Ana səhifə

Fatalitas ! par Gaston Leroux


Yüklə 0.66 Mb.
səhifə9/28
tarix24.06.2016
ölçüsü0.66 Mb.
1   ...   5   6   7   8   9   10   11   12   ...   28

X



Cartes sur cartes


Ne sortir d’un gouffre que pour retomber dans un autre est une gymnastique épuisante même pour les natures les plus robustes.

Nous pouvons dire que peu d’hommes auraient été susceptibles de supporter la somme d’émotions qui avaient assailli Palas depuis qu’il avait cru toucher au seuil d’une vie nouvelle. Des années de bagne lui avaient trempé l’âme, mais encore celle-ci fléchissait-elle par moments et eût-elle succombé tout à fait si, à travers tous les avatars d’une existence de mensonge et d’horreur, la lueur soudaine venue des perles de Nina-Noha n’avait apporté dans sa sombre nuit un espoir !...

Et c’est à cet espoir-là qu’il retournait !...

Les nouveaux coups portés par Gorbio, l’horrible confidence de Chéri-Bibi, tout ce qui venait ajouter à sa détresse morale ou précipiter son malheur le rejetaient à nouveau vers la danseuse et son collier !

Si le salut n’était pas là, il n’était nulle part !

Une première fois, Nina lui avait menti, il n’en doutait plus. Il fallait savoir pourquoi. Détenait-elle une partie de la vérité ?... En tout cas, ce collier, coûte que coûte, il le reverrait ! Il était décidé à tout pour cela !...

Plus on le lui cachait, plus l’espoir qu’il représentait l’attirait tyranniquement, farouchement...

Nina le reçut, cette fois, avec une impatience narquoise... mais il ne s’en émut pas. Lui aussi avait le front sombre, chargé d’une volonté obstinée...

« Oui, madame, je reviens vous parler de ce collier !... Pourquoi ne pas me dire où il se trouve ?... »

Il avait renoncé à tout subterfuge... Ainsi il pensait surprendre Nina et l’acculer à une explication définitive...

Il fut servi immédiatement :

« Vous êtes bien curieux, monsieur Raoul de Saint-Dalmas ! »

C’est à peine s’il tressaillit. Que de fois s’était-il demandé depuis sa première visite : « M’a-t-elle reconnu ? » et que de fois s’était-il dit : « Il vaudrait peut-être mieux qu’elle m’eût reconnu !... »

Il ne baissa pas la tête :

« Oui, Nina, c’est moi, fit-il. Puisque vous m’avez reconnu, peut-être aurez-vous pitié de moi !... »

Ainsi parlait Palas, et sa voix tremblante d’un espoir insensé s’était faite si suppliante qu’un autre cœur que celui de Nina en eût été certainement ému... Mais l’égoïsme passionné de la courtisane ne laissait approcher la douleur que pour s’en repaître.

Nina n’avait plus besoin des explications de Palas pour tout connaître du malheur dans lequel il se débattait, d’abord parce qu’en partie ce malheur était son œuvre, ensuite parce que Gorbio l’avait suffisamment instruite du reste.

Elle n’ignorait rien de ce qui s’était passé la veille au soir à la villa Thalassa et c’était une jouissance infinie pour elle que de voir son ancien ami, traqué par Gorbio, accourir à elle, comme à une ressource suprême contre ce même Gorbio avec qui elle avait partie liée...

Comme elle les tenait tous les deux ! et avec quelle belle tranquillité elle présidait, impassible et curieuse, à ce drame farouche dont elle était le centre redoutable !...

Cette cruauté, toute naturelle chez Nina, n’avait pas besoin d’être alimentée par de justes causes.

La danseuse n’avait aucune raison de haïr un homme qui s’était ruiné pour elle et qu’elle savait innocent du crime qui l’avait retranché pendant six ans des vivants et qui le faisait maintenant se cacher sous le masque héroïque de Didier d’Haumont !

Elle aimait la souffrance des autres pour elle-même. Et il faut bien avouer que celle-ci était d’une qualité supérieure !

Pour qui aurait observé cette femme dans le moment qu’elle s’étendait nonchalamment sur sa chaise longue, fixant d’un regard oblique le malheureux qui lui adressait une si ardente et si désespérée prière, il n’y aurait pas eu de doute que cette scène avait surtout un sens de volupté !

Avec quel raffinement Nina faisait durer le plaisir :

« Est-il possible, dit-elle, en ramenant les plis de sa robe sur ses jambes qui, autrefois, avaient affolé Raoul de Saint-Dalmas... est-il possible que M. Didier d’Haumont, le gendre du tout-puissant M. de la Boulays, ait besoin de la pitié de quelqu’un !... »

Palas s’écria :

« Oui, il a besoin de la pitié de tous !... depuis que Raoul de Saint-Dalmas vous a aimée, Nina !... depuis que vous l’avez fait si atrocement souffrir aux temps lointains de sa stupide jeunesse, et surtout, Nina, surtout depuis qu’il a été frappé pour un crime qui n’est pas le sien !... Nina ! Nina ! vous ne m’avez jamais aimé, mais vous saviez quel honnête petit garçon j’étais quand vous m’avez connu... Vous savez bien, vous, que j’étais incapable de faire le mal et que je ne suis pour rien dans la mort de Raynaud !... Je vous le demande, Nina... M’avez-vous jamais cru coupable ?... »

Il était devant elle, pantelant, haletant, plaidant sa cause comme devant un juge suprême d’où allait dépendre son honneur et sa vie.

Il fallait qu’il eût cette femme avec lui... cette femme qui savait d’où venait le collier... cette femme qui n’avait peut-être qu’un mot à prononcer pour le sortir de l’abîme...

« Nina ! M’avez-vous jamais cru coupable ? » répéta-t-il dans un sanglot où passaient son martyre de dix années et toute la douleur du moment présent...

Elle répondit d’une voix langoureuse, presque tendre, pas tout à fait plaintive :

« J’ai cru que vous aviez été plus malheureux que coupable !... »

À cette réponse qui voulait être ambiguë, mais qui, dans le fait, était loin de l’innocenter, Palas sentit un froid glacial descendre dans ses veines.

Encore une fois Nina lui échappait !... Nina se refusait !...

Mais il n’abandonna pas cette terrible partie !

« Jouons cartes sur table, Nina, fit-il, la voix changée... Je recherche la preuve de mon innocence. Le collier que vous aviez ressemble étrangement à celui qui fut volé au banquier Raynaud !

– Est-ce Dieu possible ? » s’écria Nina, jouant admirablement la surprise...

« C’est si bien possible que je pourrais affirmer que c’est lui. On en a changé la fermeture et l’on a fait disparaître la perle défectueuse, mais je l’ai reconnu !...

– Mais, mon ami, vous êtes fou !... Comment voulez-vous ?...

– Ah t comment voulez-vous ?... C’est justement cela que je viens vous demander... Dites-moi qui vous a offert ce collier et vous me mettrez peut-être sur les traces du voleur et de l’assassin ! »

Nina, maintenant, paraissait réfléchir. Sa tête dans une main, elle montrait un visage sérieux, attentif à ce que lui disait sa pensée intime...

Palas attendait, dans une angoisse de plus en plus impatiente.

Enfin elle se décida :

« Vous allez savoir, mon cher Raoul (elle lui redonnait le nom de leurs amours et Palas espéra). Vous allez savoir toute la vérité !... car j’ai confiance en vous !... »

Palas se jeta à ses genoux, lui prit sa main glacée dans ses mains brûlantes...

Qu’allait-elle dire ?... Qu’allait-elle dire ?...

Ce mot tant attendu, le Sésame qui lui ouvrirait les portes de l’avenir et refermerait à jamais celles du passé, allait-il fleurir sur ces lèvres peintes ?...

Hélas ! Hélas ! voici ce que disaient les lèvres peintes et menteuses :

« Ce collier m’a été offert avant la guerre par un prince étranger... et c’est à ce prince que je l’ai revendu, par l’intermédiaire d’un neutre !...

– Son nom ? râla Palas.

– Vous pensez bien que je ne veux pas risquer d’être poursuivie pour commerce avec l’ennemi... et que je ne puis vous dire le nom que vous me demandez !... »

Palas s’est relevé.

Cette femme se joue atrocement de lui !...

Tout son espoir se change en haine... Ah ! comme il la déteste, cette Nina-Noha ! Avec quelle rage muette il la regarde étendue dans sa voluptueuse indifférence.

Il ne peut plus entendre le son de sa voix, de sa voix qui va dire :

« Mais, mon cher ! vous avez bien tort de vous tourmenter ! personne ne pense plus à cette vieille histoire !

– Si ! moi ! » lui jette Palas, la bouche crispée, les yeux flambants de la haine qui le brûle... « moi, j’y pense à toutes les minutes de ma vie ! et je suis payé pour y penser ! Et j’y penserai jusqu’au jour qui viendra où la lumière sera faite, tout entière, sur cette atroce aventure ! Tu entends, Nina ! Tout entière !... et malgré toi peut-être !... »

Elle se redressa à son tour, ses sourcils se froncèrent terriblement :

« Qu’est-ce que cela signifie ? Des menaces ? des menaces à moi ?... À moi qui n’aurais qu’un signe à faire pour vous faire retourner au pays d’où vous venez ?... »

Palas, éperdu, passa sa main sur son front en sueur... Il essayait de rassembler ses pensées.

« C’est vrai, je deviens fou, mais Nina, comment ne le deviendrais-je pas devant vos étranges réponses !...

– Mes étranges réponses ?...

– Dites-moi, où est le collier ?...

– Hein ? mais ce collier n’a rien à faire avec le vôtre...

– Nina ! vous connaissez peut-être le nom du vrai coupable... »

La danseuse cette fois, ne put s’empêcher de tressaillir, mais son émoi fut si rapide que Palas ne s’en aperçut même pas...

« En fait de coupable, déclara-t-elle d’une voix nette et coupante, je ne connais encore que vous !... Et rien ne prouve que vous êtes innocent !... Je vous prierai donc, si vous tenez à mon silence, de ne plus me dire un mot de tout ceci ! Que ce soit entendu une fois pour toutes, monsieur Didier d’Haumont !... »

Elle allait sonner pour le faire reconduire. Mais Zoé, qui avait frappé, apportait une carte :

« Mon cher, fit-elle à Palas, après avoir lu, c’est M. le comte de Gorbio, un de mes bons amis !... »

1   ...   5   6   7   8   9   10   11   12   ...   28


Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©atelim.com 2016
rəhbərliyinə müraciət