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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XIV



Une amie


L’aurore surprit Palas sur la grève qu’il avait remplie toute la nuit de ses cris et de son désespoir.

Il était persuadé que Françoise s’était noyée, et, maintenant, il attendait que le jour lui montrât le cadavre de celle qui n’avait pu survivre à l’effroyable révélation : « mariée au numéro 3213 ». Gorbio s’était bien vengé ! Il pouvait partir pour Paris. Il n’avait plus rien à faire à Nice. Françoise était morte, et Palas allait mourir !

Voir une dernière fois le corps adoré de sa femme, l’embrasser, l’étreindre une dernière fois, et, chargé de ce fardeau funèbre, lui aussi il entrerait dans la mer qui lui donnerait le repos suprême.

Avec le jour, la tempête s’était apaisée... Palas, entre les rochers, cherchait... Un amas d’herbes marines, les formes bizarres que prennent parfois les débris rejetés par les flots guidaient ses pas chancelants...

Il se penchait, il tâtait cette plage maudite qui lui avait pris Françoise et qui ne la lui rendait pas !...

Cette apparition errante attira l’attention des matelots qui conduisaient leurs barques vers la pêche matinale. Ils se le montrèrent, ils le hélèrent.

Alors il leva la tête et il s’aperçut que la nature calme, oublieuse des fureurs et des drames de la nuit, se préparait à vivre l’un de ses plus beaux jours.

Les caps et les promontoires allumaient leurs pierres dorées et la mer se recourbait au creux des golfes avec son plus doux soupir...

Alors il ne put continuer de voir ce spectacle enchanté qui avait été leur joie à tous les deux, lors de ces heureux matins, trop rapides, hélas ! qui suivaient leurs premières nuits d’amour.

Il haït cette lumière qu’elle ne voyait plus !

Il refit en courant, en se heurtant aux rocs comme un insensé, le chemin qui conduisait à cette demeure d’où elle était partie pour toujours et où il ne rentrerait que pour y chercher une mort brutale qui le délivrerait de l’allégresse éternellement renouvelée de l’indifférente nature.

Il avait réussi à tromper la curiosité inquiète des domestiques, et, déjà, au fond d’un tiroir, il avait mis la main sur l’arme libératrice quand, derrière les volets clos, une voix se fit entendre :

« Pour M. d’Haumont ! tout de suite, c’est très pressé ! »

À cette heure !... Une commission pressée !... Sa main trembla et laissa retomber l’arme... son cœur, un instant, s’arrêta de battre. Et puis, la vie lui revint tout à coup devant les explications qui s’échangeaient à quelques pas de lui :

« Monsieur ? On ne l’a pas revu... Il n’y a personne à la villa. »

Il ouvrit la fenêtre. Il apparut de façon si subite et si sinistre que les hommes reculèrent dans le jardin.

Mais déjà sa main s’était emparée du message ; cela venait de Mme Martens. Elle disait : « Venez vite ! Françoise est chez moi ! Elle est folle ! Elle croit que vous la trompez avec la Nina-Noha ! »

Françoise est vivante ! Françoise est vivante !... Ah ! le soleil peut luire encore !... Didier crie de bonheur ! Françoise croit qu’il la trompe avec Nina ! Ah ! le voilà qui rit !... Il rit terriblement !... et puis son rire même s’apaise... Il rit maintenant comme un enfant, devant une imagination pareille... Et il pleure !...

Et c’est en pleurant de joie qu’il s’enveloppe d’un manteau, ne prenant même pas la précaution de changer de hardes...

Il se jette dans l’auto qui a amené le domestique de Mme Martens...

Le voilà chez Mme Martens ; celle-ci vient le rejoindre tout de suite :

« Françoise ?... Françoise ?... » réclame Palas...

Et l’autre, en quelques phrases brèves, explique :

« Elle vous a vu sortir de chez Nina ! et elle est persuadée que c’est à cause d’elle que Gorbio est venu vous faire une scène de jalousie !...

– Mais c’est fou !... Mais c’est fou !... Vous savez bien, vous, pourquoi j’allais chez Nina !...

– Oui, je le sais, mais je ne pouvais pas le lui dire !...

– Mais, moi non plus, je ne peux pas le lui dire !... Qu’est-ce que je vais lui dire ?... Qu’est-ce que je vais lui dire ?...

– Tout ce que vous voudrez !... Elle vous adore ! elle vous croira ! Ah ! mes enfants, vous vous faites bien du mal ! Mais dans quel état êtes-vous tous les deux !... Elle a été comme une folle toute la nuit !...

– Et moi, je l’ai cherchée toute la nuit !...

– Elle pleure parce qu’elle n’a pas eu le courage de se tuer ! Elle voulait se jeter dans la mer !... Elle m’a dit qu’elle avait essayé, mais que la mer n’avait pas voulu d’elle !...

– Conduisez-moi auprès d’elle !...

– Non, allez-y, reprenez-la !... Elle m’a juré qu’elle ne vous reverrait jamais !... J’ai essayé en vain de la raisonner... Il n’y a que l’amour qui puisse guérir un tel désespoir !

Mme Martens montrait une porte à Palas... Et Palas pénétra dans la pièce où Françoise se tenait, farouche et silencieuse, ayant peut-être aussi épuisé ses larmes...

Dès qu’elle l’aperçut, elle fut debout avec un grand cri :

« Non ! non ! pas vous !... Allez-vous-en ! allez-vous-en !... Je ne veux plus vous voir !... »

En vain, Palas, voulant parler, s’accrochait à elle. Elle se débattait, couvrant sa voix de ses cris :

« Je ne vous demande rien ! Aucune explication ! Aucune ! Vous ne m’aimez pas !... Vous ne m’avez jamais aimée !...

– Regarde au moins ce que tu as fait de moi depuis hier soir, et répète-moi que je ne t’aime pas !... »

Elle le regarda. Il avait rejeté son manteau. Elle le vit dans ses guenilles et dans ses blessures, car il était sorti de cette nuit tout ensanglanté... Elle aussi était pitoyable à voir. Ils se contemplèrent pendant quelques muettes secondes... et de communs sanglots les rapprochèrent...

« Pourquoi es-tu allé chez cette Nina ?...

– Françoise, murmura Palas, Françoise, mon adorée, tu as pu douter de moi !...

– Pourquoi es-tu allé chez Nina !

– Que crois-tu donc ?... Tu sais que je t’aime !... Que cela te suffise !... Notre amour serait sinon diminué, du moins sali par une explication quelconque à propos d’une telle femme !...

– Et tu es allé chez elle !... Pourquoi es-tu allé chez elle ?...

– Écoute, ma chérie, tu me causes une grande douleur... Tu sais bien pourquoi je suis allé chez elle... Mme Martens a dû te le dire. J’y suis allé pour cette fête de charité...

– Tu y es allé plusieurs fois et tu ne m’en as rien dit !... »

Elle le regardait de ses yeux brûlés de larmes... la flamme dévorante de la jalousie se rallumait en elle...

Elle s’écarta de lui et dit, haletante :

« Didier, tu vas me jurer sur notre amour que tu n’avais pas d’autres raisons d’aller chez Nina-Noha !... ou plutôt, non, pourquoi jurer ?... Je vais simplement te demander ta parole d’honnête homme que tu n’avais point d’autres raisons d’aller chez cette femme !... »

Il y eut un silence...

« Ah tu vois ! s’écria-t-elle, tu vois que tu avais une autre raison !...

– Oui ! finit par dire Palas en baissant la tête, j’avoue que j’avais une autre raison !...

– Laquelle ?...

– Je ne puis te la dire !... »

Ces derniers mots furent prononcés avec une telle douleur que Françoise, oubliant un instant les sentiments affreux qui l’agitaient, en fut frappée... Elle considéra un instant encore cette face qui avait gardé la trace de tant de souffrances dont elle n’avait peut-être pas encore pénétré tout le mystère et elle fut ébranlée...

Palas continuait en secouant la tête :

« Ne me demande rien !... Ce secret n’est pas le mien !... C’est celui d’un homme qui a jadis aimé Nina-Noha et qui m’avait chargé d’une importante mission auprès d’elle... Mais toi, toi ?... Comment as-tu pu douter de mon amour ? »

« C’est le secret d’un homme qui a jadis aimé Nina-Noha ! »

Françoise connaissait cet homme-là ! Il était devant elle. Aujourd’hui c’était elle, Françoise, qu’il aimait. Pouvait-elle en douter, ainsi qu’il le lui demandait ?... Dans le moment, Mme Martens entra :

« Eh bien, ma petite Françoise, la paix est faite ?... Tu sais bien qu’il t’adore !

– Oui, répondit-elle d’une voix grave et profonde, je le crois, je le crois fermement !... Mais je lui demande de ne plus retourner chez Nina-Noha !... »

Palas eut un hochement de tête qui promettait... Et Mme Martens reprit, raillant amicalement Françoise :

« C’est très vilain d’être jalouse !

– Oui, je suis jalouse, répliqua Françoise... jalouse à en mourir ! »


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