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1958 tableau des états-unis


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Chapitre 28.

LES PARTIS POLITIQUES (I)


I



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La politique, aux États-Unis, est faite d'intérêts, de passions, d'idéologies : la proportion varie selon les temps et les lieux, mais aucun de ces trois facteurs ne manque jamais à l'appel. Les intérêts se défendent selon l'impératif qui leur est propre, dans le cadre du parti qui accède le plus naturellement à leurs demandes, mais s'il le faut en dehors de lui ; les passions font parfois éclater les structures électorales, qu'elles animent de leur dynamisme et desservent par leur intransigeance ; les idéologies enfin sont inséparables de la vie américaine, car il s'agit d'un pays d'idéologues, toujours soucieux d'affirmer leurs principes, et même de les appliquer.

Il semble difficile qu'une organisation électorale puisse intégrer, en un ensemble cohérent, des points de vue aussi disparates. Effectivement, intérêts, passions et idéologies trouvent malaisément le moyen de s'exprimer sans contradiction dans le programme d'un seul et même parti. Il ne peut donc s'agir que de coalitions, englobant des factions diverses et même des tendances contraires. Du reste la seule étendue du territoire suffirait à rendre l'unité impossible. Les Américains ont beau être, plus qu'aucun autre peuple, unifiés dans leurs mœurs, leur allure, leur comportement, il n'en reste pas moins que la diversité des régions, des climats, des versants géographiques interdit en fait aux intérêts locaux de se mettre d'accord sur un programme unique. Il ne peut s'agir, au mieux, que de compromis. La véritable base politique, dès lors, est locale : c'est dans les États qu'il faut la [p. 254] chercher, le fédéral n'étant en somme qu'une addition ou une combinaison d'éléments hétérogènes. Cependant la même raison qui empêche l'homogénéité du parti l'oblige à s'unifier nationalement, aucun groupement local ou même régional n'étant à même de s'imposer à l'ensemble du pays. Le programme, ramené par nécessité à une sorte de dénominateur commun, ne pourra, dans ces conditions, satisfaire tout le monde : il faudra pourtant s'en contenter si l'on veut vaincre, ce qui en fin de compte est la raison d'être d'un parti.

S'il est des intransigeants qui refusent de s'accommoder de pareil pot-pourri, on les voit se désolidariser, voter pour l'adversaire, ou même former temporairement quelques dissidences. C'est seulement en tenant compte de ces diverses attitudes qu'on arrive à comprendre comment intérêts, passions et idéologies peuvent coexister dans un parti, dont la « machine » constitue l'armature. Le politicien professionnel qui manie cet outil doit en posséder le métier, comportant de sa part des sacrifices de principes qui ne lui coûtent guère, mais que les convaincus n'acceptent pas sans résistance. C'est l'affaire du parti, sur consultation de ses experts, de juger ce qu'il peut, sans compromettre le succès, retenir des prétentions idéologiques, accepter de servir en fait d'intérêts, se permettre d'encourager en fait de passions.

Le parti américain ne peut guère se comparer aux nôtres, aussi éprouvons-nous toujours quelque peine à qualifier démocrates et républicains, surtout à bien les différencier les uns des autres. Superficiellement ils nous paraissent se ressembler singulièrement, être interchangeables en maintes circonstances, d'autant plus que les grandes lois ne sont pas généralement votées par un parti contre un autre. Nous avons tort de nous placer d'un point de vue européen. En réalité une longue tradition, dans une vie politique comportant des élections présidentielles tous les quatre ans, des élections parlementaires tous les deux ans, sans parler de la vie propre des États, a conduit à la constitution de deux tempéraments bien marqués. Sans doute démocrates et républicains se transforment-ils selon les circonstances et les générations, mais c'est en vertu d'une permanence dans leur personnalité qui permet, me semble-t-il, de les qualifier.

Cette qualification cependant ne peut se faire qu'avec beaucoup de distinctions et de nuances, car chaque parti possède [p. 255] en fait une gauche, une droite et un centre, la gauche du parti le plus modéré étant éventuellement plus à gauche que la droite du parti le plus avancé. Dès l'instant qu'il ne peut y avoir d'homogénéité dans des groupements qui ne sont que des coalitions, toute la question est de savoir où se fixe, à un moment donné, l'axe du groupement. Selon que cet axe s'infléchit à droite ou à gauche la politique du parti prend une signification toute différente : le démocrate peut alors apparaître conservateur, le républicain radical. La position du président de la République dans son parti est, dans ces conditions, essentielle à connaître : Grover Cleveland était à droite des démocrates, Théodore Roosevelt à gauche des républicains ; Truman, comme l'avait été Franklin Roosevelt, est à gauche de son parti, tandis qu'Eisenhower est au centre du sien.

Sous leur forme présente et en dépit de transmutations en apparence fondamentales, les deux partis actuels nous apparaissent formés et reconnaissables dès la guerre de Sécession : c'est alors en effet qu'ils prennent conscience de leurs principes de base et qu'ils les affirment. Le changement profond survenu en 1932, sous l'influence décisive de Franklin Roosevelt, a sans doute introduit des points de vue nouveaux, mais c'est dans le cadre légué par le passé qu'ils se sont exprimés. Si l'on envisage dans son ensemble la période qui s'étend de 1860 à nos jours, c'est encore au présent qu'on en peut parler. Je crois même que si l'on essaie de pénétrer jusqu'à l'essence, c'est dès l'Indépendance que les deux tempéraments, encore qu'ils ne correspondent pas alors aux qualificatifs actuels, se manifestent et se distinguent. La personnalité des deux ministres de Washington, Jefferson et Hamilton, répond à deux attitudes politiques qui se sont perpétuées chez les représentants les plus typiques des deux courants appelés depuis lors républicain et démocrate. Hamilton, cet Anglais, ce tory, dévoué au principe d'autorité et d'efficacité dans l'administration, est à l'origine du point de vue républicain, qui, tout démocratique qu'il soit, relève au fond, non de la réaction – terme dépourvu de sens dans le nouveau monde – mais de l'esprit conservateur. Jefferson au contraire, ce prestigieux idéologue du XVIIIe siècle, représente la confiance dans le Peuple (avec une majuscule), conception quasi mystique d'une sorte de gauche américaine, plus proche du siècle des lumières que du nôtre. Il y a là deux aspects, qui alternent dans l'histoire des États-Unis, mais qui s'y retrouvent toujours. Il y a un quart de [p. 256] siècle, au temps de la présidence Hoover, on considérait généralement les républicains comme exprimant plus authentiquement l'esprit national, les démocrates étant devenus un parti d'opposition n'accédant qu'épisodiquement au pouvoir. Après vingt années de victoires démocrates ininterrompues, c'est le républicain qui semblait être devenu l'exception. La vérité est que les deux courants continuent d'exister côte à côte, en force presque égale, aisément discernables l'un de l'autre dans la couleur et le rythme de leurs eaux.

II


Le parti républicain a occupé le pouvoir presque sans interruption de 1860 à 1932, soixante-douze années pendant lesquelles les présidences démocrates n'ont été que des intermèdes. C'est dans cette période qu'il s'est formé, au point de n'avoir ensuite évolué qu'insuffisamment en présence des circonstances nouvelles de la grande dépression.

Tout d'abord c'est lui qui, par la voix de Lincoln, affirme la nécessité primordiale de l'Union, qui fait la guerre pour la défendre. Il apparaît ainsi, conservant ce visage jusqu'à une époque toute récente, comme le champion du pouvoir fédéral contre les prétentions excessives des États, susceptibles de tourner à la sécession. C'est donc le parti de l'autorité. Il l'est non seulement dans le domaine politique, mais également sur le terrain économique, où il représente les impératifs fondamentaux de l'organisation dans la production. La grande industrie, la richesse organisée trouvent en lui un protecteur naturel : haute banque et grand patronat lui sont acquis, mais plus encore peut-être l'homme d'affaires moyen, celui des Chambres de Commerce et des déjeuners rotariens ; de même ces milieux mondains de l'Est, conservateurs, snobs et racistes, qui haïssent la mémoire de Franklin Roosevelt et considéreraient comme une sorte de scandale de voter avec les démocrates.

Il importe de noter que la belle période républicaine, celle qui commence avec la présidence de McKinley en 1896, correspond pour les États-Unis à une prospérité continue, dont l'éclat sensationnel reflète les splendides progrès réalisés dans la mise en valeur du continent et le développement industriel fabuleux du pays. Jusqu’à la grande dépression, point tournant essentiel auquel il faut toujours revenir plus encore qu'aux deux guerres [p. 257] mondiales, ce sont les républicains qui ont traditionnellement représenté la prospérité, c'est elle qui leur a fourni le meilleur argument électoral, dans une société où le mérite se mesure au succès matériel. La perte de ce monopole devait gravement ébranler la position républicaine quand les démocrates se trouvèrent en état de faire valoir que le boom étonnant de la seconde guerre mondiale s'était produit sous les consulats de Roosevelt et de Truman. Sauf que, dans les deux cas you feel it in your pockets, vous la sentez « dans votre poche », selon un slogan électoral expressif, la prospérité républicaine et la prospérité démocrate ne se ressemblent pas : celle des républicains est le fait de grandes organisations industrielles et financières, dans un régime conçu de telle façon que la primauté y appartienne à l'économique.

Cette conception, qui subordonne la politique à la production, est par nature conservatrice ; elle est aussi le fait d'un continent nouveau, où il est plus facile de produire que de partager. Pareille philosophie, née d'une prospérité en quelque sorte statutaire, est restée aujourd'hui celle des républicains les plus authentiques, ceux qu'on appelle les real republicans. Leur programme comporte un ordre social dans lequel l'État soutient le producteur sans le gêner, n'intervenant que pour le protéger, contre le désordre à l'intérieur et au dehors contre la concurrence étrangère. Élu en 1896 contre le démagogue Bryan, McKinley affirme la nécessité d'une monnaie saine, point de vue de créancier, à l'encontre des débiteurs de l'Ouest, instinctivement inflationnistes. Cette monnaie saine suppose une gestion financière raisonnable, un régime dans lequel le désordre social est réprouvé. C'est toujours le point de vue du président Eisenhower.

McKinley n'a du reste pas attendu d'être à la Maison Blanche pour mettre sur pied un tarif portant son nom, qui demeure, même aujourd'hui, le symbole du protectionnisme républicain. Dans la période d'éclatante prospérité qui suit la première guerre mondiale, Coolidge puis Hoover restent fidèles à cette tradition : les trusts trouvent auprès d'eux une neutralité bienveillante et le haut patronat peut avoir légitimement l'impression que l'État est à sa dévotion, mieux encore que c'est chose normale. Il ne s'ensuit pas du reste que, dans cette période, les masses populaires se détournent d'un semblable parti : tant qu'aucune conscience de classe ne se développe aux États-Unis, les ouvriers écoutent les républicains quand ceux-ci leur disent qu'un bon tarif est pour eux la meilleure garantie de trouver du [p. 258] travail à des salaires élevés ; l'argument les intéresse tout autant qu'une campagne pour la baisse des prix, car en l'espèce ils raisonnent, eux aussi, en producteurs.

Dix années de crise, dont on les rendait responsables, suivies d'un renouveau de prospérité dont ils ne pouvaient plus se prévaloir, privaient les républicains d'un slogan dont l'efficacité électorale s'était pendant toute une génération révélée décisive. Sous le régime démocrate le pays s'est défendu contre le marasme et le chômage par des procédés qui contredisaient tout ce que l'orthodoxie républicaine avait préconisé, cependant que la prospérité revenue coïncidait avec l'inflation, la dépréciation du dollar, la prodigalité de l'État élevée à la hauteur d'une doctrine ; d'autre part, ce n'était plus au patron mais à l'ouvrier qu'allaient les faveurs de la puissance publique. Il y avait là de quoi troubler profondément l'opinion, qui, dans un renversement total, allait pendant vingt ans se tourner vers les démocrates. Il se produisait de ce fait une sorte de chassé-croisé. Allant au plus pressé, dans la crise et dans la guerre, les démocrates, contrairement à leurs principes antérieurs, avaient recouru à l'État fédéral, soit pour réduire le chômage, soit pour organiser les armées ; ils y avaient pris goût en raison des armes électorales que leur valait cette politique. Oubliant, de leur côté, la doctrine qu'ils soutenaient depuis la guerre de Sécession, les républicains protestaient contre cette atteinte aux droits des États. S'ils avaient d'autre part toujours revendiqué l'intervention de l'État fédéral sous la forme du protectionnisme tarifaire, cette même intervention de l'État leur apparaissait choquante quand elle s'exerçait dans les relations entre employeurs et employés. Le patronat, surtout le patronat moyen, sans doute moins bien équipé pour se défendre, estimait intolérable l'intrusion résultant d'une politique sociale entièrement nouvelle aux États-Unis. À vrai dire l'industrie américaine n'avait jamais été libérale : le libéralisme qu'elle se découvrait n'était autre chose qu'un laissez-faire tenant à distance la puissance publique quand on n'avait pas besoin d'elle. C'est avec cette philosophie que le parti républicain est revenu au pouvoir en 1952. Le Wall Street Journal l'exprimait exactement dans cet éditorial :

Que le gouvernement s'occupe seulement de maintenir l'ordre et la légalité ; que dans sa stupidité satisfaite l’État s'abstienne de prétendre diriger l'économie ! L’Américain, laissé à lui-même, trouvera bien le moyen de s'adapter aux changements [p. 259] nécessaires, comme il l'a toujours fait quand ses gouvernements lui ont laissé la faculté de le faire.

C'est dans ses relations avec le monde ouvrier que le patronat républicain a ressenti avec le plus d'amertume, pendant le régime démocrate, cet interventionnisme social auquel aucun précédent ne l'avait préparé. À travers ces générations décisives où l'industrie nationale s'était constituée, il avait bénéficié à l'égard de sa main-d'œuvre d'une indépendance royale. Cette main-d'œuvre, disparate du fait de l'immigration qui en fournissait les gros bataillons, ne s'était syndiquée que tardivement, sans avoir jamais connu la faveur de l'État. Or voici qu'une législation nouvelle, née de la crise, contestait, en faveur des unions, l'ancienne suprématie des employeurs. De ce fait le parti républicain, qui continuait de compter ceux-ci dans sa vieille garde, devenait avec eux un parti du laissez-faire, hostile à toute nouvelle intrusion de la puissance publique : libéralisme négatif, le seul du reste qu'aient sans doute jamais admis les praticiens de la production. La loi Taft-Hartley, d'origine républicaine et qui n'a passé que contre le veto du président Truman, symbolise auprès des travailleurs un esprit de réaction républicaine tendant à revenir sur les conquêtes syndicales de l'ère rooseveltienne. Or c'est le sénateur Taft que son parti lui-même avait surnommé, ce qui est significatif, Mr Republican, montrant ainsi que l'axe républicain est dans la droite plutôt que dans la gauche du groupement. Dans le vocabulaire républicain, des épithètes telles que liberal, radical, leftist ont gardé le sens péjoratif qu'elles avaient chez nous sous l'Ordre moral.

Représentant le principe d'autorité, d'organisation, d'union nationale contre les sécessions, il était naturel que les républicains s'appuyassent spontanément sur l'élément ethnique qui a constitué la base initiale du peuplement américain, je veux dire l'élément anglo-saxon et protestant : de ce point de vue ils sont plus nationaux, au sens étroit du mot, que les démocrates, encombrés de « métèques ». C'est partout où ce vieil élément se maintient que le parti trouve normalement son plus solide appui : arrière-pays de la Nouvelle-Angleterre et de la côte Atlantique, villes moyennes de l’Ouest où prospèrent les Chambres de Commerce et où hier encore fleurissait Babbitt, milieux familiaux sérieux hostiles aux grandes cités cosmopolites, à l'exception naturellement du Sud, dévoyé politiquement par la question nègre. Le parti joue cette carte, qui est au fond une carte raciste. [p. 260] Le soutien donné aux Noirs pendant la guerre de Sécession, les interventions pro-nègres de la Reconstruction n'y changent rien, car, quand Lincoln acceptait la lutte, en 1860, c'était pour la défense de l'Union plus que pour l'abolition de l'esclavage.

Lorsque les républicains vainqueurs ont imposé au Sud les fameux amendements inscrivant dans la constitution l'égalité de droit des anciens esclaves, il ne s'agissait en somme pour eux que d'une question étrangère, dès l'instant qu'il n'y avait pas de gens de couleur dans le Nord. Ce libéralisme ethnique demeurait, en ce qui les concernait, purement théorique. Quand, lors de la première guerre mondiale, une migration massive eut rempli de Noirs les grandes cités de l'Est et du Centre-Ouest, les nouveaux venus furent traités correctement quant à leurs droits civiques, mais pas plus que dans le Sud ils ne furent admis dans la famille blanche, de sorte qu'ils éprouvèrent un sentiment analogue à celui des récents immigrés européens, impatients de se faire accepter. Dans cette attitude, c'est paradoxalement chez les démocrates qu'ils trouvaient le plus de compréhension, Roosevelt et Truman finissant par se faire leurs défenseurs dans la politique des civil rights. Les républicains n'adoptaient sans doute pas la position contraire, mais par contraste ils faisaient davantage figure de parti plus strictement national, s'opposant à toutes les formes d'exotisme quelles qu'elles fussent. C'est ainsi qu'Eisenhower finissait par apparaître plus acceptable que Truman à certains intransigeants du Deep South.

On ne peut s'étonner dans ces conditions que les lois d'immigration de 1921-1924, d'inspiration en somme raciste, aient été l'œuvre de républicains, ni que le Walter-McCarran Act de 1952 porte également le nom du républicain Walter. Rappelons que le Ku Klux Klan, démocrate dans le Sud, a pris dans le Nord l'aspect républicain quand il s'est implanté dans des États aussi républicains que l'Indiana ou l'Oregon : la protestation du Klan s'y exerçait moins contre les Nègres que contre des Irlandais ou des Italiens catholiques. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, ce n'est pas chez les démocrates qu'est né le McCarthysme, encore que beaucoup d'entre eux en aient subi la contagion, mais dans le Wisconsin dont McCarthy est le sénateur républicain. Je crois que tous les Américains sont anticommunistes, mais, dans la campagne présidentielle de 1952, le candidat démocrate n'a été que le second à proclamer son anticommunisme.

[p. 261]


Il ne suffit pas de dire que les Américains sont fiers de leur pays, ils sont tous nationalistes, et ce n'est pas un monopole des républicains. Ceux-ci ont néanmoins par tradition une politique dont l'impérialisme, au tournant du siècle dernier, cherchait à peine à se cacher. C'est de McKinley qu'est la formule de la manifest destiny, de Théodore Roosevelt qu'est la doctrine du big stick, dont la dollar diplomacy de Coolidge n'était qu'une simple réédition, mais la politique du good neighbour est démocrate. Quand la première guerre mondiale, responsabilité démocrate, eut attiré les États-Unis dans le tourbillon européen, l'isolationnisme, transposition de l'exclusivisme antérieur, se développe de préférence dans le terroir républicain : c'est le sénateur Lodge, adversaire de Wilson, qui fit repousser le traité de Versailles, surtout parce qu'il comportait l'adhésion à la Société des Nations. Le néo-isolationnisme de la seconde guerre mondiale, représenté par les Hoover et les Taft, renouvelle à l'égard de l'Europe cette attitude rétractile, cependant qu'en Extrême-Orient l'activisme républicain d'un MacArthur laisse percer une insistante résistance à ce qu'il y a d'international, non seulement chez les démocrates mais dans l'aile gauche républicaine elle-même.

Nous avons noté que, dans un pays aussi étendu, l'homogénéité d'un parti fédéral est impossible : il y a donc nécessairement des déviationnistes. Théodore Roosevelt, qu'on ne saurait du reste concevoir autrement que républicain, préconisait une politique sociale et de résistance aux trusts, que nous eussions qualifiée de gauche. Le vieux sénateur La Follette, ralliant les fermiers du Nord-Ouest, protestait contre la domination de Wall Street. Dans les deux cas il en résultait une dissidence, du reste sans lendemain. Pareilles sécessions se produisent toujours sur la gauche, observation significative, en ce qu'elle souligne que le poids du parti tend à le faire pencher vers sa droite. C'est pourquoi l'exercice du pouvoir, avec ses responsabilités, impose aux présidents républicains une attitude de juste milieu. C'est cette attitude qu'a adoptée le président Eisenhower, en cela soutenu par le sénateur Taft, vrai leader du parti, mort prématurément mais non sans avoir montré de quel sens profond du gouvernement il était doté. Ce contrepoids était nécessaire, car, après vingt ans d'opposition, c'est un peu avec les sentiments et l'amertume d'une Chambre introuvable que le parti retrouvait enfin le pouvoir.

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