FICHE PROFESSEUR : SITE GÉOLOGIQUE DU FLORIMONT
Le site géologique du Florimont, ensemble de deux collines, le Sommerberg (382 m) et le Dorfbourg (308 m) est situé à l'extrémité Sud du champ de fractures de Ribeauvillé. Entre vignes et flore méditerranéenne, c'est un endroit unique en Alsace où il est possible de retracer sur quelques centaines de mètres, toute l'histoire géologique des Vosges et du fossé rhénan ; on y retrouve de l'Ouest vers l'Est, du Sommerberg vers le Dorfbourg les terrains du Primaire au Tertiaire, âgés de -320 Ma à -30 Ma.
Après être descendus du bus, un trajet à pied entre les 6 arrêts permet de découvrir les indices pétrographiques, fossilifères et tectoniques de l'histoire géologique régionale. L'observation du paysage permet également de repérer les éléments morphologiques de la région dont on esquissera la formation à partir des indices tectoniques de la carrière de la "grande oolithe" du Dorfbourg et de l'ensemble des terrains géologiques traversés.
On remarquera en particulier :
- la diversité des roches, de l'Ouest vers l'Est avec la succession de roches magmatiques et sédimentaires, granite /grès /calcaire à entroques /marnes et argiles /calcaire oolithique /conglomérat permettant de reconstituer plusieurs paléoenvironnements
- la relation entre roches et morphologie du paysage : résistance à l'érosion et relief ; les roches qui résistent le mieux à l'érosion (granite, calcaire à entroques, calcaire oolithique) forment des plateaux visibles dans le paysage, les roches marno - argileuses sont en creux
- le rôle de la tectonique : morcellement de tous les terrains sédimentaires déposés au Secondaire par un système de failles actives au Tertiaire au moment de la formation du fossé rhénan et bien visibles dans la carrière du Dorfbourg et dans le paysage (extrémité méridionale du champ de fractures de Ribeauvillé).
Localisation
Pour toutes visites, il faut demander une autorisation auprès des mairies de Katzenthal et d'Ingersheim.
À Ingersheim, prendre la D11 direction Niedermorschwihr - les Trois-Épis. Au premier croisement marqué par une balise, prendre à gauche, une petite route entre les vignes qui rejoint Turckheim ; un petit bus peut se garer sur la droite avant le petit pont (il vaut mieux ne pas engager un grand bus sur cette petite route où il ne peut pas faire demi tour, l'obligeant à faire marche arrière), sinon se garer sur la D11 à droite, le long de la carrière du Dorfbourg.
Les arrêts ne sont pas décrits, tels qu’ils apparaissent sur la coupe Ouest - Est, des terrains les plus anciens au plus récents mais dans un ordre correspondant au cheminement le plus court et le plus commode pour un groupe.
IL EST DEMANDE DE RESTER EXCLUSIVEMENT SUR LES CHEMINS. LA CARRIÈRE DU DORFBOURG EST PRIVÉE ET IL EST INTERDIT D'Y ENTRER.
Arrêt n°1 : observation du paysage et des futurs arrêts,
Arrêt n°2 : calcaire du Muschelkalk,
Arrêt n°3 : granite, grès et faille vosgienne
Arrêt n°4 : calcaire du Bajocien moyen
Arrêt n°5 : calcaire oolithique de la carrière du Dorfbourg (Bajocien supérieur)
Arrêt n°6 : conglomérat Oligocène
Arrêt n°1 : VUE D’ENSEMBLE
Arrêt 1 : Florimont vue d'ensemble
Pour se rendre à l’arrêt n° 1
Descendre du bus et se rassembler au niveau du pont.
On peut aussi, si on a plus de temps, marcher 100 m vers Turkheim, prendre la seconde bifurcation à gauche pour monter vers le Boland ; s’arrêter pour avoir une belle vue d’ensemble sur le site du Florimont.
Ce premier arrêt permet de visualiser le paysage : deux collines, le Sommerberg entièrement dédié à la culture des vignes sur la gauche, le Dorfbourg sur la droite, entaillé par la carrière de calcaire oolithique et coiffé d'une couverture végétale de type méditerranéenne (chênes pubescents...) entre lesquelles se trouve un col, emprunté par une route goudronnée qui mène à Katzenthal. Dans la pente du Sommerberg, on distingue un plateau très nettement visible.
Arrêt n° 2 : CALCAIRE DU MUSCHELKALK SUPÉRIEUR
Pour se rendre à l’arrêt n° 2 depuis l’arrêt n°1
À pied, descendre la route jusqu’à la D11, la remonter vers Niedermorschwhir et prendre le chemin juste avant le virage (grand mur en calcaire blanc bien visible) qui gravit le Sommerberg, monter 50 m environ, continuer sur le chemin du haut puis suivre le chemin montant sur la gauche, qui passe entre la vigne et une rangée isolée, en bordure de parcelle. On arrive sous une cabane en bois. A sa droite, on peut observer le calcaire "bleuté" du Muschelkalk supérieur (-241 Ma à -235 Ma).
Arrêt n°2: cabane en bois
Les calcaires du Muschelkalk (65 à 70 m d'épaisseur) sont traditionnellement décrits (Hirlemann, 1970) comme une succession d'unités lithostratigraphiques : Calcaire à entroques (8-10 m), Calcaire à cératites (45 à 50 m) et Calcaire à térébratules (6 à 8 m). Ils représentent l'épisode marin le plus franc du Muschelkalk.
Le Calcaire à entroques, ici présent, est un calcaire massif, sans marnes, de couleur "bleutée", formant un relief vigoureux dans le paysage. Il présente un aspect brèchique bien visible, en rapport avec l’agitation de l’eau lors du dépôt en eau peu profonde dans une zone récifale, riche en encrines soumise à de brusques variations des niveaux d'eau à la suite de tempêtes.
Duringer dans le livret d'excursions du 7eme congrès français de sédimentologie, ASF, 1997, explique les variations d'unités lithostratigraphiques par des variations du milieu de dépôt et distingue ainsi :
- un domaine marin restreint de type lagon, peu profond dans lequel se déposent les carbonates fins et micritiques très bioturbés correspondant en grande partie au faciès micritique du Calcaire à entroques,
- un domaine de barrière peu profonde à Echinodermes, très riche en matériel biodétritique (entroques), discontinu
- un domaine marin ouvert caractérisé par des alternances marnes - calcaires du Calcaire à cératites, les marnes représentant la sédimentation en eau calme, tandis que les bancs à cératites représentent des épisodes tempétueux.
Les trois domaines étaient soumis à de brusques élévation du niveau d'énergie à la suite de tempêtes.
On remarquera sur l'affleurement
- le calcaire morcelé en bandes étroites par des failles parallèles à la faille vosgienne,
- les strates redressées, proches de la verticale,
- l'aspect bréchique du calcaire micritique.
Le redressement des strates renforce la résistance à l'érosion, d'où le plateau visible dans le paysage.
Arrêt n°2 : strates redressées de calcaire du Muschelkalk supérieur
À gauche de la cabane en bois, caché par la végétation, on découvre quelques entroques nettes et facilement repérables dans le calcaire.
Arrêt n°2: affleurement de calcaire à entroques
Arrêt n°2 : entroques visibles dans le calcaire
ARRET n° 3 : FAILLE VOSGIENNE, GRÈS, GRANITE
Pour se rendre à l’arrêt n° 3, depuis l’arrêt n°2
À partir de l’affleurement de calcaire à entroques suivre le large chemin sur la gauche qui remonte pour arriver sur une route goudronnée qui vient de Niedermorschwihr et tourner à droite jusqu'à l’affleurement.
On s’arrête devant un affleurement mettant en contact le grès vosgien, à gauche avec le granite, à droite. Granite et grès se trouvent à la même altitude alors qu'ils devraient normalement être superposés. Ceci est du à la présence d'une faille le long de laquelle les grès sont abaissés. Cette faille fait partie de la faille vosgienne, faisceau de failles ayant globalement une direction N-S et caractérisé par la mise en contact des terrains granito-gneissique du Primaire avec la couverture sédimentaire post paléozoïque. Son rejet atteint 1000 m par endroit, là où le fossé est le plus étroit . La faille vosgienne est apparente là où affleurent les terrains du Secondaire, au niveau des collines sous-vosgiennes.
Au niveau de l'affleurement, le plan de la faille de direction N-S sépare le granite à l'Ouest (en arrière du plan de faille) du grès à l'Est (en avant du plan de faille). La route de laquelle on observe l'affleurement suit globalement le tracé N-S de la faille.
Arrêt n°3 : faille vosgienne
Arrêt n°3 : trajet de la faille matérialisé par la route
Le granite de Turkheim date du Viséen Supérieur (- 320 Ma). Au niveau de l'affleurement, ce granite de couleur claire jaunâtre est très altéré. La description de la notice géologique de Colmar précise qu’il contient deux micas et présente fréquemment un débit régulier en bancs. Certains secteurs montrant aussi une orientation suggérant un caractère granito-gneissique ; il se serait mis en place à grande profondeur et serait tardi hercynien.
Le grès vosgien, de couleur rouge, date du Buntsandstein moyen (-245 Ma à -241 Ma). Au niveau de cet affleurement, les strates présentent un pendage très élevé, presque vertical, avec du conglomérat sur le bord sud de l'affleurement. C'est un grès grossier d'origine détritique, formé des grains de quartz (85%) et des grains de feldspath potassique (15%) réunis par un ciment silico-ferrugineux. L'épaisseur de la formation peut atteindre 180 m.
Par temps clair, la belle vue permet de repérer les différentes unités morpho-structurales : collines sous vosgiennes, fossé rhénan, Kaiserstuhl, collines sous schwartwaldiennes, Forêt Noire, éventuellement Jura et Alpes bernoises.
Arrêt n°3 : vue générale sur les collines sous -vosgiennes et le fossé rhénan
Vue sur la Forêt Noire et le Kaiserstuhl
Pour se rendre à l'arrêt suivant, on revient sur ses pas jusqu'à l'affleurement n°2. On prend le chemin qui passe au dessus des calcaires pour retrouver un chemin qui descend sur la route goudronnée pour remonter de l’autre coté, par les chemins sur la colline du Dorfbourg.
Les vignes plantées dans la pente poussent sur les terrains marno-calcaires du Sinémurien, du Pliensbachien, du Toarcien et de l'Aalénien qui se succèdent par âge décroissant d'Ouest en Est. Le relief en creux illustre bien la plus faible résistance à l'érosion de ces terrains. Le Keuper n'est pas visible à l'affleurement.
ARRÊT n° 4 : CALCAIRE DU BAJOCIEN MOYEN
Arrêt n°4 : affleurement du Bajocien moyen
La série du Bajocien moyen (10 à 22 m, datée de -178 Ma à -170 Ma) a une belle couleur jaune brun qui se voit dans le paysage et au sol. Elle est caractérisée par une alternance de marnes et de calcaires. La série débute par 4 à 12 m de marnes riches en grosses Belemnites, puis se poursuit par 1 à 4 m de calcaire oolithique plus ou moins ferrugineux qui donne sa couleur à la formation avec Belemnites et Ammonites, (Megateuthis giganteus, Stephanoceras humphriesianum) et des grosses huitres (Lopha marshi) plissées à coquille très épaisse indiquant une eau chaude riche en carbonate de calcium, et se termine par 5 m de marnes noires, localement sableuses à nombreuses concrétions.
On peut encore trouver quelques fossiles, malheureusement brisés dans ces marnes et des oolites bien formées et en relief.
Arrêt n°4 : fragments de fossiles dans le calcaire du Bajocien moyen
ARRÊT N° 5 : CALCAIRE OOLITHIQUE « LA GRANDE OOLITHE » DU BAJOCIEN SUPÉRIEUR
Pour se rendre à l’arrêt n° 5
Continuer le petit chemin de droite, le long de la lisière de la forêt ; la carrière apparaît à sa gauche.
L’accès n’est pas autorisé car c’est une propriété privée. Les chutes de pierres rendent l’endroit très dangereux.
Arrêt n°5 : carrière du Florimont vue d'ensemble
Faire observer du chemin, la carrière entièrement taillée dans le calcaire blanc jaunâtre à oolites du Bajocien supérieur (-178 Ma à - 170 Ma), ce qu'on appelle "la Grande Oolithe" ; elle présente des strates redressées presque à la verticale et des bancs décimétriques à métriques, découpés en blocs. Ce découpage est lié à la tectonique du Tertiaire.
Au niveau de la tectonique, on peut y repérer une faille principale, zone broyée, (pendage grossièrement vers l'Est), un très beau miroir de faille (pendage grossièrement vers le Nord), plusieurs systèmes de failles, l'un orienté parallèlement à la faille principale, un autre, perpendiculaire à la direction précédente (pendage des failles vers l'Ouest). Par le jeu de toutes ces failles conjuguées, des blocs sont découpés, ce qui à une échelle plus grande, permet de comprendre la formation d'un champ de fractures comme celui de Ribeauvillé.
Arrêt n°5 : carrière du Florimont couches et faille
Arrêt n°5 : miroir de faille dans la carrière du Florimont
Le champ de fractures de Ribeauvillé correspond aux collines sous-vosgiennes entre Saint-Hippolyte au Nord et Turckheim, au Sud, soit une vingtaine de km sur 4 à 1 km de large respectivement du Nord au Sud. Il dessine une sorte de croissant d'allongement parallèle au fossé rhénan (Nord - Sud), limité à l'Ouest par la faille vosgienne (contact entre le socle granito-gneissique et terrains sédimentaires postérieurs) et à l'Est par la faille rhénane (contact entre terrains secondaires côtiers avec les sédiments tertiaires du centre du bassin). Un réseau complexe de failles se développe entre la faille vosgienne et la faille rhénane : on distingue des failles longitudinales de direction plutôt Nord-Sud (N 10° à N 70°) qui découpent des lanières juxtaposées et des failles transversales postérieures (N 90° à N 150°) qui fragmentent les lanières en blocs qui glissent plus ou moins les uns par rapport aux autres d'où l'aspect " en touches de piano" , à l'intérieur d'un dispositif général "en marches d'escalier" (cf document). Le fonctionnement de ces failles débute à l'Èocène, reprise en fait des grandes structures varisques, mais la phase principale est datée de l'Oligocène.
Bloc-Diagramme de la partie Nord du champ de fractures de Ribeauvillé, Hirlemann, 1970
ARRÊT N° 6 : CONGLOMÉRAT OLIGOCÈNE
Pour se rendre à l’arrêt n° 6 (48° 05' 59.56" N, 7° 17' 31.51" E)
Continuer à descendre le chemin jusqu’à la bifurcation avec une route goudronnée. Remonter sur quelques mètres à gauche jusqu’à un affleurement de conglomérat Oligocène, sur la gauche de la route, à la lisière de la forêt.
Série remarquable par son épaisseur (plusieurs centaines de mètres), datée du Lattorfien, début de l’Oligocène (-34 Ma à -23 Ma), elle comprend de puissantes formations conglomératiques où s'intercalent marnes rouges, brunes, vertes ou beiges. Tous les intermédiaires existent entre les conglomérats grossiers et les sédiments fins. Les conglomérats obéissent au principe de la sédimentation inverse : les niveaux les plus récents contiennent des galets de matériel le plus ancien. Les galets sont d'origine fluviatile, plus ou moins arrondis (certains pas du tout), de taille variable (du mm au m) ; mal triés, ils comprennent toute la gamme des terrains anté-bathoniens (cependant les galets de socle y sont rares).
Les conglomérats dits "côtiers" et les marnes interstratifiées sont les produits grossiers du démantèlement de la couverture sédimentaire qui recouvrait complètement les Vosges (et la Forêt Noire). Ils témoignent de l'érosion active des reliefs proches (à l'Ouest) consécutifs à l’effondrement du fossé. Les sédiments détritiques sont transportés par des cours d’eau qui ont entaillé profondément le relief en formant des canyons et se déversent, mal triés dans le fossé en formant des "fan delta". La sédimentation devient de plus en plus fine au fur et à mesure qu’on s’approche du centre du fossé (P. Duringer).
Arrêt n°6 : conglomérat côtier (détails)
Le bloc diagramme du Florimont permet de visualiser l'ensemble des formations présentes.
Bloc Diagramme du site du Florimont
ROCHE
|
PÉRIODE
|
ÂGE (Ma)
|
MILIEU DE FORMATION
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GRANITE de Turkheim
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VISÉEN
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-320
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Roche magmatique, mise en place en profondeur, fin de l'orogénèse hercynienne
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GRÈS vosgien
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BUNTSANDSTEIN
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-245-241
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Dépôt détritique, milieu continental fluviatil par érosion d'un massif montagneux
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CALCAIRE à entroques
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MUSCHELKALK
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-241-235
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Dépôt en milieu marin peu profond, ancien récif, colonies de lys, eaux calmes et tsunami
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CALCAIRE à oolithes
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BAJOCIEN
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-173-166
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Dépôt en mileu marin, mer peu profonde, agitée et chaude, lié à l'émersion définitive de la région
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CONGLOMÉRAT
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OLIGOCÈNE
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-35-23
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Dépôt côtier de bordure de bassin lacustre à lagunaire, érosion continentale, consécutive à l'ouverture du fossé rhénan
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Éléments de bibliographie
Notice de la carte géologique au 1/50 000 de Colmar, BRGM
La géologie du massif vosgien et du fossé rhénan, Parc Naturel régional des Ballons des Vosges, 2009
7eme congrès français de sédimentologie, ASF, livret des excursions, 1997,
Les roches bavardes 1 de Martial Boutantin, Parc Naturel régional des Ballons des Vosges, 1998 |