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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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III



Deux âmes qui se cherchent


Quand Françoise rentra à la villa Thalassa, M. d’Haumont la cherchait. Il ne comprenait point qu’elle fût sortie si tôt sans qu’il l’eût vue. Les domestiques ne pouvaient donner aucun renseignement utile. Françoise entendit son mari, dans le jardin, qui questionnait un jardinier.

Le son de cette voix émue lui fut une douce musique, après les derniers grognements de l’autre.

Elle sentit battre son cœur ineffablement et elle comprit qu’elle ne l’avait jamais tant aimé. Mais elle tremblait d’être surprise dans son émoi.

Elle eût voulu avoir des heures devant elle pour se recueillir.

Elle se demandait avec angoisse si elle n’allait point se trahir tout de suite, si son visage n’allait point apprendre à Didier qu’elle savait tout ! Et les dernières paroles de Chéri-Bibi : il se tuerait ! n’étaient point faites pour la calmer, bien qu’elles lui commandassent le sang-froid.

Elle s’était arrêtée derrière le petit temple de l’amour qui dressait, à l’extrémité des terrasses, sa coupole de marbre parmi l’enchevêtrement d’une flore embaumée.

Elle avait mis la main sur son sein. Et, quoi qu’elle fît pour dompter son cœur en désordre, elle se demandait si elle n’allait pas suffoquer, s’abattre là stupidement, quand Didier, inquiet, surgit devant elle.

« Oh ! mon Dieu ! qu’y a-t-il ? » et il courut vers elle.

« Rien ! Rien ! je suis montée trop vite ! je voulais te faire une surprise !... je suis un peu essoufflée ! ce n’est rien ! je t’assure, mon chéri... »

Là, là, (calme-toi, mon cœur ! maintenant le plus gros est fait !) Elle reprenait son équilibre mental et la libre disposition de son corps ! Elle l’avait vu, le forçat !...

Elle lui avait parlé naturellement...

Elle avait trouvé tout de suite le mensonge nécessaire... Elle sentait qu’elle saurait toujours lui mentir sans hésitation avec une habileté que lui dicterait son incommensurable amour...

Didier l’embrassait et elle riait de bonheur, un peu plus fort, un peu plus nerveusement peut-être qu’il n’eût fallu, mais elle était montée si vite !... elle avait couru...

« Ce matin, je n’ai pas voulu te déranger, tu dormais si bien !...

– C’est comme moi, hier, quand je suis rentré, je n’ai pas voulu t’éveiller...

– Crois-tu ! quelle histoire ! fit-elle tout à coup. Tu sais qu’ils m’ont fait peur, ces gens de la police ! on t’a raconté ?...

– Oui, c’est assez bête, ce qu’ils ont fait là !... Tu ne vas plus te croire en sûreté ici !... Si tu veux, nous allons déménager !

– Oh ! mon chéri, me prends-tu pour une sotte ?... »

Et elle lui parla tout de suite d’autre chose, d’autre chose de très important, de la robe que Violette aînée devait lui livrer le jour même, « encore une surprise que je te réserve pour ta fête de charité de l’hôpital auxiliaire de Cimiez... ».

« Tu verras comme je serai belle, c’est une idée à moi ! Oh ! très simple, tu sais, mais d’un chic !

– La coquette !

– Oui, pour toi, pour toi seul !... »

Il était rassuré quant à elle, c’était visible. Peut-être avait-il redouté que les événements de la nuit précédente eussent laissé chez Françoise un souvenir inquiétant... La façon hâtive dont il l’avait recherchée le matin même, le trouble avec lequel il l’avait abordée, tout le faisait supposer... Mais, maintenant, il respirait librement. L’effroyable aventure avait passé près de sa femme sans qu’elle en eût été effleurée.

« Où es-tu allée te promener, ce matin ?

– Mais tout près d’ici, mon chéri, jusqu’à notre rocher, tu sais, celui où l’on est si bien pour s’embrasser... je t’attendais... je me disais : il va se douter que je suis là !... Et tu n’es pas venu, méchant !...

– J’y allais », fit Palas.

Et c’était la vérité...

Cette matinée se passa, pour Françoise (sans que Palas s’en doutât un seul instant), dans une occupation ardente de son esprit autour « des gestes du forçat » !...

Observations muettes, alternatives de terreur et de confiance ardente... (un forçat ! un forçat ! oh ! ces deux syllabes dans la sonorité de son cœur) mouvements de pitié et d’amour...

Un moment il fut devant elle et il paraissait l’avoir oubliée, tant son esprit préoccupé envisageait dans le secret de sa conscience de redoutables et pressantes hypothèses...

Et il marchait devant elle, les mains dans les poches, les épaules lasses et le menton bas.

Alors, ce fut une révélation atroce...

Elle n’avait connu jusqu’alors que le héros... elle venait d’apercevoir le bagnard !

Il ne devait pas être autrement sur le roc brûlant où le Destin l’avait jeté dix ans, de l’autre côté des océans !...

Dix ans de bagne ! Cet homme dont elle avait pénétré la belle âme, dont le cœur généreux, comme celui d’un enfant, tenait tout entier dans ses petites mains d’épouse... cet homme avait vécu dix ans au bagne !... Ce fut si soudain cette vision, qu’elle ne put retenir une sourde exclamation. Didier se retourna.

« Quoi encore ? quoi encore ?...

– Rien ! Rien ! je t’aime ! je t’aime ! ah ! comme je t’aime !... »

Elle lui avait pris la tête entre ses doigts de lumière ; elle l’avait rapprochée de ses lèvres tremblantes d’amour... et ses baisers allaient chercher les rides les plus profondes, celles qui se cachaient aux tempes, dans l’ombre propice du cheveu rude, celles qui avaient conservé les souvenirs les plus forts de la douleur. Elle les lavait de ses larmes tièdes qu’elle ne pouvait plus retenir et qui coulaient doucement sur ce visage adoré...

« Françoise ! Françoise ! qu’as-tu ? balbutiait-il encore.

– Rien ! rien ! je t’aime !... je t’aime et je pleure ! Laisse-moi pleurer ! je pleure de bonheur... mon chéri ! mon chéri ! »

Il sortit de ses mains ébloui et terrifié.

Un amour pareil, au fond de son abîme, il y avait de quoi crier de joie et d’horreur ! Il se laissa aller dans ses bras, ne voulant plus penser à rien, décidé à s’abandonner à son destin qui le frapperait par-derrière, quand il lui plairait !...



Mais elle ! Mais elle !
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