Ana səhifə

1867-1936) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées


Yüklə 0.58 Mb.
səhifə7/7
tarix25.06.2016
ölçüsü0.58 Mb.
1   2   3   4   5   6   7
Quando si è qualcuno’’

(1933)


‘’Quand on est quelqu’un’’
Pièce en trois actes
«Quelqu'un», écrivain fameux et quinquagénaire, écrit, pour une jeune fille dont il est amoureux, des poèmes heureux et juvéniles, en les signant du nom d'un jeune écrivain vivant en Amérique, Dèlago. Il ne peut se faire connaître, car ce serait montrer un désir honteux de la jeunesse. En fait, lorsque sa véritable identité est découverte, une vague d'indignation s'élève contre lui. «Quelqu'un» se résigne. Il ne peut être autre que ce qu'il est devenu pour la foule. Lorsque la nation fête son cinquantième anniversaire, il découvre qu'il est considéré comme un être figé, et qu'il revêt, vivant, la fixité d'une statue, ce qui est symbolisé dans la pièce par son fauteuil qui est élevé à la hauteur d'un monument.

Commentaire
Cet ouvrage est quasiment autobiographique car Pirandello exprima à la fois la nostalgie poignante de la jeunesse, l'histoire pathétique de certains renoncements et l'ennui de l'homme célèbre, prisonnier de lui-même, qui voit, impuissant, s'écrire de son vivant sa propre nécrologie. Il mit en scène son propre drame d’homme à succès, la fiction du poète qui devient monument. Il voulut montrer comment on peut être prisonnier de la célébrité et du cortège des servitudes dont elle s'accompagne. Le drame de la vedette fabriquée par le regard des autres (pour parler comme Pirandello) ou par l’opinion publique (pour adopter le langage d’aujourd’hui) et qui cherche à retrouver sous la façade et les artifices la sincérité intérieure et sa propre authenticité est un sujet moderne devenu aujourd’hui banal.

La pièce fut créée le 7 novembre 1933 au ‘’Teatro del Casino’’ de San Remo.

_________________________________________________________________________________
En 1934, Pirandello anima une rencontre sur le théâtre à Rome

Il reçut le prix Nobel de littérature. Mais il n’en resta pas moins déçu, amer, se sentant incompris.

_________________________________________________________________________________
‘’Berreche e la guerra’’

(1934)


‘’Berreche et la guerre’’
Recueil de nouvelles

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

‘’Berreche e la guerra’’

‘’Berreche et la guerre’’
Nouvelle
La Première guerre mondiale est vue par Berreche et sa famille, comme par un groupe d’amis que Berreche rencontre dans une brasserie. Berreche, qui s’était fait une idée de la façon dont le monde devait rationnellement tourner, souffre du conflit car il a étudié l’Histoire et la philologie en allemand, et a fait de l’Allemagne sa patrie culturelle et sentimentale.
Commentaire
Berreche représente évidemment Pirandello. Si, en 1934, il fit revivre la Première guerre mondiale, ce fut peut-être en matière d’hommage à ses deux fils qui l’avaient faite. Mais il a pu aussi vouloir alerter ses compatriotes au moment où Mussolini s’apprêtait à envahir l’Éthiopie.

À la crainte qu’a Berreche de voir l’Allemagne démembrée correspond la destruction de la famille. On retrouve la figure de la femme hystérique dans les scènes où la femme et la fille de Berreche se tournent vers lui, pleurant, criant et menaçant, le considérant comme l’auteur de tous leurs maux. Il devient lui-même hystérique, étant le type de l’homme assiégé qui a peur de la femme.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
‘’Soffio’’

‘’Un souffle’’


Nouvelle
Un homme se découvre le pouvoir d'éteindre d'un souffle la vie des êtres humains : d'abord atterré, stupéfait de cette découverte, il en devient presque fou et se met à souffler, à souffler... déchaînant épidémies et catastrophes, jusqu'à ce que lui-même semble se dissoudre et se fondre comme une vapeur.
Commentaire
C’est une de ces nouvelles où Pirandello adopta une facture nouvelle, moderne ; où, s'abandonnant à son imagination, il se libéra des nécessités objectives du récit, grâce à une liberté de vision et d'invention qui fait penser par certains côtés à la démarche surréaliste, pour atteindre à un état purement poétique, ou du moins y tendre.

_________________________________________________________________________________


‘’La favola del figlio cambiato’’

(1934)


‘’La fable de l’enfant échangé’’
Drame musical en quatre actes
On assiste à la classique substitution d'un prince. Mais, ici, contrairement à la tradition, c'est le prince qui est un monstre à demi idiot, et qui repart vers le Nord.
Commentaire
Le drame fut inspiré d'une légende sicilienne. Mais Pirandello s’était lui-même considéré, dans son enfance, comme un enfant échangé.

La musique fut de Malipiero.

La pièce fut créée le 24 mars 1934 au ‘’Teatro Reale dell'Opera’’, de Rome.

_________________________________________________________________________________


‘’Non si sà come’’

(1935)


‘’On ne sait comment’’
«Comédie en deux ou trois actes avec intermèdes choraux»
Commentaire
La pièce est fondée sur le contraste entre les personnages et le public qui continuellement échangent leur rôle. Elle est rarement jouée tant le texte est inconfortable. Mais la virtuosité intellectuelle de l'auteur fascine, et aucun pirandellien convaincu ne peut se permettre de l'ignorer.

Pirandello vit son « testament moral » dans cette ultime pièce qu’il termina. C'est bien d'un testament dont il s'agit, car il y évoqua tous ses thèmes (jalousie, folie, place du mensonge dans l'amour, de la volonté et du rêve dans l'existence). Le discours prend le pas sur l'action, les raisonnements sur les sentiments.

La pièce fut créée le 13 décembre 1935 au ‘’Teatro Argentina’’ de Rome.

En 1965, à Montréal, au Théâtre du Rideau Vert, la pièce fut mise en scène par Paul Blouin, avec Françoise Faucher, Gérard Poirier, Yvette Brind'Amour et Benoît Girard.

_________________________________________________________________________________
‘’Una giornata’’

(posthume, 1937)

’’Une journée’’
Recueil de nouvelles

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
‘’Una giornata’’

(1937)


’’Une journée’’
Nouvelle
C’est le récit onirique d'une amnésie soudaine et d'une biographie reconstituée sous forme d'interrogations et de surprises.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


‘’Effetti di un sogno interrotto’’

(1937)


‘’Effets d'un songe interrompu’’
Nouvelle de 6 pages
Le possesseur d'un tableau représentant ‘’Madeleine en pénitence’’ reçoit la visite d'un veuf qui y voit l'exacte image de sa femme. La nuit suivante, ils font l'un et l'autre le même rêve ou ont la même hallucination : le veuf se rend en pyjama auprès du tableau, le possesseur voit le veuf et Madeleine hors du tableau.


Commentaire
C’est une de ces nouvelles où Pirandello adopta une facture nouvelle, moderne ; où, s'abandonnant à son imagination, il se libéra des nécessités objectives du récit, grâce à une liberté de vision et d'invention qui fait penser par certains côtés à la démarche surréaliste car il atteignit à un état purement poétique, ou du moins y tendre.

On y constate que le rêve ne fait pas toujours communiquer deux univers. Il peut plus simplement mettre deux hommes en contact. Le rêve n'isole pas le dormeur : les rencontres qui nous ne pouvons pas faire dans la réalité, nous les faisons en songe et il suffit que deux hommes rêvent en même temps la même histoire pour qu'ils s'y retrouvent tous deux en tant que personnages.

Cette nouvelle part d'un décor riche d'œuvres d'art, et où un tableau en particulier joue un grand rôle. Nous reconnaissons là le thème du rêve au second degré : rêve du lecteur sur le rêve du poète, rêve du spectateur sur le rêve du peintre. Le portrait est un double du personnage qu’il représente... et parfois d'un autre personnage, né longtemps après l'exécution du portrait. L'antiquaire, comme il se doit, est un médiateur qui permet aux correspondances de s'établir.

Ce texte ironique est bien dans la manière habituelle de son auteur : une histoire à trois personnages, dont le principal choisit un comportement quelque peu inattendu. Si le rêve est l'expression d'un désir, celui-là révèle assez clairement un désir de voyeur.


La nouvelle figura dans l’anthologie ‘’Histoires de cauchemars’’.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


‘’C’é qualcuno que ride’’

‘’Il y a quelqu’un qui rit’’


Nouvelle
Au cours d'une cérémonie indubitablement fasciste, empreinte de ses funestes solennités, «il y a quelqu’un qui rit».
Commentaire
Fasciste désormais sans illusion, Pirandello avait publié cette nouvelle dans le ‘’Corriere della sera’’.

_________________________________________________________________________________


Aux recueils de nouvelles de ‘’Nouvelles pour une année’’, dont l'intégrale parut posthume, en 1937,

fut ajouté un :

_________________________________________________________________________________
‘‘Appendice’’

(posthume, 1938)


Recueil de nouvelles

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
‘’Dialoghitra il gran me ei l piccolo me’’

(1938)


‘’Entretien avec la mère’’
Nouvelle
Le narrateur, un vieil homme qui s’appelle Luigi et se confond donc avec l’auteur, ayant reçu un mystérieux appel, revient en Sicile dans sa maison natale d’Agrigente. Il perçoit soudain à ses côtés la présence de sa mère morte. Il reprend avec elle un « entretien infini ». Le fantôme lui raconte un épisode inédit de son adolescence : une navigation aventureuse vers Malte, car la famille étant garibaldienne, s’étant impliquée dans la lutte pour l’indépendance de l’Italie, avait dû s’exiler dans l’autre île, mais avait fait une escale dans une île déserte pour le seul plaisir du repos et de la baignade des enfants. Nous ne saurons jamais ce qu’il advint ensuite de ce bateau parti pour Malte, sauf que sa passagère vécut encore très longtemps et ressassa l’histoire. Puis elle parle de la guerre, disant à son fils que sa souffrance est due au fait qu’en tant que femme elle n’était pas capable de faire mais qu’elle voyait les autres y aller, comme Stefano qui la voulait, a été volontaire pour y aller, mais à qui cela n’a rien rapporté. Enfin, elle lui donne la clé de son métier d’écrivain : « voir avec les yeux de ceux qui ne sont plus » rend les choses « plus sérieuses et plus belles ».
Commentaire
La nouvelle développe l’idée selon laquelle les vivants doivent aussi voir le monde avec les yeux des morts afin que le souvenir de ceux qui ne sont plus demeure vivant et concret en eux. Il s’agit d’un thème central dans l’œuvre de Pirandello.

L’aventure racontée par la mère non seulement ne justifie rien mais ne s’achève pas. Peu importe : ce qui compte, c’est que, la vie s’appuyant sur le passé, le narrateur fait un pas en arrière dans le monde du mythe avant tout pas en avant dans la réalité concrète.


Dans leur film ‘’Kaos’’ (1984), Paolo et Vittorio Taviani ont adapté la nouvelle et en ont fait l’épilogue. Ils ont eu le commentaire suivant : « La mère est le passé sur lequel nous devons construire notre avenir. »

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


‘’L’onda’’

‘’La vague’’


Nouvelle
Un jeune homme riche loue régulièrement une partie de sa propriété et a pris l’habitude de flirter avec ses locataires féminines et de tomber amoureux, sans avoir jamais d’intentions sérieuses. Les baux n’étant que d’un an, il peut éviter tout engagement. La situation ne change que lorsqu’une de ses locataires reste tout-à-fait indifférente à ses avances parce qu’elle en aime un autre. Quand elle est rejetée, il tombe amoureux d’elle d’abord à cause de son malheur puis à cause de son triomphe sur son précédent rival. Mais, finalement, le plaisir qu’il espérait obtenir de sa quelque peu perverse forme de dévotion est compromis ; le mariage et spécialement la grossesse ont privé sa femme de sa juvénile beauté. « Sa condition ne lui permit pas de remporter une victoire complète, puisque, par cet état, il ne pouvait peut-être plus inspirer à cet homme [c’est-à-dire son rival] les tourments d’un amour jaloux. »

_________________________________________________________________________________


‘’I giganti della montagna’’

(posthume 1937)

‘’Les géants de la montagne’’
‘’Mythe’’
Les restes d'une troupe de comédiens dispersée, menés par un comte ruiné, groupés autour de l'étoile de la compagnie, la comtesse Ilse, parviennent, après diverses aventures, dans une ferme en ruine perdue dans la montagne. Les occupants de la ferme, Cotrone, une sorte de magicien, et sa bande, dits « les Poissards », tentent d'épouvanter les comédiens pour les éloigner, le lieu se métamorphosant prétendument au gré de leurs songes. Mais les comédiens savent reconnaître dans leurs apparitions et leurs diableries de parfaits truquages de théâtre. Ils voyagent, disent-ils, pour représenter ‘’La fable du fils échangé’’, la pièce d’un jeune poète qui s'est suicidé lorsque la comtesse a refusé son amour par fidélité pour son art et qu’elle veut jouer pour faire revivre sa mémoire. Cotrone invite les comédiens à rester, et, dans son « arsenal des apparitions », il leur donne un aperçu de son monde magique où l'imagination crée tout, suffisant à sa bande pour qu’elle se forge la vie qui lui est chère, peuplée de fantômes, d'apparitions et de tempêtes. Mais un besoin, auquel elle ne peut se dérober, pousse Ilse à continuer son chemin. Cotrone s'offre alors à conduire les comédiens chez les géants de la montagne, êtres violents qui ne pensent qu'à leur bien-être présent et accomplissent des œuvres grandioses pour dominer la Terre.
Commentaire
Interrompu par la mort de Pirandello en 1936, le texte s'arrête, ne se clôt pas. Si le premier acte fut écrit en 1931, le second en 1934, le troisième ne fut pas écrit. Seules quelques indications qu’il a laissées permettent d'imaginer la fin de l'histoire. Les géants de la montagne permettent aux comédiens de donner une représentation au cours d'une noce. Mais ils ne peuvent y assister, à cause de leur travail, et on ne les voit jamais en scène. Ils laissent au menu peuple le spectacle de la fable. La troupe sans le sou trouve enfin un public. Mais les paroles d'llse provoquent ses hurlements et ses coups de sifflet. Comme elle insulte les spectateurs, ils prennent les acteurs à partie, les lynchent, la tuent et, avec elle, la Poésie. Mais ainsi tous sont libérés d'un mauvais rêve.

On est émus par cette « panne », par le piège ultime où l'inventeur de pièges se trouva finalement pris. La pièce, qui s’inscrivait encore dans la problématique du « théâtre dans le théâtre », que l’auteur considérait comme sa somme théâtrale, demeura ainsi, par force, une oeuvre ouverte, comme une sépulture béante.

En dressant face à face l'effusion lyrique et l'entêtement de l'actrice Ilse, et la magie ductile du magicien, du démiurge Cotrone, théoricien de l'art idéal et non communicable, elle met en question les pouvoirs et la nécessité même du théâtre. S’opposent les acteurs désargentés, qui ont l’esprit sédentaire mais sont obligés d’être nomades, qui peuvent donner forme et réalité à tout rêve comme à toute pensée, mais en apprenant par coeur leurs rôles, en répétant, en se costumant, et les « poissards », qui sont physiquement sédentaires mais d’esprit nomade, qui sont des génies de l’immédiat. Les premiers sont des névrosés qui retouchent le monde, les seconds des psychotiques qui le composent. Quand ils vont jouer chez les géants de la montagne, le gouffre se creuse. L'incompréhension des spectateurs, symbole de l’incompatibilité du théâtre et de la société, finit par tuer la « prima donna », lapidée par la foule qu’elle rêvait de convertir à sa passion. L'œuvre de Pirandello s'acheva ainsi dans l'ambiguïté, thématique et formelle, dans une évasion vers la gratuité de l'art, dans un retour à une forme de symbolisme théâtral qu'on peut rapprocher de celui de Maeterlinck, tandis que, sur un autre plan, divers recours techniques attestèrent de l'influence du cinéma sur lui.

Mais les personnages peinent à exister : Cotrone le magicien ou Ilse la comtesse sont des figures mythologiques, des ombres portées dans une caverne, qui attendent qu'un dramaturge leur donne du sang, des couleurs, de la vie.,

Le vieil écrivain a tout mis, trop sans doute, dans cette œuvre ambitieuse, inachevée, testamentaire, cette parabole enchantée, brutale, énigmatique, dont le sujet est l'art, le fait d’être artiste (donner, s'engager, aimer). Pirandello a cru poser le doigt sur le grand ressort du joujou humain : l'art, le rêve. Le « mythe » est en effet celui de la créativité poétique. La pièce est une parabole sur l'écart douloureux entre le dit du poète, le faire du théâtre et « les masses », tandis que les géants de la montagne symbolisent les puissants de ce monde. En opposant le monde idéaliste des artistes et celui, plus matérialiste, des affaires, en faisant reparaître le vieux duel de l'esprit et de la matière, il exprima sa vision de l'art et de la vie, avança l'idée que l'oeuvre d'art peut être porteuse d'une beauté salvatrice pour l'humanité. Mais l'esprit est vaincu parce qu'il s'est détaché du corps qui est son complément naturel. Dans cette œuvre s'affirme nettement le désir d'une croyance. Jusqu'à présent, Pirandello avait refusé le témoignage des sens, considéré comme une source d'illusions. Il l'abandonna alors pour des raisons opposées : parce qu'il est incapable de construire l'illusion. Dans le même esprit, il renia aussi la raison, qui ne lui parut qu'un produit de la sensibilité. Après avoir triomphé de l'angoisse, née d'un réalisme trop tendu, il sembla être sur le point, avec ‘’Les géants de la montagne’’, de recréer un monde purement imaginaire, situé au-delà des apparences superficielles du réel quotidien, et dans lequel le nouveau dualisme, qu'il proposait, serait peut-être à même de résoudre toutes les questions. Ainsi, sa dernière œuvre fut une affirmation paradoxale de sa volonté de croire dans le monde.

La pièce, marquée par le lyrisme croissant des dernières œuvres de Pirandello, qui porta à l'extrême la désagrégation de l'édifice logique et technique de son théâtre, exige un jeu relativement expressionniste. On peut considérer que Pirandello y fut en quête d'un théâtre de la cruauté avant la lettre, recherchant, un peu comme Artaud, la substance et la forme scénique des mythes, des rêves et des fantasmes.


Elle fut créée en 1937, un an après la mort de Pirandello.

Parmi les productions qui en furent faites, il faut remarquer celle, en 1967, à l'Odéon, de Giorgio Strehler, qui fit tomber des cintres un rideau de fer qui écrasait le chariot des comédiens.

À l'automne 1981, Georges Lavaudant mit en scène la pièce en ayant d’autres idées : faire jouer de face, sur un pont suspendu, censé se trouver au-dessus des Marais Pontins au temps de leur assèchement par Mussolini, dont on perçoit l'aboiement par bribes sourdes ; clore la pièce en faisant parler, avec un fort accent italien, Stefano, le fils de Pirandello, à la place de son père qui lui aurait confié, entre deux râles, la fin qu'il rêvait et qui se met à lire un de ses carnets où se trouve le projet du troisième acte. Cela crée, avec une ironie toute pirandellienne, un fort effet de réalité, certains spectateurs ayant cru qu’il s’agissait effectivement du fils du dramaturge !

En 2007, à Paris, Laurent Laffargue, sur une nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, mit en scène la pièce, mais n’est pas parvenu à embellir cette fable funeste et désincarnée, à reconquérir cet arrière-monde peuplé de prodiges et de symboles. Rien de plus daté que la féerie qui doit surgir d'un réel transfiguré et ne peut que s'éteindre dans la convention.

En 2007, au Théâtre du Nouveau Monde, sur une nouvelle traduction par Isabelle Perreault, Michel Forgues la mit en scène pour la première fois à Montréal.

_________________________________________________________________________________


‘’Informazioni del mio involontario soggiorno sulla terra’’

‘’Informations sur mon involontaire séjour sur la terre’’


C’étaient des notes qu'on retrouva dans trois dossiers, pour un ouvrage que Pirandello ébaucha vers la fin de sa vie.

_________________________________________________________________________________


En 1936, Pirandello tomba malade de pneumonie pendant le tournage, à Cinecittà, d’une adaptation cinématographique de ‘’Feu Mathias Pascal’’. Il mourut à Rome, le 10 décembre 1936. Dans ses dernières volontés, qui avaient été rédigées en 1911, il avait fait le voeu singulier que « ma mort soit passée sous silence » : « À mes amis comme à mes ennemis, prière non seulement de n’en rien dire dans la presse, mais même d’y faire allusion. » Il demanda en outre l’incinération et la dispersion de ses cendres, afin, précisa-t-il, que « rien ne subsiste de moi ». Mais, en 1946, elles furent transportées à Agrigente où, encloses dans un vase grec, elle furent placées sur une console dans la villa où il naquit, ‘’lu Causu’’ (‘’le Chaos’’), devenue monument national.
L’ambiance qui régnait en cet endroit du temps de son enfance fit de lui un homme tourmenté, d'une grande sensibilité. Sicilien, il a souvent peint les mœurs, la culture et les coutumes de son île natale. Mais parler de régionalisme serait une erreur car son œuvre puisa ses sujets dans toute l’ltalie et en donna une interprétation amère et douloureuse qui contraste avec la mythographie officielle de son temps. Ses paysages sont en effet désolés ; les êtres humains s'y confinent en eux-mêmes dans une solitude tantôt aflligée et tantôt furieuse.

Germaniste, il avait lu Schopenhauer qui est une de ses sources. Pour tous les deux, le mal a pour cause la prise de conscience et s'accroît avec la lucidité. Qu'un être qui ne peut être que multiple et changeant prétende fixer son moi hors de l'existence, telle est la cause de la souffrance. S'il réfléchit, il ne pourra que confronter son exigence et son incapacité ; l'absurdité de son destin lui apparaîtra. Aussi y a-t-il chez les personnages de Pirandello une possibilité de choix qui n'est pas laissée à la personne.

Sa sensibilité fut encore accentuée par de fréquentes difficultés matérielles et par l'expérience douloureuse, toute proche, qu'il eut de la folie de sa femme, Antonietta. Il fut un être souffrant, à la fois désespéré par la hideur de l’humanité et y puisant à pleines mains, avec une allégresse grinçante.

Et, se nourrissant de ces expériences vécues, il travailla sans relâche, écrivit tous les jours de sa vie, seulement sous l'empire d'impulsions soudaines, mais qu’il soumettait à une vigilante réflexion ; s’il s'abandonnait au monde de la fantaisie, il le disciplinait dans une composition qui contraignait ses personnages à venir proclamer publiquement ce qui se cachait dans le secret de leur maison ou de leur conscience, à venir faire sommairement justice des autres ou de soi-même. Même quand la gloire vint le soustraire aux angoisses de cette vie qu'il avait acceptée, même quand il fut devenu un écrivain de réputation mondiale, académicien et prix Nobel, il garda dans sa vie vagabonde d'homme de théâtre et de metteur en scène le même esprit de labeur acharné, et opposa cette attitude sévère à tous les succès de sa vie littéraire. Aussi, pour Benedetto Croce, ne connut-il pas «la joie sereine de la beauté».

Il écrivit dans tous les genres : essai, poésie, nouvelle, roman et surtout théâtre, qu'il a constamment pratiqués et qui se mêlèrent tout au long de sa carrière, les différents aspects de son inspiration se retrouvant tous ensemble dans chacune de ses grandes œuvres. Si la célébrité lui est surtout venue de ses œuvres dramatiques, ce serait une erreur que de chercher à déterminer si le nouvelliste est plus ou moins grand que le dramaturge, car ce furent deux avenues nécessaires non seulement de son évolution artistique unique, mais du rythme interne de son écriture.

Il produisit, au fil de ses quarante-cinq ans de carrière Iittéraire, quatre recueils de poèmes, sept romans, deux cent cinquante nouvelles, une quarantaine de pièces de théâtre, ainsi que deux volumes d'essais.



L’essayiste
Dans les essais de Pirandello, on trouve une réflexion philosophique, tendance qui affleure sans cesse dans son oeuvre à laquelle on a pu reprocher ses raisonnements à vide. Quelque peu conscient de ce travers, il l’a traité sur le mode comique en s’amusant, chez certains de ses nombreux personnages de commentateurs, meneurs de jeu, metteurs en scène au sens propre et au sens figuré, d’une manie du raisonnement gratuit qui n'est que le revers de la folie qui guette la conscience si elle se penche sur elle-même et découvre qu'elle n'est que le centre creux où se croisent les projets des autres. En proie à une logique déréglée, ils s'expriment anxieusement par des gestes guignolesques et une loquacité qui délivre leurs secrets et tarit leur charge vitale jusqu'à leur complet épuisement.

On trouve aussi une apologie de sa propre activité littéraire, et compta surtout l’essai où il définit son « humorisme ».


Le poète
Auteur de poèmes qui sont des notations autobiographiques ou épigrammatiques, Pirandello fut limité par son inclination à la morale et à une mélancolique sagesse atavique, fruit de la tradition sicilienne, avant de montrer un esprit aigu et malicieux. Ses poèmes, peu lus en Italie même, paraissent bien pauvres en face de l'extraordinaire floraison lyrique de la littérature italienne de cette époque. Mais, tous antérieurs à 1910, ils présentent l’intérêt indiscutable de suivre à la trace une voix qui cherchait et affirmait peu à peu ses registres et ses thèmes.

Le conteur
Narrateur à la veine intarissable, maître dans la notation exacte et fidèle, dans la description des manières d'être de ses personnages et des faits sociaux, Pirandello publia sept romans et plus de deux cents nouvelles.

Les romans, s’ils sont de valeur inégale, si la plupart ne furent que des essais assez médiocres en eux-mêmes, s’ils sont de longues nouvelles accompagnées d'un commentaire perpétuel car est nette la tendance à l'apologue prononcé d'un ton sentencieux, ils présentent un éventail de problèmes, multiplient les observations sur la multitude continuellement changeante des événements humains, faits et personnages étant juxtaposés dans une série presque infinie. Ils sont régis par le principe humoristique de la décomposition des données et des idées reçues : pour les narrateurs-protagonistes, qui sont réduits à des formes sommaires, qui vont aveuglément mais avec confiance à la rencontre des innombrables événements de la vie, qui sont des observateurs du réel social et de leur vécu filtrés par les concepts, les certitudes s’écroulent, les masques tombent, le monde n’est qu’un théâtre où s'agitent les fantoches humains. Une fois parcourus les chemins de la connaissance de soi et de l'observation du monde, aucun de ces narrateurs-protagonistes n'est à sa place. Leur moi est pulvérisé et leur identité, bafouée. Le spectacle et la pratique du monde leur font découvrir une aliénation existentielle et sociale dans un univers où règne la loi de l'incommunicabilité.

Pirandello y dépassant le naturalisme à la sicilienne, l'« humorisme » marqua les romans jusque dans la structure anecdotique qui souvent s'enracina dans le grotesque quotidien et produisit des effets subversifs à l'infini.
Les nouvelles, genre auquel il est resté fidèle toute sa vie car il convenait parfaitement à la sécheresse et à la concision de son style, constituent la part la plus riche et peut-être la plus originale de son œuvre. Elles devaient, dans ‘’Nouvelles pour une année’’, constituer un ensemble de 365 récits, mais ne furent finalement que «seulement» 250. Mais ce fut un prodigieux laboratoire de son art narratif et dramatique, un grouillement de « cas », individuels et collectifs, d'une extraordinaire richesse, plus bizarres et cruels les uns que les autres.

Dans leur ensemble, les nouvelles offrent une très grande variété de thèmes, de paysages, d'êtres agités et gesticulants, appartenant à toutes les conditions sociales, saisis dans les milieux les plus divers, les situations les plus étranges, grotesques ou paradoxales, vivant les plus inextricables passions. Mais cet univers n'est pas si varié qu'on n'y puisse déceler certains thèmes et certaines formes essentielles. On peut, avec quelque artifice, distinguer quatre catégories dont chacune tour à tour domina ou se combina avec une autre, sans qu'il soit possible de dessiner clairement une évolution chronologique. On reconnaît d’abord de nombreuses nouvelles véristes (c’est-à-dire naturalistes) dont la matière était une Sicile primitive, implacable, tragique et désespérée, un monde rude et archaïque, où les thèmes étaient : exploitation des uns par les autres, enlèvements, mauvais œil, distractions violentes et joies passagères. D’autres nouvelles présentaient des cas paradoxaux, que l'auteur poussa logiquement aux plus extrêmes conséquences, situations qu'il a souvent portées au théâtre et qui constituent le caractère le plus marquant du pirandellisme. Des nouvelles abstraites furent des mises en récit de réflexions sur la création artistique et le « peu de réalité » des humains. Enfin, on trouve des nouvelles de l'étrange et de l'allégorie. Ainsi, la vision de Pirandello passa de la microsociété sicilienne à la macro-société humaine. Et, mêlant les tons et les registres, du vérisme ou naturalisme des débuts, il alla vers l’expressionnisme et même jusqu’à un véritable surréalisme. Mais toutes témoignent de la profonde pénétration psychologique de son génie, notamment dans le portrait des humbles. On pourrait conclure que le nouvelliste est allé de Verga à Kafka.

Les nouvelles furent essentielles à la genèse du théâtre, puisque, dans une oeuvre traversée par l’autocitation, pas moins de vingt-huit pièces en tirèrent leur sujet, puisqu’il reprit très souvent dans ses pièces les thèmes de telle ou telle de ses nouvelles, puisqu’il transforma en dialogue ou monologue les faits qu'il avait racontés dans les limites parfaitement circonscrites et circonstanciées de ses nouvelles. En tout cas, elles ont constitué l'humus où a germé l'œuvre dramatique, aussi bien dans son aspect idéologique que dans son aspect technique.
Le dramaturge
Dans l’oeuvre de Pirandello compte surtout son intense production théâtrale qui se situa dans le prolongement de Strindberg. Elle est aussi variée du point de vue du contenu que du point de vue de la forme. Ses pièces constituèrent l'essentiel de sa production après 1910. Dès les premières, le drame fut toujours le suivant : contraste entre l'illimité de la vie et les limites de la connaissance et de l'action. Ce secret une fois découvert, il s'appliqua à leur composition avec la même ferveur qu'il avait mise à celle de ses nouvelles.

On peut y distinguer les comédies et les drames bourgeois. Les premières sont des œuvres d'une extrême vivacité, soit dans le domaine de l'action scénique, soit dans celui du dialogue, soit enfin dans la matière même ; ce sont des farces paysannes folkloriques et véristes (certaines en dialecte sicilien, le texte italien qu'on en possède étant second) ou des vaudevilles avec leur trop fameux triangle. Dans les drames bourgeois, drames de l'amour offert et mal reçu, de l’adultère, du mensonge, de la culpabilité, de la folie, des âmes en peine, placées dans des intérieurs cossus, s’affrontent dans des jeux de rôles mais, à la fin, déposent le masque social et paraissent nues ; ces êtres ridicules, grandiloquents, excessifs, à l'image des Siciliens, à la fois taciturnes et gesticulants, tout en façade, mais fous de métaphysique et d’honneur masculin, appartiennent à l'univers étouffant et étriqué de la petite-bourgeoisie de province, ont ses problèmes familiaux et sentimentaux, embrouillés et scandaleux, traités légèrement ou dramatiquement, son hypocrisie, son souci des convenances, sa mesquinerie. Mais, si furent développées diverses intrigues inattendues, si fut représentée la crise d'une société soumise à la corrosion et à la désagrégation, si jaillit toujours l’étincelle du paradoxe sarcastique, ce théâtre conventionnel paraît aujourd’hui insupportablement vieillot et complaisamment démodé avec son décor traditionnel, les oripeaux désuets dans lesquels il enveloppe ses héros.

Mais, entre 1920 et 1930, et tout en exploitant épisodiquement des thèmes développés dans le théâtre de la première période, selon une technique de variation et de combinaison, Pirandello se livra à une quête incessante de la modernité qui comportait une dimension à la fois immédiate et utopique puisqu'il s'agissait d'élargir la conscience critique et de la conjuguer à la conscience esthétique, qui cherchait à exprimer par les moyens artistiques les plus appropriés la perception aiguë de la crise des valeurs. Voulant problématiser et reconstruire le théâtre, il produisit une série de pièces qui furent une vaste et systématique entreprise de renouvellement de la dramaturgie, et constituent, avec celle qu'on doit à Brecht, une des deux grandes révolutions théâtrales de la première moitié de notre siècle. Ce furent les expérimentations des pièces de la trilogie du « théâtre dans le théâtre » (représentations d’une représentation impossible, qui présentent une sorte de phénoménologie du théâtre, une discusion sur les rapports entre la réalité et l'apparence, tout en étant du vrai théâtre plus que théâtre à thèse, doté d'une puissance dramatique qui inspira toujours les interprètes de talent) et les « mythes » finaux, pièces qui subvertirent les structures traditionnelles parce que l'enquête sur l'être humain allait de pair avec celle sur le théâtre, parce que la vie de l'être humain est un théâtre, et parce que le théâtre est le lieu de la réflexion de l'être humain sur lui-même, qui réfléchirent les contradictions entre la vie et les formes artistiques, et soulevèrent des polémiques. En effet, des critiques représentant des idéologies opposées les ont tour à tour, et à peu près sur les mêmes bases, encensées et violemment attaquées.

Ainsi, dans le théâtre de PirandeIlo, cohabitent la tradition la plus éculée et la plus rassurante et des ferments de subversion et de désagrégation. On pourrait conclure qu’il est allé de la farce, du vaudeville et du drame bourgeois au « Nouveau Théâtre», puisqu’il proposa déjà une dislocation de la personnalité humaine en facettes et en opinions contradictoies, incapables de se recomposer logiquement, un des aspects de ce qu’on a appelé le pirandellisme, notion plurivoque et qui se laisse difficilement définir.


Le pirandellisme

Même si certains critiques rangent Pirandello parmi les auteurs germanistes et, de ce fait, philosophes, ses pièces ne sont pas des pièces à thèse, et on ne peut dire qu’il ait développé un système. Cependant, on doit remarquer qu’il fut animé par une recherche acharnée du sens de la vie et d’une nouvelle conception du théâtre.


Dans sa recherche du sens de la vie, Pirandello fut d’emblée dirigé par ce qu’il a lui-même appelé l'« humorisme », qu’il a défini comme le « sentiment du contraire », comme la reconnaissance, à la fois comique et douloureuse, de ce qui devrait être là où l'on rencontre, justement, le contraire. L’exercice instinctif et spontané de ce sentiment du contraire l’a conduit à compenser sans cesse le choc d’une émotion par l’émotion inverse ; à mêler le tragique et le comique ; à conter gaiement des événements tristes et tristement des événements gais ; à établir l’équivalence dérision-compassion ; à manier le paradoxe, l'ironie et l'auto-ironie ; à observer l’irrationalité souvent cruelle du monde avec un humour grinçant, sarcastique ou mélancolique ; à compromettre une représentation réaliste et précise menée progressivement par l'intrusion du grotesque, du fantastique, de l'absurde ; à souligner le contraste tantôt affligeant et tantôt truculent entre une médiocrité triomphante et un sublime pathétique, ridicule, accepté en façade par tous, exploité et enfin exclu quand le monde des apparences et des conventions peut retrouver sa surface lisse, un moment égratignée par les cris et les raisonnements des gêneurs.

Ainsi s’explique l’ambiguïté de son oeuvre à la fois démystifiante et mystificatrice, où, « archéologue de l'âme », il fut le premier, avec un pessimisme amusé, à dévoiler au théâtre les vacillements de la conscience moderne.

Il mit à nu les mécanismes de l'aliénation et du jeu social. Il dénonça une société malade d'égoïsme et hypnotisée par ses propres apparences. Il multiplia les reflets de l'animal social piégé par la nudité de son masque pourtant nécessaire (il donna à son théâtre le titre général de « Masques nus»), auquel l'autre oppose sa propre altérité (« Des masques, des masques... Un souffle et ils disparaissent pour céder la place à d'autres»), sans toutefois plaire ni aux catholiques (ils lui reprochèrent son agnosticisme, l'immoralité des situations et surtout des solutions), ni aux marxistes (ils lui reprochèrent de ne pas repousser totalement le capitalisme). François Mauriac déclara : « Que ce Pirandello nous étouffe bien ! À quelle solitude il nous condamne ! »

Il révéla la relativité du langage, qui fait qu’il est impossible de connaître l’autre, qui fait de la communication une illusion. Il révéla la relativité de la raison, qui fait que la vérité, déjà fragile, s'appauvrit encore dans une fixité anormale, et que s’impose la vérité de la folie. Pour lui, « une mythomane est une artiste ratée, mais son mensonge reflète la vérité de ceux qui l’entourent. »

Il analysa la façon dont la société enferme les êtres dans leur apparence. C'est dans le regard que l'autre porte sur lui que chacun se rencontre et se rend compte de ce qu'il est. Nous n'existons qu'en fonction des autres, nous ne sommes que ce que les autres font de nous, nous jouons le personnage que notre entourage, notre métier, la société, nous imposent, et nous arrivons à ne plus savoir ce que nous sommes, si notre véritable personnalité est celle dont nous rêvons, celle que nous vivons ou celle que nous simulons devant les autres. S’ils ne nous reconnaissent pas, nous sommes morts ; nous ne vivons que par l’idée qu’ils se font de nous-mêmes. L’individu en quête d’une identité personnelle est voué à l’échec car force lui est de reconnaître que c’est la pensée des autres, avec tout ce qu’elle implique d’aliénation par malentendu ou par mauvaise foi, qui lui donne vie. Nous ne sommes pas maîtres de nos pensées, de nos sentiments, de nos volontés, de notre personnalité, car nous sommes soumis aux lois de l'univers, à toutes sortes d'influences physiques, ataviques, sociales, etc.. Nous n'avons aucune existence personnelle.

En effet, la désagrégation de la surface trop lisse des apparences et des convenances menace aussi l'identité même des personnages principaux, qui est bridée, frustrée, destin qu'il faut accepter sous peine d'exclusion, de folie, de mort. Il marqua la fin de la possibilité, pour l'être humain, de s'affirmer comme une volonté intègre puisqu’elle se heurte fatalement à l'agressivité du monde extérieur.

Bien plus, nous ne connaissons de nous-mêmes que l'idée que nous en prenons. Parti de la « dissociation des sentiments » Pirandello, qui avait tôt découvert que l’être humain est « un, personne et cent mille », s'est très vite consacré exclusivement à l'étude de la « dissociation de la personnalité ». Toutes ses oeuvres ont pour sujet des dissociations de personnalité, simples au début, mais qui sont devenues de plus en plus complexes, surtout dès qu’il aborda le théâtre, y fondant, selon Benjamin Crémieux, la tragédie moderne qui est une tragédie de la conscience, lui donnant, à l'horizon du XXe siècle, une autre finalité et d'autres limites en montrant bien comment le sentiment de la fatalité y remplace l'action de la fatalité.

Lui qui a cherché son identité toute sa vie (« Moi-même en m’observant je me rendais de plus en plus compte que j’interprétais, à chaque fois une partie différente de moi-même selon l’interlocuteur que j’avais devant. Je n’étais pas une seule personne ; j’étais plusieurs personnages en quête d’une seule personne... ») fut hanté par le thème de la prétendue identité individuelle qui n’est qu’une apparence. Ses personnages, en proie aux avatars de leur personnalité, à l’incertitude du moi, ressentent la fragilité de leur identité, se perdent dans sa difficile ou impossible quête, en arrivent à en douter jusqu'à l'anéantissement. Conscients de leur inconstance, de leur fragilté, de leur insignifiance, ils s'interrogent constamment sur leur propre rôle, conduisent l'action (et les spectateurs) à travers ce réseau de perplexités qui sous-tend toute l'oeuvre. Fut ainsi détruit le mythe du « caractère » cerclé de fer des classiques, fidèle à lui-même d’un bout à l’autre de la pièce, comme Harpagon dans ‘’L’avare’’ de Molière (pour Pirandello, on est avare à certains moments de notre vie et tout le contraire à d’autres), de la personnalité transparente dans le bien comme dans le mal.

En somme, on peut constater qu’au moment où on assistait au triomphe des conceptions relativistes dans le domaine de la physique, le pirandellisme fut un relativisme psychologique.
Dans sa recherche d’une conception du théâtre, Pirandello en vint à concevoir une dramaturgie qui était une réflexion scénique sur la rhétorique du théâtre bourgeois qu’il décomposa radicalement. Car s’imposa à lui le dualisme constant de la vie et de la forme, l’opposition fondamentale entre la vie, qui est fluide et spontanée, et la forme, qui est rigide, conventionnelle, statique, désignant aussi bien les conventions sociales, y compris celle du langage, que toute schématisation intellectuelle, que l'art lui-même. Avec le temps, et aussi avec Ie succès, ce thème devint le problème central de son théâtre. Il fit correspondre à la corrosion de la société la désagrégation analytique des formes d'art qui la mimaient. Il désarticula tous les supports de ce théâtre réaliste, refusant de trancher entre réalité et fiction, détruisit le cours traditionnel de l'action dramatique puisque la fable dramatique n’était plus linéairement racontable, dénonçant dans le dialogue une feinte communicative, explorant méthodiquement le procédé de la mise en abyme, déportant le lieu scénique dans la salle et même dans le foyer du théâtre.
Destinée de l’oeuvre
C'est surtout par son théâtre que Pirandello conquit la célébrité mondiale. Il fut reconnu comme le dramaturge le plus radical de son époque. Si le théâtre du « Sicilien » a suscité chez certains une dérision, une hargne qu’il est difficile aujourd’hui d’imaginer, il reçut un très vif accueil sur de nombreuses scènes européennes. Sa valeur historique est d'avoir servi de terrain de reflexion et de sujet d'imitation à plus de cinquante ans de théâtre mondial, et d’avoir ainsi rendu témoignage des crises et des conquêtes dramaturgiques de toute une époque.

En 1950 fut publiée, en français, par Gallimard une édition du théâtre complet de Pirandello traduit en grande partie par Benjamin Crémieux puis par Marie-Anne Comnène. En 1978, dans la collection de la Pléiade, parut une nouvelle traduction conforme le plus possible au texte italien, respectant le style haché de Pirandello.

Il a influencé des auteurs. Anouilh et Jean Genet lui sont redevables. Il a préfiguré le théâtre de l'absurde dans sa version existentialiste (Sartre, Camus, Ugo Betti, Buzzati).

Les metteurs en scène surtout (Georges Pitoëff, Max Reinhardt, Giorgio Strehler et Erwin Piscator) prirent à sa suite un important virage en faveur de la recherche théâtrale. Ils rompirent avec le naturalisme, adoptèrent l'idée du «théâtre dans le théâtre » en se contentant toutefois le plus souvent d’en faire un simple procédé, sa popularité s'appuyant donc à la fois d'une méprise, d'une fascination et d'une énigme qui d'ailleurs persiste au-dessus de l'oeuvre entière.

Du fait de son singulier questionnement sur l'identité, il a exercé une espèce de fascination sur les Québécois préoccupés eux aussi d'identité. Les pièces de Pirandello, en plus d'être jouées au Québec une quinzaine de fois sur scène, ont donné lieu à trois téléthéâtres et à treize radiothéâtres.
Pirandello a été adapté au cinéma.

En 1954, fut produit le film ‘’Questa e la vita’’ dont les quatre épisodes étaient tirés de nouvelles : "La giara" (réalisé par Giorgo Pastina) , "Il ventaglio" (réalisé par Mario Soldati), "La patente" (réalisé par Luigi Zampa et joué par le comique Toto), "Marsina stretta" (réalisé et joué par le corpulent Aldo Fabrizi).

En 1984, les frères Paolo et Vittorio Taviani produisirent ‘’Kaos, contes siciliens’’, une adaptation de cinq nouvelles : ‘’L'autre fils’’, ‘’Le mal de lune’’, ‘’Requiem’’, ‘’La jarre’’ et ‘’Entretien avec la mère’’ qui sert d’épilogue. Le film saisit dans ses multiples dimensions la région natale de l’écrivain, les mœurs et les mythes de la Sicile. Les thèmes des racines, de l’attachement tellurique, de la mort et de la perte d’identité, le parcourent. Les nouvelles ont chacune son autonomie mais ont en commun quelque chose qui fonde leur unité thématique et justifie le titre de l’ensemble, «Kaos» étant, selon Pirandello, l’étymologie grecque du lieu-dit «lu Causu», près d’Agrigente, où il est né.
En 2001, Andrea Camilleri, cousin germain de sa grand-mère et comme lui originaire de Porto Empedocle, a consacré à Pirandello une alerte biographie, ‘’Pirandello, biographie de l'enfant échangé’’, focalisant son attention sur les événements qui ont influencé son oeuvre : son premier amour, son mariage malheureux, son amour égoïste et exclusif pour sa fille, Lietta, et surtout ses rapports complexes avec Stefano, son père.

Les retours à Pirandello n'en finissent pas de nous étonner et de nous apprendre que sa quête de la modernité reste actuelle, car elle est un pari sur le renouvellement nécessaire de l'art, du théâtre et de la littérature qui sont pris entre ce que la société industrielle et post-industrielle offre aux artistes dits modernes, à savoir la dépossession ou le conformisme, et ce qu'ils ne peuvent jamais accepter : se résigner à répéter l'asservissement des signes créateurs au pouvoir idéologique, institutionnel ou politique.



André Durand
Faites-moi part de vos impressions, de vos questions, de vos suggestions !
 Contactez-moi   





1   2   3   4   5   6   7


Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©atelim.com 2016
rəhbərliyinə müraciət