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Fatalitas ! par Gaston Leroux


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XXX



La cachette de Nina-Noha


Une personne qui suivait de près, bien qu’elle fût restée à Paris, les étapes du procès d’Haumont, était Nina-Noha.

Depuis l’arrestation de Gorbio, elle vivait dans les transes les plus vives. L’affaire du comte ressortissait des tribunaux militaires et la danseuse avait été l’un des premiers témoins appelés à l’instruction.

Ce n’était pas sans une profonde angoisse qu’elle s’était rendue à cette convocation, qu’elle attendait du reste, et qu’elle n’eût pu éviter que par la fuite, événement qu’elle préparait à tout hasard. Ses amis, qui étaient généralement bien renseignés, lui avaient dit alors qu’elle n’avait rien à craindre, puisqu’elle n’avait rien à se reprocher. Gorbio en avait trompé d’autres qu’elle !... Et l’on ne pouvait décemment point s’étonner qu’elle ne se fût point doutée du commerce criminel du comte quand un homme comme M. de la Boulays, pendant des années, n’y avait vu que du feu.

De ce fait, tout s’était passé sans accroc pour Nina. Ses rapports avec le comte avaient été de pure amitié, affirma-t-elle, et jamais la conduite de celui-ci ne lui avait permis de douter de son patriotisme. Il ne cessait du reste de répéter qu’ayant mis toute sa fortune dans les usines de guerre, la défaite de la France le ruinerait. Voilà tout ce qu’elle pouvait dire de Gorbio.

Enfin, les amis de la danseuse pouvaient encore attester que le comte et elle étaient en froid depuis quelque temps et qu’elle avait résolu de le quitter, ce qu’elle n’eût point manqué de faire si la police lui en avait laissé le temps.

Nina n’avait pas plus tôt quitté le cabinet du magistrat militaire chargé de l’instruction dans l’affaire Gorbio qu’elle avait dû se rendre devant le juge qui dirigeait l’enquête dans le procès d’Haumont. La démobilisation du capitaine étant un fait acquis lors du drame de l’Auberge des Pins, c’est devant la cour d’assises que devait passer Palas, et ce fut à un magistrat civil qu’eut affaire Nina-Noha. Il ne fut guère plus méchant que l’autre.

On savait qu’à Nice d’Haumont avait rendu visite à la danseuse. Cette visite, d’Haumont ne l’avait pas niée, au contraire... et il en avait donné la raison.

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire de collier ? » avait demandé le juge à Nina.

Celle-ci avait souri :

« Le pauvre garçon ! il avait perdu tout à fait la tête ! Je n’ai pas besoin de vous dire que je l’avais reconnu du premier coup ! J’aurais pu le dénoncer. Pour rien au monde je ne l’aurais voulu. Il s’était refait une vie, tant mieux pour lui !... Tout de même, j’ai été obligée de le mettre à la porte quand il est venu me dire qu’un collier que j’avais porté à la fête de Valrose ressemblait beaucoup à celui que l’on avait volé au banquier Raynaud le jour de son assassinat ! Innocent ou non, je ne tenais pas à ce qu’il vînt m’excéder avec ses hallucinations !... »

Nina avait préparé toute une petite histoire pour le cas où le juge lui demanderait à voir le collier ; elle n’eut pas l’occasion de s’en servir. Le magistrat, en effet, n’avait pas à s’occuper d’une affaire qui avait été jugée et, pensait-il, bien jugée, quinze ans auparavant.

Après avoir adressé quelques reproches, qui avaient tout l’air d’être des compliments, à cette jolie femme qui n’avait point voulu se faire l’auxiliaire de la justice, le juge reconduisit fort aimablement le témoin jusqu’à la porte de son cabinet. Nina ne l’avait plus revu.

Tant de tranquillité dans cette double affaire l’avait d’abord rassurée, puis surprise, puis inquiétée d’autant plus qu’elle avait pu croire, dans ces derniers temps, qu’elle était surveillée.

Elle s’imagina bientôt qu’on ne l’avait si bien épargnée que pour mieux endormir sa méfiance. C’est la tactique habituelle, dans ces sortes d’affaires. On s’empare du principal coupable, mais on laisse toute liberté à son complice dont les démarches imprudentes serviront l’instruction. Et, un beau jour, quand on tient enfin tous les fils, on boucle tout le monde !...

Aussi Nina avait-elle redoublé de précautions. Tout de même, elle sentait qu’il était grand temps de partir et si elle n’avait craint d’être arrêtée à la frontière, elle aurait été « garée » depuis plusieurs semaines... Finalement elle avait tout arrangé pour que son départ ne parût suspect à personne.

Le jour que nous la retrouvons à Paris, qui était aussi le premier jour du procès d’Haumont, elle avait fait ostensiblement les préparatifs d’un voyage dont tout le monde était instruit. Il s’agissait, pour elle, d’aller « déposer » en cette cour d’assises de province où l’avocat de la défense l’avait fait « citer ». Cela devait lui prendre vingt-quatre heures. Elle jouait le soir. Elle rejouait le surlendemain. Ce qu’elle ne disait pas, c’est qu’en cours de route elle devait quitter à contre-voie le train à certain endroit où la marche du convoi était fort ralentie et se jeter dans une auto qui lui ferait franchir la frontière avant qu’on ne se fût aperçu de sa fuite...

À cinq heures du soir, Nina revenait d’une répétition générale donnée en matinée à l’Odéon et à laquelle elle avait tenu à se montrer pour que chacun fût juge de sa sérénité dans ces heures difficiles où les bruits les plus redoutables commençaient à courir sur sa complicité avec Gorbio ; et elle rentrait chez elle quand elle fit soudain arrêter son auto.

On criait sur les boulevards les journaux du soir et les camelots passaient en agitant des feuilles où s’étalaient d’énormes titres sur le procès d’Haumont !... « Dernières nouvelles !... Incidents d’audience. L’interrogatoire de l’accusé ! »

Elle se pencha hors de sa voiture pour acheter un journal... dans le même moment une auto qui suivait de près la limousine, surprise par l’arrêt brusque de celle-ci, frôla la main de la danseuse dans une embardée assez maladroite.

Nina poussa un léger cri et regarda les gens qui étaient dans l’auto. Elle pâlit aussitôt et se rejeta dans sa voiture. Elle avait reconnu le policier qui avait arrêté Gorbio.

Quand elle descendit de son auto, devant le petit hôtel qu’elle habitait, au coin de l’avenue du Bois-de-Boulogne, Nina jeta un regard rapide « sur les environs ». Elle ne découvrit rien de suspect. L’auto du policier avait disparu.

Il n’y avait peut-être eu là qu’une rencontre fortuite. Elle ne voulut point l’espérer, se confirma dans cette idée, qu’elle avait depuis quelque temps, que la police ne la perdait pas de vue et que l’on n’attendait qu’une occasion, peut-être, pour s’assurer de sa personne.

Elle devait prendre le train le lendemain matin à huit heures. Elle regretta de ne point partir le soir même. Mais c’eût été donner l’éveil. Son salut, elle en avait maintenant le sentiment absolu, résidait tout entier dans le sang-froid qu’elle montrerait jusqu’à la dernière minute et dans l’exécution normale et tranquille d’un programme que la police connaissait dans tous ses détails.

Elle pensa encore que l’on avait peut-être résolu de l’arrêter en pleine cour d’assises après sa déposition. Cette imagination la réconforta. Quand on l’attendrait en cour d’assises, elle serait déjà loin !...

Ayant jeté un coup d’œil sur les trottoirs, elle tressaillit encore. Elle avait vu deux agents. Elle laissa retomber son rideau, se traitant d’idiote. Deux agents qui se promènent dans une rue, cela n’a rien d’exceptionnel. Ce n’était pas la première fois qu’elle en voyait rue Lesueur. Elle avait la fièvre. Elle ne put manger. Elle attendait, pour la conduire au théâtre, le jeune Darcy, son dernier flirt, celui que la rumeur des coulisses avait donné comme successeur à Gorbio.

Il ne vint pas. Est-ce que celui-ci allait l’abandonner comme tant d’autres déjà, qui trouvaient de singuliers prétextes pour se détourner de son chemin ?

Ah ! elle aurait dû quitter la France depuis longtemps !... Elle en voulait férocement à ceux qu’elle servait depuis tant d’années dans l’ombre, d’avoir exigé d’elle qu’elle restât ainsi jusqu’au dernier jour exposée à toutes les catastrophes !

Est-ce que tout n’était pas perdu depuis l’arrestation de Gorbio ? Parbleu ! puisque en effet tout était perdu et qu’on ne pouvait plus rien attendre d’eux, les gens de là-bas se débarrassaient du même coup d’elle !...

Elle trembla ! Elle eut une vision terrible... Les conseils de guerre n’épargnaient pas les femmes... Il y avait eu des exemples retentissants... Le poteau d’exécution à Vincennes... et dans la brume froide du matin, une silhouette élégante de femme, jeune encore, qui s’abattait, criblée de balles...

« Mon auto ! » commanda-t-elle d’une voix rauque...

Dans la rue, les agents avaient disparu.

Devant le théâtre, au théâtre, rien...

Et puis l’heure n’était-elle point passée maintenant ?... Est-ce qu’elle était passée, l’heure, quand on avait arrêté Gorbio ? Ne pouvait-on prétendre à la saisir, partout, en flagrant délit de travail pour les Boches ?... Elle essayait de raisonner... Elle ne faisait que divaguer...

Elle ne retrouva, en une seconde, tout son sang-froid que devant son habilleuse qui lui disait :

« Oh ! mais madame est malade !

– M. Darcy n’est pas venu ?

– Non, madame, personne ! »

Elle ne vit point dans sa loge les fleurs que le jeune homme lui envoyait tous les soirs. Elle se rappela un incident pareil le soir de l’arrestation de Gorbio et elle en conçut un mauvais présage.

Oui ! Oui ! celui-ci l’abandonnerait comme les autres ! Elle pensa encore que le public, depuis quelques jours, se montrait assez froid à son égard.

Tout à coup la porte de la loge s’ouvrit et Darcy parut.

Il était très pâle. Nina vit tout de suite qu’il savait quelque chose de nouveau. Elle éloigna son habilleuse.

Et l’autre la renseigna immédiatement :

« On vous arrête demain matin ! »

Nina-Noha reçut le coup avec courage, demanda des détails, voulut tout savoir. Darcy ne lui cacha rien. Il tenait l’affaire d’un attaché de cabinet qui était un ami intime et qui s’était documenté pour prouver à Darcy qu’il avait tort d’entretenir des relations avec Nina-Noha, laquelle était plus que suspecte.

« Pourquoi m’arrête-t-on ? Le savez-vous ? Gorbio prétendrait-il me mêler à ses histoires ?...

– Je crois pouvoir vous affirmer que Gorbio n’a rien dit contre vous !... et j’ai cru comprendre que si l’on vous arrêtait c’était dans l’espoir que vous accableriez Gorbio... On vous arrêterait pour que vous mangiez le morceau, quoi !

– Mais je ne suis pas la complice de Gorbio, moi !

– C’est ce que j’ai toujours dit ! Si je ne vous savais pas innocente, je ne serais pas ici, Nina, vous le savez bien.

– Écoute, mon petit, tu m’aimes bien, hein ?

– Si je vous aime, Nina !... »

Et il la dévorait de ses yeux pleins de larmes... Le malheureux n’avait encore rien obtenu de la danseuse et on allait la lui arrêter le lendemain matin !...

« Eh bien, puisque tu m’aimes et que tu crois à mon innocence, je vais te récompenser... en te prouvant, en effet, que je n’ai rien à redouter !... Nous allons passer ma dernière nuit de liberté ensemble, Darcy.

– Oh ! Nina ! Nina !... Ma Nina !... »

Il était tombé à ses genoux. Il lui embrassait les mains.

« Vite ! debout ! commanda-t-elle, soyons calmes ! Faisons comme si nous ne savions rien ! Ne pensons qu’à notre amour !

– Bien ! bien, fit Darcy, qui étouffait de joie maintenant... Je ferai tout ce que vous voudrez ! Je suis votre esclave ! Si vous voulez fuir, je vous suis à l’étranger !... Et si l’on vous arrête, on m’arrêtera avec vous !...

– Il ne s’agit pas de fuir, il s’agit d’abord de souper !... Vous allez retenir une table chez N...

– Comment ! Vous voulez aller ce soir dans cette boîte clandestine ?

– Dame ! puisque officiellement on veut que nous nous couchions comme les poules !...

– Les poules ont quelquefois raison ! » opina Darcy en rougissant jusqu’à la racine des cheveux...

« Mon petit ! Je te comprends, mais comprends-moi aussi !... demain, moi, je ne danserai pas le tango, n’est-ce pas... Eh bien, saute dans mon auto et va chez N... de ma part... Commande-moi un menu spécial comme tu sais les faire... et reviens ici le plus tôt possible !... À tout à l’heure, mon chéri !... Je t’attends avec impatience... »

Il partit, l’habilleuse rentra.

« Prenez une voiture, lui dit-elle, et allez me chercher un cachet à la pharmacie, j’ai un mal de tête fou ! »

Restée seule, elle se jeta sur un bahut, qui était fermé à clef, l’ouvrit et, sous un tas d’oripeaux de théâtre, ramassa une sorte de boléro dont elle s’empressa de découdre la doublure.

Elle en retira une perle d’une forme singulière et quelques vieux papiers. C’étaient là, entre autres documents très précieux, les preuves de la culpabilité de Gorbio dans l’affaire de l’assassinat Raynaud. Elle ne pouvait les laisser là. Elle résolut d’aller les porter dans cette cachette mystérieuse où Gorbio avait déjà déposé le collier et où se trouvaient également des papiers qui intéressaient fort les deux complices. Les événements se précipitaient de telle sorte qu’il eût été de la dernière imprudence pour Nina d’emporter avec elle à l’étranger, comme elle l’avait espéré, tant de pièces compromettantes pour tout le monde. Elle pouvait être arrêtée d’un moment à l’autre dans la fuite difficile qu’elle allait tenter. La cachette de Gorbio défiait toutes les recherches.

Seulement il fallait pouvoir s’en approcher !

Parmi les oripeaux qu’elle avait sortis du coffre, se trouvait une défroque complète de machiniste de théâtre avec sa casquette.

Elle s’en revêtit en hâte, fit aussitôt glisser la planchette qui obstruait le judas pratiqué dans la porte de sa loge.

Elle attendit de ne plus voir personne dans le couloir mal éclairé pour s’y jeter... Une minute plus tard, elle était dans la rue... Elle la remonta tranquillement, la casquette sur le nez, les mains dans les poches, comme un brave ouvrier qui a sa conscience pour lui, l’ayant convenablement réchauffée avec les camarades, chez le bistrot, la journée faite...

Personne ne suivait l’ouvrier. De fait, Nina-Noha avait dépisté tout le monde – son amant, son habilleuse, et la police.

Elle commença de respirer ! Tout était loin d’être perdu !

Elle arriva au coin de la rue de Dunkerque... C’est là, on se le rappelle, que se trouvait l’un des domiciles du comte... Domicile où la police avait sérieusement perquisitionné, sans avoir rien trouvé, du reste... Car la police ignorait encore que les dépendances de l’immeuble étaient autrement intéressantes à visiter que l’appartement lui-même...

Notre ouvrier machiniste glissa sur le trottoir près de la porte du mastroquet... Encore, autant qu’il put en juger, le cabaret était vide.

Les volets fermés et peu de lumière...

Aucun bruit... Quoi d’étonnant à cela ? Depuis l’arrestation de Gorbio, la clientèle spéciale qui faisait le fond de la clientèle avait dû « se garer » ailleurs !

Nina-Noha descendit jusqu’à la boutique de l’antiquaire et frappa d’une façon spéciale...

Le bonhomme ne tarda pas à lui ouvrir. Elle pénétra rapidement dans le magasin et ferma la porte. L’antiquaire ne l’avait pas reconnue. Il dirigea sur ce visiteur inattendu le jet d’une lanterne sourde et montra qu’il était armé.

Nina souleva sa casquette. L’antiquaire recula, stupéfait :

« Oui, c’est moi ! pas une minute à perdre ! Quoi de nouveau ici ?

– La police est revenue il y a quelques jours, mais ça n’était pas pour nous ! déclara l’antiquaire...

– Eh bien, tant mieux !

– C’est à cause de l’histoire d’un certain Chéri-Bibi...

– Quelle histoire ?

– Paraît que le fameux bandit s’est échappé du bagne et qu’on l’aurait vu rôder par ici !

– Eh bien, qu’ils cherchent Chéri-Bibi et qu’ils nous fichent la paix ! Conduis-moi à la cave ! » ordonna Nina.

L’antiquaire souleva la trappe de son arrière-boutique comme il avait déjà fait devant Yoyo, et Nina descendit quelques marches. Elle lui prit sa lanterne sourde des mains et commanda :

« Attends-moi ici !... »

.........................................................

La police n’était pas mal renseignée en cherchant Chéri-Bibi aux environs de la rue de Dunkerque. La vérité était que, depuis des semaines, Chéri-Bibi, la Ficelle, Yoyo, et Zoé se relayaient dans les caves où ils étaient sûrs que se trouvait la fameuse cachette de Gorbio.

Quand Chéri-Bibi était reparti un instant pour le Midi, emmenant toute sa troupe active avec lui, il avait eu grand soin de laisser en ce mystérieux endroit une sentinelle sûre, capable de le renseigner sur les moindres événements. Or, depuis la visite de Gorbio dans sa cave, lorsque le comte était venu s’y débarrasser du collier, rien de nouveau ne s’était produit.

Chéri-Bibi avait espéré qu’un émissaire de Gorbio ou de Nina descendrait bien, quelque jour ou quelque nuit, dans ces sous-sols et, ne se doutant point qu’il était épié, finirait par trahir le secret de la cachette. Or, les semaines s’étaient écoulées, le procès de Palas commençait, et Chéri-Bibi en était toujours au même point !...

Le bandit avait un chemin à lui, maintenant, pour pénétrer jusque dans ces caves. Ce soir-là il avait décidé que c’était la dernière nuit qu’il consacrait aux sous-sols de la rue de Dunkerque. Il était résolu à partir le lendemain, même les mains vides, et à prendre le train pour les lieux où se décidait le sort de Palas !...

Une dernière rage le faisait tout retourner, tout creuser, tout fouiller. Le sol, le mœllon des murs, tout avait été bouleversé...

La Ficelle n’en pouvait plus ! Yoyo était excédé ! Zoé donnait à boire dans un godet à la petite troupe épuisée... car dans leur malheur, ils avaient au moins cette consolation que le vin du comte était bon !... Il était même excellent !... Il y avait même une certaine barrique à laquelle la Ficelle avait fait l’honneur d’une chantepleure où il puisait à l’ordinaire plus que de raison.

Des fois, il apportait là son dîner, un quignon de pain et un morceau de cervelas, et, ma foi, avec la piquette du comte, il parvenait à oublier bien des choses : sa boutique de la rue Saint-Roch, l’irascible Virginie, les sourires de Zoé à Yoyo et l’incompréhensible obstination de Chéri-Bibi à les faire vivre dans une cave qui ne pouvait plus avoir pour eux aucun secret !...

Tout à coup, Yoyo sursauta sur ses pattes, les oreilles dressées comme un chat. Chéri-Bibi aussi avait entendu... on descendait l’escalier de l’antiquaire.

Et puis il y eut une lueur.

Les quatre compagnons disparurent, en une seconde, dans une cave adjacente... d’où ils pouvaient tout voir !

D’abord ce fut une ombre qu’ils prirent pour celle d’un homme et qui s’était arrêtée à la porte qu’il venait d’ouvrir. L’état de la serrure lui paraissait suspect, de toute évidence, bien que l’on eût fait le possible pour que l’on ne soupçonnât aucune effraction antérieure.

Sous le coup de cette découverte, l’ombre pénétrait vivement dans la cave... anxieuse certainement de ce qu’elle allait découvrir... On avait passé par là !... On avait peut-être trouvé la cachette !...

Chéri-Bibi sentit son cœur se gonfler d’un espoir prodigieux. Il venait de reconnaître Nina-Noha !...

Celle-ci, maintenant, promenait le jet lumineux de sa lanterne sourde sur tous les coins du sous-sol !... constatait que l’on n’avait pas laissé sans le fouiller un centimètre carré de terre. Et puis, tout à coup, elle disait tout haut :

« Les imbéciles ! Ils n’ont rien trouvé !... »

Chéri-Bibi fut d’autant moins vexé de cette réflexion qu’il savait qu’elle ne pouvait s’appliquer à lui, mais à la police, pour laquelle, du reste, il n’avait lui aussi qu’une considération mitigée... Haletant, et plus ému peut-être que Nina, il vit cette dernière se diriger, sans hésitation cette fois, vers un coin du caveau ; le coin où il y avait la barrique chère à la Ficelle, la barrique où, tout à l’heure encore, Chéri-Bibi lui-même se désaltérait !...

Nina posa sa lanterne sur cette barrique. Puis, écartant sa veste de machiniste, elle retira de son corsage les papiers et le petit étui qui enfermait la perle.

Elle posa encore le tout sur la barrique.

Enfin, à deux mains, elle se mit à tirer le large bouchon de bois de la bonde...

La bonde vint à elle... mais c’était une singulière bonde... si longue ! si longue !... Une bonde qui commençait par un bouchon et qui se continuait par un tube de cuivre ! lequel tube plongeait à l’ordinaire dans le vin !...

Chéri-Bibi et la Ficelle eurent besoin de tout leur sang-froid pour ne pas laisser échapper une sourde exclamation.

Maintenant ils comprenaient ! Le collier qu’ils cherchaient se trouvait dans le vin qu’ils buvaient !... Et ils pouvaient secouer la barrique ! Elle ne rendait toujours qu’un son de liquide remué !...

Ils eurent encore tout le loisir de constater que ce tube contenait également de précieux documents que Nina sortit... qu’elle examina... puis elle entassa le tout à nouveau dans le tube, ce qu’elle en avait sorti, collier et documents et aussi ce qu’elle avait apporté.

À ce moment, elle parut réfléchir, se demandant de toute évidence s’il était bien prudent de continuer à confier de tels trésors à une cave aussi visitée.

Or, il arriva que s’étant demandé cela, elle n’eut point à fournir de réponse à sa pensée, car quelque chose de formidable s’abattit sur elle... et avant même qu’elle eût poussé un cri, elle n’avait plus dans les mains cette bonde précieuse qui contenait tant de secrets.

Nina avait reculé sous le choc jusqu’au mur de la cave qui séparait celle-ci du caveau du mastroquet. La porte en était entrouverte.

Elle se jeta par là, folle de terreur... repoussa la porte, tira un verrou, pensa qu’elle avait au moins la vie sauve !

Elle gravit en hâte l’échelle qui conduisait à la trappe du cabaret et frappa de toutes ses forces. Elle savait que là elle allait trouver du secours...

La trappe, en effet, se souleva...

Nina-Noha bondit dans la pièce qui s’éclaira tout à coup !

« Je te dis que nous le tenons !... » fit aussitôt une voix rude.

Nina en effet était à nouveau agrippée... on lui éclairait le visage !...

« N... de D... ! c’est une femme... Et tu sais, mon vieux, elle ne ressemble pas à Chéri-Bibi !...

– Non, mais elle ressemble bigrement à Nina-Noha !... La prise est bonne tout de même ! »

Nina-Noha fit entendre un rugissement de rage. On lui mettait les menottes !...

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