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Lettre sur la manière de faire des statistiques De l’importance dont Paris est à la France


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Si ce qui est indiqué dans cet article avait un jour lieu, la noblesse seule en souffrirait quelque chose ; mais le roi a tant de moyens de la bien traiter, d’ailleurs, que ce ne serait pas une affaire que de l'en dédommager, en la privilégiant par de certaines prérogatives utiles et honorables, telles que pourraient être la préférence de tous les bénéfices du royaume depuis 40 000 livres de rentes en sus, toutes les charges de sa maison, tous les gouvernements militaires et provinciaux, les charges de premiers présidents et gens du roi, de ses cours de par-lements et chambres des comptes, les magistratures des grandes villes, l’augmentation des justices de leurs terres, en les rendant plus consi-dérables qu’elles ne sont ; le tout en considération de ce que le premier gentilhomme du royaume payerai à l’avenir comme le dernier paysan. Cela se pratique en Hainaut, en Flandre et en plusieurs autres pro-vinces, où il y a de très bonne noblesse qui ne s’en trouve pas plus mal ; aussi ne s’en plaint-elle pas. D'ailleurs, le mal que cela leur ferait serait imaginaire et rien plus, parce que dès à présent leurs fermiers ne payent la taille qu’à leurs dépens ; cela même est cause qu’une terre qui leur vaudrait, par exemple, 4 000 livres de rente ne leur en vaut pas 800, qui est la cinquième partie de déchet sur leur revenu, au lieu que la capi-tation n'en emporterait que la quinzième. Aussi loin que cette capitation leur fût onéreuse, ils y gagneraient beaucoup.

Supposé enfin que ce projet se trouve utile pour le service de sa majesté, dans la nécessité pressante de l’État, il me resterait un scrupule sur le cœur, si je ne prenais pas la liberté de lui représenter encore une fois qu’il y va de sa conscience, de son honneur et de la conservation de toute la maison royale, de le faire cesser aussitôt que la paix sera faite, attendu que c’est peut-être un des derniers efforts de son autorité sur la liberté de son clergé, de sa noblesse et de ses peuples, et que si on veut bien prendre garde à la conduite de tous les grands États du passé, on trouvera que quand ils ont poussé la liberté de leurs sujets à l'extrémité, tous s’en sont mal trouvés et la plupart ont péri. Il me paraît donc qu’il est juste et très utile, non-seulement de modérer ce projet autant qu’on le pourra, mais de chercher toutes les précautions possibles pour qu'il ne se continue que pendant cette guerre, et ne puisse jamais être renouvelé que dans un cas pareil, si ce n'est que sa majesté voulût prendre le parti indiqué pour la correction de l'arrangement de ses revenus. Que sa majesté ait la bonté de se souvenir que la grandeur des rois ne s'est jamais mesurée que par le nombre de leurs sujets, et que c'est de là d'où dépend toute leur grandeur, leur puissance, leur ri-chesse, et que, sans cela, ils n'ont que de vains titres qui sont à charge à eux-mêmes et à tout le monde et rien plus.





Projet de Dîme Royale

     Ce court mémoire, qui fait partie du premier des douze tomes des Oisivetés de Vauban, selon la liste établie par Jacques de Gervain et André de Lafitte-Clavé en 1768, est le seul à dominante militaire que nous avons choisi de placer dans ce recueil. Il expose quels sont les risques auxquels doit faire face Paris dans des situations de guerre. Plus précis et plus économiques que le Traité de la défense des places, ce mémoire permet de comprendre que les préoccupations militaires ne sont jamais bien loin de l’esprit de Vauban, mais que le grand maréchal, pour autant, ne néglige jamais le pro-blème social dans ses études militaires.

PRÉFACE


Quoique le système que je dois proposer renferme à peu tout ce qui peut l’honorer et le maintenir, près en soi ce qu’on peut dire de mieux sur ce sujet y est contenu, je me sens obligé d’y ajouter certains éclaircissements qui n’y seront pas inutiles, vu la prévention où l’on est contre tout ce qui a l’air de nouveauté.

Je dis donc de la meilleure foi du monde, que ce n’a été ni l’envie de m’en faire accroire, ni de m’attirer de nouvelles considérations, qui m’ont fait entreprendre cet ouvrage. Je ne suis ni lettré, ni homme de finances ; et j’aurais mauvaise grâce de chercher de la gloire et des avantages, par des choses qui ne sont pas de ma profession. Mais je suis français très affectionné à ma patrie, et très reconnaissant des grâces et des bontés avec lesquelles il a plu au roi de me distinguer depuis si longtemps. Reconnaissance d’autant mieux fondée, que c’est à lui, après Dieu, à qui je dois tout l’honneur que je me suis acquis par les emplois dont il lui a plu de m’honorer, et par les bienfaits que j’ai tant de fois reçus de sa libéralité. C’est donc cet esprit de devoir et cette reconnaissance qui m’anime, et me donne une attention très vive pour tout ce qui peut avoir rapport à lui et au bien de son État. Et comme il y a déjà longtemps que je suis en droit de ressentir cette obligation, je puis dire qu’elle m’a donné lieu de faire une infinité d’observations sur tout ce qui pouvait contribuer à la sûreté de son royaume, à l’augmentation de sa gloire et de ses revenus, et au bonheur de ses peuples, qui lui doit être d’autant plus cher, que plus ils auront de bien, moins il sera en état d’en manquer.

La vie errante que je mène depuis quarante ans et plus, m’ayant donné occasion de voir et visiter plusieurs fois, et de plusieurs façons, la plus grande partie des provinces de ce royaume, tantôt seul avec mes domestiques, et tantôt en compagnie de quelques ingénieurs ; j’ai sou-vent eu occasion de donner carrière à mes réflexions, et de remarquer le bon et le mauvais des pays ; d’en examiner l’état et la situation ; et celui des peuples, dont la pauvreté ayant souvent excité ma com-passion, m’a donné lieu d’en rechercher la cause. Ce qu’ayant fait avec beaucoup de soin, j’ai trouvé qu’elle répondait parfaitement à ce qu’en a écrit l’auteur du Détail de la France40, qui a développé et mis au jour fort naturellement les abus et malfaçons qui se pratiquent dans l’imposition et la levée des tailles41, des aides42 et des douanes provinciales43.  Il serait à souhaiter qu’il en eût autant fait des affaires extraordinaires44, de la capitation45, et du prodigieux nombre d’exempts46 qu’il y a présente-ment dans le royaume, qui ne lui ont guère moins causé de mal, que les trois autres, qu’il nous a si bien dépeints. Il est certain que ce mal est poussé à l’excès, et que si on n’y remédie, le menu peuple tombera dans une extrémité dont il ne se relèvera jamais ; les grands chemins de la campagne, et les rues des villes et des bourgs étant pleins de mendiants, que la faim et la nudité chassent de chez eux.

Par toutes les recherches que j’ai pu faire, depuis plusieurs années que je m’y applique, j’ai fort bien remarqué que dans ces derniers temps, près de la dixième partie du peuple est réduite à la mendicité, et mendie effectivement ; que des neuf autres parties, il y en a cinq qui ne sont pas en état de faire l’aumône à celle-là, parce qu’eux-mêmes sont réduits, à très peu de chose près, à cette malheureuse condition ; que des quatre autres parties qui restent, les trois sont fort malaisées, et embarrassées de dettes et de procès ; et que dans la dixième, où je mets tous les gens d’épée, de robe, ecclésiastiques et laïques, toute la no-blesse haute, la noblesse distinguée, et les gens en charge militaire et civile, les bons marchands, les bourgeois rentiers et les plus accom-modés, on ne peut pas compter sur cent mille familles ; et je ne croirais pas mentir, quand je dirais qu’il n’y en a pas dix mille, petites ou grandes, qu’on puisse dire être fort à leur aise ; et qui en ôterait les gens d’affaires, leurs alliés et adhérents couverts et découverts, et ceux que le roi soutient par ses bienfaits, quelques marchands, etc. Je m’assure, que le reste serait en petit nombre.

Les causes de la misère des peuples de cet État sont assez connues. Je ne laisse pas néanmoins d’en représenter en gros les principales. Mais il importe beaucoup de chercher un moyen solide qui arrête ce désordre, pendant que nous jouissons d’une paix47, dont les apparences nous promettent une longue durée.

Bien que je n’aie aucune mission pour chercher ce moyen, et que je sois peut-être l’homme du royaume le moins pourvu des qualités nécessaires à le trouver ; je n’ai pas laissé d’y travailler, persuadé qu’il n’y a rien dont une vive et longue application ne puisse venir à bout.

J’ai donc premièrement examiné la taille dans son principe et dans son origine ; je l’ai suivie dans sa pratique, dans son état d’innocence, et dans sa corruption ; et après en avoir découvert les désordres, j’ai cherché s’il n’y aurait pas moyen de la remettre dans la pureté de son ancien établissement, en lui ôtant les défauts et abus qui s’y sont introduits par la manière arbitraire de l’imposer, qui l’ont rendue si odieuse.

J’ai trouvé que dès le temps de Charles VII on avait pris toutes les précautions qui avaient paru nécessaires pour prévenir les abus qui pourraient s’y glisser dans les suites, et que ces précautions ont été bonnes, ou du moins que le mal n’a été que peu sensible, tant que le fardeau a été léger, et que d’autres impositions n’ont point augmenté les charges ; mais dès qu’elles ont commencé à se faire un peu trop sentir, tout le monde a fait ce qu’il a pu pour les éviter ; ce qui ayant donné lieu au désordre, et à la mauvaise foi de s’introduire dans le détail de la taille, elle est devenue arbitraire, corruptible, et en toute manière accablante à un point qui ne se peut exprimer. Ce qui s’est tellement compliqué et enraciné, que quand même on viendrait à bout de le ramener à son premier établissement, ce ne serait tout au plus qu’un remède palliatif qui ne durerait pas longtemps ; car les chemins de la corruption sont tellement frayés, qu’on y reviendrait incessamment ; et c’est ce qu’il faut sur toute chose éviter.

La taille réelle, fondée sur les arpentages et sur les estimations des revenus des héritages, est bien moins sujette à corruption, il faut l’avouer ; mais elle n’en est pas exempte, soit par le défaut des arpen-teurs, ou par celui des estimateurs qui peuvent être corrompus, inté-ressés ou ignorants, ou par le défaut du système en sa substance, étant très naturel d’estimer un héritage ce qu’il vaut, et de le taxer à pro-portion de la valeur présente de son revenu, ce qui n’empêche pas que dans les suites, l’estimation ne se puisse trouver défectueuse. C’est ce que l’exemple suivant rendra manifeste.

Un bon ménager possède un héritage, dans lequel il fait toute la dépense nécessaire à une bonne culture ; cet héritage répond aux soins de son maître, et rend à proportion. Si dans ce temps-là on fait le tarif ou cadastre du pays, ou qu’on le renouvelle, l’héritage sera taxé sur le pied de son revenu présent ; mais si par les suites cet héritage tombe entre les mains d’un mauvais ménager, ou d’un homme ruiné, qui n’ait pas moyen d’y faire de la dépense ; ou qu’il soit décrété ; ou qu’il tombe à des mineurs ; tout cela arrive souvent et fort naturellement : en un mot, qu’il soit négligé par impuissance ou autrement, pour lors il déchoira de sa bonté, et ne rapportera plus tant ; auquel cas le propriétaire ne manquera pas de se plaindre, et de dire que son champ a été trop taxé, et il aura raison par rapport au revenu présent : ce qui n’empêche cependant pas que les premiers estimateurs n’aient fait leur devoir. Qui donc aura tort ? Ce sera bien sûrement le système qui est défectueux, pour ne pouvoir pas soutenir à perpétuité la justesse de son estimation. Et c’est de ce défaut d’où procède la plus grande partie des plaintes qui se font dans les pays où la taille est réelle, bien qu’il ne soit pas impossible qu’il ne s’y glisse d’autres défauts de négligence ou de malice pour favoriser quelqu’un. 48

Il arrive la même chose dans le système des vingtièmes et centièmes qui réussissent assez bien dans les Pays-Bas, parce que le pays étant plat, il ne s’y trouve que trois ou quatre différences au plus dans les estimations. Mais dans les pays bosselés, par exemple, dans le mien, frontière de Morvan, pays montagneux, faisant partie de la Bourgogne et du Nivernais, presque partout mauvais ; quand j’en ai voulu faire un essai, il s’est trouvé que dans une terre qui ne contient pas plus d’une demie lieue quarrée, il a fallu la diviser en quatorze ou quinze cantons, pour en faire autant d’estimations différentes ; et que dans chacun de ces cantons, il y avait presque autant de différences que de pièces de terre. Ce qui fait voir, qu’outre les erreurs auxquelles la taille réelle est sujette, aussi bien que les vingtièmes et centièmes, elle serait encore d’une discussion dont on ne verrait jamais la fin, s’il fallait l’étendre par toute la France.

Il en est de même des répartitions qui se font par feux ou fouages49, comme en Bretagne, Provence et Dauphiné, où quelque soin qu’on ait pris de les bien égaler, la suite des temps les a dérangés et dispro-portionnés comme les autres. Il y a des pays où l’on met toutes les impositions sur les denrées qui s’y consomment, même sur le pain, le vin, et les viandes ; mais cela en rend les consommations plus chères, et par conséquent plus rares. En un mot, cette méthode nuit à la subsistance et nourriture des hommes, et au commerce, et ne peut satisfaire aux besoins extraordinaires d’un État, parce qu’on ne peut pas la pousser assez loin. 50 D’autres ont pensé à tout mettre sur le sel ; mais cela le rendrait si cher, qu’il faudrait tout forcer pour obliger le menu peuple à s’en servir. Outre que ce qu’on en tirerait ne pourrait jamais satisfaire aux deux-tiers des besoins communs de l’État, loin de pouvoir suffire aux extraordinaires. Sur quoi il est à remarquer que les gens qui ont fait de telles propositions se sont lourdement trompés sur le nombre des peuples, qu’ils ont estimé de moitié plus grand qu’il n’est en effet.

Tous ces moyens étant défectueux, il en faut chercher d’autres qui soient exempts de tous les défauts qui leur sont imputés, et qui puissent en avoir toutes les bonnes qualités, et même celles qui leur manquent. Ces moyens sont tous trouvés ; ce sera la dîme royale, si le roi l’a pour agréable, prise proportionnellement sur tout ce qui porte revenu. Ce système n’est pas nouveau, il y a plus de trois mille ans que l’écriture sainte en a parlé, et l’histoire profane nous apprend que les plus grands États s’en sont heureusement servis. Les empereurs grecs et romains l’ont employé ; nos rois de la première et seconde race l’ont fait aussi, et beaucoup d’autres s’en servent encore en plusieurs parties du monde, au grand bien de leur pays. On prétend que le roi d’Espagne s’en sert dans l’Amérique et dans les îles ; et que le grand Mogol, et le roi de la Chine, s’en servent aussi dans l’étendue de leurs empires. 51

En effet, l’établissement de la dîme royale imposée sur tous les fruits de la terre, d’une part, et sur tout ce qui fait du revenu aux hommes, de l’autre, me parait le moyen le mieux proportionné de tous : parce que l’une suit toujours son héritage qui rend à proportion de sa fertilité, et que l’autre se conforme au revenu notoire et non contesté. C’est le système le moins susceptible de corruption de tous, parce qu’il n’est soumis qu’à son tarif, et nullement à l’arbitrage des hommes.

La dîme ecclésiastique que nous considérons comme le modèle de celle-ci, ne fait aucun procès, elle n’excite aucune plainte ; et depuis qu’elle est établie, nous n’apprenons pas qu’il s’y soit fait aucune corruption ; aussi n’a-t-elle pas eu besoin d’être corrigée.

C’est celui de tous les revenus qui emploie le moins de gens à sa perception, qui cause le moins de frais, et qui s’exécute avec le plus de facilité et de douceur.

C’est celui qui fait le moins de non-valeur, ou pour mieux dire, qui n’en fait point du tout. Les dîmeurs se paient toujours comptant de ce qui se trouve sur le champ, dont on ne peut rien lever qu’ils n’aient pris leur droit. Et pour ce qui est des autres revenus différents des fruits de la terre, dont on propose aussi la dîme, le roi pourra se payer de la plus grande partie par ses receveurs ; et le reste une fois réglé, ne souffrira aucune difficulté.

C’est la plus simple et la moins incommode de toutes les im-positions, parce que quand son tarif sera une fois arrêté, il n’y aura qu’à le faire publier au prône des paroisses, et le faire afficher aux portes des églises : chacun saura à quoi s’en tenir, sans qu’il puisse y avoir lieu de se plaindre que son voisin l’a trop chargé.

C’est la manière de lever les deniers royaux la plus pacifique de toutes, et qui excitera le moins de bruit et de haine parmi les peuples, personne ne pouvant avoir lieu de se plaindre de ce qu’il aura ou devra payer, parce qu’il sera toujours proportionné à son revenu.

Elle ne mettrait aucune borne à l’autorité royale qui sera toujours la même ; au contraire, elle rendra le roi tout à fait indépendant non seulement de son clergé, mais encore de tous les pays d’états, à qui il ne sera plus obligé de faire aucune demande : parce que la dîme royale dîmant par préférence sur tous les revenus, suppléera à toutes ces demandes ; et le roi n’aura qu’à en hausser ou baisser le tarif selon les besoins de l’État. C’est encore un avantage incomparable de cette dîme, de pouvoir être haussée et baissée sans peine et sans le moindre em-barras ; car il n’y aura qu’à faire un tarif nouveau pour l’année suivante ou courante, qui sera affiché comme il est dit ci-devant.

Le roi ne dépendrait plus des traitants, il n’aurait plus besoin d’eux, ni d’établir aucun impôt extraordinaire, de quelque nature qu’il puisse être ; ni de faire jamais aucun emprunt, parce qu’il trouverait dans l’établissement de cette dîme et des deux autres fonds qui lui seraient joints, dont il sera parlé ci-après, de quoi subvenir à toutes les nécessités extraordinaires qui pourraient arriver à l’État.

Elle ne ferait aucun tort à ceux qui ont des charges d’ancienne ou de nouvelle création dont l’État n’aura plus besoin, puisqu’en payant les gages et les intérêts jusqu’à remboursement de finances, les proprié-taires qui n’auront rien ou peu de chose à faire, n’auront aucun sujet de se plaindre.

Ajoutons à ce que dessus, que la dîme royale jointe aux deux autres fonds que nous prétendons lui associer, sera le plus assuré, comme le plus abondant moyen qu’on puisse imaginer pour l’acquit des dettes de la couronne.

L’établissement de la dîme royale assurerait les revenus du roi sur les biens certains et réels qui ne pourront jamais lui manquer. Ce serait une rente foncière suffisante sur tous les biens du royaume, la plus belle, la plus noble, et la plus assurée qui fût jamais.

Comme il n’y a rien de plus vrai que tous ces attributs de la dîme royale, ni rien plus certain que tous les défauts qui sont imputés aux autres systèmes ; je ne vois point de raison qui puisse détourner sa majesté d’employer celui-ci par préférence à tous autres, puisqu’il les surpasse infiniment par son abondance, par sa simplicité, par la justesse de sa proportion, et par son incorruptibilité.

Je ne dis rien des deux autres fonds, dont l’un est le sel, et l’autre le revenu fixe, composé du domaine, des parties casuelles, etc. Parce que je suis persuadé qu’on entrera facilement dans les expédients que je proposerai à l’égard du premier ; et que l’autre comprend des revenus, dont l’établissement est déjà fait et légitimé, à très peu de chose prés.

À l’égard des difficultés qui pourraient s’opposer à l’établissement de cette dîme, elles seraient peut-être considérables, si on entreprenait de le faire tout d’un coup ; parce que les peuples étant extrêmement prévenus contre les nouveautés, qui jusque ici leur ont toujours fait du mal et jamais du bien, ils crieraient bien haut avant qu’ils eussent dé-mêlé tout le bon et le mauvais de ce système. Mais il y a longtemps qu’on est accoutumé aux crieries, et qu’on ne laisse pas de faire et de réussir à ce que l’on entreprend. Ce qu’il y a de certain, c’est que n’en entreprenant que peu à la fois, comme il est proposé à la fin de ces mémoires, peu de gens crieront, et ce peu là s’apaisera bientôt, quand ils auront démêlé ce de quoi il s’agit. Ce ne sera pas le menu peuple qui fera le plus de bruit, ce seront ceux dont il est parlé au chapitre des objections et oppositions ; mais comme pas un d’eux n’aura raison d’en faire, il faudra boucher les oreilles, aller son chemin, et s’armer de fermeté ; les suites feront bientôt voir que tout le monde s’en trouvera bien. 52

L’établissement de la dîme royale me parait enfin le seul moyen capable de procurer un vrai repos au royaume, et celui qui peut le plus ajouter à la gloire du roi, et augmenter avec plus de facilité ses revenus ; parce qu’il est évident qu’à mesure qu’elle s’affermira, ils s’accroîtront de jour en jour, ainsi que ceux des peuples, car l’un ne saurait faire chemin sans l’autre.

Plus on examinera ce système, plus on le trouvera excellent ; outre toutes les belles propriétés que j’ai déjà fait remarquer, on y en trouvera toujours de nouvelles. Par exemple, il en a une incomparable qui lui est singulière, qui est celle d’être également utile au prince et à ses sujets. Mais comme ce même système est fondé sur des maximes qui ne con-viennent qu’à lui seul, quoi qu’elles soient très justes et très naturelles, aussi est-il incompatible dans son exécution avec tout autre. C’est pourquoi ce serait tout gâter, que d’en vouloir prendre une partie pour l’insérer dans une autre et laisser le reste : par exemple, la dîme des fruits de la terre, avec la taille ou les aides ; parce que cette dîme étant poussée dans ces mémoires aussi loin qu’elle peut aller, on ne pourrait la mêler avec d’autres impositions de la nature de celles qui se lèvent aujourd’hui, sans tout déranger, et la rendre absolument insupportable. Il faut donc prendre ce système tout entier, ou le rejeter tout à fait. 53

Je voudrais bien finir, mais je me sens encore obligé de prendre la liberté de représenter à sa majesté, que cet ouvrage étant uniquement fait pour elle et pour son royaume, sans aucune autre considération, il est nécessaire qu’elle ait la bonté d’en commettre l’examen à de véritables gens de bien, et absolument désintéressés. Car le défaut le plus commun de la nation est de se mettre peu en peine des besoins de l’État. Et rarement en verra-t-on qui soient d’un sentiment avantageux au public, quand ils auront un intérêt contraire ; les misères d’autrui les touchent peu quand ils en sont à couvert, et j’ai vu souvent que beau-coup d’affaires publiques ont mal réussi, parce que des particuliers y ayant leurs intérêts mêlés, ils ont su trouver le moyen de faire pencher la balance de leur côté. Il est donc du service de sa majesté d’y prendre garde de près, en ce rencontre particulièrement, et de faire un bon choix de gens à qui elle donnera le soin d’examiner cet ouvrage.

Je me sens encore obligé d’honneur et de conscience, de représenter à sa majesté, qu’il m’a paru que de tout temps, on n’avait pas eu assez d’égard en France pour le menu peuple, et qu’on en avait fait trop peu de cas ; aussi c’est la partie la plus ruinée et la plus misérable du roy-aume ; c’est elle cependant qui est la plus considérable par son nombre, et par les services réels et effectifs qu’elle lui rend. Car c’est elle qui porte toutes les charges, qui a toujours le plus souffert, et qui souffre encore le plus ; et c’est sur elle aussi que tombe toute la diminution des hommes qui arrive dans le royaume. Voici ce que l’application que je me suis donnée pour apprendre jusqu’où cela pourrait aller, m’en a découvert.

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