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1958 tableau des états-unis


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Chapitre 31.

LE PERSONNEL POLITIQUE



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Dans le recrutement du personnel politique, le XXe siècle a apporté un indéniable progrès. La compétence entre en jeu dans les choix plus que par le passé et les milieux élevés de la société ne s'écartent plus du pouvoir comme ils le faisaient autrefois. Toutefois, selon qu'il s'agit de l'étage municipal, des États, du fédéral enfin, la qualité est fort différente.

Dans les municipalités, les maires, les conseillers sont souvent d'un niveau commun et même très commun. Dans les grandes villes cosmopolites le personnel municipal est généralement d'origine étrangère, éventuellement catholique. Traditionnellement c'est le domaine des Irlandais, plus récemment des Italiens, des Polonais... Rien n'empêche un homme né à l'étranger de parvenir au sommet dans un milieu électoral comme celui de New York ou de Chicago. À New York une bonne liste doit contenir un Irlandais, un juif, un Italien, et demain ce pourrait être un Nègre ou un Porto Ricain. Signalons, en nous gardant d'exagérer mais également de minimiser, qu'aux frontières inférieures du domaine municipal dans les très grandes agglomérations urbaines il existe souvent une collusion entre les politiciens et les gangsters : tout un royaume, celui des jeux, des bars de bas étage, de la prostitution, s'ouvre tacitement à la pénétration de ceux-ci ; pour trouver une comparaison en Europe il faudrait envisager certaines cités méditerranéennes, également cosmopolites. Sur ces louches confins, les « machines » sont à leur aise, et les milieux d'affaires ne craignent pas à l'occasion d'entrer en contact avec les bas-fonds pour s'assurer leur neutralité ; certains syndicats ouvriers, pour avoir la paix, entretiennent de pareils rapports (l'American Federation of Labor a [p. 292] dû pour cette raison désavouer son syndicat new yorkais des dockers). On a pu voir, dans l'État de New York, un leader syndicaliste du bâtiment, condamné pour de louches opérations de cet ordre, recevoir dans sa prison, entre 1948 et 1953, la visite d'hommes politiques importants venant lui demander d'user d'une influence, qu'il avait conservée, pour apaiser des grèves ou atténuer des conflits ouvriers. Les partisans du good government réussissent occasionnellement à balayer ces écuries d'Augias, mais il n'est pas sûr que les « intérêts » préfèrent toujours prendre en mains l'administration : avec les honnêtes gens il arrive qu'on ne puisse s'entendre quand on a tort, mais on le peut toujours avec des politiciens de conscience plus large.

Dans les États, les membres des législatures sont très représentatifs, c'est-à-dire très ordinaires, tandis que le gouverneur a chance de sortir de l'ordinaire, car le régime favorise la personnalité dans l'exécutif. Le gouverneur est généralement un citoyen de l'État qui s'est fait remarquer dans son métier, comme avocat par exemple ou bien dans quelque fonction élective secondaire où il a fait preuve de courage civique : un attorney, procureur élu, s'il a eu la chance de se distinguer dans quelque cause spectaculaire en montrant qu'il n'a pas peur des gangsters ou des politiciens, sera en quelque sorte désigné pour devenir gouverneur (c'est ainsi par exemple que le gouverneur Dewey, de l'État de New York, s'est fait connaître).

S'il s'agit d'élire un député ou un sénateur fédéral, l'origine locale est de rigueur. Une ascendance étrangère trop proche sera un handicap, sauf dans les États très cosmopolites de l'Est (on peut y être Italien ou Canadien français) ou du Nord-Ouest (il sera même bon d'y être Scandinave). Pourtant la rapide assimilation des immigrants fait de plus en plus parvenir au sommet, c'est-à-dire aux assemblées fédérales, des hommes qui ne sont même pas d'origine anglo-saxonne ou protestante. Notons cependant que les noms de consonance latine ou slave, s'ils sont assez fréquents à la Chambre, le sont beaucoup moins au Sénat (dans le Sénat de 1952 je repère plusieurs noms allemands, mais deux seulement qui, du point de vue américain, soient exotiques : Henry C. Dworshak de l'Idaho, John O. Pastore du Rhode Island).

Particulièrement intéressante à analyser est la liste des présidents de la République. Ce sont surtout d'anciens gouverneurs d'États : Grover Cleveland (New York), les deux Roosevelt (New York), Calvin Coolidge (Massachusetts)... ; d'anciens [p. 293] membres des assemblées fédérales (Lincoln, représentant de l'Illinois, McKinley de l'Ohio, Truman, sénateur du Missouri)... ; assez souvent des généraux (Washington, Grant, Eisenhower)... ; quelquefois des ministres (Taft, ancien ministre de la Guerre, Hoover, ancien ministre du Commerce)... La filière classique est attorney, gouverneur d'un État : c'est ainsi le plus normalement qu'on acquiert l'expérience politique et qu'on se signale à l'opinion. Les présidents qui n'ont pas été à cette école souffrent d'un sérieux handicap.

Quant à l'origine sociale, il est essentiel de constater qu'ils ont tous été protestants, à l'exception de Jefferson et de Lincoln, qui n'ont déclaré aucune affiliation religieuse : neuf épiscopaux (Franklin Roosevelt...), six presbytériens (Cleveland, Wilson, Eisenhower...), quatre méthodistes (Grant, McKinley...), quatre unitariens (Taft...), deux baptistes (Harding, Truman...), deux Dutch reform (Theodore Roosevelt...). Treize ont été francs-maçons, mais de cette maçonnerie américaine qui relèverait plutôt d'une sorte de nationalisme protestant. Il ne semble pas que, même aujourd'hui, un catholique puisse être élu à la présidence et les partis hésitent à proposer un catholique même pour la vice-présidence. Le cas d'Al Smith reste une leçon dont les professionnels se souviennent. Tous protestants, les présidents ont presque tous – 28 sur 34 – été Anglo-Saxons d'origine et ceux d'entre eux qui ne l'étaient pas strictement appartenaient cependant aux races nordiques : les Roosevelt et Van Buren, Hollandais ; Jefferson, Gallois ; Hoover, Suisse ; Eisenhower, de lointaine ascendance allemande... Comme formation professionnelle, il y a 22 avocats (c'est partout la véritable école politique), plusieurs généraux, un ingénieur (Hoover), un seul professeur (Woodrow Wilson). Les présidents se sont recrutés, d'abord surtout dans le Sud, puis de plus en plus dans l'Est, mais récemment c'est l'Ouest qui les a fournis : Truman est du Missouri, Eisenhower du Texas, et il est vraisemblable qu'il en sera de plus en plus ainsi, maintenant que le centre de gravité des électeurs, notamment des électeurs présidentiels se déplace indéniablement vers l'Ouest. L'origine sociale est au début celle de gens de classe élevée, mais depuis le milieu du XIXe siècle il s'agit surtout d'hommes recrutés dans le peuple ou la classe moyenne : Lincoln, Coolidge, Truman, Eisenhower... Il reste exceptionnel que le président appartienne aux milieux mondains (les Roosevelt, Stevenson s'il eût été élu).

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Le personnel relevant de la nomination présidentielle varie considérablement selon la personnalité, l'allégeance politique du président. L'entourage de la Maison Blanche varie du tout au tout selon qu'il s'agit de Franklin D. Roosevelt, de Truman, d'Eisenhower, selon que démocrates ou républicains sont en possession du pouvoir : autre température, autre atmosphère ! D'un merveilleux reportage de William S. White dans le New York Times je tire le triptyque suivant. Sous Roosevelt, le type qu'on rencontre dans les couloirs de la White House est celui du gradué d'Harvard, juif et fort en droit, péremptoire et citant Marx ; de grandes affaires se traitent au breakfast aristocratique du chef, qui le prend tard dans son lit de malade ; on parle politique aussi dans sa résidence de Hyde Park ; on reçoit les hommes d'affaires mais ils ne sont pas admis en confiance et l'idée d'assister à un déjeuner rotarien paraît exclue dans ce milieu aristocratique, para-universitaire. Avec Truman, le professeur disparaît, mais c'est le temps béni des politiciens, des professionnels de la politique locale, des amis démocrates que, dans sa fidélité, le président ne trahit jamais : non pas My country right or wrong selon la formule, mais My Party right or wrong, et soyez sûr que cette fidélité du président à tous ceux qui, à un moment donné, ont été ses associés touche au fond l'âme populaire, même si quelques profiteurs se mêlent à cette foule ; on pourrait aussi rencontrer le président dans quelque hôtel tout simple de Kansas City, mais malgré tout ce n'est encore pas dans les agapes des Rotariens ou des Lions que les trumanistes se sentent à leur aise : vraiment c'est l'atmosphère retrouvée du meilleur XIXe siècle politicien. Changement à vue, le régime Eisenhower remplit la Maison Blanche d'hommes d'affaires, car le président croit à l'homme d'affaires pour administrer les affaires de 1'État, non pas à l'industriel moyen, mais au président-directeur général. La composition de son cabinet – « huit millionnaires et un plombier » – est typique à cet égard : State Department, John Foster Dulles, grand avocat d'affaires ; Intérieur, Douglas McKay, chef d'une super-agence automobile ; Trésor, Georges Humphrey, banque et intérêts métallurgiques ; justice, Herbert Brownell, grand avocat ; Défense, Charles Wilson, président de la General Motors ; Postes et Télégraphes, A. E. Summerfield, grand agent foncier pétrole, automobiles ; Agriculture, Ezra T. Benson, grand homme d'affaires agricoles ; Commerce, Sinclair Weeks, banque et administration de sociétés... et enfin Travail, Martin Durkin, [p. 295] président du syndicat des plombiers de l'American Federation of Labor (il démissionnera en septembre 1953, se rendant compte tardivement qu'il s'est fourvoyé, mais ses camarades n'ont pas dit, comme ils l'eussent fait chez nous, qu'il était « vendu »). Donc six hommes d'affaires, deux avocats, un ouvrier : le gouvernement est conçu comme une grande entreprise, confiée à ceux qui s'y montreront le plus efficaces et, sauf Dulles et Brownell, aucun de ces ministres n'a d'expérience politique antérieure. Il est certain que ces choix ne plaisent pas aux politiciens, qui estiment qu'on leur a volé des places leur appartenant, mais le président a cependant pensé en républicain, c'est-à-dire : Économique d'abord. L'heure à la Maison Blanche est à l'efficiency on s'y lève tôt, la discipline du secrétariat est militaire, les séances du conseil des ministres commencent par un recueillement d'une minute faisant penser à une prière. Ike sait du reste aussi se distraire : ses sports sont de bonne classe moyenne comme toute sa manière. Franklin D. Roosevelt, si l'on évoque son souvenir, fait par comparaison penser à quelque Alcibiade.

Une chose frappe cependant dans le recrutement de l'ensemble de ce personnel politique et administratif, c'est qu'il n'y a d'influence que par l'élection. Les ministres, mêmes éminents, retombent dans l'oubli quand leur patron quitte le pouvoir. Il y a de grands administrateurs, mais issus des affaires ils y retournent généralement après leur passage au gouvernement ; par contre les grands industriels trouvent naturel de quitter temporairement leur entreprise pour se mettre au service de l'intérêt général. Il s'est constitué un personnel diplomatique stable, mais c'est avec une peine infinie, non sans de nombreux retours aux pratiques du passé. Un souvenir typique est toujours resté dans ma mémoire. À Boston, en 1899, on m'avait fait visiter un établissement de bains municipal. Le directeur, qui me guidait, avait paru passionnément intéressé quand, s'informant d'où je venais, il avait appris que j'étais du Havre : quel en était le climat, la société y était-elle agréable, les logements confortables ? Comme je m'étonnais de cette curiosité, il me dit simplement : « Si les démocrates l'emportent aux prochaines élections, je dois être consul au Havre. » Le corps diplomatique américain ne s'est jamais tout à fait libéré de pareils précédents. Un effort efficace a été fait pour constituer un personnel stable et compétent, remarquable du reste à beaucoup d'égards, mais il demeure entendu qu'un grand nombre de postes, notamment [p. 206] les plus importants, sont donnés à des amateurs en récompense des services électoraux rendus au parti vainqueur. À chaque nouvelle présidence ce n'est pas seulement le secrétaire d'État des Affaires étrangères qui change, ce sont encore des directeurs, des sous-directeurs, jusqu'à des chefs de bureaux. Il faut ajouter que la suspicion exercée, dans le sein du State Department et dans les postes à l'étranger, par la police secrète d'un McCarthy découragent bien des jeunes d'entrer dans une carrière trop pénétrée encore des errements politiciens du passé. Cependant le progrès est certain et le cas de mon directeur de bains bostonien appartient bien au passé.

L'impression générale, par comparaison avec le XIXe siècle, est donc celle d'une amélioration certaine dans le recrutement des dirigeants. Il y a un demi-siècle, la bonne société se détournait de la politique avec une sorte de dédain et un Théodore Roosevelt faisait figure d'exception. Il n'est plus exceptionnel aujourd'hui de voir les membres de grandes familles faire une carrière politique : citons, sans même parler des Roosevelt, un Lodge, un Kennedy, un Coudert... C'est qu'aussi les responsabilités sont bien différentes de celles du passé. Pendant la longue période de l'hégémonie britannique, le monde s'est bien trouvé en somme du fait que le personnel dirigeant anglais se recrutât dans l'élite. Chacun fait le vœu que les États-Unis s'orientent aussi dans cette voie.

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