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Vous venez de télécharger la première Partie des mémoires de guerre de Edmond tondelier


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2 août - Le Conquet - Ce matin, j’ai achevé la visite de la ville et j’ai pris le tramway du Conquet situé à vingt trois kilomètres de Brest, près de la pointe Saint-Mathieu. C’est ici, à l’extrémité du continent, assis sur une énorme roche, ayant sous les yeux devant moi l’île Moline, Ouessant, Sein (?), que je terminerai mes souvenirs militaires de la guerre. Certes, mes soucis ne sont pas finis mais, si les faits m’intéressent toujours, ils ne sont plus examinés de mon point de vue militaire.

Rentré à Brest, j’assiste à l’arrivée d’un second contingent russe qui vient de débarquer. Ils se rendent à leur cantonnement en chantant une mélopée dont la ritournelle est reprise par tous. Marche au pas ralenti, c’est très impressionnant.

J’entre dans un café où arrive peu après un groupe d’officiers russes, des infirmières, un pope. On leur fait une ovation, et un petit groupe vient s’asseoir près de moi, avec un interprète. Immédiatement, trois horizontales se trouvent là pour faire leurs offres ; j’assiste à leurs manœuvres qui ne sont pas des plus propres. Cela ne traîne pas.
8 août - Mardi - Installé à Montaigne. Vie calme, mais désœuvrée. Je réponds à quelques lettres et envoie ma nouvelle adresse. Démaretz a reçu une lettre de sa femme samedi dernier 5 août. Elle est du 3 juin. Il y a quelques mots pour moi des miens. Difficultés du ravitaillement, chaussures ; pommes de terres y sont à un franc le kilo. Je vais écrire et envoyer ma photo.
11 août - Je reçois une lettre de Louis Baudouin m’annonçant la mort de Léon Bataille. Une lettre de Laure à ma tante Marie lui apprend la nouvelle et demande mon adresse pour m’écrire. Léon a été blessé à l’attaque de Fay dans la Somme le 2 juillet et est mort à l’hôpital de Harbonnières des suites de ses blessures. Encore un ! Hélas !

Laure a l’intention de venir s’installer à Paris, sans doute à cause de Louis et de moi. Attendons un complément d’information.


13 août - Hier, Démaretz est venu m’apprendre au lycée qu’il avait reçu une lettre de sa femme. Elle lui donne beaucoup de renseignements sur la vie là-bas. Elle lui dit qu’à la maison, tous sont en bonne santé et que cela va bien. La lettre est du 15 juin. Amante m’écrit en même temps, mais avec la veine qui me suit partout, je n’ai pas reçu la lettre et comme il y a déjà trois jours de différence, il semble bien que je ne la recevrai pas. Ma photo avec André est arrivée, vraisemblablement celle que j’avais envoyé à Albert Machuel, car je n’en ai envoyé une autre qu’en juillet et une troisième avec Démaretz que la semaine dernière.
14 août - Je reçois une carte de Genève, Agence des Prisonniers. On ne peut me fournir aucun renseignement positif sur André. Cela doit tenir à une orthographe défectueuse sur la liste donnée par l’Allemagne. J’écris immédiatement pour préciser d’après la lettre du Cent cinquante cinquième et je demande qu’on écrive à Inn Hôpital 13 A.K. Une lettre de la Croix Rouge peut aller où la mienne ne passera pas.

Pas de lettre de Mouvaux, je reconnais bien là ma veine.


17 août - Je passe mon temps à des courses plus ou moins urgentes et je m’ennuie ferme, n’ayant rien à faire. Tout ce que je voudrais voir est fermé. Il y a bien longtemps que les magasins et la foule ne m’intéressent plus. Le dimanche 13, j’ai passé l’après-midi au Bois de Boulogne où nous avons visité Bagatelle et la Roseraie ainsi que le Pré Catelan où est installée une ambulance néerlandaise. A cinq heures et demi, nous retrouvons Louis Baudouin à la gare du Nord. Lundi, je suis allé dîné à Clichy. Mardi 15 nous sommes allés à Chevreuse, magnifique excursion sur la ligne de Limours par Bourg-la-Reine, Antony, Palaiseau, Orsay. Chevreuse, dans la vallée de l’Yvette, est l’ancienne résidence de la Duchesse de Chevreuse. On y visite encore les ruines de son château de la Madeleine, détruit sur l’ordre de Richelieu. Ruines qui rappellent de très loin Concy. De là, nous partons à Port Royal des Champs, à neuf kilomètres. Il ne reste que peu de vestiges de ce qui fut un temple de l’intelligence et du goût sous Louis XIV. C’est un désert où les fidèles ont élevé un oratoire sur l’abside de l’ancienne église, musée où l’on rassemble tout ce qui touche à l’histoire de l’abbaye - Gazier (?). Buste de Racine et de Pascal, portrait d’Armant, etc … Nous revenons, toujours à pied, par Saint-Lambert, Melon-la-Chapelle, Saint-Rémy-les-Chevreuse à la gare.

A Paris, je trouve une lettre de Laure qui est à Paris. Je lui envoie un mot pour fixer un rendez-vous le lendemain.


Elle me dit ce qu’elle sait de la mort de son mari, tué le 2 juillet, dont elle n’a appris le décès que le 22 juillet, ses intentions etc … Je m’entends avec elle pour la conduire chez ma tante Marie vendredi.

Il n’y a rien à lui conseiller, elle a son siège fait (?) et elle veut s’installer à Paris, près de son beau-frère.

J’écris à Louis Baudouin et à ma tante Marie pour les mettre au courant.

Ce matin, je suis allé au Bois de Vincennes, jusqu’au plateau de Gravelle et Joinville où s’installe une ambulance canadienne de mille cinq cent lits fondée par l’Université Laval de Montréal. Je cause à deux canadiens.

J’écris à Evelina pour l’informer que j’irai la voir lundi et que je passerai la semaine chez elle. Cela me changera un peu car je m’ennuie trop et tomberai malade si cela dure.
19 août - Je suis allé hier avec Laure et ses enfants chez ma tante Marie et, le soir, j’ai dîné chez son beau-frère ; on n’a pas dit un mot du défunt pendant le dîner et Laure plaisante avec un détachement qui m’écœure.

Les journaux semblent cacher quelque chose ; L’Œuvre dit qu’il est “moins cinq” à son horloge. C’est une offensive de grand style préparée avec l’Angleterre ; c’est possible, car on en parle à mots couverts. D’autre part, il se peut que ce soit, l’entrée en scène de la Roumanie dont l’attitude inquiète les empires centraux. Il se peut qu’il n’y ait rien.

J’ai écrit aujourd’hui, par le ministère de l’Intérieur, à Mouvaux et à Lille mais je doute fort que cela donne un résultat. On devait avoir une réponse en deux mois et mes cartes du 28 avril ne m’ont encore rien procuré. Sinistre plaisanterie. J’ai peu d’espoir et je crois bien que nous allons recommencer un hiver sur les mêmes positions. L’Allemagne n’est pas encore assez atteinte, l’Autriche n’est pas encore à genoux et nous n’avons pas encore assez souffert.
22 août - Crenay (Aube) - Je suis arrivé à Pont-Sainte-Marie hier à cinq heures et demi et je commence ma cure au grand air. Après avoir causé longuement avec Evelina de nos chers absents, je m’installe. Ce matin, je suis allé à Troyes chercher une carte d'État major mais on n’en peut pas vendre dans la zone des armées. La ville est remplie de soldats car Troyes est une gare régulatrice d’où l’on dirige les hommes sur leurs régiments respectifs au front. Il y a des hôpitaux importants et c’est un spectacle pénible de voir les nombreux blessés ou éclopés se promener en groupe sous la surveillance d’un gradé. Les malheureux font l’effet de prisonniers et ne jouissent d’aucune liberté.

L’après-midi, je vais à Crenay voir un apiculteur nommé M. Beuve. Il a une jolie installation de gros apiculteur. Il n’a plus actuellement que trois cent ruches de type layen (?) et type mixte (paniers à cadres). Je m’intéresse surtout à ses extracteurs, presses à cire et à son matériel. Il voudrait céder, mais à qui ? Si j’étais à Troyes, je n’hésiterais pas, il y a de l’argent à gagner, du temps agréable à passer et la région nourrit bien les abeilles. Mais je ne suis pas à Troyes. Tout ce matériel me reporte par la pensée aux jours heureux de notre récolte de miel à La Briguette. Ce M. Beuve me dit qu’un officier lui a dit récemment que pour le 15 septembre nous serions à Lille (!). Les officiers sont pleins de présomption. Savent-ils quelque chose ? L’offensive va se porter sur de nouveaux points et, après quelques jours, elle sera à nouveau enrayée parce que, toujours, l’ennemi a le temps de faire arriver ses réserves. Il dispose du meilleur réseau de chemin de fer qui existe et, en vingt-quatre heures, il peut toujours boucher les trous. D’ailleurs, une offensive sur Lille serait néfaste et ferait plus de victimes dans la population civile que chez l’ennemi, sans compter des dégâts immenses et irréparables. Je crois de moins en moins à la rupture du front. Les abris sont plus profonds, les mitrailleuses plus nombreuses et je ne compte plus sur l’invraisemblable recul volontaire des boches qui restreindrait leurs lignes.

Quand ?
23 août - Promenade dans la campagne à Lavau, dans la prairie et les bois. Je visite l’église de Pont-Sainte-Marie et le clocher ; l’après-midi, promenade à Argentolle et Lavau. Toutes ces promenades sont coupées à l’heure du repas par de longues conversations sur la famille du Nord.
24 août - J’écris à Sandras que j’irai le voir d’ici car je ne suis guère qu’à cinquante kilomètres environ de Mont-Saint-Sulpice et ce sera une économie d’une dizaine de francs sans compter l’ennui d’un interminable voyage à vingt-cinq kilomètres à l’heure.
25 août - Visite d’églises à Troyes. Très curieuses, elle caractérisent bien leur époque XVIème siècle, Saint-Pantaléon, Saint-Nizier, Saint-Pierre, Saint-Jean. Je vais à Crenay pour chercher du miel pour Evelina et je tombe dans un incendie qui consume une écurie et une remise de ferme.
26 août - Je retourne à Troyes où je visite deux anciennes églises, Saint Rémy et Saint Nicolas. Ces églises en Angleterre seraient remplies de visiteurs. Chacune d’elle offre une particularité curieuse. Ici, on passe sans les voir ; il en est une qui tombe en ruines comme Saint-Jean. D’autres ressemblent à des remises. Je fais l’effet d’un phénomène auprès des curés quand je me promène et que j’examine des détails d’architecture ou des statues …

Dans une librairie, je rencontre deux anglais qui font partie de la société envoyée en France pour rebâtir des villages détruits.

Malgré la variété de mes promenades et l’intérêt qu’elles présentent, les jours me paraissent interminables ; mon esprit est toujours là-bas. A chaque repas, la conversation revient fatalement sur ma famille. Combien de temps encore durera cet exil ? Les journaux ne sont pas rassurants. Le dictateur des vivres (?) en Allemagne aurait l’intention d’appliquer le régime intérieur de l’Allemagne aux régions occupées. Il n’y a d’autre part rien dans les communiqués qui permette d’escompter une avance dans le Nord. C’est désespérant.
27 août - Dimanche - Cette date me rappelle le dernier dimanche passé en famille il y a deux ans. L’inquiétude était générale, les autorités avaient fui à Dunkerque, l’armée avait évacué Lille. Le canon tonnait à Maubeuge. Le silence était angoissant. On sentait qu’on était à la veille du malheur. Deux années ont passé lentement et, jour après jour, j’ai assisté à ce défilé qui ne m’a apporté que deux lettres !

Aujourd’hui, je vais quitter Troyes et j’ai l’impression bien nette de rentrer dans le néant, le vide ; sans aucun espoir de voir cette manière de vivre prendre fin.

Le journal cite une phrase assez obscure d’un communiqué allemand qui laisse entrevoir un repli possible des troupes allemandes. Évidemment, ce repli est possible sur des lignes préparées à l’avance mais dégageront-ils Lille et la région ? J’en doute. Les allemands voudront toujours conserver jusqu’à la dernière extrémité la côte de Belgique et le territoire qui l’appuie. Je ne dois pas m’arrêter à cette hypothèse ; elle ne me laisserait qu’une déception de plus et j’en ai eu trop depuis deux ans.
29 août - Mardi - Je suis à Mont-Saint-Sulpice après un voyage assez mouvementé. J’ai pris le train à Troyes à cinq heures vingt-cinq du matin après avoir fait la route de Pont-Sainte-Marie à la gare par une pluie battante, dans l’obscurité. A Saint-Florentin-Vergigny, où on rejoint la ligne de Paris-Lyon-Marseille, je dois attendre près de trois heures. Mon sac seul m’empêche de partir à pied au Mont qui est à neuf kilomètres.

Je trouve Sandras toujours optimiste et enjoué. Le matin, les journaux nous apportent la déclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche, grave événement qui aura une importance considérable. La deuxième série annonce la riposte allemande : l’Allemagne déclare la guerre à la Roumanie. Tout cela n’aura son plein effet que dans quelques semaines. Les boches vont-ils restreindre le front ? Vont-ils abandonner Lille et se replier sur la Meuse ? Non, ce serait trop beau, il faut qu’ils aient subi quelques échecs, que les alliés en Occident et en Orient aient remporté des succès démoralisants pour l’ennemi. Quelques soient les événements, il apparaît comme certain que la guerre arrive à un tournant et qu’elle entre dans une période où les événements peuvent se précipiter.


30 août - Rentré à Paris après un voyage par la pluie à partir de Fontainebleau, dans un train archi bondé bien que dédoublé. On en est réduit à céder sa place de temps en temps et à stationner dans le couloir. En rentrant, je trouve quelques lettres. Une carte de Mouvaux sans date me dit que tous là-bas sont en excellente santé. Je ne comprends pas une des phrases qui dit “sommes heureux de la bonne mine d’Auguste” Il s’agit sans doute d’André, hélas ! Cette carte vient en réponse de celle que j’ai envoyé le 21 mars par la même voie : Zurich, Ramistrasse.

Je trouve également une de mes lettres à André, du 9 juin, avec la fatale mention “le destinataire n’a pu être joint”. Une de son oncle qui me dit qu’on lui a renvoyé un colis et qu’il est toujours sans nouvelles.

Aujourd’hui, on fêterait Saint-Fiacre à la maison.
Tous là-bas y pensent sans rien dire, on n’ose même plus évoquer le souvenir des fêtes de jadis.
1er septembre - Une lettre d’Amante ! Celle du 15 juin annoncée par la lettre de Madame Démaretz et qui répète en somme la précédente. Ils ont tellement peur que ces correspondances n’arrivent pas qu’ils se bornent à dire le principal mais cela ne fait rien, moi aussi, je me répète dans mes lettres. On ne sait encore rien d’André et je crains bien que ce soit ma précédente missive qui leur porte la nouvelle. Si seulement il pouvait écrire.

Je vais porter ma lettre à Clichy et je déjeune là, puis, l’après-midi, je vais faire un tour à La Varenne, mais mon ex-propriétaire n’est pas encore rentré. Ses locataires d’été sont toujours là.


3 septembre - Hier samedi, j’ai assisté aux funérailles de Dullet, député, avec l’espoir de voir des connaissances. Je vois Deguise, Durre, Mélin, Detienne, beaucoup de roubaisiens inconnus. On part à Pantin, une heure vingt de marche ; au cimetière, je rencontre Legrand, instituteur de Saint-Pol-Fréalle. La conversation est toujours la même : quand ? Le soir, je vois Louis Baudouin.

Aujourd’hui, Cornilleau, de retour d’Angleterre vient me donner des nouvelles de Barker. Il me dit que les dégâts des Zeppelins sont plus importants qu’on ne l’écrit dans les journaux.

Le soir, promenade classique à la gare du Nord où je rencontre Thiriard en lieutenant (croix de guerre) puis, après avoir dîné avec Démaretz et un cousin, je rentre à Montaigne à neuf heures.
L’offensive est recommencée dans la Somme ; nous faisons deux mille prisonniers. Rien de nouveau à Salonique et dans les Balkans. Un Zeppelin est abattu au nord de Londres. Les boches vont-ils rectifier le front ?
8 septembre - Les journées passent, interminables. Le seul fait auquel on s’intéresse est la lecture du communiqué. Les boches ont fait des pertes sensibles, le nombre des prisonniers s’élève à neuf mille au moins depuis cinq jours sur la Somme et à Verdun. Les russes frappent durent aussi, les roumains avancent en Transylvanie et de leur côté, les bulgares attaquent en Dobrowjda (?). Les journaux parlent de la retraite de Falkenhayn qu’ils présentent comme une conséquence de sa proposition de rectification du front de Nieuport à Longwy. Le colonel Teyler (?) estime que cette rectification s’effectuera automatiquement mais que l’ennemi conservera les villes du Nord. Où est la vérité ?
Mercredi, j’ai passé la soirée chez mon ex-collègue Fournier. Il est allé chercher les plans du 520 obusier au Hâvre. C’est un canon de neuf mètres qui lance à dix-huit kilomètres un obus de mille quatre cent kilos. a = 30° à 60°. Le truc chargé pèse trois cent quarante tonnes et a plus de vingt mètres de long. On va travailler aux tables. Une offensive se prépare à Verdun. Vingt épis de tir sont prêts ou vont l’être.

Hier jeudi, Boucher est venu à Paris et j’ai déjeuné au restaurant végétarien avec lui. Après quoi, je suis allé me promener à Meudon à l’observatoire où, de la terrasse, j’assiste à des manœuvres de drachen ballon (saucisse) au parc de Chalais Meudon. A mon retour, sur le bateau, je rencontre Moser qui est apparenté à Mossé, de Lille. Il est tout à fait rassurant ! La guerre durera encore dix-huit mois ! C’est Lille que les boches lâcheront en dernier lieu.

Le soir, Démaretz vient me chercher pour passer un bout de la soirée avec Labaeye et son fils qui sont à Paris. J’attends toujours une lettre de Madame Garaud pour arrêter mon voyage fixé en principe au lundi 11.
10 septembre - Reçu lettres attendues de Limoges et une de Brive où le capitaine Girard écrit qu’il m’attend. Il fait un temps détestable. Louis Baudouin vient me chercher avec Démaretz ; nous allons déjeuner ensemble au restaurant et, l’après-midi, je vais rue Cadet où on me fait présider une réunion au cours de laquelle Accambray me fait des révélations peu rassurantes sur la guerre. Tout ne va pas pour le mieux à Salonique et l'État Major ne serait pas fâché de faire débarquer Sarrail (?) contre lequel on mène campagne. Je voudrais espérer que les pressions de l’opinion décideront à renforcer le corps d’occupation pour que l’armée puisse y agir efficacement. Si sceptique que je sois, me voilà quand même déçu. Detienne est parti là-bas (Salonique).
13 septembre - J’ai quitté Paris lundi 11 à dix heures et demi pour Limoges et Eymoutiers (?). En route, au wagon restaurant, je cause assez longuement avec M. Mounier (?) qui retourne à sa sous-préfecture. J’arrive à Eymoutiers à sept heures et quart après avoir admiré la magnifique vallée de la Haute-Vienne, si pittoresque à Saint-Linard qui ressemble à un décor de féerie. La famille Garaud me témoigne une grande sympathie. En même temps que moi, arrive M. Charbaud qui vient du front de la Somme en permission.

La journée se passe en promenade à trois et en longues causeries où Madame Garaud précise quelques détails de Mouvaux, cachette (…), sur la vie là-bas.


15 septembre - Sept heures du matin - Arrivé à Brive le 13 à une heure et demi de l’après-midi après avoir quitté Eymoutiers à sept heures du matin. A Limoges, le train sur lequel je comptais est supprimé et je dois partir immédiatement par le train omnibus, ce qui m’empêche de visiter le musée de Limoges comme je l’espérais.

Le capitaine Girard me reçoit très aimablement ; il tient à ce que je prenne mon repos chez lui. Je revois cette bonne ville intéressante dans une campagne ravissante. Hier matin, je suis allé faire une visite au principal du Collège, ami de Sandras qui me reçoit fort bien. L’après-midi, nous allons faire une promenade dans la campagne, puis nous faisons deux visites à un mouleur (?) et à un peintre grand artiste, M. Gaspéri, qui me donne des renseignements intéressants sur Turenne (?) et m’engage à me détourner pour aller à Rocamadour. Nous passons la soirée ensemble chez Girard.


Le 15, visite de Rocamadour, admiré en passant Turenne, le cirque de Montvalent (Voir photos). Je n’ai pas le temps d’écrire : au retour à la gare, conversation avec des paysans. “Ah, mon pauvre !
17 - Toulouse - Passé la journée hier à Toulouse où je suis arrivé le 16 au soir, après un voyage fatigant par Figeac, Capdenue (?), Villefranche.

Voir photos et cartes pour préciser les souvenirs.

Arrivé à Carcassonne le dimanche 17 à midi. Colson me remet les lettres arrivées de Paris. Carte message de François de Neuvilly. C’est la misère, il est presque aveugle ; François (…) prisonnier.
Lettre de la Croix Rouge de Genève et que je redoutais est une réalité. On m’informe qu’un Tondelier est décédé à Dun (?) et inhumé depuis le 6 juin. Je n’ai plus qu’une chance infime, c’est que ce ne soit pas lui ; je n’ai pas le numéro de matricule ici pour vérifier, mais la coïncidence de date, de nom ne me permettent plus d’espérer. Quel affreux malheur. Pauvres parents ! pauvre Faldony ! pauvre Virginie ! Comment supporteront-ils ce nouveau choc ?

Et lui, mort là-bas chez l’ennemi sur un lit -?- sans avoir vu une figure amie après trois mois d’épouvante et de mitraille. J’écris ici loin de tout. Seul à savoir et me demandant comment je ferai connaître cette épouvantable nouvelle à une famille si durement éprouvée depuis tant d’années.

Au milieu des merveilles que je visite distraitement avec Colson, mon esprit est toujours occupé par le souvenir de ce pauvre enfant qui me ressemblait à tant d’égards.
20 septembre - Aigues Mortes - Colson m’a décidé à voir Aigues Mortes qui offre un grand intérêt. Il peut m’accompagner, c’est un petit détour. J’accepte. J’ai pu visiter le château de la Cité où sont les prisonniers et j’ai vu leurs têtes, déplaisantes pour la plupart. Ma visite à Carcassonne a été aussi complète que possible grâce au temps et je connais maintenant la cité complètement.
Le 19, à deux heures trente-deux, nous partons pour Narbonne, Béziers, Agde, marais salants, prisonniers boches, Sette (?) (sur une montagne), Frontignan, Montpellier, où j’aurais dû descendre pour voir Milon.

A Lunel, changement de train pour prendre la ligne d’Arles. Nouveau changement à Aymargues et, à neuf heures, nous débarquons à Aigues-Mortes, hôtel de Saint-Louis.


20 septembre - Nîmes - Visité Aigues-Mortes ce matin, tour de Constance avec inscriptions huguenotes, fortifications intéressantes. On en fait le tour intérieur sur le chemin de ronde ; vues curieuses. Et extérieur, mâchicoulis et échauguettes bizarres, vues magnifiques sur l’horizon où l’on aperçoit le Mont Ventoux. Ceste (?) et la Méditerranée. A midi, nous repartons à Lunel car il n’y a pas de train avant sept heures du soir. Dix-huit kilomètres en voiture dans les vignobles par Marsillargues (tour de la Charbonnière) et, à trois heures et demi, nous arrivons à Nîmes que nous visitons rapidement. Arènes, jardin de la Fontaine, temple de Diane (inscriptions de compagnons), Tour Magne, Maison Carrée, Porte Auguste. Nous nous couchons tôt car demain la journée sera rude.
21 septembre - Arles - Départ à cinq heures au Pont du Gard par Remoulins (?) où nous arrivons à cinq heures cinquante. Nous nous mettons en route pour le pont du Gard à trois kilomètres. Quelle vision ! On prend de nombreux clichés et nous faisons la traversée. Colson sur le faîte et moi dans le caniveau, où je marche à l’aise debout. Puis, il faut descendre dans les rochers jusqu’au lit du Gardon. Après le Colisée, c’est ce que j’ai vu de plus beau comme travail des Romains. A neuf heures, nous partons à Tarascon que nous visitons sommairement par un mistral insensé. Visite de l’église, tombeau de Sainte-Marthe où je trouve des demandes comme au mausolée de Juliette à Vérone. En voici une, copiée sur l’original : “Grande Sainte-Marthe, rendez-moi l’amour de Gabriel C. Saint-Denis-Beaucaire”. Visite du château du Roi René qui est maintenant une prison. Le gardien nous promène partout jusqu’au préau des détenus. A midi et quart, nous partons à Arles non sans avoir traversé le Pont de Beaucaire.

A Arles, nous allons aux arènes, au théâtre antique, aux Alyscamps qui rappellent la Voie des tombeaux de Pompéi mais souillés par le voisinage des ateliers du P.L.M. à Saint Trophime, où il y a un merveilleux portrait et un plus merveilleux cloître, au musée lapidaire si curieux, aux thermes. Le Rhône est splendide et fait l’effet d'un bras de mer. On oublierait la guerre et ses malheurs si, de temps en temps, un soldat qui passe ne rappelait la réalité. Que j’aimerais refaire ce magnifique voyage avec Amante !

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