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Sur la chine


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Sur un des points de ce nouvel horizon resplendissent, depuis des âges reculés, deux empires trop civilisés pour être anéantis, trop barbares pour n’être pas transformés : la Chine, aussi vaste que l’Europe, aussi belle que l’Italie, aussi fertile que l’Egypte ; le Japon, découpé comme la Grèce, insulaire comme l’Archipel, isolé comme l’Angleterre, portant ainsi sur sa figure même les signes d’une destinée à laquelle des lois provoquées par notre folie l’ont fait mentir jusqu’à ce jour.

L’Europe ne colonisera pas ces régions trop peuplées : loin de là, la race laborieuse que leur fertilité ne peut soustraire à la famine, cette race plus féconde encore que le sol, se répandra sur toutes les îles et tous les continents du Pacifique, comblant le désert, portant avec elle le travail et la vie, offrant aux enfants de l’Europe, en échange d’une juste hospitalité, l’utile concours d’une multitude subalterne et soumise.

Aucun État n’a le droit de rêver la conquête de la Chine ou du Japon ; celui qui les classerait au nombre de ses provinces aurait presque subjugué le monde. Depuis que les Turcs ont porté l’Asie à Constantinople, l’Europe, qu’ils avaient menacée tout entière, n’a cessé de réagir contre eux. Cependant, malgré ses triomphes, malgré même son dégoût pour les tyrans barbares des Grecs qui furent nos maîtres, l’Europe a respecté leur monstrueux pouvoir, tant elle craint d’ébranler son équilibre.

Qu’est-ce pourtant que l’empire ottoman ? Une route vers l’Asie, en Égypte et sur p.068 l’Euphrate ; des plaines stériles, des montagnes inexpugnables en Syrie ; des ruines ailleurs.

Qu’est-ce que Constantinople ? Un des ports de cette Méditerranée où se fait un cinquième seulement du commerce de l’Europe, la clef d’un lac russe et d’un des marchés où l’Occident se fournit de blé, comme il le fait en Égypte, en Amérique, ailleurs même.

L’extrême Orient est bien autre chose que cet Orient voisin de nous. Ce n’est pas un chemin, c’est un but. Il paraît petit, parce qu’il est éloigné : on le voit mal encore, parce qu’il y a peu de temps qu’on le regarde. Le commerce de la Chine est récent ; celui du Japon, plus récent encore : le premier dépasse un milliard ; le second dépasse soixante millions. Dans dix ans, ces chiffres seront triplés si le progrès observé depuis trente ans continue, et tout fait croire qu’il s’accélérera. Un écrivain très-compétent, M. Townsend, assure que si la Chine était pacifiée, son mouvement commercial s’élèverait à près de quatre milliards et demi (175 millions de liv. st.).

Le seul port de Xan-kao (Han kao, bouches du Xan), situé au centre de la Chine, à la rencontre du Xan et du Yañ-tsö 1, ouvert depuis deux ans, a fait la première année 100 millions d’affaires, et plus de 150 la seconde 2. L’Inde paye l’Angleterre avec les profits de l’opium ; le thé verse aux douanes anglaises 100 millions de francs par an. Les bénéfices opérés par la ville de Lyon sur la mise en œuvre des soies chinoises et japonaises doivent être considérables.

L’Europe demande surtout à la Chine du thé et de la soie : 100 à 150 millions de l’un ; 200 à 300 millions de l’autre. Elle peut lui demander de plus, en outre de quelques articles peu importants, non seulement de la laine, mais encore du colon ; la valeur en serait, pour l’Inde et la Chine, de plus d’un milliard par an. L’Europe a déjà reçu beaucoup de ce coton ; en échange de ces achats, elle livre surtout de l’argent. De ce fait et de la crise américaine résulte un embarras momentané. On aurait tort, toutefois, de s’en préoccuper trop : les exportations de l’Angleterre pour la Chine ont presque sextuplé en six ans ; elles s’élèvent à 135 millions environ. Elles avaient, en 1861, dépassé toute prudence ; on a dû les réduire en 1862 : elles reprennent aujourd’hui leur marche progressive. Le plus vaste marché qui soit au monde achève à peine de s’ouvrir : il y a trop d’imprévu dans les choses commerciales pour qu’on puisse dès aujourd’hui déclarer que nous n’y pourrons rien vendre. L’opium de l’Inde a envahi la Chine, comme le thé l’Angleterre, et le sucre toute l’Europe. Il n’est pas un peuple dont les habitudes ne se modifient, dont les consommations ne p.069 s’accroissent en même temps que les profits, et je suis, quant à moi, convaincu que les importations et les exportations, non seulement de l’Angleterre, mais encore des autres peuples, arriveront à se balancer bientôt dans l’extrême Orient.

Les capitaux, en Chine, sont rares ou se cachent : une prime est offerte aux nôtres, qui déjà s’y portent. Le loyer de l’argent tend donc à s’élever, en même temps qu’à se niveler de plus en plus à travers le monde. Déjà les Chinois confient leur épargne à nos marchands ; des banques de premier ordre fonctionnent en Chine 1 ; le cabotage du pays, la navigation de ses fleuves qui emploie déjà des navires à vapeur de près de 2.000 tonneaux, construits en Chine, sont aux mains de l’Europe 2. Le charbon abonde en Chine, à Manille, au Japon. Une compagnie anglaise exploite les mines de Labuan, et, dès que des couches superficielles on aura passé à des couches plus profondes, ces charbons seront probablement égaux aux nôtres. Il est question de tramroads entre l’Inde transgangétique et les provinces occidentales et méridionales de la Chine 3 ; et les bénéfices promis aux chemins de fer, dans les riches plaines d’un empire si peuplé, permettent de prévoir, dans un avenir peu éloigné, l’exécution de ces voies précieuses. Quatre compagnies veulent étendre jusqu’à la Chine les réseaux télégraphiques de la Russie et de l’Inde : une d’elles fonctionnera prochainement. La télégraphie à domicile, interdite à la France par ses lois, existe déjà à Chang-haï comme à Londres 4. Des villes splendides se sont élevées : le gaz les éclaire ; des cercles, des p.070 théâtres, des courses 5, les divertissent ; des imprimeries nombreuses, des journaux libres, des revues savantes, les instruisent : tel est en réalité ce grand pays dans lequel l’ignorance et la futilité n’aperçoivent encore que des paravents ou des magots. Digne de notre civilisation qui rapidement s’en empare, il la reçoit au point le plus haut où nous l’ayons portée. Il sera dans quelques années plus avancé, sous le rapport du commerce, des établissements de crédit, de l’industrie des transports, que nous ne l’étions nous–mêmes il y a trente ans ; peut–être même devancera-t-il plus d’un État européen ; et nous surpassera-t-il en bien des choses.

Notre part dans le commerce de ce pays est encore bien faible ; elle est seulement un germe et une promesse. Contre un navire français qui se montre en Chine, il s’en montre trois allemands, quatre américains, dix anglais. Nous achèterons pourtant, à Londres, pour près de 200 millions de soie chinoise cette année. Si notre commerce p.071 est sans vues élevées, si notre nation n’est pas représentée dans ces cites nouvelles qui s’élèvent au loin, ce n’est pas à l’Angleterre qu’il faut nous en prendre, c’est à nous-mêmes. La Chine est neutre comme le commerce ; ils sont également accessibles à tous les enfants de l’Europe. L’audace et le travail de quelques-uns ne sont point un attentat contre la paresse et la timidité des autres.

D’où vient cette infériorité du peuple français, si grand jadis par les idées, si grand toujours par la guerre, si grand même à une certaine époque comme colonisateur ? Ce peuple a-t-il reçu du ciel moins d’initiative, moins d’habileté qu’un autre ?

Cette infériorité vient de nos lois et de notre éducation ; elle est le fruit plein de cendres de ce savant système et de toutes ces belles choses dont on ne parle jamais sans ajouter que l’Europe nous les envie.

Deux peuples presque pareils, le peuple anglais et le peuple français, occupent l’occident de l’Europe. Formés du mélange des Celtes et des Germains, ils furent instruits par les mêmes Romains et gouvernés longtemps par les deux moitiés d’une même noblesse. Ils avaient le même génie, le même amour de la liberté : la différence de leurs frontières fit la différence de leur histoire. Les Anglais avaient pour fossé l’Océan ; leurs rois furent désarmés, le peuple fut son maître. Les Français, sans remparts du côté de l’est et du nord, pressés entre de puissants voisins, se firent une muraille de soldats et se plièrent à la dictature. L’Angleterre connut l’état de paix, la France subit l’état de siège 1.

Tout le continent européen se gouverna comme la France ; chaque pays devint une armée, chaque prince un dictateur. Pendant des siècles, un système détestable eut p.072 pour correctif la faiblesse d’une organisation barbare. La tyrannie fut tempérée par l’impuissance et la pauvreté des rois, la désunion des nobles, l’insubordination des satellites, l’absence des chemins.

Soudain venue de l’Angleterre, de la Suisse, de l’Amérique, une loi nouvelle fut acclamée par la France altérée de justice, avide de liberté, plus grande en ce seul jour que par toute son histoire.

Les principes nouveaux ont, pour notre pays, une date, 89 : d’autres pays les ont connus plus tôt, d’autres les connaîtront plus tard ; leurs ennemis eux-mêmes les déclarent immortels ; seulement ils sommeillent, et longtemps on put croire qu’ils avaient succombé sous les violences de la révolution. Ceux, en effet, que nous avions pris pour des sages, parce qu’ils condamnaient quelque ancienne folie, voulurent nous imposer les rêveries de l’école, nous courber sous des lois que Sparte à demi sauvage n’avait pu supporter. La France s’émut, l’Europe se souleva, les imprudents périrent ; une tempête emporta leurs systèmes, mais leur despotisme resta survivant à tous les changements de personne ou de dynastie, traversant sans encombre toutes les barricades, toujours vivant, toujours vainqueur, chaque jour plus fort.

L’antique royauté avait lutté contre ses feudataires, puis été tenue en échec par des nobles, des parlements, des prêtres. Jamais elle n’avait été vraiment maîtresse. La révolution avait tout écrasé, tout terrifié, tout nivelé : puis, avec plus d’orgueil encore que Louis XIV, elle avait assis l’État sur toutes ces ruines ; elle en avait fait le seul seigneur de tout un peuple devenu serf.

L’échafaud avait fait l’unité politique de la France, comme les bûchers avaient fait en Espagne l’unité de la foi. Les jacobins du passé et les jacobins modernes avaient résumé en quelques supplices tous les crimes que les guerres religieuses et civiles firent commettre en d’autres pays. Au lieu de luttes sanglantes, peut-être, mais héroïques et fécondes, ils léguèrent à l’avenir ce qu’ils croyaient être la paix, la soumission muette d’un peuple fatigué.

Ainsi la France, après avoir entrevu la liberté, la voyait disparaître. Le citoyen, la commune, le département, abdiquant à l’envi leur indépendance, venaient demander à l’État des leçons, des ordres ou des aumônes.

En devenant administratif, le despotisme envahissait tous les détails de la vie ; l’État avait l’ubiquité en même temps que l’omnipotence.

Pontife, il avait décrété l’Être suprême ; il avait octroyé aux Français l’immortalité de l’âme. Plus tard, il protégea, entretint, reconnut, discuta les cultes et les philosophies : ces problèmes, que l’esprit humain a si longtemps agités, furent tranchés par l’administration à l’aide des lumières qui lui sont propres.

L’État dirigea le commerce, l’industrie, l’agriculture : il inspira les lettres et les p.073 arts ; il encouragea les sciences ; il prétendit faire naître des inventions et des chefs-d’œuvre sur une couche de circulaires et de primes.

L’État se fit maître d’école ; Lycurgue l’avait été. Un système étant donné, il paraissait utile de former une génération qui pût le goûter. Une persévérance supérieure à tous les échecs continue cette tentative.

Si avant la révolution, en effet, les prêtres, maîtres de l’enseignement, avaient élevé Voltaire et formé des républicains, ils trouvèrent dans ceux qui les remplacèrent des émules de leur succès. La république enseigna les droits de l’homme et la résistance à l’oppression à cette génération qui vécut sous l’empire. L’empire apprit l’exercice à des enfants qui, devenus hommes, suivirent les processions ou louèrent la liberté. La restauration prêcha l’amour du trône et le respect de l’autel ; ses élèves renversèrent l’un et désertèrent l’autre : la banqueroute fut complète. Mais l’État, semblable à ces négociants qui spéculent avec l’argent d’autrui, ne se découragea pas.

Un zèle indiscret va jusqu’à s’abriter de l’exemple de ces fautes que nul n’a pu encore commettre sans se perdre. Il faut qu’on ait enfin le courage de le dire. L’Université de France, qui a vu marcher à sa tête les plus grands esprits de ce siècle, succombe à la fausseté de sa situation. Elle ne peut enseigner l’histoire de ce temps sans que le sentiment public s’en offense ; car l’État n’est pas impersonnel : l’histoire est le procès des rois ; leurs ministres n’y sont point juges. S’ils y pouvaient nommer des juges, il faudrait au moins qu’ils fussent inamovibles. L’Université décline, et le niveau de tous les enseignements décline du même coup, car nul n’est aujourd’hui contraint de faire mieux. L’industrie a pour juger et récompenser le mérite le critérium du bénéfice. L’État n’échappe au népotisme qu’en primant l’ancienneté : ainsi la médiocrité triomphe, et le mérite méconnu se retire. Combien d’hommes ont quitté les rangs de l’Université de France qui, s’ils fussent nés Anglais ou Allemands, seraient aujourd’hui la gloire des universités de leur pays !

Il faut la liberté des maîtres ; il faut aussi celle des élèves. La jeunesse anglaise, libre dans ses écoles et responsable d’elle–même, apprend à se jouer de toutes les difficultés de la vie, tandis que la nôtre, cloîtrée, menée en lisières, coulée dans le même moule, bourrée de nomenclatures, ignorante du monde, s’effraye de ce qui est difficile, s’étonne de ce qui est lointain, et quand elle fait un rêve, rêve l’esclavage du phalanstère.

Ce n’est pas dans leurs écoles, ce n’est pas dans leurs communes, gouvernées par–dessus leurs têtes, que les Français peuvent apprendre comment on fonde des Amériques. Dans la république, dans les formes diverses de la monarchie, ce qu’ils aperçoivent toujours, c’est l’omnipotence de l’État dominé par quelque parti. Les révolutions les plus sanglantes n’ont encore changé que de vaines formules. Y en p.074 aura-t-il une nouvelle moins bruyante et plus vraie ? Pourquoi pas ? L’Empereur est fort ; le passé n’est point son œuvre. Sa main a secoué déjà plus d’une barrière vermoulue ; elle a semé nos promenades de fleurs qu’on n’a point arrachées, comme le prédisaient des gens timides. Notre peuple est plein de respect ; mais difficile à passionner pour d’augustes infortunes : la république n’a pour elle que le culte platonique de quelques sacres et les transports indiscrets de quelques fous. Confiante en celui qu’elle a choisi, la France lui demande une confiance égale ; elle voudrait, appelée à se gouverner davantage elle-même, voir sa nouvelle dynastie défier l’avenir du haut d’un trône vraiment irresponsable, à jamais populaire.

Mais en attendant que la liberté fasse naître les pionniers de la France, et tandis que le pays hésite, le devoir de ceux qui le gouvernent est d’agir, d’intervenir dans les grands débats qui divisent le monde et de réserver à la France une place dans les champs nouvellement ouverts.

C’est parce qu’il comprenait ce devoir que le gouvernement du roi Louis-Philippe envoya en Chine l’ambassade Lagrené, qui renoua dans ce pays la chaîne d’une tradition rompue.

C’est parce qu’il comprenait ce devoir que l’empereur Napoléon III envoya en Chine, pour combattre et vaincre aux côtés de l’armée anglaise et bien près des frontières russes, cette armée dont je m’honore d’avoir suivi le drapeau. Mais pour que la tâche entreprise par le gouvernement de la France puisse être menée à bonne fin, il faut que ce gouvernement soit bien servi.

Tandis, cependant, que la Russie qui a des écoliers à Pékin, tandis que l’Angleterre, emploient des hommes familiers aux choses asiatiques, on voit nos agents, sans études préliminaires sur le pays et le peuple à côté duquel ils vivent, s’en tenir écartés le plus qu’ils peuvent, et l’on est tenté de se demander avec eux dans quel but la France leur impose cet inutile et cruel exil.

Dans l’excellent roman de Hope, Anastase ou les Mémoires d’un Grec, Anastase, devenu valet de place à Constantinople, montre à des Allemands une grande maison. « Voilà, leur dit-il, la demeure de l’internonce d’Autriche, l’homme qui connaît le mieux la politique des Turcs, car il est abonné à la gazette de Leyde. » Il y a malheureusement encore des internonces qui ne connaissent l’Asie que par ce qu’en rapporte quelque gazette de Leyde ou ce que leur racontent quelques parasites 1.



p.075 Il importerait peu que la diplomatie se montrât faible en Europe, où le télégraphe tend de plus en plus à prendre sa place ; mais cela importe beaucoup dans ces contrées que l’œil des hommes d’État ne peut atteindre et que les hommes d’État connaissent peu.

Aucun gouvernement n’est aussi libre que le nôtre dans le choix de ses agents : il n’est point tenu de favoriser une classe ou de ménager des individualités parlementaires. Il paraît donc être sans excuse quand il choisit mal ; car nul ne voudra voir le triomphe de la démocratie dans celui du tiers état du savoir et de la pensée 2.

Le gouvernement a cependant une excuse, excuse qu’il ne saurait avoir longtemps le droit de présenter : les hommes spéciaux lui manquent.

J’ai fait voir que je ne croyais pas que l’éducation publique dût être en régie. Je n’admets pas qu’un gouvernement, simple délégué de la nation, prétende former des citoyens, c’est-à-dire ses maîtres et ses juges ; le souverain non pas seulement légitime, mais dans lequel vit toute la loi. Mais ce gouvernement a le droit d’instruire ceux qu’il veut employer dans quelque tache limitée et spéciale : ses interprètes et ses diplomates, comme ses ingénieurs et ses officiers. C’est même son devoir de le faire, quand lui seul réclamant certaines connaissances, elles ne sont point offertes sur le marché commun de l’éducation, et ne sauraient être acquises, au degré et dans la forme qui conviennent à l’État, que dans des écoles dirigées par lui.

Vers 1530, la réforme naissante rallumait l’ardeur d’études éteintes. L’Orient turc s’ouvrait pour notre nation : François Ier fonda le Collège de France, qui, à côté de cours d’hébreu et de syriaque, eut bientôt des cours d’arabe, peut-être même de turc.

Le rôle de ce collège a beaucoup changé : les langues orientales s’enseignent ailleurs encore ; mais ces études, n’étant obligatoires pour personne, sont délaissées. Il y a des cours sans auditeur ou qui possèdent seulement l’élève artificiel qui cultive la succession du maître. Il y a d’autres cours sans expériences, plus amusants qu’utiles, qu’un livre remplacerait avec économie. Il y en a que le public rétribuerait mieux que l’État, qui devait les ouvrir jadis, mais n’a peut-être plus aujourd’hui le droit d’instruire la jeunesse aisée ou riche aux frais de trente-cinq millions d’hommes plus pauvres auxquels il n’apprend pas gratuitement à lire 1.



p.076 Là ou ailleurs, je voudrais que l’État développât ou créât et rendît obligatoires, pour l’admission dans la diplomatie et les chancelleries lointaines, des cours de droit international et commercial, de statistique et d’économie politique, communs à tous les élèves, et les autres cours groupés en deux spécialités distinctes :

1° De chinois littéraire, de chinois usuel, de japonais, d’annamite, de mantchou, d’histoire de la Chine et du Japon ; de législation, de statistique, de géographie spéciales ;

 2° D’arabe littéraire et d’arabe vulgaire, de turc, de persan, d’indoustani, d’histoire musulmane ; de législation, de statistique, de géographie musulmanes.

De toutes ces langues, une langue littéraire et deux langues vulgaires seraient obligatoires.

Je voudrais que pour l’enseignement des langues usuelles les professeurs européens fussent assistés de maîtres indigènes.

On ajouterait à cet enseignement celui de l’anglais pour la branche chinoise, et de l’anglais, du grec, de l’italien ou du russe pour l’autre.

La durée des cours serait de deux ou trois ans.

Je voudrais qu’il y eût en Orient et dans l’extrême Orient, auprès des légations principales, auprès de celle de Pékin surtout, comme des écoles de perfectionnement ; mais je ne crois pas que les premiers principes dussent être cherchés là. D’abord, parce que c’est en Europe que se trouvent les savants maîtres et les bonnes méthodes ; ensuite, parce que l’Asie peut devenir pour des hommes trop jeunes l’école de l’intrigue et de la concussion. Nous pourrions remplacer peu à peu, à l’aide d’un personnel convenable, un personnel aujourd’hui défectueux sur beaucoup de points. Une carrière honorable, et qu’il faudrait rendre rémunératrice, serait ouverte à des jeunes gens laborieux : nous en pourrions placer annuellement un certain nombre, et ceux qui, ayant suivi les mêmes leçons, ne pourraient être employés par l’État, le seraient avec profit par le commerce, par de grandes entreprises et par les gouvernements asiatiques eux-mêmes.

Il serait utile aussi d’avoir, auprès du ministère des affaires étrangères, un bureau de statistique et d’information générale auquel seraient attachés des interprètes, des p.077 géographes dessinateurs, et quelques jeunes gens qui compléteraient là leur éducation consulaire ou diplomatique. On ferait faire à ces jeunes gens des recherches, des rapports, des analyses, qui serviraient beaucoup à leur instruction et seraient conservés dans les cartons pour être consultés au besoin.

Le bureau posséderait une collection des meilleures cartes françaises et étrangères, comprenant les cartes statistiques et spéciales des chemins de fer, télégraphes, etc. ; celles à très-grand point, les plans de villes, de ports et de places fortes ;

Une collection suffisante d’ouvrages historiques, généalogiques et descriptifs ;

Tous les travaux statistiques de quelque importance, tous les rapports que les divers agents du ministère seraient chargés de lui faire parvenir sur des sujets et à des époques déterminés ;

Les annuaires et les publications officielles de tous les pays et les principaux journaux du monde.

Tout document serait, au moment de sa réception, l’objet d’un rapide examen dont le résultat serait mentionné sur des catalogues spéciaux.

Le bureau publierait un annuaire politique universel, des bulletins statistiques de diverse nature ; il répondrait, dans les vingt-quatre heures, par des rapports substantiels, des esquisses ou des cartes manuscrites, à toute demande de renseignements faite par le chef de l’État ou ses ministres.

On dira peut-être que les choses dont je viens de parler existent déjà ; qu’il y a une école de ceci, un bureau de cela. Je le sais. Si je ne critique pas ces institutions, si je ne les nomme même pas, c’est qu’il m’a paru que le vice en était évident, que le perfectionnement en était oiseux, que des temps nouveaux voulaient des choses nouvelles. La liberté avec laquelle j’ai résumé mes plans aura, d’ailleurs, suffisamment fait entendre que mon objet n’est point cet idéal de mon siècle et de mon pays, une place, et surtout une sinécure. Si les fondations que je propose étaient réalisées un jour, il ne manquerait pas d’hommes plus propres que moi à en assurer le succès par leurs connaissances, leur zèle et leur activité.

La politique naturelle de la France en Chine est une politique à la fois de progrès et de conservation. Nous devons désirer que la Chine se transforme afin de se relever ; nous devons veiller au maintien de son indépendance.

Tandis que notre civilisation accélérait son cours suivant une loi semblable à celle de la chute des corps, la Chine, lente à remuer, nous paraissait immobile et laissait entre elle et nous un espace chaque jour plus grand. Elle en est encore où nous en étions nous-mêmes au quatorzième siècle ; ses études scolastiques étroites, ses moyens militaires imparfaits, son absolutisme impuissant, ses convulsions, ses épreuves, lui p.078 donnent cette date. Il faut aujourd’hui qu’elle enjambe cinq siècles à la fois ; elle a besoin de guides habiles et sûrs. Des missionnaires, presque tous de notre nation, l’initièrent jadis à nos sciences ; il nous appartient encore aujourd’hui d’inspirer ses études, de diriger ses réformes, d’organiser ses défenses ; non que nous devions être seuls à le faire ou même tâcher de l’être : nous ne devons pas porter dans l’accomplissement de cette tâche de mesquines rivalités, la compromettre par des intrigues ; nous ne pouvons ici lutter avec d’autres nations que d’empressement et de loyauté. Il ne faut point donner une couleur nationale à des services rendus à un peuple étranger, à des progrès dont toute l’Europe profite également.

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