Ana səhifə

Presentation du numero


Yüklə 1.1 Mb.
səhifə22/33
tarix27.06.2016
ölçüsü1.1 Mb.
1   ...   18   19   20   21   22   23   24   25   ...   33

Tous au long de son histoire séculaire, le Rwanda a été le théâtre de diverses violations des droits de l’homme et du citoyen. Elles peuvent se ramener à trois catégories : magiques, sociales et politiques.

III.1 Violations magiques

Les violations de cette catégorie sont bien connues surtout dans notre histoire pré-coloniale. Nous incluons dans cette catégorie principalement la perte des vies humaines qui obéissaient à une pensée «anti-scientifique» ou «prélogique». Ce mode de pensée prêtait des effets bénéfiques ou maléfiques à des causes illusoires. Ces violations, basées sur des croyances erronées, le sont «objectivement, mais «subjectivement», elles ne le sont pas. Les exemples qui vont être donnés montreront que cette catégorie de violation «objectives» procèdent toujours d’une bonne intention, bien que sous le coup d’une «ignorance invincible».

10 Les porte-bonheur

L’exemple typique de cette catégorie est l’Ubucengeri. Tous les Rwandais d’autrefois et avec raison, pensaient qu’on doit sacrifier sa vie si le bien du pays l’exige. C’est ainsi que cette conviction avait donné naissance à l’institution de ce nom qu’on traduirait plus ou moins bien comme «le patriotisme jusqu’au sang». L’acte consistait à se faire tuer sur le sol du pays qui menace le Rwanda, avec la conviction que ce sang répandu vaincra le pays menaçant. Toute guerre défensive était précédée par ce «martyre de la nation». L’efficacité de ce sang, normalement de qualité royale ou princière, était supposé avoir l’efficacité de produire ce qu’on attendait de lui, à savoir la victoire. Notre histoire antique est jalonnée de ces martyres. Comme on le sait, les premiers furent ceux du roi Ruganzu Bwimba et sa sœur Robwa.


Cet exemple est excellent pour faciliter la distinction qu’il faut mettre entre l’aspect «moral» et «scientifique» impliqués tous les deux dans cette croyance. Moralement, cet acte procède d’une bonne intention : l’amour de la partie. A ce point de vue subjectif, l’acte est louable. Scientifiquement parlant ou objectivement, le sang n’a aucune efficacité de faire battre en retraite une armée en opération militaire. La croyance était donc scientifiquement erronée, l’efficacité attendue était objectivement nulle. Néanmoins, il faut reconnaître que l’efficacité «magique» pouvait jouer sur le plan «psychologique». Le sang du martyre donnait aux forces armées rwandaises le courage et aux forces en présence le découragement. Ce double conditionnement psychologique, en sens opposé et en faveur du camp auquel appartient le martyr, n’était pas toujours étranger à l’issue des opérations militaires.
En conclusion, il faut retenir que l’ubucengeri, procédant d’une croyance à l’efficacité magique, reste objectivement et scientifiquement sans valeur réelle. Le double effet positif, ci-dessus indiqué, supposant une ignorance invincible, ne peut pas légitimer la mise à mort d’un être humain. Voilà pourquoi, nous classons ce cas et d’autres semblables au nombre des violations des droits de l’homme. Ce qui reste admirable et imitable, d’«ubucengeri», c’est le patriotisme jusqu’au sacrifice suprême.
20 Les porte-malheur
En gardant les exemples historiquement bien connus, pensons de nouveau à la croyance selon laquelle les infirmités du roi se transmettaient à son pays, de telle sorte que dans ce cas ledit roi devait être mis à mort. La forme digne et héroïque que prenait ce geste ne change rien à la réalité. Parmi ces infirmités, il y a la vieillesse. Il était interdit au roi d’avoir des cheveux blancs durant son règne. Lorsqu’on ne pouvait plus les arracher discrètement, le roi devait accepter la mort par «étouffement de lait, versé violemment et à jet continu, jusqu’à ce que mort s’en suive». Cette opération était dignement appelée «Kunywa». La réalité, on le voit, n’était rien moins qu’un assassinat ou un suicide. Dans la poème qui semble composé par le roi Mutara Rwogera, fils de Yuhi Gahindiro nous trouvons ce passage qui atteste cette pratique.
« Sinamerera imvi munzu umu = je ne puis pousser les cheveux blancs dans la demeure que voici

ngo nkurwe ku iteka no gutunga = de telle sorte que je perde la dignité et les biens

ibya gahindiro mfite = hérités de Gahindiro »
La reine mère de ce Rwogera, du nom de Nyiramongi, illustre cette même croyance magique qui stipulait qu’une reine mère d’un monarque du Mutara ne peut pas lui survivre. A la mort de ce Mutara Rwogera, sa mère qui était encore en bonne santé refuse de s’exécuter. Son frère, le chef Rwakagara, pour le bien du pays. S’en chargea de la manière dont A. Kagame nous le raconte : « Le chef Rwakagara, frère de cette reine mère singulière, se rendit chez elle et la fit trépasser en l’étouffant au moyen du lait versé par un entonnoir introduit de vive force dans la bouche. Le code ésotérique s’opposait à ce qu’elle survécut à son fils» (Un abrégé de l’ethno-histoire du Rwanda, Butare, 1972, p.210).

30 Autres violations magiques
Ces deux exemples de croyances magiques, dont on attendait des effets bénéfiques ou maléfiques, c’est-à-dire les porte-bonheur ou les porte-malheur, sont des modèles de nombreux autres cas dont voici quelques-uns des plus graves :
1/ Ibinyendaro = les enfants adultérins
Ces enfants étaient considérés comme porte-malheur pour le pays et devaient être jetés dans un Lac avec leurs mères. Cette pratique basée sur la croyance erronée d’une nuisance magique est une flagrante violation des droits de l’homme.
2/ Ibimara = les difformes
Les enfants qui naissaient avec une difformité trop choquante devaient être éliminés pour ne pas communiquer cette difformité aux autres. L’erreur collective contenue dans cette croyance n’excuse pas la barbarie de cette pratique. La liste de ces croyances et pratiques magiques est longue. Ces quelques exemples suffisent pour faire comprendre la nature de cette violation des droits de l’homme et du citoyen. Passons maintenant aux violations «sociales».
III.2 Violations sociales
Nous qualifions de «sociales»les violations des «droits de l’homme» et du «citoyen», les pratiques et les coutumes acceptées par la société comme «normales», moralement et juridiquement. Comme il y en a beaucoup, nous indiquons trois d’entre elles, les plus flagrantes, qui téléguident encore aujourd’hui des réflexes de continuité.
1/ Guhora = la vendetta
Dans notre conception traditionnelle, l’assassinat d’un individu devait être vengé par la réciproque, sur un membre de la famille de l’assassin au cas où celui-ci était introuvable. Cette loi de solidarité familiale qui est normale dans certains cas, n’est pas moralement et juridiquement légitime pour de tels cas. Pour le bien, la solidarité familiale est toujours valable, mais pour le mal, nul n’est responsable des actes répréhensibles d’un autre, à moins qu’ils en aient une responsabilité préalablement établie. Un père peut et doit même assumer la punition pour une faute commise par son fils mineur. Mais une faute d’un individu ne peut pas être imputée à n’importe quel membre de sa famille. Il faut ajouter que le cas d’une vie humaine dépasse toute compétence humaine, hors du cas de «légitime défense». La vendetta, le suicide, même sous la forme d’euthanasie, sans parler du sauvage assassinat, sont au-dessus de toute compétence humaine. La vie humaine est de la juridiction divine. Pour mettre un individu dangereux hors d’état de nuire, les pouvoirs publics peuvent assurer la protection de la société en le mettant dans une situation qui annule sa nuisance ; fusse la peine capitale si rien d’autre n’est possible.
Le Guhora de notre tradition ne remplit pas toutes ces conditions. Il a été pratique, sans doute au temps où les institutions judiciaires n’étaient pas assez opératoires pour décourager suffisamment les malfaiteurs. Aujourd’hui, se faire justice, même en famille, est totalement injustifiable. Il faut reconnaître, néanmoins, que ce réflexe de vendetta reste vivace dans certains cas. N’a-t-on pas prétendu «venger le président Habyarimana pour tuer tous les Tutsi» !
2/ Kunena et gusuzugura = traiter les «Twa» de paria et les «Femmes» par mépris
Pour faire court, nous mettons ensemble ces deux cas de violations de nature différente. A l’égard des Twa, c’est le «kunena» (traitement de paria) qui est un mépris qui touche la dignité de la personne humaine. C’est une réelle violation des droits de l’homme. Quant à la discrimination à l’égard des Femmes, basée qu’elle est sur les préjugés des hommes, elle est mélange de violations des droits de l’homme et des droits du citoyen. L’idée de «sexe faible» contient ce mélange des deux sortes de violations. Peut-on nommer cette discrimination «agasuzuguro» (mépris) ? N’est-ce pas aussi signe de respect ? Car on croyait que la femme n’est pas faite pour certaines tâches et on la protégeait de cette manière ! Une chose est devenue claire : il y avait de la discrimination en cette pratique qui doit devenir pour ce moins obsolète aujourd’hui.
III.3 Violations politiques
Les violations de cette nature ont débuté dans ce pays à l’époque et par l’intrusion coloniale. Ne pouvant pas tout dire, sachant également que beaucoup de ces violations sont connues, nous limitions notre évocation sur quatre violations caractérisées et massives : la colonisation elle-même, le phénomène des réfugiés, les diverses discriminations et finalement le génocide.
10 La colonisation = La spoliation de notre souveraineté
Le phénomène en lui-même est la principale violation à la fois des droits de l’homme et du citoyen. Une nation souveraine depuis des siècles devient une possession d’un peuple étranger. Ses habitants deviennent des mineurs à éduquer. Ses autorités deviennent des auxiliaires d’appoint. Voilà une forme d’esclavage en plein 20ème siècle. Cette colonisation politique est devenue une colonisation mentale, à ce point que même après le recouvrement juridique de notre souveraineté en 1962, elle a continué sous les deux premières républiques. La Belgique et la France ont continué de nous «diriger» par le Parmehutu de Kayibanda et le MRND-CDR de Habyarimana interposés. Voilà la cause première, en quelque sorte, des autres violations dont il va être question.

20 Le bannissement des citoyens = Le déni du droit à la partie
Tous a commencé par le bannissement du roi Yuhi Musinga. La grande masse des Tutsi a été virée dehors ensuite. Cela a duré plus de 30 ans. L’«apatridisme» a été légitimé par l’idéologie de leur prétendue origine étrangère, commuée en colonisation éthiopienne. Aucune institution, même spirituelle, n’a levé le petit doigt pour protester contre cette violation des droits de l’être humain. Même à leur retour, ces réfugiés ne reçoivent aucune indemnisation de la spoliation de leurs biens. Ils sont considérés comme des «gêneurs» de la population restée dans leurs biens. Durant le temps du refuge, on prétextait «l’exiguïté du territoire national» pour plaider en faveur de leur bannissement. Aujourd’hui, après avoir préféré le retour aux biens réunis à l’étranger, beaucoup d’entre eux devraient se contenter des logements en sheetings», ou compter sur la providence divine.

30 Les discriminations sociales = La loi de l’équilibre
Depuis les deux premières républiques, les violations sociales les plus importantes concernent deux secteurs de la vie sociale : l’enseignement et la fonction publique. Prétextant que l’enfant hutu est en retard par rapport au tutsi, une loi de quota ethnique a été imposée à tous les instituts publics et privés : 10%. Trois raisons montrent que cette loi est injuste. La première est que, quelle que soit la vérité de cette différence, l’enfant tutsi discriminé n’était pour rien dans le prétendu retard de l’enfant hutu. Il fut puni pour la faute commise par l’ancien régime. Deuxièmement, on oublie que le pourcentage des deux ethnies suffit à lui seul pour rétablir l’éventuel équilibre manqué auparavant et donc assurer une majorité de Hutu aux écoles. Troisièmement, cette loi a duré plus de 30ans : un correctif qui prend tant de temps dans un domaine qui est modifiable après quelques scolarités, a manifestement un autre objectif. Qui va croire que sous la deuxième république, le Tutsi étaient plus nombreux que les Hutu dans les écoles ? Dans le secteur de la fonction publique et de l’Administration, l’exclusion du Tutsi n’a pas besoin d’être prouvée : c’est l’évidence même. Il est totalement éliminé : Reste, sans doute, quelques «spécimens tutsi», comme des organes témoins d’un membre disparu. Le Tutsi resté dans le pays qu’une devenu un apatride dans la partie de ses ancêtres. Cela est plus qu’une décimation : c’est un génocide social. Nous allons justement parler du génocide physique.
40 Le génocide
Etant donné qu’il n’est point besoin de prouver son existence, qu’il suffise de rappeler certains de ses aspects. Il commence en 1959, sous le prétexte de la lutte pour la démocratie et l’indépendance, voulue par les uns et refusée par les autres. Il s’achève en 1994, sous le prétexte de l’invasion des étrangers appuyés par les refugiés tutsi, ainsi que l’assassinat du Président Habyarimana. Il vise élimination physique de la totalité des individus tutsi ; non sans les Hutu qui refusent ce suicide national. Les Tutsi sont «coupables» d’une faute commise par leur Créateur. Les forces morales et politiques du monde «dit civiliser» préfèrent se voiler le visage pour ne pas empêcher la catastrophe. Les forces onusiennes présentes sur le terrain croisent les bras. Les églises, supposées messagères de la paix, gardent un silence «presque» complice. Plus d’un million d’êtres humains innocents sont trucidés en face du monde.
La suite est connue. Elle continue une part de continuité de la volonté génocidaire chez beaucoup, pour achever «le travail». On tente de nier l’indéniable ; on minimise la catastrophe dans les chiffres ou dans la responsabilité des acteurs du mal. Des enquêtes concluent au non-lieu de la responsabilité des puissances qui ont téléguidé ou participé aux faits criminels patents. Certaines églises s’en lavent les mains. Qui plus est, on saboté le Gouvernement qui a arrêté la catastrophe. On l’accuse d’un autre génocide pour conclure au match nul. Le besoin de réconciliation est souvent invoqué pour maintenir l’impunité qui blesse et encourage l’impénitence et la récidive.

CONCLUSION GENERALE

« Pour enseigner le latin à John, disait Chesterton, il faut connaître non seulement le latin mais aussi John». Cette règle pédagogique peut valoir pour l’éducation des Rwandais à la démocratie. Qu’en savent-ils jusqu’à présent ?




  • Sous la monarchie

Notre langue, le Kinyarwanda, ne possède pas l’équivalent du mot «démocratie». L’idée elle-même ne devait pas être facile à saisir dans l’antique conception du régime monarchique. Tout pouvoir était censé venir d’en haut. Le roi était désigné par Imana (= Kuvukana imbuto) ; celui-ci nommait ses collaborateurs pour l’administration du pays.


Non pas que le pouvoir royal était solitaire ni arbitraire. Ul y avait, non pas des contre-pouvoirs, mais des structures de partage de responsabilité essez contraignantes dont le roi devait tenir compte impérativement : la reine mère, les Abiru et Abacura-bwenge, le conseil de la couronne, le collège des Abisizi, les chefs des armées, etc. le roi exerçait sur le peuple une autorité plus «paternelle» que politique et administrative. La population était «rubanda rw’umwami» (le peuple du roi = ses enfants). Quelle que soit la convenance du régime monarchique selon la philosophie de l’époque, il était de conception aux antipodes de la démocratie. Vient d’en bas : le détenteur dupouvoir souverain est le peuple (demos = peuple ; kratein = gouverner).


  • Sous les 2 premières républiques

L’avènement de la démocratie et la république au Rwanda ont pris la forme de sa contrefaçon en s’identifiant avec le pouvoir exclusif de la majorité ethnique contre la minorité. L’exclusion politique, on le sait, a abouti au génocide.




  • Sous la 3ème République

Le Gouvernement d’Union Nationale s’assigne le programme, non pas de revenir à la monarchie, mais d’instaurer la vraie démocratie où le pouvoir souverain est exercé par le peuple rwandais dans son intégralité. Le pouvoir vient toujours d’en haut, d’Imana-Rurema, mais est exercé directement par le peuple sans devoir transiter par «un seul» individu (monos = monarque). Le Créateur l’a voulu ainsi en créant l’homme raisonnable, libre et social. Ce statut ontologique de l’être humain fait qu’il n’est pas une chose à manipuler au gré d’une volonté d’autrui. Le fait que les hommes sont libres et nombreux, n’ayant pas toujours les mêmes idées et options fait que tous doivent obéir à la loi de la majorité. Cette majorité de décision doit rechercher toujours le bien commun de tous les citoyens.




  • Comment éduquer l’élève qu’est le Rwanda ?

Parmi les tâches du nouveau régime, la priorité est là. Il ne suffit pas d’avoir un bon programme ni une bonne philosophie sociale, il faut aussi d’atteler à poser les fondements réels de la démocratie. La monarchie ne les connaissait pas ; les 2 premières républiques les ont déformées ; la 3ème ne fait que commencer. Les réflexions que nous venons de parcourir ont étalé devant nos yeux un tableau des pratiques anti-démocratiques les plus désolantes dont le génocide. Les détenteurs du pouvoir, spirituel et politique, ont été les premiers à ignorer la démocratie. Comment faire alors aujourd’hui ? Difficile à dire ; surtout difficile à faire. Quels souhaits formuler ?


10 La priorité des priorités : Le respect de l’être humain. Toute discrimination, toute exclusion, entre les Rwandais, est à bannir à jamais.
20 Corriger notre historiographie : Nos traditions ne présentent aucune trace de conflit entre Hutu et Tutsi en tant que groupes distincts. La crise de 1959-1994 est «made in Europe». La marchandise doit retourner à l’expéditeur (akabuze ubuguzi gasubira nyirako).
30 Ventre affamé n’a pas d’oreilles : Oui, la vraie démocratie commence à table. Même l’hyène l’a dit : Ubupfura buba mu nda (la noblesse est dans le ventre) ! Corruptions, shuguri ikimenyane, c’est quoi ça ? Oublier si vite de quel enfer nous sortons !
40 Liquider le contentieux génocidaire : «Gacaca» ou autre chose, Arusha ou ailleurs, enfin, les choses commencent à se mettre en marche et sur le bon pied.
50 La démocrate ne viendra pas toute seule : c’est comme sur un terrain de football, il faut un arbitre. Pour faire respect les règles de jeux. Es jeux démocratiques. Pas comme les anciens arbitres. Qui ont organisé la tricherie. L’arbitre, même impartial doit avoir aussi de l’autorité. Celle-ci prévient ou met hors jeu les tricheurs. Ceux-ci nous en avons. Depuis 1959.
60 Enseigner le vrai sens des urnes : Pour beaucoup, les élections, c’est toujours : pillages, incendier, tueries, réfugiés, viols. Qui, aujourd’hui, ne redoute pas le verdict d’une élection universelle, directe et strictement secrète ? Ce n’est pas dans l’isoloir qu’on devient démocrate comme par enchantement. Il faut donc nous apprendre le bon usage d’une consultation populaire pour construire le pays. C’est tout un processus ; un apprentissage long et difficultueux. Il faut des étapes, des ballons d’essai, des grande-fous. Lentement mais sûrement.


Cahier N0 18: L’EDUCATION A L’UNITE

PRESENTATION DU NUMERO

Suite au processus de désintégration de l’unité nationale dont la destruction s’est achevée dans le génocide et les massacres de 1994, le présent numéro invite ses lecteurs à réfléchir sur les voies et les moyens pour recouvrer cette unité.


Durant ces cinq années après cette tragédie, beaucoup d’efforts ont été déployés et beaucoup de sacrifices ont été consentis pour assurer à sécurité et amener la paix sur toute l’étendue du territoire rwandais. Cependant tout n’est pas acquis. Il y a encore des défis à lever, spécialement celui de l’unité nationale. Certes, des voix en faveur de la réconciliation nationale fusent de partout, de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. Des centres de gestion et de résolution des conflits sont créés pour coordonner les actions et canaliser les bonnes volontés vers un même but, à savoir, convaincre les Rwandais à s’asseoir autour d’une même table afin de trouver ensemble les remèdes pour leurs blessures tant physiques que morales.
Avoir instauré la sécurité et assis la paix partout dans le pays est un pas géant déjà fait. Toutefois, sans la paix intérieure résultant de la conscience réellement tranquille, libre de toute idéologie génocidaire, divisionniste, ethniste ou régionaliste, la cohésion sociale ne sera jamais acquise. C’est avec cette paix intérieure capable de nous faire admettre la différence, d’accepter l’autre tel qu’il est que nous pourrons reconstruire notre unité nationale. Nous sommes donc tous interpellés à apporter notre pierre à la construction de cet édifice.
Les quatre articles qui constituent ce numéro visent justement à répondre à cette interpellation. Situées à des périodes différentes de notre histoire, ces quatre contributions nous ouvrent de nouvelles pistes de recherche, des approches pluridisciplinaires susceptibles de conduire à la reconquête de notre unité. En effet, les quatre articles montrent que l’unité du peuple rwandais acquise au prix de grands sacrifices a été progressivement détruite par la colonisation tant laïque religieuse et par les Rwandais eux-mêmes. Le premier article «Unification du Rwanda par la dynastie nyiginya», par MUZUNGU Bernardin, retrace les grandes étapes du processus d’unification du pays jusqu'à la création de la nation rwandaise. L’auteur examen l’apport de quatre sources historiques pour l’historiographie du Rwanda.
Les sources archéologiques sont encore rares à cause de l’état de la recherche archéologique qui ne couvre qu’une infime partie du pays. Néanmoins, les maigres résultats obtenus montrent que ces sources nous réservent des révélations qui pourraient remettre en cause certaines reconstructions de l’histoire faites par l’historiographie coloniale en projetant dans le passé l’histoire du Rwanda à l’époque coloniale. Elles battent en brèche notamment les théories sur le peuplement du Rwanda en prouvant une longue symbiose entre les trois composantes de la société rwandaise résultante de la nécessité de complémentarité. Cette symbiose a été entretenue par des échanges de biens et de personnes.
La seconde source, la tradition orale indépendante, présente l’avantage d’être soumise à moins de manipulations. Quant à la troisième source, l’histoire comparée des pays voisins, elle est possible parce que le Rwanda n’a pas évolué dans un vase clos. Il a toujours eu avec ses voisins des contacts tantôt pacifiques tantôt conflictuels. La quatrième source consiste en documents écrits, fruit de recherches approfondies. L’auteur nous trace ensuite les grandes étapes du processus de l’unification du pays depuis la formation des royaumes pré-nyiginya jusqu’au seuil de la colonisation. Il montre comment le pays a été construit et unifié par la dynastie nyiginya au cours des cinq derniers siècles du deuxième millénaire après J.C.
Le second article, «De la destruction des valeurs rwandaises fondamentales», par Mugesera Antoine, rappelle l’existence multiséculaire de l’unité culturelle et sociale du peuple rwandais et la conscience de cette unité partagée par tous les Rwandais. Dans un style coulant, l’auteur indique toute une série de valeurs fondamentales que partageaient les Rwandais. Ces valeurs ont été détruites au nom de la civilisation par la colonisation et les confessions religieuses. Il déplore l’attitude des artisans de la «Révolution» de 1959-1960 qui se sont empressées d’adopter des valeurs occidentales, lesquelles vidées de leur substance et mal adaptées au contexte rwandais n’ont pas comblé le vide créé par cette destruction. Par ailleurs, la destruction a été entretenue par une certaine idéologie ethniste qui, opposée à tout ce qui avait des liens avec la monarchie, était incapable d’opérer une démarcation nette entre celle-ci et les valeurs traditionnelles.
Dans le troisième article, «Education et facteurs favorables à l’unité dans l’histoire du Rwanda», par Nizurugero Jean, l’auteur montre que la puissance coloniale a assis son autorité sur la division. Après une analyse pertinente des facteurs de division inculqués par l’état colonial, il nous propose les facteurs d’unification et les canaux pour les faire parvenir à la population. S’appuyant sur des données pluridisciplinaires, il prouve que la longue cohabitation des trois groupes transformés en ethnies ou races par l’administration coloniale a donné lieu à des intermariages qui, dans bien des cas, avaient opéré l’action unificatrice. Ils facilitaient la mobilité sociale et permettaient à l’individu de toute catégorie de passer dans une autre catégorie.
Les Rwandais de toutes les catégories communient à la même culture, parlent la même langue, partagent les même croyances, pratiquent les mêmes cultes notamment celui du Kubandwa et enfin exercent des métiers complémentaires. L’auteur dit un mot sur l’éducation à cette unité et pose le grand problème des canaux, des acteurs et de l’efficacité de leur action. Cette une nouvelle piste de recherche est aussi abordée dans l’article suivant qui traite du rôle éducatif du Musée National du Rwanda.
Le quatrième article, «Musée National du Rwanda et éducation à l’unité nationale», par Kanimba Misago, après avoir rappelé que la colonisation à détruit nos valeurs culturelles, la cohésion sociale et l’unité nationale, montre comment le Musée National peut contribuer à retrouver l’unité perdue. Après avoir mis en exergue son rôle éducatif et de gardien du patrimoine national, l’auteur nous fait visiter les salles d’exposition où il épingle quelques supports matériels des symboles e générosité, de solidarité, bref de cohésion sociale qui sont des outils pédagogiques de haut intérêt pour l’éducation à l’unité nationale.
1   ...   18   19   20   21   22   23   24   25   ...   33


Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©atelim.com 2016
rəhbərliyinə müraciət