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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XXIX



Le procès


On s’écrasait dans la salle d’audience. Le Tout-Paris était là. On avait fait le voyage. On avait passé une nuit joyeuse dans les hôtels comme faisaient les fêtards d’autrefois autour de la Roquette, en attendant l’heure de l’exécution.

Le président, qui était un fort brave homme et qui ne tenait point à se faire d’ennemis parmi tous ces personnages plus ou moins influents qui lui demandaient un mot de passe sur sa carte, en avait distribué à tout le monde ou à peu près.

Aussi l’atmosphère de la salle était-elle plus que surchauffée une heure avant l’ouverture des débats.

On se montrait les principaux témoins qui avaient trouvé place devant le prétoire en attendant l’appel de l’huissier.

L’entrée de Françoise souleva une telle vague de curiosité que quelques-uns furent comme submergés et firent entendre des cris d’étouffement. Cela commençait bien.

Il y eut là, du reste, un premier incident. Françoise se présentait seule. Elle arrivait directement de chez M. Martens et avait encore cet air égaré avec lequel elle en était partie.

Cette femme, tout le monde la plaignait, c’était la martyre.

Au premier rang des bonnes amies assises qui auraient été heureuses de jouer un petit rôle dans cette tragédie, il y avait Mme d’Erland. Elle était placée sur le passage de Françoise ; sitôt qu’elle l’aperçut, elle se détacha du groupe auquel elle était en train de raconter des histoires terribles sur les mœurs de l’accusé et elle fit un mouvement comme pour serrer Mme d’Haumont dans ses bras.

Elle pensait qu’une démonstration aussi courageuse ne manquerait point de la mettre en valeur.

Le malheur fut que Françoise, en la reconnaissant, ne put retenir une exclamation de dégoût et la repoussa avec une rudesse sauvage !

« Vous osez ? »

Et elle passa.

On l’applaudit.

Mme d’Erland n’avait pas beaucoup d’amis. Elle frémit de cette manifestation hostile et, dès lors, elle mena la cabale dans la salle d’audience à la tête de tous ceux qui étaient persuadés de la culpabilité de Palas. Déjà deux camps se formaient. Et les débats n’étaient pas encore commencés.

Enfin on annonça la cour. Le président prononça tout de suite une petite allocution pour recommander le calme. On fit l’appel des jurés.

On ordonna d’introduire l’accusé, et Palas parut entre deux gendarmes.

Jamais il n’avait porté aussi haut la tête, même sous les balles. Il paraissait grandi. Il dominait... Il regarda la cour, le jury, ne vit point à ses pieds, dans le prétoire, Françoise qui le fixait éperdument et qui n’avait plus la force de se soutenir. On dut l’emmener avant l’appel public des témoins, car elle défaillait.

Et pendant qu’on entraînait la pauvre femme, elle fit entendre un sanglot si profond que toute la salle en fut remuée et que Palas, tressaillant tout à coup, abaissa son regard vers ce coin de foule en rumeur qui lui cachait l’épouse aimée et fidèle, celle qu’il avait fait tant souffrir et à qui il faisait, dans le moment même, gravir son effroyable calvaire... celle qui n’avait rien mérité de tout cela et dont la vie se serait écoulée heureuse, pleine de joie et de lumière, si elle n’avait pas rencontré un jour Palas, échappé du bagne, qui avait mis sa main dans la sienne !...

En face de la vision foudroyante de cette injustice, il oublia que lui-même n’était qu’une victime du destin et il s’accusa farouchement, il s’accusa tout haut... Ce furent ses premiers mots, ceux qui retentirent sur le seuil de ces débats à peine ouverts, alors que son interrogatoire n’avait pas encore commencé :

« Mon seul crime, le voici ! »

Et ses doigts tremblants montraient sa femme que l’on emportait.

Puis il parvint à dompter cette émotion-là encore et, fort de son calme revenu, ses yeux allèrent fouiller le fond de la salle, tout là-bas, dans le public debout.

Mais sans doute ne trouva-t-il point de ce côté ce qu’il cherchait, car il ramena vers les magistrats un front assombri.

Que faisait en ce moment Chéri-Bibi ? C’eût été, en vérité, pensait alors Palas, lui demander trop d’audace que d’exiger qu’il vînt en personne assister, au milieu des gendarmes, à ces débats... alors surtout que tout était perdu !... et que la police, instruite que le redoutable forçat était en ce moment en France, se livrait aux plus actives recherches pour le retrouver.

On savait quelle amitié le liait à Palas là-bas, au bagne ! On avait dû compter sur sa curiosité d’assister aux débats pour préparer quelque souricière... Chéri-Bibi avait eu vent de la chose et s’était garé.

« Allons ! allons ! soupira l’accusé, tout est bien consommé ! »

Il écouta la lecture de l’acte d’accusation avec un intérêt soutenu et visible. Tant d’autres affectent l’indifférence ou le repentir ; mais lui, au fur et à mesure que les arguments s’accumulaient et paraissaient l’accabler, il marquait davantage cette espèce de défi qui était déjà sur sa face quand il avait pénétré dans la salle d’audience.

Son regard devenait plus dur. Ses yeux avaient de la flamme en fixant la cour ou le jury. Assurément, il n’essayait point, par une tenue appropriée, d’exciter la pitié et la clémence de ses juges.

Il avait refusé l’assistance d’un avocat. On avait dû lui en désigner un d’office.

La fin de la première audience fut occupée par l’interrogatoire.

Celui-ci ne démentit point une seconde l’attitude antérieure de l’accusé. Palas répéta ce qu’il avait dit à l’instruction, ne se laissa démonter par aucune contradiction apparente, nia avec force ce qui paraissait l’évidence même aux esprits les moins prévenus, et soutint la plus mauvaise des causes avec une énergie sauvage qui augmentait l’indignation de la grande majorité du public persuadée de sa culpabilité.

Quant aux autres, ils n’avaient plus, pour croire encore à son innocence, qu’à se rattacher éperdument à la sincérité de ses accents.

Aussi ne s’en faisaient-ils point faute. Il y avait là, dans la salle, quelques-uns des anciens compagnons d’armes de Palas, de ceux qui avaient pu le juger à ses œuvres, aux heures les plus dures passées ensemble ; ils se rappelaient cette force morale qui les avait aidés non seulement à repousser l’ennemi, mais à triompher d’eux-mêmes dans l’accomplissement d’un devoir qui exigeait tous les sacrifices ; ils se disaient qu’une valeur pareille était incapable de mensonge.

Ils ne raisonnaient point cela. Ils le sentaient.

Et leur émotion débordait malgré eux quand l’accusé, las de répondre à tant d’arguments qui le pressaient de toutes parts, les balayait tous d’un geste large, et s’asseyait après avoir lancé ces derniers mots en conclusion à un interrogatoire qui l’excédait :

« S’il ne s’agissait que de moi, il y a longtemps que je vous aurais abandonné une vie qui m’est odieuse ! Mais ce que je défends ici, c’est l’honneur d’une femme ! c’est l’honneur d’un nom ! Je proclame que je n’étais indigne ni de l’un ni de l’autre ! Oui, je me suis échappé pour me refaire une vie ! J’ai pu croire un instant que se levait pour moi l’aurore d’une existence nouvelle !... Hélas ! le destin qui m’a frappé aveuglément il y a quinze ans me retrouve aujourd’hui et m’accable ! Mais pour le passé, pour le présent, je suis innocent de tout !... »

Là-dessus, l’audience fut levée et remise au lendemain. En quittant son siège, l’avocat général Martens ne put s’empêcher de laisser glisser entre ses lèvres minces ce mot qui en disait long sur son état d’âme vis-à-vis de l’accusé : « Commediante ! »

Le mot fut entendu de quelques jurés qui sourirent. Tout de même ils étaient émus. « Ah ! il parle bien, fit l’un d’eux en quittant le Palais de Justice. Je ne m’étonne pas qu’il ait toutes les femmes pour lui ! »

Palas avait toutes les femmes pour lui, moins Mme d’Erland. Celle-ci trouva le moyen de se rencontrer avec M. Martens qui regagnait son domicile. Ils se connaissaient. Ils firent un bout de route ensemble.

Sans doute la conversation fut-elle des plus intéressantes, tant est qu’au moment de se séparer l’avocat général dit à l’honorable dame :

« Dommage que vous ayez assisté publiquement à cette première audience... Mais qu’importe !... On peut toujours vous entendre...

– Ah ! pardon ! c’est que je n’y tiens pas du tout ! répliqua vivement Mme d’Erland, et j’ai été trop l’amie de Françoise pour venir apporter un témoignage qui ne serait pas de son goût puisqu’elle veut sauver à toutes forces ce misérable !... Mais je dois vous dire que je n’ai pas été la seule à assister aux faits que je vous apporte. J’étais avec une amie, Mlle Bauvais, qui en sait aussi long que moi et qui n’a aucune raison pour se taire, elle !... »

En arrivant chez lui, l’avocat général était d’une humeur charmante. Il demanda à voir sa femme. Son domestique lui apprit qu’elle était sortie, le matin même, derrière lui, et qu’on ne l’avait pas revue depuis.

Sur son bureau, M. Martens trouva une lettre de sa femme qui lui disait que, puisqu’il désirait qu’on ne la vît nulle part, elle s’absentait pendant quelques jours...


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