fois autant de maîtres des requêtes, choisis avec tous les subalternes nécessaires, qui auraient leurs correspondances établies dans les provinces et grandes villes du royaume, avec les principaux négociants et les plus étendus ; même dans les pays étrangers autant que besoin serait, pour veil-ler et entrer en connaissance de ce qui serait bon ou mauvais au commerce, afin d’en rendre compte au roi ; et proposer ensuite à sa majesté ce qui pourrait le maintenir, l’augmenter et l’améliorer.

C’est à ce conseil bien instruit du mérite et de l’importance du com-merce, que j’estime qu’il se faudrait adresser pour faire une imposition sur les marchands et négociants, ou plutôt sur les marchandises, telle que le commerce le pourrait supporter, sans en être altéré ou détérioré. Car il est bon de se faire une loi de ne jamais rien faire qui lui puisse préjudicier. Les Anglais et Hollandais qui ont de semblables chambres établies chez eux, s’en trouvent fort bien.

Mais je ne dois pas oublier de représenter ici, qu’il se fait un négoce de billets qui est très préjudiciable au véritable commerce, et qu’il faudrait par conséquent abolir. Il y en a de deux sortes, les uns avec les noms du débiteur et du créancier, les autres sans nom du créancier.

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