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Initiation à la recherche juin 2006


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Une création de l’information en évolution

Les utilisateurs ont pris à bras le corps le web en devenant des acteurs dans la création d’information sur ce médium. Ce mouvement s'inscrit dans la continuité du travail effectué autour des logiciels libres3. Et des outils comme les blogs et les wikis ont une part indéniable dans ce processus. Les chiffres sont en eux-mêmes éloquents.  


Les blogs sont devenus un véritable phénomène de masse. L’une des premières pages web consacrées au phénomène en recensait 23 en janvier 1999. D'après InfoSpaces4, on en dénombre aujourd’hui plus de 37 millions. La blogosphère double tous les 6 mois et sa taille est 60 fois plus grande qu'il y a 3 ans. Chaque seconde apparaît un nouveau blog et 10 nouveaux billets. 19,4 millions de blogs sont toujours actifs après trois mois, c'est à dire 55%. Le nombre total de billets étiquetés à l'aide d'un tag a dépassé les 100 millions. Une récente enquête de Médiamétrie publiée le 1er juin 2006 annonce que 7,3 millions d’internautes, soit environ 27% des internautes, ont consulté au moins un blog par mois en France au premier trimestre 2006. Sur cette même période, 3,2 millions d’internautes ont créé un blog, soit plus d’un internaute français sur dix, et 4 millions ont envoyé un commentaire sur un blog (15% des internautes français).
Les wikis, s’ils sont plus discrets, connaissent une évolution semblable. Wikipedia en est le parangon. Inauguré en 2001 aux Etats-Unis (1000 pages à l‘époque), ce site compte aujourd’hui 3 millions d’articles dans plus de 200 langues (contre 65 000 articles pour l'Encyclopaedia Britannica) ; près d’un million d’entrées pour la version anglophone, plus de 240 000 en français et même 4500 en breton. En moyenne, 2500 nouveaux articles sont ajoutés chaque jour et l’on dénombre 25 000 modifications quotidiennes. Fin décembre, la revue Nature a même affirmé que « le site Wikipedia est une source d’information aussi valable que la vénérable encyclopédie Britannica »5 après avoir soumis différentes pages (42 articles), provenant des deux sources et traitant des mêmes sujets scientifiques, à des experts sans leur préciser la provenance des documents. Toutes langues confondues, Wikipedia fait partie des 25 sites mondiaux les plus visités, selon le service spécialisé Alexa.  

 

Comment expliquer un tel engouement ? Outre la gratuité, l‘explication réside dans la facilité d‘utilisation de ces outils.




1.Une information facile à créer et qui change d’aspect  


Les blogs et les wikis s’inscrivent dans un processus de simplification des systèmes d’édition et de publication. Traditionnellement, trois possibilités étaient offertes pour disposer d’un site Internet et diffuser de l’information sur le Web. Pour reprendre la typologie décrite par Benoît Desavoye dans son livre « Les Blogs : nouveau média pour tous », il existe trois types de sites :

  • « site Web personnel, géré par leur auteur qui a un minimum de connaissances techniques ;

  • site Web conçu par un prestataire et mis à jour de temps en temps par ce dernier ou par son client au travers d’une interface conçue par ses soins, donnant un peu de souplesse ;

  • site Web reposant sur des systèmes de gestion de contenu assez complexes à configurer ».

Le premier type de site demande des connaissances et compétences techniques pour l’installation ainsi que pour son alimentation : les internautes doivent taper leurs pages internet dans un éditeur html sans aucune assistance. Des logiciels plus ou moins compliqués à utiliser du type Dreamweaver ou NVU6 ont pris le relais mais leur utilisation nécessite un apprentissage minimum que tout un chacun n'est pas prêt ou en mesure de faire.

Le deuxième type de site est particulièrement onéreux puisque faisant appel à un prestataire et donc peu adapté à un usage personnel.

Enfin, si les outils de gestion de contenu type Spip (système de publication pour l’Internet, précurseur en France) ont apporté une première réponse en séparant la forme et le fond (troisième type de site), ils sont tout de même compliqués à mettre en place. En revanche, leur utilisation est plus simple : ils sont livrés avec une apparence basique mais claire et les internautes novices n'ont plus qu'à utiliser des formulaires pour créer et enregistrer leur contenu qui s'affiche ensuite en suivant cette présentation basique ou squelette. Les internautes avertis peuvent quant à eux modifier le squelette.  
Mais l’avènement des blogs et wikis a bouleversé cet environnement par leur simplicité d’utilisation. Les internautes ne sont plus dépendants des logiciels ou des webmestres pour mettre en forme et diffuser leurs idées sur le web. Ceci modifie également leur rapport à l’information.

1.1.Des outils simples techniquement facilitant l’écriture…

Cette facilité concerne tout d’abord l’installation technique des outils. Que ce soit pour les blogs ou les wikis, deux possibilités existent :



  • les logiciels spécialisés ;

  • les plate-formes proposant des solutions clef en main.

La première possibilité demeure assez complexe et nécessite un minimum de connaissances et compétences techniques. Dans le cas des blogs, il s’agit d’utiliser un CMS (content management system, c’est-à-dire un système de gestion de contenu) et de l’installer chez un hébergeur. Il faut donc installer sur le serveur Web le programme de publication de blog, configurer l’outil (par exemple paramétrer les droits d’accès) ce qui nécessite de solides notions (serveur FTP, base de données…). De nombreux CMS se sont spécialisés dans la gestion des blogs. Selon Gautier Poupeau, dans un article du Bulletin des Bibliothèques de France (BBF), les trois logiciels les plus utilisés en France sont Dotclear, Wordpress et Movable Type. Des CMS généralistes permettent également la gestion des blogs. On peut citer, par exemple, Spip, Php Nuke, Zope, Drupal ou Lodel. Ces systèmes offrent des possibilités très puissantes et professionnelles.


Pour les wikis, les logiciels spécialisés à installer sur un serveur Web ou un espace d’hébergement, sont appelés « moteur de wikis ». Ils sont très nombreux (135 environ¸ le site Cunningham & Cunningham propose une liste à cette adresse http://c2.com/cgi/wiki?WikiEngines et le site Wikimatrix permet de les comparer). Les plus répandus sont Médiawiki (utilisé par l’encyclopédie Wikipédia), TWiki, PHPWiki ou encore XWiki. La principale différence entre eux réside dans le stockage des données, sous forme de base de données ou stockage des pages sous forme de fichiers plats. Lors de l’installation, il faut bien vérifier que l’hébergeur du wiki prend en charge les programmes et langages spécifiques employés par ces moteurs (PHP, base de données MySQL…). Par exemple, le moteur MoinMoin est développé en langage Python. Il faut donc que l’hébergeur supporte ce langage, ce qui n’est pas toujours le cas.
L’autre possibilité est beaucoup plus simple à mettre en œuvre. Ces plate-formes proposent l’hébergement et l’outil. Elles sont très nombreuses et se différencient par la gratuité (l’hébergeur peut alors choisir d’intégrer de la publicité, c’est le cas de Skyblog par exemple), les fonctionnalités, telles que la personnalisation du design, les statistiques ou encore les systèmes de classement des articles pour les blogs. Selon l’enquête de Médiamétrie, les principales plate-formes de blogs en France sont Skyblog (4,1 millions de visiteurs uniques en avril 2006, très prisé des jeunes), MSN Spaces (2,9 millions), OverBlog (2,3 millions), Six Apart (1,8 million), Blogger (1,5 million) et BlogSpirit (1,3 million). Avec ces plate-formes, un blog peut être créé en quelques minutes, sans compétences techniques spécifiques.

Le même système existe pour les wikis : il s’agit des « fermes ». Elles proposent une offre d’hébergement de wikis en mode ASP : le moteur est pré-installé sur un serveur distant, l’utilisateur acquitte un abonnement pour que son wiki soit hébergé ou accepte des bandeaux publicitaires. Parmi les principales fermes, on peut citer SocialText, XWiki, JotSpot, MetaWiki, EditMe, SeedWiki, WikiService ou encore Wikicities. Par exemple, le site MétaWiki, gratuit et en français, permet d’héberger jusqu’à 20 Mo de textes et d’images et propose 6 niveaux de sécurité possibles (du plus ouvert au plus fermé). Concernant le design, il donne un accès total aux gabarits HTML ainsi qu’aux feuilles de style qui produisent l’habillage du wiki. Cela permet de personnaliser son aspect mais, pour cela, il faut de bonnes connaissances en HTML. La page d’accueil de www.metawiki.com propose une rubrique « S’ouvrir un wiki » qui permet de saisir son adresse mail ainsi que le nom du wiki. Un mail de confirmation est envoyé avec un lien d’activation. Ensuite, il faut réglementer l’accès, déclarer des utilisateurs privilégiés, gérer les commentaires et créer la page d’accueil. Une fois cela fait, il est possible d’alimenter le wiki en rédigeant des pages. Cette opération n’est en rien compliquée.


Car, en sus de la facilité d’installation, ces outils sont caractérisés par leur facilité d’utilisation. En effet, il s’agit de véritables outils de publications, conçus pour permettre à des non techniciens d’écrire et de contribuer. Dans la partie privée ou administration du blog, se trouvent des formulaires ressemblant de très près à un traitement de texte. En quelques clics, les internautes peuvent copier, coller ou taper leur texte et le publier en ligne. La présentation chronologique simplifiée des blogs supprime aussi la contrainte d'avoir à organiser son site, telle qu'elle existait dans les premiers sites personnels. Le blog est ainsi composé de « posts » (ce sont des paragraphes) classés par date d’insertion. L’archivage et l’indexation automatiques des posts via des balises signalant l’auteur (nom ou pseudonyme), la date de publication et le titre du post font partie des composantes expliquant le succès des blogs.

Les wikis sont également très faciles à utiliser pour créer de l’information. Eux aussi offrent des formulaires pour insérer du texte. Mais on peut distinguer deux types de wikis : ceux qui proposent un éditeur en wysiwyg7 (plus facile pour un utilisateur novice) et ceux qui utilisent une syntaxe wiki. Par exemple, MétaWiki dispose d’un éditeur wysiwyg (surcouche javascript sur les zones de saisies pour cacher le code généré) : il dispose de boutons comparables à ceux d’un traitement de texte : gras, italique, texte de centré, alignement à gauche, à droite. Un bouton permet également d’associer des liens hypertextes. Cette solution est facile à utiliser mais elle n’est pas pour autant complètement satisfaisante : elle n’est pas toujours compatible avec tous les navigateurs (car utilisant souvent des instructions javascript propriétaires), soit elles produisent du code HTML invalide avec la norme utilisée sur le site, soit elles ne permettent pas un formatage évolué.


L’autre solution consiste à utiliser une syntaxe wiki. Plus simple que du HTML, elle demande tout de même un apprentissage. C’est pour cela que l’on trouve sur les wikis ce que l’on appelle des « bacs à sable », c’est-à-dire un espace pour s’entraîner. Cette syntaxe combine différents signes pour structurer le texte. Par exemple, la mise en forme d’un texte sur Wikipédia obéit à certains codes : pour mettre une phrase en italique, il faut l’encadrer d’apostrophes, pour la mettre en gras, il faut utiliser les guillemets, une liste numérotée est introduite par un dièse… Cette syntaxe est ensuite convertie automatiquement en HTML par le logiciel. Elle présente l’avantage de résoudre les problèmes de formatage liés à l’utilisation d’un éditeur wysiwyg. Mais elle pêche par un manque de standardisation : chaque wiki (chaque moteur de wikis en fait) a sa propre syntaxe ce qui représente autant de syntaxes à apprendre pour l’internaute qui utilise différents wikis. Un travail est actuellement mené pour aboutir à une syntaxe wiki universelle. Dans ce cadre différents modes d’édition seront proposés : wysiwyg pour les utilisateurs moyens, WikiSyntaxe pour les chevronnés. A cela s’ajoutera une possibilité d’édition multimédia. Ajouter une page est également simple. Les éditeurs proposent un bouton « Créer une page ». Il est également possible d’ajouter un lien interne qui va générer une nouvelle page soit par un bouton dans l’éditeur, soit en écrivant un MotWiki (en « casse chameau »). Le simple fait d’écrire un mot contenant deux majuscules génère une nouvelle page. Ensuite, pour modifier le contenu de la page, il suffit de cliquer sur « Edit » ou « Modifier la page ».
Cette simplicité d’utilisation associée à la liberté de présentation incitent à l’écriture et à une mise à jour régulière. Les blogs, par exemple, se caractérisent par la liberté d’écriture : il n’y a pas de règles de présentation, ils peuvent être illustrés d’images, photographies ou contenir du son. Cela engendre un élargissement croissant de la typologie des informations. Comme le fait remarquer Gauthier Poupeau, « le blog est l’héritier de pratiques existantes en termes de publication sur le web, auxquelles il apporte l’interactivité et la réactivité ». Le site personnel a donné naissance au blog « journal intime » ou « blog personnel » ». Ce type de blog s’est étendu au blog thématique qui permet le partage et la diffusion de passions ou sujets d’intérêt (la majorité des blogs actuellement). Du bloc-notes pour déposer en vrac ses idées à un pré-print en passant par des carnets de voyage, une liste commentée de signets ou un blog de veille, des comptes-rendus de colloques, les types de blogs sont très variés mais reprennent des pratiques de publications préexistantes. On peut définir un triptyque d’usages : le carnet de bord (ou blog thématique), le journalisme amateur, le partage et la gestion de connaissances. Les sites de signalement de liens sont devenus des blogs de veille commentés, les sites d’opinion et d’information ont évolué vers des blogs locaux ou des blogs éditoriaux souvent animés par des journalistes et attachés à un média traditionnel (blog des journalistes de « Libération » sur le site du journal par exemple). Enfin, Gauthier Poupeau remarque que « les sites institutionnels ou commerciaux évoluent en blogs qui permettent de suivre l’actualité d’un produit, d’un logiciel, d’une institution ou d’une entreprise ». Mais il note qu’ « alors qu’il était facile d’identifier ces différentes pratiques auparavant, les blogs ont tendance à gommer les différences et à les rassembler dans un même site ». On peut reprendre la typologie arrêtée par Angélina Garreau dans son mémoire « Les blogs entre outil de publication et espace de communication : un nouvel outil pour les professionnels de la documentation». On distingue alors :

  • les blogs d’actualité

  • les Knowledge blogs (blogs thématiques)

  • les blogs politiques

  • les blogs de veille et d’information electronique

  • les blogs d’entreprise

  • les « war blogs » (axés sur la guerre en Irak notamment)

  • les journaux intimes et chroniques personnelles

  • les média blogs (blogs de grands média comme CNN par exemple qui présentent l’information sous un autre angle).

Enfin, les possibilités d’édition multimédia et les évolutions technologiques engendrent de nouveaux types de blogs qui se différencient par le type de contenu publié. Ainsi, on peut trouver des photoblogs, des blogs-BD, des blogs utilisant la technologie du podcast ou du video-cast8. Autre nouveauté, le moblog, blog pouvant être mis à jour à distance, à partir d’un appareil mobile tel qu’un téléphone portable.

Les wikis commencent aussi à voir leur typologie s’étendre, Wikirama, l’annuaire des wikis en donne une bonne idée. Les wikis encyclopédiques sont les plus courants. Il y a bien entendu Wikipédia, mais on peut citer également Jurispédia, encyclopédie juridique en ligne. Les wikis d’actualité existent aussi (Wikinews), les communautés wikis comme CraoWiki, les wikis thématiques comme Wikihealth sur la santé, les WikiRomans (Wikira par exemple, roman de science-fiction construit sur un wiki), les plate-formes d’idée (iGenerator par exemple, wiki de dépôts et de développement de projets créatifs)… Tout comme le blog, le wiki est utilisé en politique et dans le domaine du débat d’idée : le parti des verts canadien (Green Party of Canada – GPC) a ainsi mis en place une plate-forme collaborative sous forme d’un wiki pour intégrer la société civile dans le processus de construction de leur programme politique. Les wikis sont de plus en plus utilisés en entreprise pour gérer des projets ou remplacer l’intranet. Ils commencent aussi à prendre une place dans le domaine de l’éducation. Par exemple, le Georgia Institute of Technology a créé plus de 120 wikis dans différents domaines. Ils servent à la constitution et diffusion de connaissances. Enfin, Amazon a lancé en mai des wikis de consommateurs. Ces Productwikis permettent aux internautes de participer de manière collaborative au catalogue de produits.





Le « bac à sable » du WikiRoman de science-fiction Wikira.

Ces outils faciles à installer et à utiliser incitent à l’écriture et poussent encore un peu plus loin le concept de désintermédiation. C’est notamment dans la relation à l’information que l’on peut observer ce phénomène.



1.2.et qui modifient en profondeur les rapports à l’information

Comme indiqué avec enthousiasme par Netpolitique sur son blog, « […] à aucun moment dans l’histoire de l’humanité, les individus n’ont bénéficié d’une capacité comparable de communication « one-to-many »9 en étant affranchi des contraintes temporelles (diffusion instantanée) et géographiques (diffusion potentiellement universelle) à un coût quasi-nul. Les blogs ne sont qu’une étape de la révolution d’internet, mais c’est l’étape cruciale de l’émergence de médias personnels de masse ». Les blogs, mais aussi les wikis, s’immiscent peu à peu dans la sphère du journalisme et en modifient les frontières.


Ces outils répondent à un besoin de s’exprimer, d’échanger, de partager de l’information avec d’autres personnes et se faisant d’être tour à tour consommateur et producteur de cette information. Il y a bien un phénomène de « réappropriation du Web par les internautes » comme le fait remarquer Benoît Desavoye. L’information peut alors être diffusée et commentée par tout un chacun et pose la question du rapport entre blog, wikis et journalisme.
Tout d’abord, par rapport à l’information diffusée par les médias traditionnels, ces outils peuvent avoir un rôle de commentaire et de réaction. Cela se manifeste par la reprise d’articles ou de billets, fonctionnalités propres aux blogs. Comme le font remarquer François-Xavier Hussherr, Cécile Hussherr et Marie-Estelle Carrasco, co-auteurs du wikilivre « Le nouveau pouvoir des internautes », « le blog reste totalement ouvert, par sa forme même, à la contextualisation, au commentaire et à la critique. Les « rétroliens » ou « trackbacks » situés en dessous des billets offrent en effet à l’auteur la possibilité de relier des billets de blogs différents et parlant du même sujet ou se faisant référence. Ce système illustre la capacité fondamentale de la toile, en l’occurrence de la blogosphère, à diffuser l’information, à juger l’information de l’autre ». Et cela peut aller jusqu’à un véritable contrôle des médias. Anna Topaloff, dans article du 23 février 2005 sur le site www.marianne-en-ligne.fr, rappelle que deux journalistes américains ont pu s’en rendre compte. Le 27 janvier 2005, Eason Jordan, directeur de l’information sur CNN, après avoir laissé entendre que des journalistes avaient été délibérément pris pour cible par des troupes américaines en Irak, a subi les foudres de militants conservateurs qui ont diffusé ses propos puis l’ont critiqué pendant un mois sur leur blog, captainsquartersblog.com. Eason Jordan, de guerre lasse, a présenté sa démission. Quelques semaines plus tôt, Dan Rather, journaliste vedette de CBS, avait dû lui aussi démissionner, les blogs ayant révélé qu’il avait utilisé de faux documents pour appuyer son article sur le service militaire du président George W. Bush. Ainsi, pour Paul Grabowicz, professeur de journalisme à l’Université de Berkeley, les blogs sont devenus « les nouveaux censeurs du journalisme ».
Ces outils ne servent pas uniquement à commenter, ils participent aussi à la création de l’information. Les blogs ont réellement connu leur essor et leur reconnaissance médiatique après le 11 septembre 2001. Les médias traditionnels se sont quasiment tous rangés sous les ordres de l’administration Bush. Le seul espace de liberté est venu d’Internet et en particulier des blogs. Les blogs ont également répondu à un besoin de se rapprocher et de connaître ce que pensaient et ressentaient les compatriotes et le reste du monde. C’est à cette époque que sont apparus les warblogs qui ont décrit le 11 septembre, puis la guerre contre le terrorisme (guerre d’Afghanistan et d’Irak).

Les wikis ont aussi leur part dans ce phénomène. Gauthier Poupeau rappelle ainsi que « d’après Francis Pisani, journaliste français indépendant spécialisé dans les TIC et installé dans la Sillicon Valley, le tsunami qui a frappé l’Asie du Sud-Est en décembre 2004 a été l’occasion d’une « reconnaissance publique de l’importance de Wikipédia ». En effet, quelques heures après cette catastrophe, l’article la concernant s’est enrichi au point d’offrir les informations les plus complètes sur le sujet, tous médias confondus. Ils étaient accompagnés de photographies directement mises en ligne par les personnes sur place, de plans et diagrammes provenant du site Wikimedia Commons et alimentés par les informations des blogs et du site Wikinews, source libre d’information en wiki géré, comme Wikipédia, par la Wikipédia foundation ». Le même phénomène s’est déroulé pour d’autres évènements, telles les violences survenues dans les banlieues françaises en 2005 ou encore les manifestations anti-CPE. Associés aux téléphones portables permettant de prendre des photos ou de filmer, ces outils sont caractérisés par leur réactivité.


Un autre élément technologique rapproche ces outils du journalisme : les formats RSS et XML généralisés notamment par les blogs. Par le biais d’agrégateurs de flux, les blogs peuvent être consultés comme un fil de presse (par exemple, celui de l’AFP). Benoît Desavoye cite ainsi Michel Demais, chroniqueur au sein du journal québécois Le Devoir, qui déclarait : « Grâce aux logiciels d’agrégation de nouvelles, une simple interface utilisateur nous permet, tout comme les salles de rédaction de nombreux médias utilisant le fil d’informations des agences de presse, de s’abonner à différents « fils de presse » et de consulter ceux-ci avec un seul progiciel ».
La frontière entre l’usage fait de ces outils et le journalisme professionnel est encore plus ténue depuis un récent verdict rendu par une cour d’appel de l’Etat de Californie et analysé par Pierre Chappaz dans sa chronique hebdomadaire du 2 juin 2006 dans « Libération ». Trois bloggeurs étaient poursuivis par la société Apple pour avoir publié des informations confidentielles sur des produits en cours de développement, violant ainsi le secret commercial. L’objet du procès était d’obtenir le nom des sources qui avaient informé les rédacteurs du blog (Apple a demandé aux juges d’autoriser l’accès aux messageries des bloggeurs). Après deux ans de procédure et un appel, sollicité par les avocats de l’Electronic frontier foundation, Apple a finalement été débouté, décision définitive et jurisprudentielle. La Cour s’est référée au Premier Amendement : « nous ne pouvons pas imaginer de test ou de principe applicable pour distinguer l’information « légitime » et l’information « illégitime »… toute tentative d’établir une telle distinction mettrait en péril l’une des règles de base du Premier Amendement ». Pierre Chapaz, à l’instar de Reporters sans frontières, salue une décision « historique ». Selon Pierre Chapaz, « la Cour californienne reconnaît en fait leur statut de …journalistes…ou faut-il dire média ? quoi qu’il en soit, ce jugement témoigne d’une (r)évolution : journalistes et bloggeurs, malgré leurs différences, appartiennent bien au même monde, celui de l’information ».
Pour autant, Pierre Chappaz convient qu’il existe des différences entre bloggeurs et journalistes : « la notion de métier (le journalisme est un métier, peut-il être un hobby ou une pratique citoyenne ?), la formation (il existe des écoles de journalisme, mais les bloggeurs ne les ont pas fréquentées), la pratique (le journaliste doit écrire son papier quoi qu’il arrive, le bloggeur écrit selon son bon plaisir), et le rapport à l’Internet (l’un est né avec le Net, l’autre souvent avant) ». Daniel Schneidermann, dans son blog Big Blang Blog, s’est aussi interrogé sur ce phénomène que l’on appelle le « journalisme citoyen ». Dans un billet du mardi 21 mars 2006, il répond à Eric, un journaliste d’Agoravox (site de journalisme participatif). Eric affirmait, pendant les manifestations anti-CPE, que les journalistes de France 2 étaient des sous-marins de la Ligue Communiste Révolutionnaire. Et d’ajouter : « il est difficile de ne pas se demander si les journalistes du service public ne tomberaient pas sous le coup de leur déontologie professionnelle pour désinformation, mensonge par omission, si nous étions dans un Etat démocratique, par exemple aux Etats-Unis où la presse est tenue à quelques règles d’honnêteté ». Selon Daniel Schneidermann, c’est à ce « il est difficile de ne pas se demander » que s’arrête le journalisme-citoyen10 (même s’il lui reconnaît une utile fonction d’alerte). Le bloggeur est plus un animateur qu’un journaliste, car le véritable journaliste tenterait lui d’apporter des réponses par enquête approfondie.
Même s’ils sont différents, les deux (journalisme professionnel et journalisme citoyen) font tout de même partie du monde de l’information. Comme le font remarquer les auteurs du livre « Le nouveau pouvoir des Internautes », « la blogosphère complète l’infosphère » et le journalisme ne peut ignorer ce nouveau média qui va amener de nouvelles pratiques. Les blogs et wikis peuvent ainsi être des sources complémentaires d’information pour les média traditionnels. En fait, les deux mondes sont en relation et s’interpénètrent11. Ainsi de nombreux blogs et wikis renvoient vers des articles écrits par des journalistes en les commentant, critiquant et complétant. De l’autre côté, de nombreux journaux en ligne se sont mis au blogging, ouvrant des espaces à leurs journalistes ou spécialistes qui peuvent mettre en ligne témoignages, analyses, commentaires, points de vue qui n’auraient pas leur place dans un article traditionnel. Libération offre depuis quelques années ce type d’information avec ses Libéblogs, par exemple lors de la campagne électorale pour les présidentielles américaines. Par rapport à l’article de presse traditionnel, figé et fermé, le billet sur le blog peut être accompagné de commentaires. Pierre Chappaz rappelle à ce sujet une réflexion du journaliste Gunther Hermann : « pour avoir été journaliste et être aujourd’hui bloggeur, je peux dire que les deux fonctions se différencient par l’infrastructure. Un journaliste écrit son article. Ensuite quelqu’un vérifie la cohérence du contenu, la véracité des sources, les fautes d’orthographes. Un bloggeur n’a pas cette infrastructure et son travail est d’autant plus ardu. Quand je rédige un article (j’utilise par ailleurs le terme article et non billet), je passe un temps fou à vérifier les informations et les données car un autre élément de différenciation est l’interaction donnée par les commentaires. Un journaliste écrit puis reçoit quelque temps plus tard une lettre ou un email. Mais cette communication reste privée entre le journaliste et l’auteur du message. Avec les commentaires, le bloggeur s’expose à la critique en public. En ce sens, le bloggeur prend personnellement plus de risque et il doit être sûr de ce qu’il écrit ou il sera lynché dans les commentaires ». Les bloggeurs animent des conversations ce qui nous amène à aborder la dimension collaborative de ces outils.
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