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André Durand présente l’intérêt littéraire de ‘’À la recherche du temps perdu’’


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- La vie passée de Marcel était « la graine mettant en réserve tous les aliments qui nourriront la plante. Comme la graine, je pourrais mourir quand la plante se serait développée. […] Les souvenirs des tristesses, des joies, formaient une réserve pareille à cet albumen qui est logé dans l’ovule des plantes et dans lequel celui-ci puise sa nourriture pour se transformer en graine, en ce temps où on ignore encore que l’embryon d’une plante se développe, lequel est pourtant le lieu de phénomènes chimiques et respiratoires secrets mais très actifs. Ainsi ma vie était-elle en rapport avec ce qu’amènerait sa maturation.» (III, page 899).

- « Un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés » (III, pages 902-903).

- « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue. » (III, page 905).

- La vie apparaissait à Marcel « comme la féerie où on voit d’acte en acte le bébé devenir adolescent, homme mûr et se courber vers la tombe. » (III, page 926).

- La duchesse de Guermantes, montrant « ce corps saumoné émergeant à peine de ses ailerons de dentelle noire » fut vue comme « quelque vieux poisson sacré, chargé de pierreries, en lequel s’incarnait le Génie protecteur de la famille de Guermantes. » (III, page 927).

- Dans cette réunion de vieillards qu’était la réception chez le prince de Guermantes, « presque toutes les femmes […] tendaient, vers la beauté qui s’éloignait comme un soleil couchant et dont elles voulaient passionnément conserver les derniers rayons, le miroir de leur visage. » (III, page 947).

- « Du bassin de Combray où j’étais né, assez nombreux en somme étaient les jets d’eau qui symétriquement à moi s’étaient élevés au-dessus de la même masse liquide qui les avait alimentés. » (III, page 968).

- Marcel observait que « les conglomérats de coteries se défaisaient et se reformaient selon l’attraction d’astres nouveaux destinés d’ailleurs eux aussi à s’éloigner, puis à reparaître, des cristallisations puis des émiettements suivis de cristallisations nouvelles. » (III, page 992).

- Le duc de Guermantes vieilli « n’était plus qu’une ruine, mais superbe, et moins encore qu’une ruine, cette belle chose romantique que peut être un rocher dans la tempête. Fouettée de toutes parts par les vagues de souffrance, de colère de souffrir, d’avancée montante de la mort qui la circonvenaient, sa figure, effritée comme un bloc […] était rongée comme une de ces belles têtes antiques trop abîmées mais dont nous sommes trop heureux d’orner un cabinet de travail. […] L’être, comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute, semblait bousculé dans une tragique rafale, pendant que les mèches blanches de sa magnifique chevelure moins épaisse venaient souffleter de leur écume le promontoire envahi du visage. Et comme ces reflets étranges, uniques, que seule l’approche de la tempête où tout va sombrer donne aux roches qui avaient été jusque-là d’une autre couleur, je compris que le gris plombé des joues raides et usées, le gris presque blanc et moutonnant des mèche soulevées, la faible lumière encore départie aux yeux qui voyaient à peine, étaient des teintes non pas irréelles, trop réelles au contraire, mais fantastiques et empruntées à la palette, à l’éclairage, inimitable dans ses noirceurs effrayantes et prophétiques, de la vieillesse, de la proximité de la mort.» (III, page 1017).

- Les êtres sont « comme dans les forêts les étoiles des carrefours où viennent converger des routes venues, pour notre vie aussi, des points les plus différents […], si bien qu’entre le moindre point de notre passé et tous les autres un riche tableau de souvenirs ne laisse que le choix des communications » (III, page 1029).

- « L’esprit a ses paysages dont la contemplation ne lui est laissée qu’un temps. J’avais vécu comme un peintre montant un chemin qui surplombe un lac dont un rideau de rochers et d’arbres lui cache la vue. Par une brèche il l’aperçoit, il l’a tout entier devant lui, il prend ses pinceaux. Mais déjà vient la nuit où l’on ne peut plus peindre, et sur laquelle le jour ne se relève pas. » (III, page 1035).

- « Mon cerveau était un riche bassin minier, où il y avait une étendue immense et fort diverse de gisements précieuxMais aurais-je le temps de les exploiter? […] Avec ma mort eût disparu non seulement le seul ouvrier mineur capable d’extraire ces minerais, mais encore le gisement lui-même.» (III, page 1037).

- Marcel, sentant les signes avant-coureurs de l’accident cérébral, se voyait « comme un thésauriseur dont le coffre-fort crevé eût laissé fuir au fur et à mesure les richesses. » (III, page 1037).

- Il dit de son œuvre : « Je ne savais pas si ce serait une église où des fidèles sauraient peu à peu apprendre des vérités et découvrir des harmonies, le grand plan d’ensemble, ou si cela resterait, comme un monument druidique au sommet d’une île, quelque chose d’infréquenté à jamais.» (III, page 1040).

- Il voyait les êtres humains « comme des géants plongés dans les années, à des époques si distantes, entre lesquelles tant de jours sont venus se placer. » (III, page 1048).
Les véritables métaphores sont plus rares.

Il faut remarquer d’abord celles que sont les noms propres du fait de leurs sonorités, étudiées dans des sortes de descriptions phénoménologiques d’où se dégage une magie, une poésie. Ils peuvent être les noms de villes réelles : « Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller depuis que j’avais lu ‘’la Chartreuse’’, m’apparaissait compact, lisse, mauve et doux » ; la ville, « je l’imaginais seulement à l’aide de cette syllabe lourde du nom de Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait absorner de douceur stendhalienne et du reflet des violettes. » (I, page 388). Plus loin, Marcel dit avoir « fait absorber à ce nom de Parme le parfum de milliers de violettes » (II, page 427). Florence est « une ville miraculeusement embaumée et semblable à une corolle, parce qu’elle s’appelait la cité des lys et sa cathédrale, Sainte-Marie-des-Fleurs. » (I, page 388). « Guermantes » est un « nom amarante et légendaire » (II, page 14), « d'un mauve si doux, trop brillant, trop neuf », il était « comme un de ces petits ballons dans lesquels on a enfermé de l’oxygène ou un autre gaz » (II, page 12).

Mais furent créés aussi des noms fictifs, dont celui de Balbec : «Quant à Balbec, c’était un de ces noms où, comme sur une vieille poterie normande qui garde la couleur de la terre d’où elle fut tirée, on voit se peindre encore la représentation de quelque usage aboli, de quelque droit féodal, d’un état ancien de lieux, d’une manière désuète de prononcer qui en avait formé les syllabes hétéroclites et que je doutais pas de retrouver jusque chez l’aubergiste qui me servirait du café au lait à mon arrivée, me menant voir la mer déchaînée devant l’église, et auquel je prêtais l’aspect disputeur, solennel et médiéval d’un personnage de fabliau. » (I, page 388).
Puis, au fil du texte, se détachent les exemples suivants :

- « L'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. » (I, page 45).

- La fenêtre d’Odette, étant éclairée dans la nuit, « les volets en pressaient la pulpe mystérieuse et dorée » (I, page 273).

- Chez Mme de Saint-Euverte, Swann remarqua « la meute éparse, magnifique et désoeuvrée des grands valets de pied qui dormaient çà et là sur des banquettes et des coffres et qui, soulevant leurs nobles profils aigus de lévriers, se dressèrent », l’un d’eux étant « d’aspect particulièrement féroce », un autre « montrant l’agitation d’une bête captive dans les premières heures de sa domesticité » (I, page 323).

- L’« avenir intérieur » de Swann était un «  fleuve incolore et libre » qu’« une seule parole d’Odette venait atteindre » et qui, « comme un morceau de glace, l’immobilisait, durcissait sa fluidité, le faisait geler tout entier ; et Swann s’était senti soudain rempli d’une masse énorme et infrangible qui pesait sur les parois intérieures de son être jusqu’à le faire éclater. » (I, page 355).

- Il est dit du « monde » qu’il a des « flots versatiles » et que la société des Swann « n’était pas encore la grande mer, c’était déjà la lagune.» (I, pages 571-572).

- Les jeunes filles de Balbec étant « en fleurs » (dans la fraîcheur de la jeunesse) furent vues aussi comme des fleurs, et Marcel put remonter « de corolle en corolle dans cette chaîne de fleurs », mais aussi se lamenter : « Hélas ! dans la fleur la plus fraîche on peut distinguer les points imperceptibles qui pour l’esprit averti dessinent déjà ce qui sera, par la dessication ou la fructification des chairs aujourd’hui en fleur, la forme immuable et déjà prédestinée de la graine. […] Habitait sous la rose inflorescence d’Albertine, de Rosemonde, d’Andrée, inconnu à elles-mêmes, tenu en réserve pour les circonstances, un gros nez, une bouche proéminente, un embonpoint qui étonnerait mais était en réalité dans la coulisse, prêt à entrer en scène, imprévu, fatal.» (I, page 891). Proust retrouvait ainsi les accents de Ronsard dans ‘’Quand vous serez bien vieille à la chandelle’’ qui allaient résonner encore dans le ‘’Si tu t’imagines’’ de Queneau.

- L’actualité politique elle-même fut poétiquement magnifiée : « Le cyclone dreyfusiste avait beau faire rage, ce n'est pas au début d'une tempête que les vagues atteignent leur plus grand courroux » (II, page 190).

- Charlus, plutôt que de cultiver des bégonias et de tailler des ifs, se proposait de « donner notre temps à un arbuste humain », c’est-à-dire Marcel (II, page 285).

- D’Albertine, « il restait presque plus rien de la gaine où elle avait été enveloppée et sur la surface de laquelle, à Balbec, sa forme future se dessinait à peine.» (II, page 351).

- « La terrible tromperie de l’amour  [tient à ce] qu’il commence par nous faire jouer avec une femme non du monde extérieur, mais avec une poupée intérieure à notre cerveau, la seule d’ailleurs que nous avons toujours à notre disposition, la seule que nous posséderons.» (II, page 370).

- Chez Charlus en colère « se crispaient les blêmes serpents écumeux de sa face » (II, page 558).

- Les dames de l’aristocratie chez lesquelles Marcel se rendait étaient des « fées », leurs « demeures, aussi inséparables d’ellles que, du mollusque qui la fabriqua et s’en abrite, la valve de nacre ou d’émail ou la tourelle à créneaux de son coquillage. » (II, page 741) : : curieux amalgame d’images médiévales et naturelles !

- « La Princesse reprenait en mains les rênes détendues de son attention. » (II, pages 714-715).

- Écoutant la duchesse de Guermantes, Marcel constatait : « Quand elle me disait ‘’salon Arpajon’’ je voyais un papillon jaune, et ‘’salon Swann’’ […] un papillon noir aux ailes feutrées de neige » (II, pages 750).

- Le sommeil fut vu par Marcel comme un « attelage semblable à celui du soleil, [qui] va d’un pas si égal, dans une atmosphère où ne peut plus l’arrêter aucune résistance, qu’il faut quelque petit caillou aérolithique étranger à nous (dardé de l’azur par quel Inconnu?) pour atteindre le sommeil régulier (qui sans cela n’aurait aucune raison de s’arrêter et durerait d’un mouvement pareil jusque dans les siècles des siècles) et le faire, d’une brusque courbe, revenir vers le réel, brûler les étapes, traverser les régions voisines de la vie - où bientôt le dormeur entendra, de celle-ci, les rumeurs presque vagues encore, mais déjà perceptibles, bien que déformées - et atterrir brusquement au réveil. » (II, page 981).

- Les « jeunes chasseurs » de l’hôtel de Balbec sont des « ‘’lévites’’ qui descendaient en foule les degrés du temple » (II, page 986).

- « L’affection et la bonté des Verdurin […] seuls ornaient d’inscriptions affectueuses le petit pavillon idéal  où M. de Charlus venait parfois rêver seul, quand il introduisait un instant son imagination dans l’idée que les Verdurin avaient de lui », tandis que « pour chacun de nous, ce genre de pavillon est double : en face de celui que nous croyons être l’unique, il y a l’autre qui nous est habituellement invisible, le vrai, symétrique avec celui que nous connaissons, mais bien différent et dont l’ornementation, où nous ne reconnaîtrions rien de ce que nous nous attendions à voir, nous épouvanterait comme faite avec les symboles odieux d’une hostilité insoupçonnée. Quelle stupeur pour M. de Charlus, s’il avait pénétré dans un de ces pavillons adverses, grâce à quelque potin, comme par un de ces escaliers de service où des graffiti obscènes sont charbonnés à la porte des appartements par des fournisseurs mécontents ou des domestiques renvoyés ! » (II, pages 1048-1049).

- Marcel affirma : « Nous sommes des sculpteurs. Nous voulons obtenir d’une femme une statue entièrement différente de celle qu’elle nous présentée. » (III, page 142).

- Le corps d’une jeune cycliste « semblait s’être accru d’une voile, d’une aile immense ; et bientôt nous vîmes s’éloigner à toute vitesse la jeune créature mi-humaine, mi-ailée, ange ou péri. » (III, page 172).

- La fenêtre de la chambre d’Albertine étant éclairée et striée par les volets, il sembla à Marcel « voir le lumineux grillage qui allait se refermer sur moi et dont j’avais forgé moi-même, pour une servitude éternelle, les inflexibles barreaux d’or. » (III, page 331).

- M. de Charlus était ce « Prométhée consentant qui s’était fait clouer par la Force au rocher de la pure Matière » (III, page 838).

- Albertine était un « rosier à qui j’avais fourni le tuteur, le cadre, l’espalier de sa vie. » (III, page 382).

- Albertine jouant de la musique, « ce coin de la chambre semblait réduit à n’être plus que le sanctuaire éclairé, la crèche de cet ange musicien, œuvre d’art qui, tout à l’heure, par une douce magie, allait se détacher de sa niche et offrir à mes baisers sa substance précieuse et rose. » (III, page 383).

- ‘’Le Figaro’’ (qui a enfin publié son article) est, pour Marcel, un « pain spirituel, encore chaud et humide de la presse récente et du brouillard du matin où on le distribue dès l’aurore aux bonnes qui l’apportent à leur maître avec le café au lait, pain miraculeux, multipliable, qui est à la fois un et dix mille, et reste le même pour chacun tout en pénétrant à la fois, innombrable, dans toutes les maisons. » (III, page 568 ; comment le journal peut-il être à la fois imprimé à « dix mille » exemplaires et « innombrable »?)

- Le passage du temps ayant particulièrement inspiré Proust, « les navettes agiles des années tissent des fils entre ceux de nos souvenirs qui semblaient d’abord les plus indépendants » (III, page 848).

- Il pensait qu’il faut que l’artiste meure « pour que pousse l’herbe non de l’oubli mais de la vie éternelle, l’herbe drue des œuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaîment, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur ‘’déjeuner sur l’herbe’’. » (III, page 1038).
Certaines de ces métaphores sont vertigineusement filées : en particulier celle de l’orchidée et du bourdon, au moment de la « conjonction » de Charlus et de Jupien. Elle était apparue quand Marcel, auparavant, observa « le petit arbuste de la duchesse » (II, page 601) et se demanda « si l’insecte improbable viendrait, par un hasard providentiel, visiter le pistil offert et délaissé » (II, pages 601-602), « si le miracle devait se produire, l’arrivée presque impossible à espérer (à travers tant d’obstacles, de distance, de risques contraires, de dangers) de l’insecte envoyé de si loin en ambassadeur à la vierge qui depuis longtemps prolongeait son attente. Je savais que cette attente n’était pas plus passive que chez la fleur mâle, dont les étamines s’étaient spontanément tournées pour que l’insecte pût plus facilement la recevoir ; de même la fleur-femme qui était ici, si l’insecte venait, arquerait coquettement ses ‘’styles’’, et pour être mieux pénétrée par lui ferait imperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, la moitié du chemin.» (II, pages 602-603). Puis il constata que Jupien « prenait des poses avec la coquetterie qu’aurait pu avoir l’orchidée pour le bourdon » (II, pages 604). Plus loin, il regretta : « M. de Charlus m'avait distrait de regarder si le bourdon apportait à l'orchidée le pollen qu'elle attendait depuis si longtemps, qu'elle n'avait chance de recevoir que grâce à un hasard si improbable qu'on le pouvait appeler une espèce de miracle.» (II, page 628).
Suivant la voie ouverte par Baudelaire, Proust montra de ces correspondances qui créent une sorte d'osmose entre différents domaines (telles ces toiles d'Elstir où les bateaux ressemblaient aux maisons qui à leur tour semblaient baigner dans un élément liquide), qui éclairent non pas successivement mais simultanément les aspects du monde et les profondeurs de l'âme.

- Le charme de la « petite phrase » « aérienne et odorante » (I, page 211) de la sonate de Vinteuil fut ainsi cerné par toute une série d’approximations. À Swann, elle « avait ouvert largement l’âme, comme certaines odeurs de roses circulant dans l’air humide du soir ont la propriété de dilater nos narines. » (I, page 209). Plus loin, elle apparut « comme dans ces tableaux de Pieter de Hooch qu’approfondit le cadre étroit d’une porte entr’ouverte, tout au loin, d’une couleur autre, dans le velouté d’une lumière interposée » (I, page 218). Swann « avait cherché à démêler comment à la façon d’un parfum, d’une caresse, elle le circonvenait, elle l’enveloppait » (I, page 349). Elle « était encore là comme une bulle irisée qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l’éclair faiblit, s’abaisse, puis se relève et, avant de s’éteindre, s’exalte un moment comme il n’avait pas encore fait : aux deux couleurs qu’elle avait jusque-là laissé paraître, elle ajouta d’autres cordes diaprées, toutes celles du prisme, et les fit chanter. » (I, page 352). Enfin, Marcel constata que «les rumeurs claires, les bruyantes couleurs que Vinteuil nous envoyait du monde où il composait promenaient devant mon imagination, avec insistance, mais trop rapidement pour qu’elle put l’appréhender, quelque chose que je pourrais comparer à la soierie embaumée d'un géranium [...] il aurait fallu trouver, de la fragrance de géranium de sa musique, non une explication matérielle, mais l’équivalent profond, la fête inconnue et colorée (dont ses oeuvres semblaient les fragments disjoints, les éclats aux cassures écarlates)» (III, pages 374-375), que, si, dans le souvenir, on peut comprendre qu’« une certaine saveur a pu vous rappeler des sensations lumineuses », pour « les sensations vagues données par Vinteuil », il aurait fallu trouver, « de la fragrance de géranium de sa musique », « l’équivalent profond, la fête inconnue et colorée (dont ses œuvres semblaient les fragments disjoints, les éclats aux cassures écarlates). » (III, page 375). Et furent distingués « le rougeoyant septuor »  (« l’appel rouge et mystérieux de ce septuor ») et « la blanche Sonate » (III, page 255).

- Le déplacement de la lune dans le ciel amena Swann à se demander si son amour, « obéissant, lui aussi, à des lois immuables et naturelles », ne s’éloignerait pas de la même façon (I, pages 238-239).

- le rire de Cottard « évoquait aussitôt les roses carnations, les parois parfumées contre lesquelles il semblait qu’il vînt se frotter et dont, âcre, sensuel et révélateur comme une odeur de géranium, il semblait transporter avec lui quelques particules presque pondérables, irritantes et secrètes. » (II, page 795).

- Marcel, qui, dans son enfance à Combray, savait reconnaître de la sonnette « le grelot profus et criard qui arrosait, qui étourdissait au passage de son bruit ferrigineux, intarissable et glacé » (I, page 14) fut ému, lors de la réception du prince de Guermantes, quand il entendit de nouveau « ce tintement rebondissant, ferrugineux, intarissable, criard et frais de la petite sonnette » (III, page 1046).
Proust suscita même des personnifications :

- celle de « l’odeur » et de « la saveur » qui « restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer » (I, page 47).

- celle du « soleil, d’hiver encore » qui «  était venu se mettre au chaud devant le feu » (I, page 50).

- celle des « gracieuses arcades gothiques » de l’église de Combray « qui se pressaient coquettement devant lui, comme de plus grandes soeurs, pour le cacher aux étrangers, se placent en souriant devant un jeune frère rustre, grogon et mal vêtu.» (I, page 61).

- celle du « clocher de Saint-Hilaire » qui « nous disait : ‘’Allons, prenez les couvertures, on est arrivé’’. », qui « lâchait, laissait tomber à intervalles réguliers des volées de corbeaux qui, pendant un moment, tournoyaient en criant, comme si les vieilles pierres qui les laissaient s’ébattre sans paraître les voir, devenues tout d’un coup inhabitables et dégageant un principe d’agitation infinie, les avait [sic] frappés et repoussés. » (I, page 63).

- celle de l’habitude qui, dit Marcel, « venait me prendre dans ses bras et me portait jusque dans mon lit comme un petit enfant. » (I, page 115).

- celle des lilas qui « d’entre les petits cœurs verts et frais de leurs feuilles, levaient curieusement au-dessus de la barrière du parc leurs panaches de plumes mauves ou blanches que lustrait, même à l’ombre, le soleil où elles avaient baigné. Quelques-uns, à demi cachés par la petite maison […] dépassaient son pignon gothique de leur rose minaret. Les Nymphes du printemps eussent semblé vulgaires, auprès de ces jeunes houris qui gardaient dans ce jardin français les tons vifs et purs des miniatures de la Perse. » (I, page 135)

- celles des aubépines : « Les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincellant bouquet d’étamines » (I, page 138).



- celle des églantines : « Combien naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient elles aussi en plein soleil le même chemin rustique, en la soie unie de leur corsage rougissant qu’un souffle défait ! » (I, page 138).

- celle de « la petite phrase » de la sonate de Vinteuil : « D'un rythme lent elle le dirigeait ici d'abord, puis là, puis ailleurs, vers un bonheur noble, inintelligible et précis. Et tout d'un coup, au point où elle était arrivée et d'où il se préparait à la suivre, après une pause d'un instant, brusquement elle changeait de direction, et d'un mouvement nouveau, plus rapide, menu, mélancolique, incessant et doux, elle l'entraînait avec elle vers des perspectives inconnues. Puis elle disparut. [...] Tout d'un coup, après une note haute longuement tenue pendant deux mesures, il vit approcher, s'échappant de sous cette sonorité prolongée et tendue comme un rideau sonore pour cacher le mystère de son incubation, il reconnut, secrète, bruissante et divisée, la phrase aérienne et odorante qu'il aimait. Et elle était si particulière, elle avait un charme si individuel et qu'aucun autre n'aurait pu remplacer, que ce fut pour Swann comme s'il eût rencontré dans un salon ami une personne qu'il avait admirée dans la rue et désespérait de jamais retrouver. À la fin, elle s'éloigna, indicatrice, diligente, parmi les ramifications de son parfum, laissant sur le visage de Swann le reflet de son sourire.» (I, pages 208-210) - « La petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde. Elle passait à plis simples et immortels, distribuant çà et là les dons de sa grâce, avec le même ineffable sourire.» (I, page 218) - «  Comme dans un pays de montagne, derrière l'immobilité apparente et vertigineuse d'une cascade, on aperçoit, deux cents pieds plus bas, la forme minuscule d'une promeneuse - la petite phrase venait d'apparaître, lointaine, gracieuse, protégée par le long déferlement du rideau transparent, incessant, sonore. Et Swann, en son cœur, s'adressa à elle comme à une confidente de son amour, comme à une ami d'Odette qui devrait bien lui dire de ne pas faire attention à ce Forcheville. » (I, page 264) - « Swann la sentait présente, comme une déesse protectrice et confidente de son amour, et qui pour pouvoir arriver jusqu'à lui devant la foule et l'emmener à l'écart pour lui parler, avait revêtu le déguisement de cette apparence sonore. Et tandis qu'elle passait, légère, apaisante et murmurée comme un parfum, lui disant ce qu'elle avait à lui dire et dont il scrutait tous les mots, regrettant de les voir s'envoler si vite, il faisait involontairement avec les lèvres le mouvement de baiser au passage le corps harmonieux et fuyant. [...] Il n'avait plus comme autrefois l'impression qu'Odette et lui n'étaient pas connus de la petite phrase. C'est que si souvent elle avait été témoin de leurs joies ! Il est vrai que souvent aussi elle l'avait averti de leur fragilité. Et même, alors que dans ce temps-là il devinait de la souffrance dans son sourire, dans son intonation limpide et désenchantée, aujourd'hui il y trouvait plutôt la grâce d'une résignation presque gaie. De ces chagrins dont elle lui parlait autrefois et qu'il la voyait, sans qu’il fût atteint par eux, entraîner en souriant dans son cours sinueux et rapide, de ces chagrins qui maintenant étaient devenus les siens sans qu'il eût l'espérance d'en être jamais délivré, elle semblait lui dire comme jadis de son bonheur : ‘'Qu’est-ce cela? tout cela n'est rien.’’ [...] Certes, humaine à ce point de vue, elle appartenait pourtant à un ordre de créatures surnaturelles et que nous n'avons jamais vues [...] Est-ce un oiseau, est-ce l'âme incomplète encore de la petite phrase, est-ce une fée, cet être invisible et gémissant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte? Ses cris étaient si soudains que le violoniste devait se précipiter sur son archet pour les recueillir. Merveilleux oiseau ! le violoniste semblait vouloir le charmer, l'apprivoiser, le capter. Déjà il avait passé dans son âme, déjà la petite phrase évoquée agitait comme celui d'un médium le corps vraiment possédé du violoniste. Swann savait qu'elle allait parler une fois encore. » (I, pages 344-353). - « Plus merveilleuse qu’une adolescente, la petite phrase, enveloppée, harnachée d’argent, toute ruisselante de sonorités brillantes, légères et douces comme des écharpes, vint à moi, reconnaissable sous ces parures nouvelles. Ma joie de l’avoir retrouvée s’accroissait de l’accent si amicalement connu qu’elle prenait pour s’adresser à moi, si persuasif, si simple, non sans éclater pourtant cette beauté chatoyante dont elle resplendissait. [...] J'aperçus une autre phrase de la Sonate, restant si lointaine encore que je la reconnaissais à peine ; hésitante, elle s'approcha, disparut comme effarouchée, puis revint, s'enlaça à d'autres, venues, comme je le sus plus tard, d'autres œuvres, en appela d'autres qui devenaient à leur tour attirantes et persuasives aussitôt qu'elles étaient apprivoisées, et entraient dans la ronde, dans la ronde divine mais restée invisible [...] Puis elles s'éloignèrent, sauf une que je vis repasser jusqu'à cinq et six fois, sans que je pusse apercevoir son visage, mais si caressante si différente» (III, pages 249-261) - « Dans la musique entendue chez Mme Verdurin, des phrases inaperçues, larves obscures alors indistinctes, devenaient d’éblouissantes architectures ; et certaines devenaient des amies, que j’avais à peine distinguées, qui au mieux m’avaient paru laides, et dont je n’aurais jamais cru, comme ces gens antipathiques au début, qu’ils étaient tels qu’on les découvre, une fois qu’on les connaît bien. [...] Cette phrase de la variation religieuse pour orgue qui, chez Mme Verdurin, avait passé inaperçue pour moi dans le septuor, où pourtant, sainte qui avait descendu les degrés du sanctuaire, elle se trouvait mêlée aux fées familières du musicien.» (III, page 373)

- celle de la fenêtre d’Odette qui « lui annonçait : ‘’elle est là qui t’attend’’ et qui maintenant, le torturait en lui disant : ‘’elle est là avec celui qu’elle attendait’’ » (I, page 273).

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