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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XVII



Être ou ne pas être


Le comte de Gorbio était retourné à Nice pour mettre fin au supplice de Palas en lui portant le coup de grâce... de son amitié !

Cette chose formidable, la plus redoutable de toutes (l’amitié de Gorbio !), le mari de Françoise la voyait venir comme la pire des catastrophes depuis qu’il lui avait été donné sinon de mesurer, du moins d’imaginer, presque à coup sûr l’immense infamie ténébreuse du comte. Perspective effroyable : l’amitié de Gorbio ! qui lui enlevait jusqu’au goût de vivre les dernières heures de bonheur que pouvait encore lui dispenser l’amour.

Car Françoise, après un premier accès de sombre mélancolie, avait, devant le muet désespoir d’un époux qu’une âpre jalousie avait accusé à tort, tendu vers lui ses bras qui accordaient moins le pardon qu’ils ne le demandaient...

« Tu es bon ! tu es meilleur que moi ! pardonne-moi si je t’ai montré un triste visage depuis quelques jours ! »

Comment, comment repousser ces beaux bras ?... Ah ! terribles heures d’amour incapables d’effacer ce chiffre toujours présent dans l’alcôve comme le mane, thecel, pharès au mur de Balthazar : « 3213 ! »

Était-il écrit que ce chiffre ne devait plus jamais le quitter ? Un jour qu’il fuyait la villa Thalassa comme un voleur et que, pour ne plus penser à ce chiffre-là, il gravissait l’escalier qui conduisait chez Gisèle, ce fut la mort elle-même qui lui ouvrit la porte de sa fille, avec ce chiffre à la bouche...

« Oui la mort avait parlé, et Gisèle savait !... »

Mme Anthenay était morte dans la nuit... Mme Martens et Violette, bientôt rejointes par Françoise elle-même, qui avait reçu la triste nouvelle après le départ de Didier, essayaient en vain de consoler une enfant qui se réfugiait dans un silence farouche, sans plainte et sans larmes, mais confinant à la plus triste douleur...

Quand Didier parla de faire transporter cette enfant défaillante à la villa Thalassa, Gisèle se leva comme une folle : « Non ! non ! laissez-moi ! Vous êtes tous trop bons ! Laissez-moi toute seule !... » Et cette fois, dans une crise salutaire, elle éclata en sanglots. D’un geste, Didier avait fait signe aux femmes de s’éloigner... Il resta seul avec elle. Il se pencha sur le secret de Gisèle qui déjà l’étouffait. Il l’en soulagea, cependant qu’une douleur nouvelle, plus atroce peut-être que toutes celles subies jusqu’alors trouvait encore place dans son cœur lamentable !

« Cette femme que j’aimais comme ma mère n’était pas ma mère !... sanglotait Gisèle... J’étais indigne du moindre de vos regards !... Savez-vous de qui je suis la fille, moi ? Monsieur, je suis la fille d’un forçat ! »

Devant le silence terrible de M. d’Haumont, la malheureuse se tordait les mains...

« C’est atroce ! c’est atroce ! Plutôt mourir ! je veux mourir !...

– Mais qui vous a dit une chose pareille ? Mais c’est impossible, finissait par balbutier Palas, tremblant d’horreur...

– J’ai appris cela cette nuit, dans les papiers de la morte !... Tenez, tenez, les voilà !... Lisez ! lisez !... Je suis la fille de Raoul de Saint-Dalmas, un voleur et un assassin !... Ah ! comprenez maintenant que j’aimerais mieux être morte, moi aussi !... Pourquoi n’est-ce pas moi qui suis morte ? Mon Dieu !... »

Palas s’effondra, sanglotant. C’était trop ! à la fin ! jusqu’à sa fille qui venait lui reprocher son crime !...

« Ah ! vous pleurez ! vous pleurez, vous aussi ? Vous voyez bien que c’est affreux !... »

Et la voix toujours balbutiante, la pauvre voix suppliante :

« Mon enfant... mon enfant !... ne vous désespérez pas ainsi... je me rappelle en effet cette affaire ; beaucoup ont prétendu que votre père était... était... (aurait-il la force de le dire), innocent !... »

Alors elle se leva, en une attitude de démente :

« Mais je n’en sais rien, moi !... Je ne sais qu’une chose, c’est que je suis la fille d’un forçat !... »

Le malheureux ! Il s’appuyait au mur pour ne pas tomber... et il avait une figure de crucifié... Il supplia encore... Il râla sa supplication :

« Gisèle ! Gisèle !... Votre malheur vous rend plus chère que jamais à mes yeux !... Vous n’êtes pas responsable des fautes de votre père !... Il ne faut pas que vous en souffriez !... Je ne le veux pas !... Vous allez me jurer que vous en garderez le secret ? »

Elle se laissa conduire par lui jusqu’à la couche funèbre, devant laquelle les trois femmes à genoux priaient !... Et elle jura tout bas, en le regardant, pour lui tout seul...

Puis il s’enfuit. Pas loin. On guettait sa sortie, en bas. Un gamin qu’il ne connaissait pas lui glissait un pli dans la main et s’éloignait sans un mot.

Sur l’enveloppe : Monsieur Didier d’Haumont. Il décachette : « Mon cher ami, je vous attends à l’hôtel à 5 heures. Ne manquez pas de vous y présenter. Il y va des intérêts les plus graves. Votre dévoué – Stanislas de Gorbio. » Eh bien, tant mieux ! Qu’on en finisse ! Que tout éclate ! Que le gouffre dont il n’a pu sortir se referme sur lui et l’engloutisse à jamais !...

L’heure du thé, dans l’hôtel le plus chic de la Riviéra... Groupes mondains et demi-mondaines, musique, joyeuse compagnie... En hâte, Didier traverse le hall. Mais on l’appelle... une voix amie ! combien amie !... La voix de Gorbio bien accueillante et suffisamment élevée pour que tous l’entendent ; « Ici, cher ami. Permettez-moi de vous présenter. » Ah ! comme il est sûr de lui-même, de sa force, de son irrésistible force, et comme devant tous il marque le point !... Gorbio tendait la main à Didier d’Haumont qui l’accepte, qui prend un siège à sa table ! quel événement sensationnel ! « Et quel geste ! d’un chic, ma chère ! »

Ces dames, des femmes du monde, des artistes et Nina-Noha... (La charité, pendant la guerre, a mêlé tous les mondes, comme le jeu avant !) Et Didier est placé auprès de Nina-Noha qui lui sourit, qui lui pose des questions banales auxquelles il répond par des monosyllabes... Tout ceci est atroce, mais il est venu là pour savoir ce qui l’attend... Il ira jusqu’au bout !

Jusqu’au bout, ce fut un quart d’heure plus tard, dans l’appartement du comte. Et cette fois, ce fut rapide et net :

« Vous êtes absolument en mon pouvoir ! Voici les services que j’attends de vous ! Ils n’ont rien d’excessif et ne vous demanderont aucune peine... Vous me procurerez, par l’intermédiaire de M. de la Boulays, des renseignements précis relatifs à certaines décisions de la plus grande importance, prises depuis quinze jours par une haute administration française. J’aurai l’occasion de vous dire laquelle avant quarante-huit heures !... Vous m’avez compris ?... »

Si Palas a compris !... Cependant, il resta muet comme s’il n’avait pas entendu... Alors Gorbio lui tend un papier : « J’attends de vous une lettre signée ainsi libellée que vous m’apporterez demain avant midi !... et nous aurons ainsi la preuve que nous sommes tout à fait d’accord !... »

Gorbio lut : « Mon cher comte, je suis votre homme pour tout ce que vous voudrez exiger de moi ! » C’est simple ! Comme c’est simple !

Palas froissa le papier, dompta une inutile fureur :

« Et si je vous dénonçais tout de suite ?... s’écria-t-il ; si je dénonçais le comte de Gorbio comme un traître ?... si je vous perdais en me perdant ?

– Nul ne vous croirait ! Vous n’avez aucune preuve... Dans plusieurs affaires, je suis l’associé de M. de la Boulays. Il serait éclatant pour tous que vous agissez par pure jalousie ! On se rappellerait que vous avez déjà fait quasi tout ce qu’il fallait pour me tuer !... Enfin, on n’hésiterait pas entre la parole du comte de Gorbio et celle d’un forçat en rupture de ban !...

– Laissez-moi donc faire, comte, fit soudain derrière eux une voix féminine... Vous verrez que M. d’Haumont signera ! »

C’était Nina-Noha.

« Ah ! je pensais bien que vous en étiez aussi ! » s’écria Palas...

Le comte a disparu... Palas était seul encore une fois avec Nina...

« Ne me regarde pas ainsi, c’est moi qui te sauve !... Sans moi, le comte t’aurait dénoncé depuis longtemps !... Mais ici, avec nous, tu n’auras rien à craindre !... Songe qu’on te demande peu de chose en échange de la sécurité la plus absolue !... Il n’y a plus que Gorbio et moi à connaître ton secret !... On te le gardera bien, si tu veux !... Quand ce ne serait que pour ta femme !... »

Didier se leva, sans répondre à Nina-Noha...

Maintenant il est dehors... Depuis deux heures, il va, vient, sans savoir où le conduisent ses pas. Il s’est assis dans un café, dans un bouge obscur de la vieille ville... Comment se trouve-t-il là ?... Il ne le sait pas ! Combien de stations a eues ce calvaire ?... Il ne le saura jamais !... « En échange de la sécurité absolue, quand ce ne serait que pour ta femme !... »

Et maintenant, le voilà près de sa femme qui pleure de détresse en apercevant son visage effroyable :

« Didier ! Didier ! »

Mais son parti est pris. Le capitaine d’Haumont est un honnête homme, et il s’écrie :

« Ne m’appelle pas Didier !... J’ai nom Palas, et tu n’as épousé qu’un bandit ! »


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