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1958 tableau des états-unis


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Sixième Partie




LES RELATIONS
EXTÉRIEURES


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__________________________________________________________________

[p. 299]

Chapitre 32.

L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE
DANS LE MONDE (I)


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Il y a peu d'exemple dans l'histoire d'une pareille transformation, d'un pays continental en pays de relations internationales, d'un pays économiquement indépendant en pays désormais soumis à des solidarités extérieures, d'un pays sans responsabilités en pays chargé d'une responsabilité mondiale, d'une économie simplement autonome en économie dominante. Cet extraordinaire épanouissement est le fait normal d'un pays qui grandit sur un territoire neuf, mais deux guerres victorieuses en précipitent le rythme, sans qu'elles en soient du reste la cause essentielle : l'équilibre des États-Unis en sort transformé, mais c'est au prix d'un déséquilibre mondial dans lequel les positions antérieures ne se reconnaissent plus. Il convient d'ajouter que, si les conditions internationales changent, il s'en faut que la psychologie américaine évolue du même pas : il y a décalage entre la position de fait des États-Unis dans le monde et l'attitude du peuple américain à l'égard des problèmes intercontinentaux. Les rapports de l'économie américaine et de l'économie mondiale sont un des problèmes non résolus du XXe siècle.


I


Un système équilibré d'échanges s'était établi, avant la première guerre mondiale, entre les États-Unis et le reste du monde, notamment l'Europe. Cet équilibre comportait une balance commerciale américaine favorable, dans laquelle les importations ne correspondaient qu'à un peu moins de 80 p. cent des exportations. [p. 300] Le régime était complémentaire, car l'excédent d'exportations servait à payer les intérêts ou dividendes des capitaux placés dans le nouveau monde par la vieille Europe, qui restait son commanditaire. Cet excédent, simple expression d'une réciprocité dans les échanges, apparaissait comme normal, et l'Europe se procurait sans peine les dollars dont elle pouvait avoir besoin. Du reste le problème ne se posait même pas : les relations du vieux continent avec les continents transocéaniques avaient atteint un degré de stabilité que l'on estimait destiné à durer toujours. Encore excentriques, et considérés comme tels, les États-Unis n'étaient qu'un des éléments de l'ensemble mondial, dont l'Europe demeurait le foyer incontesté.

C'est de 1914, non de 1940, que date la rupture de l'équilibre mondial qui avait prévalu au XIXe siècle. Un changement de relations fondamental apparaît alors, que la période de l’entre-deux-guerres ne corrige pas, bien qu'elle s'efforce de s'y adapter. La deuxième guerre accentue encore le déséquilibre et l'on a désormais l'impression qu'il s'agit d'une maladie chronique, d'un vice de fond dans le système des échanges du XXe siècle. Ce qui a changé, c'est la position relative des États-Unis et du monde : en face d'une Europe ruinée et déclinante se dresse une Amérique géante, forte de sa massivité contre le « petit cap de l'Asie » diminué de toute la massivité russe. La conséquence, c'est qu'il n'y a plus de complémentarité, plus de réciprocité, mais un régime disproportionné d'économie dominante. Sous quelle forme se produit ce bouleversement ? Tandis que l'Europe, en dépit de vigoureux efforts, ne reprend jamais son rythme antérieur de développement, la capacité de production des États-Unis témoigne de progrès inouïs, dépassant tous les records et battant sans cesse ses propres records. L'Amérique, n'ayant besoin de personne et surtout pas de l'Europe, ne devient pas une forte importatrice, sinon de matières premières extra-européennes, cependant qu'en raison de besoins internationaux qu'elle seule peut fournir, ses exportations ne cessent de s'accroître. Jusqu'en 1914 elle était débitrice, parce qu'encore commanditée : elle devient créancière, créancière d'une Europe incapable normalement de s'acquitter. Il n'y a donc plus, entre les deux continents, de commune mesure : aucun système d'échanges complémentaires et portant les marques de la santé économique ne réussit à s'établir. Les balances commerciales déréglées, ici excessivement favorables, là pathologiquement déficitaires, ne per-[p. 301] mettent plus que des balances de paiements ne réussissant à se liquider que par des moyens de fortune. C’est la grande crise du XXe siècle.

Tandis que les deux guerres mondiales, surtout la seconde, ont eu pour effet de casser les reins de l'Europe, elles ont au contraire stimulé les possibilités américaines : d'abord neutres, les États-Unis bénéficiaient du rôle de fournisseur des belligérants ; puis, faisant la guerre, ils ne la faisaient pas sur leur territoire, leurs ressources potentielles étant telles que l'épreuve, catastrophique pour l'Europe, se révélait pour eux comme une occasion de progrès technique, de réorganisations globales de la production selon des vues d'ensemble. S'il n'y avait eu aucune guerre, le vieux continent eût sans doute continué de progresser comme avant 1914, peut-être pas aussi vite que l'Amérique, mais une commune mesure dans le développement respectif eût été préservée. C'est ce qui ne s'est pas produit.

De 1938 à 1952 la production globale des États-Unis a triplé (sur la base de 100 en 1948, 1938 est à 46, 1952 à 114) : la production agricole s'est accrue d'un quart (74 en 1938, 114 en 1952). N'oublions jamais qu'il s'agit, non d'un pays, mais d'un continent, à la fois – ce que l'Angleterre n'a jamais été – producteur industriel et producteur agricole : son extraordinaire capacité de débordement coïncide avec une indépendance à peu près totale du dehors. Ce qu'il ne produit pas, ses moyens monétaires exceptionnels lui permettent de l'importer avec la plus grande aisance, de telle sorte que, premiers producteurs mondiaux pour un grand nombre d'articles, les États-Unis sont devenus, depuis 1914, les premiers consommateurs mondiaux : on sait qu'avec 6,7 p. cent de la superficie des continents et 6,2 p. cent de la population planétaire, ils consomment 64 p. cent du pétrole, 61 p. cent du caoutchouc, 63 p. cent du minerai de fer, 44 p. cent de manganèse, 50 p. cent du zinc, 48 p. cent du cuivre, 48 p. cent du plomb (chiffres de 1950, d'après le Paley Report (Resources for Freedom).



L'Europe – notamment en Europe l'Angleterre – avait, avant les États-Unis, occupé cette position de premier producteur et de premier consommateur mondial, mais en raison de sa médiocre superficie et de son exceptionnelle densité démographique, il lui fallait importer une forte proportion de ses aliments et matières premières, d'où l'économie complémentaire qui en était résultée dans le dialogue économique Europe-Monde. Toute [p. 302] autre est la position américaine. Une machine géante s'est constituée en Amérique du Nord pour l'absorption des matières premières et de certains produits agricoles. Son appétit est fantastique, cependant que, parallèlement à l'importation, la production nationale se montre capable de servir une fraction croissante de ses besoins : certains produits s'épuisent – tel le minerai de fer – et devront être acquis au dehors (encore que le Canada ne doive pas être considéré comme appartenant au dehors), mais d'autres sont au contraire libérés de la dépendance extérieure – tel le caoutchouc – par le développement synthétique. Le peuple américain est ainsi mis à même de revenir à sa tradition, qui est celle de se libérer continentalement au maximum. S'il y a, dans ces conditions, tendance à la constitution d'un trop-plein, l'Europe, en dépit de ses besoins, n'a pas la capacité d'achat qui serait nécessaire pour l'acquérir. S'agissant cependant d'un trop-plein continental plutôt qu'étroitement national, les États-Unis sont en somme en mesure de l'absorber. Ils en ont au fond le désir : habituée à compter avant tout sur son marché intérieur, qui lui a rarement fait défaut, cette économie éprouve spontanément la tentation d'être autarcique. Aucune psychologie de commerce international ne s'est développée là, comme ç'avait été le cas pour une Angleterre dépendante aussi bien de ses importations que de ses exportations : Self sufficient Giant, commentait, le 26 janvier 1952, l'Economist de Londres ! Dans la crise du XXe siècle, la principale source du mal vient de là, tout autant que de la ruine de l'Europe.

II


Depuis la seconde guerre mondiale les importations sont loin de s'être développées au même rythme que les exportations. Par rapport à 1936-1938, celles-ci ont passé en 1952 de 100 à 250 en poids et à 514 en valeur, tandis que celles-là n'atteignaient que les niveaux respectifs de 151 et 437. Avant 1914 les importations américaines restaient légèrement inférieures à 2 milliards de dollars, et en 1938, après les booms de la guerre et de l'après-guerre, elles étaient encore, avec 1 960 millions de dollars, à peu près au même point. La seconde guerre mondiale les portait en 1945 à 4 159 millions, à 10 961 millions en 1951 (boom importateur du fait de la Corée), à 10 745 millions en 1952. Ces chiffres [p. 303] sont importants absolument, mais ils ne représentent par rapport à la production nationale qu'une proportion minime : 4,3 p. cent du gross national Product en 1929, 2,4 p. cent en 1938, 3,4 p. cent en 1951, moins encore en 1952.

Les États-Unis ne sont donc pas un importateur massif, et dans la mesure où ils le sont c'est surtout, et de plus en plus, de matières premières. Il est intéressant, et symptomatique, de considérer la transformation qui s'est produite depuis le siècle dernier dans la composition des importations (en pourcentages) :






1875-1879

1921-1924

1952




––

––

––

Matières premières

26,7

53,1

51,3

Produits alimentaires

41,3

24,8

29,3

Manufacturés

30

21,1

19,4

La tendance qui se dégage de ces chiffres, c'est que les États-Unis, à mesure qu'ils se sont industrialisés, ont dû importer plus de matières premières, cependant qu'en fait d'articles manufacturés ils pouvaient de plus en plus se passer du dehors : pareille évolution s'observe chez tous les pays en voie de développement industriel. Il est vrai que, depuis la seconde guerre mondiale notamment, les matières premières importées le sont, en 1952, dans la proportion croissante de 24 p. cent sous forme demi-ouvrée, la même tendance s'observant pour les produits alimentaires. Les produits bruts subissent en effet de plus en plus une première transformation à la source, soit pour des raisons de prix de revient, soit sous la pression des nationalismes locaux.

Que ce soit sous la forme brute ou demi-ouvrée, il y a normalement importation de caoutchouc, de laine, de pétrole, de peaux, de métaux non ferreux, de bois et pâte de bois, d'huiles végétales, d'engrais ; et, comme produits alimentaires, de café, de thé, de sucre de canne, de fruits et légumes, de cacao, d'alcools. L'Amérique, au point de développement auquel elle est parvenue, ne pourrait plus alimenter son industrie de matières premières sans importations, dont certaines massives, mais, à l'exception de quelques denrées exotiques ou de luxe, elle vivrait très aisément sur elle-même, sans avoir à craindre aucun blocus ; elle pourrait enfin supprimer toute importation manufacturée et s'en apercevoir à peine. Au moment même où ses importations s'accroissent, l'intensification de la recherche synthétique travaille dans le sens d'une augmentation de l'autonomie.

[p. 304] Étant donné la nature de ces besoins, c'est surtout aux pays producteurs de matières premières ou alimentaires que les États-Unis devront logiquement s'adresser, mais, sous réserve d'articles de luxe, de qualité ou de spécialités, les pays industriels ne trouvent pas ici de place importante. Il ne faut pas s'étonner que la part de l'Europe dans les importations américaines n'ait cessé de décliner : c'était encore 49,5 p. cent en 1910-1914, mais seulement 26,4 p. cent en 1921-1925, 18,6 p. cent en 1951, chute lourde qui date de la première guerre, mais que la seconde a encore accentuée. Par contre, comme fournisseur, c'est le continent américain qui prend la première place : 32,8 p. cent en 1910-1914, 38,6 p. cent en 1921-1925, 53,2 p. cent en 1951. S'il n'y avait pas eu la seconde guerre mondiale, l'Asie-Océanie aurait connu, je crois, une progression analogue, car les proportions avaient passé de 16,3 p. cent en 1910-1914 à 28,7 p. cent en 1921-1925, mais l'état troublé de l'Extrême-Orient a ramené le chiffre à 22,8 p. cent en 1951. L'Afrique enfin n'avait que peu intéressé l'importation américaine : 1,3 p. cent en 1910-1914, 2,1 p. cent en 1921-1925, mais il y a là une source de matières premières que les États-Unis ont, depuis la seconde guerre mondiale, cessé de négliger : 6 p. cent en 1950, 5,4 p. cent en 1951.

La liste des pays fournisseurs par ordre d'importance était, en 1938 : Canada, Japon, Angleterre, Malaisie, Cuba, Brésil, Philippines, Indonésie... et en 1951 : Canada, Brésil, Angleterre, Malaisie, Cuba, Colombie, Australie, Mexique, Vénézuela, Indes Néerlandaises. Un commentaire significatif s'impose : exception faite pour l'Angleterre, tous ces pays sont des vendeurs de brut : Brésil et Colombie vendent leur café ; Canada, Chili, Mexique, Malaisie leurs métaux non ferreux ; Canada son papier ou sa pâte à papier ; Vénézuela, Antilles, Colombie leur pétrole ; Malaisie, Indonésie, Thaïlande leur caoutchouc ; Australie, Argentine, Uruguay leur laine ; Cuba, Philippines leur canne à sucre ; Canada, France, Suède, leur minerai de fer. On voit que, dans ces échanges, un rapport complémentaire se dessine, mais ce n'est plus avec l'Europe, dont l'Amérique importatrice se détourne, c'est au profit du nouveau monde, de l'Asie-Océanie, de l'Afrique. Les pays générateurs de crédits en dollars sont désormais les pays transocéaniques, ce qui nous incite à saisir un des aspects les plus aigus de la crise européenne.

[p. 305]

III


Les États-Unis sont plus exportateurs qu'importateurs. Avant 1914 le niveau moyen des exportations était de 2 milliards et demi de dollars et la première guerre l'avait élevé jusqu'au palier de 5 à 8 milliards, mais la crise l'avait ramené en 1931 à 1 611 millions et il n'était remonté en 1938 qu'à 3 094 millions. L'envolée de la seconde guerre l'a porté à 9 806 millions en 1945, 15 020 millions en 1951, 15 164 millions en 1952. Par rapport à l'immédiat avant-guerre l'augmentation en poids est de 50 p. cent, mais en valeur les exportations ont presque quintuplé. Cependant, même avec ces chiffres massifs, le pourcentage exporté de la production nationale est non seulement minime mais en déclin, puisque, venant d'un peu moins de 10 p. cent en 1938, il n'est plus maintenant qu'aux environs de 5 p. cent. La conséquence, c'est que l'on se trouve en présence d'un pays de marché intérieur, d'une économie dans laquelle l'exportation ne joue pas un rôle décisif.

Rien ne souligne davantage la transformation subie depuis trois quarts de siècle par l'économie américaine que les changements survenus en pourcentages dans la composition des exportations :






1875-1879

1910-1914

1921-1925

1952




––

––

––

––

Matières premières

39,4

49,4

39,9

24

Produits alimentaires

44,8

19,8

23,8

14

Manufacturés

15,8

30,8

36-3

62

La place des matières premières dans l'ensemble a fortement diminué, et plus encore celle des produits alimentaires, au bénéfice des manufacturés. Les progrès de l'exportation manufacturée sont plus frappants encore si l'on ajoute aux manufacturés proprement dits les matières premières et produits alimentaires ayant subi une première transformation : dans les 24 p. cent des matières premières le demi-ouvré figure pour 10,8 p. cent et pour les alimentaires le chiffre est de 4,8 p. cent, de telle sorte que, dans l'ensemble des exportations, les articles ayant subi une opération manufacturée atteignent 77,6 p. cent. Ces statistiques, ainsi présentées, reflètent un double phénomène : l'un, général, qui est la tendance à exporter de plus en plus sous une forme déjà au moins partiellement ouvrée ; le second, propre aux États-Unis, leur formidable expansion industrielle.

[p. 306]

En 1890, quatre produits bruts faisaient les trois quarts de l'exportation : le coton, le blé, le pétrole, la viande, mais ils n'entrent plus aujourd'hui que pour un cinquième environ dans l'ensemble exporté. Sans doute l'Amérique reste-t-elle, en chiffres absolus, un fournisseur important de matières premières et de produits alimentaires, mais désormais ce que le monde demande surtout aux États-Unis ce sont leurs articles manufacturés, essentiellement leurs machines de toute nature et en général leurs articles de série. La grande exportatrice du XIXe siècle, l'Angleterre, vendait massivement ses cotonnades et ses produits ferreux. L'Amérique, grande exportatrice du XXe, vend, elle aussi, des textiles manufacturés, mais ses fournitures mécaniques, en évoluant, se sont infiniment diversifiées : tubes et profilés, quincaillerie, toutes les machines – machines à forer les mines, outillage pétrolier, moteurs à combustion interne, machines textiles, machines à faire les routes, machines excavatrices, machines sucrières, machines réfrigératrices, machines à faire les cigarettes ; toutes les machines-outils – machines à coudre, machines à écrire, machines d'imprimerie, machines à calculer, cash registers (caisses enregistreuses), machines agricoles ; véhicules de tous ordres – autos et pièces, camions, motocyclettes, avions ; machines électriques – radios, réfrigérateurs, batteries, moteurs électriques, tous les ustensiles ménagers ; et à côté du fer les métaux non ferreux... Il s'agit bien d'un autre siècle, qui n'est plus celui du fer et du coton, mais des textiles artificiels, des produits chimiques et des métaux non ferreux. De ce siècle, le représentant, ce sont les États-Unis.

Si l'on s'en tenait à la tendance, la logique voudrait que les États-Unis cessassent à la longue d'exporter des matières premières et des produits alimentaires. Effectivement ils n'exportent normalement ni charbon, ni minerai de fer, ni maïs, ni laine brute et, au début du siècle, ils absorbaient une part croissante de leur production de viande et de blé. Les deux guerres mondiales ont renversé ce mouvement en ce qui concerne le blé et la seconde a fait temporairement des États-Unis un fournisseur de charbon pour l'Europe, mais le courant de fond est dans l'autre sens : on peut se demander si à la longue le coton brut américain se vendra encore sur les marchés mondiaux. L'équilibre des échanges, entre les États-Unis, l'Europe et les autres continents, a subi depuis cinquante ans une transformation fondamentale, qui semble bien destinée à durer. Cette trans-[p.307] formation s'inscrit, de façon frappante, dans le tableau de la destination par continents des exportations américaines (en pourcentages) :




1875-1879

1910-1914

1921-1925

1951




––

––

––

––

Europe

81

62,3

52,6

29

Amérique

14,6

28,7

31,2

48

Asie-Océanie

3,8

7,8

14,6

18,6

Afrique

0,6

1,2

1,6

4,4

Point n'est besoin d'un long commentaire : la baisse de l'Europe, surtout après la seconde guerre mondiale, est impressionnante et c'est le nouveau continent, seul intact après la tempête, qui devient pour les États-Unis le grand marché ; si l'Asie n'était pas déchirée par la guerre, on a l'impression qu'elle tendrait à remplacer l'Europe comme second client continental.

Ces échanges obéissent à une logique, commandée par le degré d'évolution des interlocuteurs. Traditionnellement, l’Europe, plus évoluée industriellement que les États-Unis, demande à ceux-ci des matières premières et des produits alimentaires, non des manufacturés puisqu'elle les fabrique elle-même. Mais les deux guerres, surtout la seconde, déséquilibrent entièrement ce système, car, ayant toujours besoin de coton, de céréales et même éventuellement de charbon, il lui faut en même temps se rééquiper massivement d'outillages, d'articles de série, d'éléments de réarmement. Ce n'est plus la relation d'un continent évolué avec un continent jeune, mais d'un continent vieilli et d'un géant encore jeune, désormais puissamment équipé. Par contre, vis-à-vis des continents extra-européens, l'Amérique joue le rôle du pays industrialisé à l'égard d'économies relativement primaires, en voie seulement de s'outiller industriellement. De ce point de vue elle tient la place qu'occupait l’Europe cinquante ans plus tôt, car c'est à elle que s'adressent les peuples impatients – ils le sont tous – d'entrer dans la carrière manufacturière : c'est sur le plan américain que ces peuples s'outillent et c'est aux États-Unis qu'ils vont chercher cet équipement du XXe siècle qu'ils sont avides d'acquérir. L'Europe, sans doute, peut regagner partiellement ces marchés, mais elle n'y retrouvera ni monopole ni prédominance.

Ces différents types de relations se reflètent clairement dans la liste par ordre d'importance des clients de l'Amérique [p. 308] en 1938 et en 1951. À la veille de la guerre : Angleterre, Canada, Japon, France, Allemagne, Pays-Bas, Argentine, Philippines... En 1951 : Canada, Angleterre, Pays-Bas, Brésil, Japon, Cuba, Allemagne, Indes, Italie, Vénézuéla, France... Les pays qui peuvent acheter – je dis « peuvent », car tous auraient besoin de le faire – sont ceux qui, vendeurs de produits bruts sur le marché américain ou simplement voisins dans le nouveau monde, reçoivent de ce fait les dollars nécessaires. De nouveaux courants commerciaux se dessinent ainsi dans le monde : ils passent en dehors de l'Europe.

[p. 309]

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