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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XI



Jalousie


Pendant que ces événements se passaient à Nice, Françoise, restée à la villa Thalassa, souffrait d’une inquiétude qui, depuis la veille, n’avait fait que grandir.

La terrible scène entre Didier et Gorbio, suivie d’une dépression si singulière chez son mari dont elle avait pu admirer, dans les circonstances les plus tragiques, la force de résistance morale, ne cessait de la poursuivre.

Elle voyait encore le sourire diabolique du comte, dans le moment qu’il quittait la villa et qu’elle l’observait sans qu’il s’en doutât...

Elle ne pouvait oublier non plus l’attitude de haine et de combat dans laquelle elle avait surpris les deux hommes.

Et elle était persuadée que Didier ne lui avait pas dit toute la vérité sur ce qu’il s’était passé entre lui et Gorbio !...

Pour la centième fois, elle se répétait : « Que peut-il bien y avoir encore entre eux ?... et pourquoi Gorbio qui avait tant de raisons de ne pas pénétrer ici ?... » À ce moment, une femme de chambre vint prévenir Françoise que Mme d’Erland et une amie venaient lui rendre visite...

« Avez-vous dit que j’étais là ?

– Mme d’Erland a aperçu madame dans le jardin... »

Françoise n’aimait pas Mme d’Erland, elle la trouvait méchante, toujours prête à railler celles que l’on croyait ses plus intimes amies, et se plaisant à colporter les plus odieux potins... Cette Mme d’Erland du reste était extraordinairement renseignée sur tout et sur tous, et, comme elle avait un esprit redoutable, les uns la supportaient par crainte, les autres par amusement.

Elle n’avait jamais amusé Françoise qui la subissait. Était-ce un pressentiment ? Mme d’Haumont se rendit auprès de Mme d’Erland avec plus d’ennui et de contrainte que jamais...

Cependant, en parfaite femme du monde, Françoise composa son visage, et l’entrevue fut tout de suite d’une politesse et d’une banalité charmantes.

On prit le thé en potinant.

Il fut question des fêtes de charité qui ne cessaient de se succéder et pour lesquelles on ne cessait pas de faire appel à l’inépuisable dévouement de ces dames...

Françoise annonça que son mari était chargé du programme de la prochaine fête de Cimiez...

Aussitôt Mme d’Erland laissa tomber, en regardant son amie :

« Ah ! mais c’est donc cela que M. d’Haumont est toujours fourré chez Nina-Noha ! »

L’effet fut immédiat. Bien qu’elle eût tout donné pour que rien en elle ne trahît l’émoi fatal qui la brûla instantanément, le visage de Françoise s’était embrasé d’une flamme dévorante...

Didier chez Nina-Noha !... Elle trouva un prétexte pour se lever, déplacer un objet. Elle voulait paraître légère et indifférente.

La vérité est qu’elle s’accrochait aux meubles, pour ne pas tomber.

Didier, tout le temps « fourré » chez Nina-Noha !... Mais ça n’était pas vrai, mais cette femme mentait !... Didier ne pouvait pas aller chez Nina-Noha !...

Nina-Noha était la dernière femme dont il pût franchir le seuil !... Elle le savait bien, elle, Françoise, qui connaissait par cœur les débats du procès de Raoul de Saint-Dalmas !... Elle savait ce que cette femme avait été dans la vie de Didier !... le mal qu’elle lui avait fait !... Elle savait surtout que Didier devait, avant toute chose, redouter d’être reconnu par cette femme !...

Et il serait tout le temps « fourré » chez elle ?... Allons ! allons ! allons ! ce n’était pas vrai une chose pareille !... « Ou alors, ou alors !... »

Quand Françoise revint vers Mme d’Erland, le sang qui l’embrasait tout à l’heure avait fui ses joues, et elle était pâle comme une nappe d’autel...

Mme d’Erland et son amie ne semblaient s’être aperçues de rien et continuaient de converser entre elles, le plus simplement et le plus innocemment du monde.

« Je ne vois pas pourquoi, disait Mme d’Erland, on ne peut organiser une fête de charité sans la Nina-Noha... Il y a beau temps qu’elle a cessé de faire recette... Moi, je la trouve un peu marquée, qu’en pensez-vous, ma chère Françoise ?...

– Je la trouve encore très bien », parvint à prononcer Françoise.

L’amie dit :

« C’est étonnant comme il y a des femmes qui parviennent à se conserver, surtout dans ce monde-là !... Comment font-elles ?

– Elles font la noce ! exprima Mme d’Erland.

– Ça conserve donc, la noce ?

– Plus que les travaux des champs ou les travaux d’aiguille... Et même que la tapisserie... Voyez les honnêtes femmes dépassant trente-cinq ans, elles en paraissent soixante... Alors, reprit Mme d’Erland en se retournant vers Françoise, M. d’Haumont a engagé la Nina ?...

– Mais je n’en sais rien, répondit Françoise, d’une voix qu’elle essayait vainement de rendre naturelle, ça n’est peut-être encore qu’un projet...

– Comment, M. d’Haumont ne vous en a pas parlé ?... fit l’amie... Alors c’est une surprise qu’il vous prépare... J’habite auprès de la villa que la Nina a louée cet hiver, et voici plusieurs fois que je vois M. d’Haumont entrer chez elle...

– Nous venons encore de l’y voir entrer tout à l’heure ! ajouta Mme d’Erland !... Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-elle tout à coup... Mais qu’est-ce que vous avez, Françoise ?... Nous ne vous avons pas fait de peine, surtout ?...

– Quelle peine ? Que voulez-vous dire ?...

– Mais je ne sais pas moi !... Vous êtes tout à coup si drôle !... Vous voilà toute pâle !... Vous n’êtes pas jalouse ?...

– On n’est pas jalouse d’une Nina-Noha, déclara l’amie.

– Mais c’est une vieille dame, votre Nina... et quand on est jeune et belle et aimée comme vous !...

– Ma chère, ces nouvelles mariées sont extraordinaires !... Nous avons fait de la peine à Mme d’Haumont !...

– Aucune, je vous assure, répondit Françoise avec une froideur et un calme terribles... aucune peine... Et rassurez-vous, mesdames, je ne suis pas jalouse... »

Mme d’Erland était maintenant assez embarrassée devant l’attitude glacée de Françoise... Elle ne demandait plus qu’à s’en aller.

Du reste, elle n’avait plus rien à faire à la villa Thalassa... Son honnête besogne était accomplie. Elle trouva le moyen cependant de la parachever.

« Je suis sûre, faisait l’amie, que si cette Nina n’avait pas tous les bijoux dont elle se pare comme une châsse, on ne la regarderait même pas !... Mais les hommes sont si bêtes !...

– C’est au comte de Gorbio qu’il faut aller dire cela, ma chère, prononça Mme d’Erland.

– Pourquoi au comte de Gorbio ? demanda Françoise dont la tête tournait.

– Comment ! vous ne savez pas que le comte l’entretient, cette fille !... À ce qu’il paraît qu’il n’a rien à lui refuser !... Mais elle non plus, du reste... et depuis longtemps !... »

Elles s’en allèrent. Françoise trouva la force de les accompagner jusqu’aux terrasses.

Elles n’eurent pas plutôt franchi la grille du jardin qu’elle commandait son auto...

Elle claquait des dents. Le jour, ou plutôt ce sombre soir, où elle avait surpris son mari embrassant l’ombre formidable de ce démon de Chéri-Bibi elle n’avait pas été plus frappée d’horreur !...

Était-ce possible ?... Était-ce possible ? Son Didier aimait encore, aimait toujours Nina-Noha !...

La courtisane l’avait repris dans ses filets !

Toutes les scènes muettes auxquelles Françoise avait assisté depuis quelques jours, ces désespoirs chez Didier, ces rayonnements soudains, ce bonheur inexplicable dans sa situation présente, dans son mensonge présent, cette joie qu’il avait marquée tout à coup la veille, en rentrant à la villa Thalassa et qu’il avait si négligemment expliquée : « J’avais quelques ennuis d’affaires ! N’en parlons plus ! » tout cela, tout cela lui venait de Nina-Noha, soit évidemment qu’elle l’accueillît, soit qu’elle le repoussât !...

Horreur ! Horreur !... Les uns s’élèvent par le péché, les autres tombent par la vertu !... Françoise en face d’un pareil crime d’amour et de sa trop grande innocence à elle, pleura des larmes amères sur sa stupidité !... Elle comprenait maintenant ce qui s’était passé entre Gorbio et Didier ! C’était la jalousie qui avait dressé les deux hommes l’un contre l’autre, jusque chez elle et non à cause d’elle, comme elle l’avait ridiculement pensé, mais à cause de Nina-Noha !

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