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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XVIII



Le miracle


Le père qui, dans une minute tragique, frappe son enfant pour le sauver de la torture (cela s’est vu en Chine lors de la révolte des boxers et du siège des légations, cela s’est vu même au théâtre) ; l’époux qui, pour épargner à l’épouse les fantaisies sadiques d’une troupe de barbares prêts à tous les crimes, la tue sur sa prière (cela s’est vu plus récemment en Europe) ne sont pas dans un état intime de plus effroyable désespoir que Palas venant dire à Françoise : « Tu as épousé un bandit !... le n° 3213, forçat en rupture de ban !... »

Car Palas aime Françoise à la fois comme sa femme et comme son enfant, car son cœur pour elle est à la fois embrasé d’amour et plein d’une tendresse sainte... Et il imagine que s’il égorgeait cette créature adorée, avec un couteau, il ne la ferait pas plus souffrir ou ne lui porterait pas un coup plus mortel qu’avec cette horrible phrase...

... Et cependant... et cependant, voilà le miracle !... Au fur et à mesure qu’il parle, au lieu du désespoir et de la douleur qu’il s’attend à voir éclater chez Françoise, c’est de la joie... presque l’extase, qui se peint sur le visage de la jeune femme...

Il parle !... Elle sait maintenant pourquoi il retournait chez Nina !... Chercher la preuve de son innocence !... Mais elle n’en a pas besoin, elle, pour y croire !

Et le miracle continue...

Elle l’embrasse avec transport !

Elle lui apprend qu’elle sait tout son passé !

Et il tombe à ses genoux !...

Elle sait ! et elle n’en a rien dit ! Elle a continué de l’aimer !...

Et il se tait, maintenant, car elle parle ! c’est à son tour, à elle, de lui dire des choses formidables !...

Ah ! comme il embrasse ses genoux !...

Quelle est cette sainte qui ne redoutait pas le terrible aveu, mais qui attendait, avec une impatience tous les jours plus douloureuse, la confidence d’un cœur qui pouvait se croire maudit et qui était adoré avec tout son secret, dans le secret du cœur de l’autre ?...

« Nul ne peut rien contre notre amour ! lui crie-t-elle en l’entourant de ses bras frémissants !... Non, personne au monde !... puisque nous pouvons l’emporter, intact, jusque dans la mort !... »

Et elle continue :

« Dénonce donc les misérables qui veulent te faire chanter !... Puis, qu’on vienne ensuite chercher mon amour dans mes bras !... Morts ou vivants, ils nous emporteront ensemble, mon adoré ! »

Quand vint le matin, Françoise regardait dormir Palas.

C’était peut-être le dernier repos avant le sommeil suprême...

Quel calme et quelle douceur heureuse étaient répandus sur ce front où Françoise avait vu passer tant de tempêtes !...

Épuisement sublime de l’être après des heures décisives et qui se soucie peu du lendemain après une veille pareille !...

Cependant, Palas ouvrit les yeux sous les baisers de Françoise :

« Mon amour, lui dit-elle, éveille-toi ! l’heure avance... »

Étourdi, il ne comprenait pas...

Ah ! oui, c’est vrai ! il se rappelait maintenant !... Il avait jusqu’à midi !...

La pendule marquait dix heures...

Palas soupira :

« Tu as raison ! je n’ai plus que deux heures pour les dénoncer !...

– Ou pour signer !... » exprima Françoise, avec le plus grand calme...

« Comment ?... Pour signer ?...

– Oui, j’ai réfléchi », continua-t-elle, en se rapprochant de Palas et en lui glissant ses bras autour du cou...

« Tu as réfléchi, Françoise ?... À quoi donc as-tu réfléchi ?... Tu me fais peur !...

– J’ai réfléchi à ce que t’a dit Gorbio : il a raison : si tu n’as aucune preuve contre lui, on ne te croira pas !... On reviendra te chercher pour te reconduire là-bas !... On trouvera nos deux cadavres, c’est entendu ! Mais lui, il continuera à tromper tout le monde !... à trahir tout le monde !... tout le monde, mon Didier, et la France !... Voilà à quoi j’ai réfléchi...

– C’est terrible, en effet... fit Palas... il est exact que je suis un forçat et que je n’ai aucune preuve contre cet « honnête homme ! »

– On dit : « Nous mourrons », continua Françoise, et nous croyons avoir tout dit en disant cela !... nous sommes des enfants amoureux qui ne songent qu’à eux ! et c’est très laid cela, tu ne trouves pas, mon amour ?

– Que veux-tu que je fasse ? demanda Palas.

– Eh bien, je veux que tu signes, répliqua Françoise sans hésitation...

« Signe ce qu’il te demande... Alors il ne se méfiera plus de toi et te fournira lui-même, un jour prochain, la preuve de son infamie !...

– Certes, cela est très beau ! mais très dangereux, Françoise ! en attendant, après une signature pareille, je puis passer, moi, pour son complice !

– Non, car en même temps... » Et Françoise alla chercher dans l’écritoire un papier qu’elle avait préparé et qu’elle lut : « Mon cher papa... Didier et moi nous sommes sûrs, maintenant, que le comte de Gorbio est un misérable... Nous en aurons la preuve dans quelques jours... en attendant, méfie-toi de tout ce qu’il peut te proposer !... »

Palas se leva et embrassa Françoise :

« C’est toi... c’est toujours toi qui as raison ! Ah ! le cœur des femmes !... Suprême intelligence !... Oui, je ferai tout ce que tu me dis... je t’obéirai comme un enfant !... Tu es le meilleur, et le plus sûr des guides et le plus courageux !... Je signerai donc, quoi qu’il puisse arriver de moi !...

– De nous, mon Didier, de nous !... Ce qu’il faut avant tout, c’est arriver à confondre le misérable !... »

C’est dans cette noble exaltation que Palas se rendit chez Gorbio.

Nous pouvons dire qu’il y était attendu... Nina était avec le comte... Celui-ci se montrait impatient et Nina le calmait :

« Je vous dis qu’il viendra ! »

Mais il était plus de onze heures et Gorbio ne tenait plus en place.

« J’ai peut-être eu tort, dit-il, de me dévoiler aussi nettement devant lui !... Il est capable de faire une folie et de nous perdre tous !...

– Tiens, s’écria-t-elle tout à coup en soulevant légèrement le rideau d’une fenêtre... le voilà !... »

C’était Palas, en effet, qui arrivait assez hâtivement et d’une allure très décidée...

« Regardez-le, il a peur d’être en retard !... »

Aussitôt introduit, M. d’Haumont salua froidement le comte et Nina et prononça ces simples mots :

« Je suis venu pour signer !... »

Et il signa !...

« Je vous avais bien dit, comte, que M. d’Haumont n’avait rien à me refuser !...

– Eh bien, répondit Gorbio, vous voyez que tout arrive, monsieur d’Haumont ! et que nous voici les meilleurs amis du monde ! »

Palas s’inclina, glacé :

« Je suis à vos ordres !

– Aujourd’hui, fit le comte, je n’en ai point à vous donner, mais n’oubliez pas notre dernière conversation. Agissez en conséquence... Je vous ferai parvenir prochainement mes instructions !... »

Palas prit congé. Il pouvait être content de lui ; la dernière phrase du comte semblait lui promettre que sa dangereuse abnégation et son astucieux héroïsme seraient prochainement récompensés. « Je vous ferai parvenir prochainement mes instructions ! » Deux lignes de Gorbio... et ensuite Palas et Françoise pouvaient mourir !...

Quand il rentra à la villa Thalassa, Françoise courut à lui.

« Mon amour, lui dit-elle, dans ce terrible drame, il nous arrive un petit ennui...

– Ce n’est pas possible, Françoise. Désormais, rien ne peut nous toucher !

– Si, mon chéri. Nos heures de bonheur sont comptées, et je pensais bien passer ces heures-là avec toi, tout seul !... tout seul !...

– Eh bien, nous fermerons notre porte... ou nous irons nous recueillir dans un coin perdu de la montagne...

– Mon chéri, Mme Martens vient de nous amener Gisèle.

– Où est-elle, la chère enfant ? » s’exclama Palas.

Françoise lui montra la villa... Elle n’eût pu parler... Elle souffrait à nouveau d’une insupportable et inexplicable angoisse.


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