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CONCLUSION
On dit que le malheur ne vient jamais seul. Après la destruction des valeurs nationales autour desquelles s’était formé le Rwanda, il apparut d’autres valeurs d’origine étrangère étriquées, vidées de leurs sens réels. Tel fut le sort des mots démocratie, république, justice et liberté, unité, développement, etc. Chaque fois il y eut cassure du lien de fidélité entre le concept et ce qu’il représentait en réalité. En fait, et ce fut un drame, les régimes de Kayibanda et Habyarimana firent mentir des mots. Les sens premiers furent tordus, détournés et dévoyés. Par exemple, la démocratie du Parmehutu tua la véritable démocratie : les libertés furent brimées ; l’égalité ne fut pas respectée. L’Etat cultiva l’ethnisme primaire qui est la perversion du sentiment d’appartenance à une communauté et de son usage à des finis politiciennes. Les institutions mises en place avec l’idéologie ethniste se voulaient être l’instrument de domination et d’oppression d’une ethnie sur une autre. En réalité, ces institutions servaient comme instrument de domination de la contre-élite hutu sur tout le peuple rwandais ; hutu et tutsi confondus. Les mots démocratie, unité et liberté, ont servi à couvrir des institutions d’exclusion, d’oppression et de tyrannie. La masse hutu elle-même n’a pas été libérée : au contraire elle a été utilisée et manipulée, non comme une force de libération nationale, mais comme un instrument docile au service de l’ethno-racisme. Elle était aliénée à un corps politique qui exhortait les sentiments de la haine et de l’auto-glorification ethnique.
La «République» du Parmehutu s’est identifiée à l’insécurité, au désordre et à l’ethnisme institutionnalisé. Elle est devenue à son tour une anti-valeur et s’est opposée à l’unité Nationale et à la citoyenneté des gens. Elle n’a jamais eu le sens de libération anti-féodale et anti-coloniale puisqu’elle faisait bon ménage avec autoritarisme, népotisme, brutalité, répression, assassinats, domination et exploitation extrême. Il est alors apparu clairement que «les mots ont un pouvoir idéologique qui peut porter la vérité autant que la contre vérité, d’exprimer une pensée et son contraire» (14). Le devoir qui nous incombe aujourd’hui est de remettre les choses à l’endroit et de faire dire aux mots ce qu’ils signifient réellement. Nous devons donner à l’Unité Nationale son sens réel. Reconstruire la fraternité première et fonder un Etat de droits. Nous devons bâtir une Nation dans laquelle Hutu, Twa et Tutsi se retrouvent à l’aise, au même pied d’égalité. La république doit cesser d’être la chose des seuls Hutu. Il est de notre devoir de libérer le Rwandais de toute peur, de toute humiliation, de tout complexe, et de tout ethnisme. Nous devons le libérer de la misère et de l’exploitation, de la domination économique et de l’aliénation culturelle.
Il est probablement plus facile de réhabiliter les valeurs modernes : elles nous sont plus proches et nous les vivons au jour le jour. La tâche difficile est de repêcher dans le grenier de nos valeurs passées ce qui peut encore servir et le donner en héritage à la génération montante. Car pas de doute, il faudra commencer par la base, en famille et à l’école : inculquer dans la jeunesse les notions fondamentales de la culture rwandaise indispensables à la cohésion de notre société. Parmi ces valeurs, on peut citer le respect de la vie, le sens de la paix, la justice, de la concorde et de la tolérance. Ces valeurs et bien d’autres sont indispensables à l’équilibre social de notre communauté meurtrie. Au besoin, nous devons insister sur les vertus qui ne sont plus à la mode mais toujours indispensables comme l’honnêteté, le dévouement, la persévérance, la loyauté et l’intégrité. La jeunesse devra faire siennes les anciennes valeurs sacrées qu’étaient le respect et l’obéissance aux parents, l’amour du travail et la maîtrise de soi. Nous devons ressusciter en nous et dans la jeunesse le sens de la fidélité, de la patience et de la cordialité (urugwiro). Nous réapprendrons à être responsables (gushyira mu gaciro) et surtout à avoir du cœur (kugira umutima) et le respect de la vie parce que ce sont là des valeurs par excellence. Comme on l’entrevoit, ce n’est pas un travail facile : il sera de longue haleine parce que les destructions opérées sont catastrophiques. Pas d’illusion donc. Le peuple rwandais a trop souffert : il est plus que temps de lui redonner le sens de la dignité ; de la confiance et, pourquoi pas, de la grandeur. C’est un défi que la génération actuelle a le devoir de gagner. Il lui revient non seulement de réparer le mal fait mais même d’assumer notre histoire, de la dépasser pour construire un pays dans lequel tous les Rwandais redeviennent des frères qu’ils ont toujours été et qu’ils sont réellement.
Notes bibliographiques


  1. Ntezimana E., in Dialogue, no 137, 1989, p. 36

  2. Ibid., p. 37.

  3. Ministy of youth, sport, culture and vacational training et unesco, Shared values and promoting a culture of peace in Rwanda, conference report, Kigali, Octobre 1998, p.9-10

  4. Ntezimana E., art. cit., p. 45.

  5. Linden I., Christianisme et pouvoirs au Rwanda 1900-1990, Paris, Karthala, 1999, p.112.

  6. Ibid., p. 102

  7. Ibid., p.243

  8. Les Cahiers Lumière et Société, no 7, Octobre 1997, p. 55-57

  9. Lagger L. (de), Rwanda : anciens et moderne, Kabgayi, 1960, p. 36

  10. Musangamfura S., Le partie MDR-Parmehutu, information et propagande, Mémoire de licence en histoire, UNR Butare, 1987, p. 66

  11. Ibid., p. 66

  12. Ibid., p. 93

  13. De Lagger L., op.cit., p. 36

  14. «Démocratie, le Pouvoir des Mort», in Politique Africaine, no 64, 1996


EDUCATION ET FACTEURS

FAVOLABLES A L’UNITE DANS L’HISTOIRE DU RWANDA
Par Jean NIZURUGERO Rugagi Prof. à l’UNR

Depuis 1959 et jusqu’en 1994, le Rwanda est allé d’épreuves en tragédies. La socio-anthropologue français Georges Balandier, dans une analyse lucide, nous montre une des pistes d’explication de ce genre de drames. Il nie que le pouvoir colonial ait mené une mission désintéressée de modernisation comme il le proclamait. L’économie de marché introduite chez nous par le capitalisme, surtout depuis les accords de Bretton Woods, n’a pas eu toujours ici un effet libérateur. Loin s’en fallut, insinue t-il. Au contraire : la conquête coloniale et le capitalisme furent des épreuves brutales qui favorisèrent «un processus immoral de formation de classes. Les gens n’ont pas choisi d’abandonner la société traditionnelle puis de devenir modernes (…). Les gouvernants et les capitalistes blancs ont retourné les structures sociales existantes contre les populations et s’en sont servi pour asseoir leur domination. On a corrompu la société africaine, on na l’a pas modernisée» (citation de G. Balandier, in J. Lonsdale, 1996 : 134).


Ce que dit Balandier ici est l’autre face de l’aventure coloniale ambiguë. Le pouvoir politique et cette économie conquérants ont donc retourné nos structures sociales, chambardé les groupes et les relations sociales pour avoir assis leur domination sur des facteurs de division, ceux qu’ils ont injectés dans nos sociétés et ceux qu’ils y ont trouvés. C’est très précisément ce qu’écrit J. Lonsdale : l’Etat colonial «a semblé asseoir son autorité sur la division d’une manière bien plus marquée que les royaumes qui existaient dans l’Afrique pré-moderne» (J. Lonsdale, 1996 : 136).
Comme nous considérons qu’au Rwanda la tragédie de 1994 marque dans le drame la fin de cette époque-là et le début historique d’une autre, nous choisissions de prendre le chemin inverse et de pêcher dans notre histoire les facteurs unificateurs que nous pouvons y trouver. Principalement pour y «reprendre le contrôle de notre relation au monde». Nous voulons que notre peuple soit à nouveau unifié. Nous examinerons ici successivement cinq facteurs importants d’unité identifiés en longue portée dans notre histoire et nos traditions rwandaises, à savoir : 1) Les facteurs biodémographiques, 2) Les facteurs culturels, 3) Les facteurs politiques, 4) Les facteurs économiques, 5) Les acteurs sociaux. Nous dirons ensuite par quels canaux nous pouvons réussir une «contre-inculcation» de ces facteurs d’unification dans la mentalité de notre peuple par des canaux semblables, je dis une contre-inculcation parce que les coloniaux ont déjà en 60 ans efficacement inculqué de puissants facteurs de division dans nos mentalités.



  1. FACTEURS BIODEMOGRAPHIQUES

Christian Coulon Ecrivait en 1997 : «L’Europe civilisée reposait sur l’existence de «nations» dotées d’Etat, alors que l’Afrique «primitive» était naturellement organisée en «ethnies» et en tribus vivant dans l’isolement et gouvernées par des coutumes immémoriales. L’Afrique apparaissait au colonisateur comme une mosaïques de peuples aux particularismes marqués et souvent hostiles les us aux autres, qu’il s’agissait de contenir dans des espaces définis (…). Le souci de rationalisation administrative coloniale est inséparable de celui de la recherche de collaborateurs africains censés être leurs intermédiaires auprès des populations colonisées. Ainsi naquirent ce que Térence Ranger appelle les nouvelles traditions monarchiques africaines qui tout en se référant formellement à l’histoire locale empruntaient beaucoup aux logiques, rituels et imaginaires aristocratiques et royaux des pays colonisateurs» (C. Coulon, 1997 : 41).


Cette longue citation de Coulon confirme en le précisant le retournement des structures sociales africaines par la colonisation pour des besoins de domination. En ce qui concerne le Rwanda elle confirme aussi pourquoi la Belgique a procédé à la fameuse réforme administrative de 1926-1931 qui a ethnisé le Rwanda. Non pas qu’il y ait pas eu dans ce pays des pierres d’attente pour ce processus. Il y en avait. Mais il n’y avait pas trois ethnies au Rwanda en 1900, seulement une, si nous tenons d’ailleurs toujours à utiliser ce mot inventé en français par l’anthropologue français raciste VACHER DE LA POUGE en 1896 à partir du mot grec ethnos qui veut dire peuple, sans la dimension sémantique de race que cet anthropologue y glissa par préjugé racial. Pour lui le mot était un euphémisme pour dire race. Les ethnologues ont essayé de redéfinir le mot dans les années 1930, sans cette dimension de race, en s’appuyant uniquement sur la culture.
Comment dès lors les Hutu, les Tutsi et les Twa du Rwanda et d’ailleurs pouvaient-ils être trois races, trois ethnies s’ils avaient la même origine (comme nous allons le dire), le même territoire, une parenté biologique avérée (nous allons aussi le dire) une même langue, une même culture, une même religion, un même système de parenté ici au Rwanda ? N’est-ce pas comme ça que tous les dictionnaires anthropologiques du monde définissent le mot ethnie ? Les préhistoriens les plus éminents, les spécialistes de la linguistique génétique experts de la Région des Grands Lacs africains affirment que les trois types d’homme qu’on observe au Rwanda et que Cheikh Anta Diop a même découverts dans l’Egypte pharaonique sont authentiquement originels de l’Afrique des Grands Lacs (Cheikh Anta Diop, 1967 : 27-64). Ils n’auraient émigré ni du Plateau de Bauchi autour du Lac Tchad ni d’Abyssinie, ni de la Vallée du Nil, ni du Caucase ou de l’Asie mineure. C’est par préjugé diffusionniste et par facilité que les explorateurs, les missionnaires et les ethnologues l’ont affirmé ainsi, en se basant sur des comparaisons de traits culturels abusivement retirés de leurs contextes.
Le préhistorien en linguiste généticien L.A. SHEPARTZ affirme le caractère autochtone des africains orientaux longs et minces dans cette Afrique orientale (L.A. Schepartz, 1988 : 57-72). Cet auteur radicalise encore l’affirmation de cette origine commune en proclamant que tous les négro-africains ont leur origine dans l’Afrique de l’Est. Les Khoisans auraient migré de là vers le sud du continent, les Nilo-Sahariens vers le Sahara, les Proto-Niger-Congo vers le Nigeria et le Cameroun et de là ces derniers se sont partagés en Ouest-Africains vers l’Atlantique et en Bantu vers le Sud où ils ont rencontré les Khoisans (A. Sanchez-Mazas et al., 1991-1992 : 13). L’historien congolais de Brazzaville Théophile Obenga, disciple de Cheikh Anta Diop, écrit que «le territoire commun à l’égyptien et au négro-africain moderne est à localiser avec vraisemblance, dans ces régions des Grands Lacs Africains» (Th. Obenga, 1977 : 37). Origine commune donc nettement affirmée à partir des données des traditions orales de l’ensemble de la zone inter-lacustre mieux connues et interprétées de façon multidisciplinaire, des données paléoanthropologues, paléobotaniques et paléozoologiques, des données de la linguistique génétique.
Mgr Kanyamacumbi proclame que ces mêmes données auxquelles il faut ajouter celles de l’histoire confirment la parenté biodémographique des Hutu, Tutsi et Twa (cette proclamation reste encore à approfondir). Non pas qu’ils soient nés d’un même ancêtre comme le mythe de Gihanga le dit, avec comme intention de justifier a posteriori l’effort d’unification territoriale de la dynastie nyiginya car tel n’est pas le cas. Leur origine est bien plus complexe que ça. Ce qui est vrai est qu’ils ont habité depuis longtemps un même territoire, ont la même culture et ont connu beaucoup d’intermariages, du moins comme l’écrit A. Kagame, surtout ceux du Rwanda central, oriental et méridional (A.Kagame, 1972). Cela se comprend d’ailleurs qu’ils aient contracté ce genre d’intermariages. Il n’y avait pas de terroir propre à chacun de ces trois catégories sociales. Ils habitaient les mêmes collines et les mêmes voisinages, de façon dispersée dans leurs parcelles où chaque famille nucléaire ou polygamique disposait de sa hutte ronde à coupole que l’on observe depuis l’Afrique orientale jusqu’au Zimbabwe et chez les Zoulous de l’Afrique du Sud. Celle-ci trônait au milieu de champs de bananeraies bien soignés. Les Twa, les Hutu, les Tutsi se sont intermariés parce qu’ils formaient un même peuple à trois composantes (imbaga y’inyabutatu, cohabitant sur un même territoire depuis très longtemps.
Le processus de cette dispersion et de ces intermariages est bien connu. Entre les XVe et le XIXe siècles, la dynastie nyiginya a pratiqué «l’indirect rule» et la «tutsisation» de ses élites, a affirmé Kanyamacumbi. C’est peut-être excessif ce qu’il dit là. Il n’y avait pas d’«indirect rule» car cela signifierait un pouvoir de colonisation. Cette tutsisation n’était pas le fait d’une décision politique, elle se passait plutôt suivant des critères économiques et sociaux, sauf de rares cas de décision royale d’ennoblissement. Nous verrons cela dans l’examen des facteurs politiques d’unification rwandaise. Au départ, selon Frédéric Gatera, le Rwanda était habité par des clans-nations composés de groupes familiaux du type famille indivise d’abord aménagés en villages ou en hameaux. Gihanga, premier roi du Rwanda, probablement mythique, ne régnait, d’après la tradition orale et la légende, que sur le Rwanda rwa Gasabo, mini-principauté sur la rive occidentale du lac Muhazi, dans le Bwanacyambwe actuel. Petit à petit, le lignage nyiginya s’imposa par les armes, les alliances matrimoniales et d’autres échanges socio-culturels, notamment dans le cadre du système de patronage-clientèle dit Ubuhake, sur les autres principautés de ces clans-nations, interdit le fédéralisme qu’il fit remplacé par l’unitarisme (c’est pour cela que je critique «l’indirect rule» de Kanyamacumbi). Les représentants du pouvoir royal remplacèrent les chefs patriarcaux des fameux clans-nations. Les propriétés du «bukonde» et du «gikingi» de ces chefs cédèrent à la propriété éminente de toute la terre du Rwanda par le roi. Les fonctionnaires royaux débitèrent les terres claniques en «tenures foncières» (amasambu) au prorata des besoins des administrés, indistinctement (sans discrimination d’aucune sorte). I. habitat dispersé et individuel induit par la distribution totale des terres (amasambu) et donc aussi un certain individualisme dans les ménages nucléaires ou polygames s’imposent désormais sur les structures agraires antérieures» : villages, hameaux, habitat groupé et communautarisme africain, sauf quelques îlots au nord, à l’ouest et au sud-ouest, où on peut encore rencontrer le système du «bakonde» (A. Kagame : 1954 ; Déo Byanafashe : 1997 ; J.J Maquet : 1954 et Fr. Gatera : 1997).
Nous connaissons aussi le processus des intermariages. Ils sont induits par l’action unificatrice de la royauté. Le roi ennoblit ou fait dirigeant qui il veut parmi les Twa, Hutu ou Tutsi et dès lors celui-ci entre dans le groupe dirigeant des Tutsi s’il est ennobli et se marie dans le groupe. Les Hutu qui sont nommés préfets du sol administrent Twa, Hutu et Tutsi, s’enrichissent par différentes voies, notamment par le système fiscal et se marient chez les Tutsi. Généralement ils deviennent tutsi. C’est aussi le cas des Biru, conseillers ritualistes et constitutionnels du roi, qu’il recrute dans tous lignages et clans du pays, celui des fonctionnaires supérieurs, guerriers ou pastoraux. De même ceux qui s’enrichissent en troupeaux de vaches rentrent dans la catégorie tutsi et se marient dedans. L’inverse, la déchéance de rang par défaveur du roi, par perte de vaches et donc appauvrissement vous abaissait au rang de la catégorie productrice des Hutu et vous ne pouviez plus vous marier que dedans. Vous étiez hutisé par le fait même. Voilà fortement ramassé le processus qui a fait dire à maints auteurs que la qualité de hutu ou de tutsi vous vient de votre profession, parfois avec le coup de pouce de roi, plutôt que de vos gênes et que donc la qualité de Tutsi ou de Hutu vous hisse dans une catégorie sociale, non dans une race ou une ethnie.
Car tout cela n’est pas une question de stock génétique. Le phénotype tutsi lui-+même peut être trompeur car vous pouvez l’avoir hérité génétiquement de votre mère tutsi, alors que votre père est Hutu, qu’étant donné le système patrilinéaire rwandais, vous appartenez au clan et au lignage de votre père. D’ailleurs le type de nutrition, les usages actuels, le hasard mutationnel, la vie riche avec ses occupations et son système d’habitat peuvent aussi induire ce phénotype.


  1. FACTEURS CULTURELS

Au sens sociologique, la culture est toutes les manières d’agir, de penser et de sentir propres à une communauté. Eh bien, ces manières-là tous les Rwandais les partageaient avant la césure de la colonisation, construites et unifiées patiemment par la royauté au cours des siècles, à partir d’un fonds culturel commun à tous les peuples des Grands Lacs et même à tous les négro-africains. Ce qui était propre au Rwanda, c’était la fête des prémices au mois de juin, la fête des semailles au mois de janvier, la fête du deuil en mai. Le Rwanda ne connaissait pas les masques, les cérémonies d’initiation qui l’accompagnaient ailleurs en Afrique, pas d’offrandes sur les tombes ou de soins des cimetières. L’organisation sociale, politique et militaire du Rwanda lui était particulière. Concernant l’organisation politique, Kanyamacumbi écrit avec raison. «Nous pensons à la répartition du pouvoir en quatre branches autonomes, exercé par des fonctionnaires responsables chacun devant le chef de l’Etat à l’échelon supérieur et devant ses représentants en provinces (…). L’itolero ou école publique traditionnelle destinée à la formation des cadres dirigeants du pays n’est pas non plus une institution peu originale» (P. Kanyamacumbi, 1995 : 98).


Cet auteur distingue aussi la très grande complexité de la langue rwandaise avec son verbe dont A. Coupez a calculé 960.000 formes différentes pendant que le français n’en connaît que 45 ! Ce linguiste africaniste belge affirma même que des calculs plus fins auraient pu en trouver des dizaines de milliers qui combinent toutes sortes de nuances «de précision de temps, de mode, de cause, d’intention, de participations ou d’association, de doute, d’assurance de sentiments de joie, de raillerie, etc». Il a bien étudié le style de notre langue, notamment dans les sept genres littéraires officiels : code ésotérique de la dynastie (ubwiru), poésie dynastique (ibisigo), poème pastorale (amazina y’inka), poésie généalogique (ubucurabwenge), poésie guerrière (ibyivugo), histoire (ibitekerezo) et chants guerriers (A. Coupez, 1983 : 32,35). Ne pas oublier non plus la littérature populaire : chants, proverbes, contes, devinettes autour des célébrations des moments fondamentaux ou quotidiens de la vie. Songer aussi à l’art décoratif, à la poterie de luxe, à la vannerie et aux tapis de luxe, etc. tous ces facteurs culturels contribuaient à cimenter les structures sociales rwandaises et à véhiculer notre conception du monde. La religion elle-même a joué un rôle unificateur remarquable. Car le culte de Ryangombe était pratiqué par tous les Rwandais, toutes les couches sociales confondues, dans une égalité absolue. On pourrait continuer le développement de cette section, mais ce que nous écrivons dans les autres sections relève également de la culture, entendue dans ce sens sociologique. Même la colonisation qui a semé ici l’ivraie de la division est un événement complexe certes, mais que nous avons vécu ensemble. On pourrait y trouver quelques facteurs importés d’unification des Rwandais.


III. FACTEURS ECONOMIQUES
Même avant la pénétration européenne, aucun Rwandais ne vivait de son seul artisanat, de sa seule agriculture, de son seul élevage. Les métiers étaient étroitement imbriqués. Sauf pour les Twa, essentiellement céramistes, chasseurs ou éventuellement cueilleurs, mais qui eux aussi mangent des denrées agricoles obtenus par échange contre leurs produits artisanaux ou leurs services, il y a association étroite au Rwanda entre l’agriculture et l’élevage soit de bovidés, soit de capridés, soit d’ovidés ou des trois à la fois. Kanyamacumbi a écrit : «Le fait que les Bahutu et les Batutsi sont à la fois agriculteurs et éleveurs donne au Rwanda une situation enviable par rapport à beaucoup d’autres parties du continent ou les éleveurs et leur bétail sont étrangers aux agriculteurs. Cela est un motif permanent de conflit socio-ethnique et sans doute une des explications de la mauvaise tenue et de la désertification continue des terres africaines, peu fertiles, privées d’engrais d’étable et brêlées régulièrement. C’est un grand mérite pour les Banyarwanda d’avoir produit un paysan complet à la fois éleveur et agriculteur» (P. Kanyamacumbi, 1995 : 103).
Quant à la propriété, depuis la dispersion de l’habitat et la généralisation du système de tenure foncière «isambu», «la propriété privée des biens meubles et fonciers était fortement affirmée, chez les Banyarwanda. Cependant, la possession individuelle et privée n’autorisait jamais la cession des terrains ou de troupeaux entiers de bétail à des tiers, étrangers au clan. A l’intérieur de ces limites, chaque chef de famille avait sa terre bien délimitée et son petit ou grand troupeau de bétail bien défini» (P. Kanyamacumbi, 97). Mais Kanyamacumbi oublie de mentionner que la propriété éminente de toutes les terres et de tout de bétail revenait au roi. Et que parfois elle pouvait devenir réelle, lorsque le roi vous dépossédait de tout ce que vous aviez. Car le roi était même sebantu, père universel des hommes sur lesquels il avait le droit de vie et de mort et, en cas de nécessité, de dépossession et d’ostracisme. Donc cette caractéristique commune aux Banyarwanda de propriété résultait de la centralisation politico-administrative du pouvoir royal.

Notons que le «rugo» ou foyer nucléaire ou polygynique était partout une unité de production et de consommation. Chez les polygames, les épouses recevaient des domaines séparés et les géraient de façon autonome avec les clients, les serviteurs et éventuellement les pasteurs de leur époux, quand il y en avait. A cause de la pauvreté du pays, il n’y avait généralement au Rwanda que la bigamie. Seuls le roi et les grands chefs et quelques gros propriétaires de bovidés et au nord les grands «bakonde» se permettaient des épouses nombreuses, réparties sur des domaines éparés dont elles étaient chargées de l’intendance. Nous avons vu que le capitalisme vint bouleverser cette unité économique en introduisant brutalement et de force l’initiative privée et «un processus immoral de formation de classes», un gros facteur de division. D’ailleurs c’est à cause de lui que les ethnies fonctionnent aujourd’hui comme d’authentiques classes sociales avec conscience de position commune dans la production, de mode de vie commun, d’unité d’action et de lutte dans cette action contre ce qu’elle a considéré comme un ennemi commun, l’autre «ethnie», avec laquelle elle ne voudrait en aucun cas partager le pouvoir et la richesse. Et les élites ethniques ne sont pas des élites idéologiques, cherchant seulement à installer une autre organisation sociale. Ce sont des élites matérialistes, qui cherchent à instrumentaliser le pouvoir pour atteindre et monopoliser des richesses.


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