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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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V



Un bon coup de Chéri-Bibi


Le lendemain, chez M. de Saynthine, il y avait conciliabule entre Arigonde, le Bêcheur et Fric-Frac.

Après la fameuse échauffourée de la vieille ville et la poursuite de la police à laquelle ils avaient échappé par miracle, ils étaient décidés à rester momentanément tranquilles.

Du reste, Fric-Frac ne pouvait plus se montrer et la boutique du père Toulouse était privée de son propriétaire pour longtemps.

Enfin, ils espéraient bien que, voyant le danger, Palas ne tarderait pas à leur faire de nouvelles offres...

La Ficelle, qui était toujours en fonctions, assistait de loin ou de près à ces pourparlers, s’efforçant d’en perdre le moins possible.

Vers quatre heures du soir, on sonna à la porte du jardin, qui donnait sur les derrières de la petite villa, du côté du quartier de la Californie.

Aussitôt les deux molosses que l’on détachait toujours à la tombée du soir se mirent à grogner terriblement.

Ce fut Arigonde qui alla ouvrir lui-même le petit judas pratiqué dans le volet de fer.

Un homme était là qu’il ne reconnut pas : des mèches noires tombaient en désordre sur sa face brunâtre aux méplats accentués. Un chapeau mou, dont les bords étaient baissés, jetait de l’ombre sur cette physionomie rustique et sauvage.

L’homme était habillé d’un complet veston gris aux formes lâches, aux poches béantes :

« Que voulez-vous ? demanda Arigonde.

– Parler à M. de Saynthine, répondit l’inconnu d’une voix très gutturale et avec un accent étrange.

– Qui êtes-vous ?

– Je suis aide-jardinier chez M. Didier d’Haumont. »

Arigonde resta un instant sans répondre. Il réfléchissait. Évidemment Palas lui envoyait un messager. Mais il ne l’attendait pas si vite. Et il avait toutes les raisons possibles de se méfier...

« Une seconde », fit-il.

Aussitôt prévenus, le Bêcheur et Fric-Frac montrèrent une forte jubilation.

« Il y vient ! s’exclama le premier.

– À nous son aubert ! (son argent), glapit le second.

– Patience ! et chambardez pas ! s. v. p. ! émit M. de Saynthine, prudent, m’est avis qu’il se presse beaucoup après avoir tant « renaudé » !

– Il a vu qu’on aurait sa peau, son cœur et son honneur s’il ne mettait pas les pouces ! Mets-toi à sa place et songe à ce qu’il risque : t’aurais déjà signé le traité de paix, conclut Fric-Frac.

– Gulche là-haut ! (grimpe là-haut), ordonna Arigonde au Bêcheur, et veille sur les environs ! Toi, Fric-Frac, reste dans la pièce à côté, prêt à te jeter sur le pante si tu aperçois quelque chose de louche... On va bien voir ce qu’il veut c’t’oiseau-là ! On dirait un Calabrais ! Et surtout « pas de rigolos ! » autant que possible... je n’aime pas le bruit !... »

Ayant ainsi distribué ses troupes, Arigonde s’en fut à l’ennemi, non sans avoir fait prévenir la Ficelle de tenir l’auto fermée prête à partir dans la seconde...

Sur un signal rassurant du Bêcheur qui guettait sur les toits, Arigonde ouvrit. L’homme entra. Il était calme, sans crainte. Arigonde l’avait fait passer devant lui. En pénétrant dans la salle à manger, qui avait vue sur la mer éclairée alors d’une façon fulgurante par un commencement de soleil couchant, le visiteur ôta son chapeau. Arigonde ne put retenir un cri :

« Yoyo !...

– Ah ! fit l’autre, vous me connaissez ? moi aussi... »

Le « Parisien » avait déjà recouvré son sang-froid. Il avait vu Yoyo à l’œuvre dans la forêt vierge, il savait combien il avait été dévoué à Chéri-Bibi et il pensa qu’il devait l’être de même à Palas. Les Peaux-Rouges sont souvent capables de ces héroïsmes désintéressés. Ils se donnent à l’un ou à l’autre, pour rien, pour le plaisir, heureux d’une caresse, comme des chiens.

Ainsi Palas, raisonnait Arigonde, avait amené Yoyo en France pour sa sauvegarde personnelle et Yoyo était au courant de tout !... Sa visite présente le laissait prévoir... Son moi aussi (je vous connais) ne dissimulait rien... Arigonde résolut de brusquer les choses.

« Eh bien, fit-il, parle. C’est M. d’Haumont qui t’envoie ?

– Non ! répondit l’autre en secouant la tête et en regardant le Parisien bien en face. Non ! j’en ai assez de celui-là !... »

Ces derniers mots avaient été lancés avec un accent de haine qui surprit le Parisien...

De plus en plus, il se méfiait. Il se jeta dans un rocking, alluma une cigarette, se balança et fit d’un air très détaché :

« Pourquoi viens-tu me raconter cela à moi ?...

– Parce qu’hier il m’a frappé et qu’il me traite comme une bête ! Je suis chrétien. J’ai été baptisé...

– Tant mieux pour toi ! ricana le Parisien.

– Tant pis pour lui ! gronda Yoyo. Il m’en veut parce que j’ai mal gardé la maison de M. Toulouse, l’autre soir, et qu’il a failli être surpris par la police...

– Nous aussi ! » continua de ricaner Arigonde.

Avant tout, il ne voulait point paraître étonné devant le Peau-Rouge de quoi que ce fût, ni surtout impressionné par sa démarche... Où Yoyo voulait-il en venir ?... Tout était là !...

« Tu es venu en France avec lui ?...

– Non, c’est Chéri-Bibi qui m’a envoyé ici pour lui apporter de la poudre d’or, ma poudre !... »

Arigonde cessa de se balancer sur sa chaise.

« Tout ce que j’ai, continuait Yoyo, appartient à Chéri-Bibi !... mais tout ce que j’ai, n’appartient pas à celui-là !... Chéri-Bibi m’a sauvé, moi, ma femme, mes frères... Celui-là m’a battu, comme le chien d’un autre... Qu’il crève !...

– En attendant, tu lui as donné ton or !

– Oui ! soupira l’autre, il l’a bien fallu ! Je l’avais promis à Chéri-Bibi !

– Et il y en avait beaucoup ?...

– Autant que la première fois, quand tu as tenté de le prendre chez le señor Fernandez !... rappelle-toi...

– Diable ! ricana encore Arigonde, tu fais de beaux cadeaux, toi, quand tu t’y mets !... »

Comme s’il était agacé ou froissé par les propos ironiques de son interlocuteur, Yoyo se leva, les sourcils froncés, l’œil mauvais :

« C’est assez bavardé. Veux-tu de l’or, oui ou non ? » fit-il les dents serrées...

Arigonde comprit que c’était fini de plaisanter. L’irritation de Yoyo paraissait sincère et son désir de vengeance contre Palas aussi.

« Si tu sais où est cet or, pourquoi ne le prends-tu pas toi-même ? Voilà ce qui m’étonne, Yoyo ! Jusqu’alors, tu as été notre ennemi, je suis bien obligé de prendre des précautions...

– Tu prendras toutes les précautions qu’il te plaira et tu auras tout l’or, quand tu voudras... Tu me poses des questions ridicules : tu sais bien qu’il m’est impossible, à moi, de prendre à cet homme-là une poudre d’or que j’ai promis à Chéri-Bibi de lui donner !... Toi, tu n’as rien promis à Chéri-Bibi, comprends-tu ? »

Arigonde comprenait et il en était comme ébloui. Cela encore faisait partie de cette mentalité exceptionnelle de l’Indien : l’impossibilité morale où celui-ci se déclarait de toucher à cette poudre d’or !... Et il ne perdit plus son temps à discuter. Il lui fallait, au contraire, profiter de l’état d’esprit du Peau-Rouge, au plus tôt, car le lendemain, peut-être, Yoyo aurait changé d’avis.

« Où est l’or ?

– Là où je vais te conduire... ça n’est pas loin !...

– Prends bien garde à toi, Yoyo, si tu me trompes, tu es mort. Au contraire, si tu es un ami sincère, tu pourras tout me demander... et je te vengerai de Palas !

– C’est tout ce que je te demande ! déclara Yoyo. Le reste m’importe peu ! Tu as tort de te méfier de Yoyo. Yoyo ne te quitte plus !

– J’emmène mes amis, je t’avertis encore de cela !...

– Emmène-les, vous ne serez pas trop... Le sac est lourd !... »

Dix minutes plus tard, l’auto que conduisait la Ficelle emportait Arigonde, Fric-Frac, le Bêcheur et Yoyo, du côté du cap Ferrat.

Passé Villefranche, l’auto faisait un détour assez mystérieux vers la haute corniche, puis revenait vers la mer, par un chemin de torrents...

Enfin, toujours sur les indications de Yoyo, elle pénétrait dans une crique, toute bordée de hauts rocs qui la dissimulaient à tous les regards. Que Palas eût choisi ce lieu désert, sauvage et quasi inabordable, à deux pas de chez lui, pour y cacher son trésor, la chose paraissait des plus naturelles.

Yoyo expliquait à Arigonde que le sac d’or se trouvait dans une grotte que le torrent, au moment de ses crues, balayait et recouvrait quelquefois entièrement. Il fallait prendre des précautions. Du reste, il leur montrerait le chemin.

« Non ! tu nous l’indiqueras, répondit Arigonde... et tu marcheras entre le Bêcheur par-devant et moi par-derrière, avec Fric-Frac !... »

Yoyo fit comprendre d’un geste que cela lui était indifférent. Arigonde et ses compagnons étaient armés jusqu’aux dents, qu’avaient-ils à craindre ?...

Ils sautèrent sur le roc. La grotte s’ouvrait devant eux. Les eaux s’y engouffraient avec un bruit sinistre...

Cependant les derniers rayons du soleil y glissaient une lumière rassurante. Le long du roc, sous la voûte de granit, des dalles naturelles, d’une largeur suffisante, côtoyaient le gouffre.

Yoyo désigna du doigt un renfoncement de la pièce à hauteur d’homme : « C’est là ! »

Sur la dalle, les trois bandits se haussèrent sur la pointe des pieds, pour voir... Ils tournaient le dos au gouffre... Yoyo était au milieu d’eux !... La Ficelle était à l’entrée de la grotte.

Soudain, il se passa quelque chose de fantastique... La dalle sur laquelle ils se trouvaient se souleva brusquement et le dernier rayon de l’astre du jour éclaira une cariatide formidable, la figure farouche, les épaules de colosse de Chéri-Bibi qui portait et rejetait le rocher le long duquel quatre hommes glissaient avec une clameur de désespoir et de suprêmes malédictions, pour disparaître dans les eaux tourbillonnantes...

Il y eut encore quelques appels du fond des eaux... Puis, plus rien, un grand silence, le silence de la mort... Yoyo, lui, qui savait comment les choses devaient se passer, avait déjà rejoint la Ficelle qui le sauva du gouffre... Quant aux autres...

Et, tout à coup, l’on entendit, dans cette grotte où la nuit venait d’entrer avec la mort. le rire démoniaque, l’écho terrible de la joie infernale de Chéri-Bibi, manifestation dont il payait généralement ses peines chaque fois qu’il prétendait avoir accompli une bonne action !... Chéri-Bibi riait !... riait !...

Pauvre Chéri-Bibi ! il aurait été certainement moins gai, s’il avait pu lire cette lettre signée de Saynthine qui fut apportée, le soir même, au comte de Gorbio, chez Nina-Noha :

« Vous apprendrez certainement demain par les journaux que M. de Saynthine et deux de ses amis se sont noyés par accident... En ce qui me concerne, je ne suis que blessé et réfugié à bord de la goélette Tullia. Laissez croire à ma mort. Nous avons été victimes d’un complot monté par Didier d’Haumont... Je puis vous dire maintenant qui est cet homme. C’est un forçat en rupture de ban, nommé Raoul de Saint-Dalmas. Nous l’appelions là-bas : Palas !... »


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