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Petit Manuel à l’usage de la France d’en bas L’école pour tous Tous pour l’école «Le peuple qui a la meilleure école est le meilleur peuple du monde. S’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain»


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AVANT PROJET DE LOI SUR LA DECENTRALISATION (Note 2)




Cette note ne porte que sur la partie formation, éducation, financements de l’avant projet de loi

Cette note est rédigée à partir du texte communiqué aux organisations syndicales le 30 mai. Elle tente de faire une synthèse rapide sur tous les problèmes que pose ce projet dans les domaines de l’Education et de la formation professionnelle. Certains éléments ont été modifiés par rapport à la version partielle que nous possédions la semaine précédente et à partir desquels la note précédente avait été faite. Nous n’avions alors pas de rédaction concernant la formation professionnelle.

Des améliorations doivent être notées par rapport au document précédent (hors formation professionnelle):

1)L’article qui prévoyait les partenariats par la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’Etat dont vous trouverez ci-dessous la rédaction a été supprimé du dernier avant projet de loi.

“ Les collectivités territoriales et l’Etat peuvent conclure des conventions de coopération et de partenariat en vue de développer des activités communes dans le domaine éducatif et culturel et créer ou gérer ensemble, les moyens et services nécessaires à ces activités ”

2)Les inquiétudes concernant un élargissement du financement de l’enseignement privé sous contrat sont levées avec la nouvelle rédaction

Pour autant ces avancées ne masquent pas les très graves désaccords qui subsistent. Par ailleurs le contenu de l’avant projet de loi concernant la formation professionnelle que nous venons de découvrir est inacceptable sur plusieurs points.

Il faut rappeler que sur de nombreux aspects de cette loi ni les organisations syndicales, ni la majorité des régions ou des départements ne sont demandeurs. C’est en particulier le cas pour le transfert des personnels ou de certaines missions comme l’orientation et la formation professionnelle.

La présentation est faite dans l’ordre des articles de l’avant projet de loi et ne correspond donc pas 0 des priorités dans la gravité des mesures envisagées.

La formation professionnelle (Chapitre II)

Pour aller à l’essentiel il y a deux problèmes majeurs :



  1. C’est désormais la région seule qui “ établit ” le plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF). Il n’est même plus indiqué dans le premier alinéa du I de l’article 214-3 du Code de l’Education qui serait modifié que cette élaboration du PRDF doit être faite en collaboration avec l’Etat. Ce PRDF devenu contraignant pour l’Etat sans qu’il participe à son élaboration crée une situation inacceptable dans la définition des objectifs de la formation professionnelle. En ce sens la formation professionnelle n’est plus nationale alors qu’elle constitue un élément essentiel de l’Education Nationale.

  2. L’Etat est dessaisi de la décision d’“ ouvertures et fermetures de sections de formation professionnelle initiale dans les établissements d’enseignements du second degré ”. Nous sommes en total désaccord avec l’évolution qui consiste à en faire une compétence contractualisée entre l’Etat et chacune des régions.

La formation initiale en général, la formation professionnelle en particulier, nécessitent une vision prospective sur le long terme des besoins et ne peut être centrée sur les besoins limitées à la région. Les régions, loin s’en faut, n’ont pas fait la preuve qu’elles étaient capables d’appréhender la formation sous cette double contrainte. Les schémas prévisionnels des formations qu’elles ont produits, en particulier dans les années 90, en sont les meilleures preuves.

Le conseil territorial de l’Education (article 50)

L’absence de toute représentation des personnels et des usagers est inacceptable.

Par ailleurs ce Conseil, si on lui en donne les moyens, pourrait avoir comme attribution d’étudier les déséquilibres territoriaux en matière de formation, d’équipements scolaires, de moyens et de proposer des mesures visant à les réduire.

L’expérimentation dans les EPLE (article 53)

Pour cette expérimentation le texte supprime de nombreux articles du Code de l’Education. Ainsi, pour ces expérimentations il n’y a plus de référence à l’élection des représentants des personnels dans les CA, plus de référence au nombre de sièges, plus de référence à la composition, plus de référence à la nécessité par exemple de voter le budget ou le compte financier, plus de référence à la présidence assurée par le chef d’établissement !!! On voit le champ laissé par défaut à l’expérimentation, tout, ou presque sera précisé par décret.

Il y a donc un désaccord sur la nature de ce que doit être une expérimentation. Dans l’avant projet de loi, elle est définie par la suppression de tout cadrage législatif sans précision sur la nature exacte de ce qui serait expérimenté. Pour nous toute expérimentation doit explicitement définir la nature des mesures qui seront expérimentées. Cet article est donc inacceptable.

De plus envisager la mise en œuvre d’une expérimentation en cours d’année scolaire manque vraiment de sérieux.

On notera que la Constitution modifiée parle d’expérimentation visant à déroger à la loi pour les collectivités territoriales mais n’évoque pas cette possibilité pour les établissements publics ou pour l’Etat lui-même. Il n’est donc pas impossible qu’il y ait un problème de constitutionnalité pour cette expérimentation. De toute façon cette expérimentation ne pourra pas être mise en œuvre à la prochaine rentrée compte tenu du nouveau calendrier.

Le pouvoir des maires dans le premier degré (article 55)

Les secteurs des écoles primaires d’une commune sont déterminés par le conseil municipal et non plus par le Maire qui agissait antérieurement comme représentant de l’Etat.



Secteurs de recrutement des Collèges (article 56)

Comme cela avait été annoncé, les conseils généraux déterminent les secteurs de recrutement des collèges. Cette mesure engendre de graves inquiétudes. En effet les élus vont immanquablement être conduits, par souci de répondre à la pression de certains électeurs, à contribuer à définir des zones de recrutement de collège qui soient socialement homogènes. Cela a toutes les chances d’aggraver la ghettoïsation des établissements déjà en situation difficile et d’empêcher toute mixité sociale.



Les missions de la médecine scolaire (article 57)

La décentralisation de la médecine scolaire amène à préciser les missions qui s’y rattachent : “ le service de médecine scolaire assure, notamment, au sein des établissements scolaires les actions de prévention individuelle et collective et de promotion de la santé auprès des jeunes scolarisés ”. Ces missions ainsi définies contiennent des missions essentielles revendiquées à juste titre par les infirmières. Or ces missions seraient décentralisées aux départements. On aurait donc des personnels maintenus au sein de l’Education Nationale qui exerceraient des missions relevant des départements.

La spécificité de la médecine scolaire, son ancrage dans les établissements impose que cette mission reste une mission de l’Etat et donc que tous les personnels qui l’exercent restent dans la fonction publique de l’Etat.

On notera enfin que, de façon tout à fait exceptionnelle, le pouvoir disciplinaire concernant les personnels ayant choisi le détachement serait exercé par la collectivité de rattachement (article 77). Cette logique sans précédent est inacceptable, elle montre que les assurances que prétend donner le gouvernement aux personnels qui choisiraient de rester dans la fonction publique de l’Etat sont plus que limitées.


Les missions relevant des assistantes sociales (article 58)

Les missions des assistantes sociales et les personnels sont transférés dans leur intégralité aux départements.

Comme pour la médecine scolaire, on a affaire à une mission très spécifique qui ne peut être confondue avec celle des départements dans le domaine social. Suivre des jeunes demande des compétences particulières qui, de plus, trouvent leur place dans l’activité globale de l’équipe éducative de l’établissement scolaire. Il est donc indispensable de maintenir ces missions dans le cadre de celles de l’Etat dans les EPLE et donc maintenir dans la fonction publique de l’Etat les personnels qui les exercent.

La même remarque que pour les médecins scolaires est à faire en ce qui concerne le pouvoir disciplinaire


Les missions assurées par les TOS (article 59)

Le transfert porte sur l’ensemble des missions que ces personnels exercent. Il concerne “ l’accueil, la restauration, l’hébergement, l’entretien général et technique, ainsi que la sécurité ” ; on peut se poser la question de ce que veut dire accueil (concierge ou plus ?). Mais une chose est claire en ce qui concerne la restauration et l’hébergement qui sont des missions qui seraient ainsi transférées aux départements et aux régions. Les conseils régionaux et généraux ont les coudées franches pour faire ce qu’ils veulent y compris privatiser sans que, comme aujourd’hui les CA des EPLE puissent s’y opposer. Leur avis n’est même pas requis !!!!

L’accueil, l’hébergement , la restauration ne peuvent être découplés de l’action éducative et de son organisation alors qu’au contraire ce lien devrait être renforcé.. Cela impose donc de maintenir ces missions dans le cadre des missions de l’Etat organisées au niveau de chaque EPLE. Cela impose, par voie de conséquence que les personnels qui exercent ces missions restent des fonctionnaires de l’Etat.

Enfin il n’est pas acceptable que ce soit une convention entre l’établissement et la collectivité territoriale de rattachement qui fixe “ les modalités d’exercice ” des compétences s’agissant du “ fonctionnement matériel de l’établissement ” et fixe “ le programme général de travail des personnels techniques, ouvriers et de service ”. On est là dans une logique de définition contractualisée au niveau local de missions des personnels et de leurs conditions d’emploi. Nous ne pouvons que rejeter une telle logique.

La même remarque que pour les médecins scolaires et les assistantes sociales est à faire en ce qui concerne le pouvoir disciplinaire

La rémunération des personnels (article 66)

La logique actuelle est la suivante : les personnels des EPLE étaient rémunérés par l’Etat et gérés par lui à l’exception de certaines catégories citées dans la loi. L’avant projet de loi prévoit que les personnels sont à la charge des collectivités territoriales. Ceux qui restent rémunérés par l’Etat ne relèvent plus que d’une exception à ce principe : sont ainsi cités “ du personnel enseignant, de direction, d’éducation, administratif, infirmier et de laboratoire ”. Cette inversion crée une légitime suspicion sur les objectifs à moyen et long terme du gouvernement sur l’appartenance des personnels cités à la fonction publique de l’Etat.

Par ailleurs une telle logique amène à s’interroger sur le sort de certains personnels qui ne sont pas nommés : MISE, emplois jeunes, assistants d’éducation, etc, la surveillance n’étant d’ailleurs pas citée dans le texte. On peut légitimement avoir des craintes immédiates et à long terme face à de telles formulations.

Le conseil à l’orientation et l’information des élèves (article 60)

Cette mission qui correspond à la prise en charge de l’orientation par les régions renvoie aux missions définies à l’article 214-12-1du Code de l’Education. Cet article ne fait mention que de la formation continue des adultes et de l’apprentissage. Cela signifie que la mission des COPsy est réduite à cette dimension. Cela laisse à découvert des missions de conseil, d’élaboration du projet personnel des élèves, d’aide à l’orientation qui sont à nos yeux fondamentales y compris dans l’enseignement général.

Par ailleurs le même article prévoit la suppression de l’article 3313-5 du code de l’Education ce qui revient à supprimer le seul article du code sur lequel repose l’existence des CIO. C’est donc leur suppression qui est ainsi organisée, libre aux régions de décider en toute indépendance des structures nécessaires aux missions essentielles que ces centres assuraient.

Financement des transferts (articles 85 et 86)

Le financement des transferts est prévu à hauteur des crédits que l’Etat destinait aux compétences transférées. Cela veut, bien sûr, dire que toute amélioration de ces missions nécessitant des crédits supplémentaires devra être financée par les ressources propres des collectivités territoriales concernées c’est à dire par le biais de l’imposition locale. C’est par une quote-part de la TIPP dont les régions pourront sans doute fixer le taux que les financements vont être transférés. Ce choix ne peut que conduire à une aggravation des déséquilibres territoriaux.

Comme on pouvait s’y attendre pas un mot sur une éventuelle péréquation entre les régions ou entre les département pour assurer une véritable égalité entre les territoires.

Il est inacceptable, alors que le principe de péréquation est inscrit désormais dans la Constitution, qu’une loi prévoyant des transferts de compétences et de financement ne traite pas de ce point essentiel.


LETTRE A L’USAGE DE CEUX QUI AIMENT VRAIMENT L’ECOLE

ET QUI SOUHAITENT ŒUVRER A SA SURVIE

rédigée par François Le Van, professeur de lettres modernes au Collège Albert Calmette de Grenoble.

Concernant l’explication des causes du malaise croissant qui gronde au sein de l’Education Nationale et parmi les représentants des parents d’élèves, plusieurs obstacles gênent leur large diffusion : une étonnante sous-information assurée par les médias nationaux, lesquels ont passé et passent sous silence des actions d’une rare ampleur et d’une tout aussi rare durée ( des grèves reconductibles qui, dans certaines académies, durent depuis plusieurs mois ; des manifestations diverses qui ont mobilisé plusieurs milliers de personnes ; des actions médiatiques spectaculaires dont seuls les médias locaux se sont fait l’écho…) ; la dilution et l’éparpillement des informations, lesquels sont la conséquence de la stratégie médiatique du gouvernement ( des expérimentations diverses sont tentées de manière éclatée sur le territoire ; les réformes sont imposées sans aucune concertation et dans l’ombre la plus complète ; les lois qui les autorisent sont votées sans médiatisation et parfois même après leur mise en application, pour éviter tout débat, comme cela a été le cas pour les MI-SE) ; et enfin l’incrédulité de ceux auxquels sont exposés les conséquences de la politique mise en place, tant ces conséquences paraissent catastrophiques et improbables. Combien de fois avons-nous entendu les réactions suivantes : « Est-ce que tout cela est solide ? Sur quelles bases faites-vous toutes ces affirmations ? Quelles preuves avez-vous ? Ne sont-ce pas des rumeurs ? Ne caricaturez-vous pas ce qui se passe ? Ne faites-vous pas des procès d’intention au gouvernement, comme il est de bon ton de le faire dans les discours syndicalistes et corporatistes ? »

Les buts assignés à ce texte de synthèse sont donc des plus simples : vulgariser sans simplifier ; expliquer avec précision les raisons de nos inquiétudes et de notre farouche opposition à la décentralisation telle qu’elle nous est imposée ; étayer avec le plus d’exactitude nos analyses pour les rendre incontestables, c’est-à-dire appuyer chacun de nos arguments sur des faits avérés ou des textes et déclarations officiels dont nous identifierons les sources ou les références.

Il va de soi que nous autorisons et encourageons la diffusion la plus large de ce travail. Sa seule raison d’être est de favoriser la transmission de l’information et de fournir à tout un chacun un argumentaire qui soit précis et synthétique sans être simplificateur.

A- La décentralisation en question.



I- LA DECENTRALISATION POUR QUOI FAIRE ?

1- Quelques rappels.

Problème central du mécontentement et des inquiétudes : la décentralisation en cours. Celle-ci a pu se mettre en marche grâce au vote par le Conseil constitutionnel de l’article 72, lequel autorise les collectivités territoriales, et ce tout particulièrement en matière de santé, de culture et d’éducation, « à déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ». Autrement dit, grâce à cette disposition constitutionnelle, les collectivités territoriales peuvent prendre en charge ce qui relève normalement des missions de l’Etat.

Cette disposition a été immédiatement suivie par le discours fait par Jean-Pierre Raffarin à Rouen le 28 février 2003. Par ce discours, il lançait officiellement les expérimentations au sein de l’Education Nationale (lesquelles, soit dit en passant, avaient déjà été initiées) et annonçait le transfert de 110 000 personnels de l’Education Nationale aux collectivités territoriales.


2- L’esprit de la décentralisation selon le gouvernement.

Pour justifier la mise en œuvre de la décentralisation, le gouvernement avance des arguments a priori séduisants qu’il nous faut, par honnêteté, rappeler : une simplification de la machine administrative ; une plus grande proximité avec le terrain ; une plus grande efficacité ; un fonctionnement plus démocratique aussi, la décentralisation devant permettre une plus grande implication des gens de terrain et de « la France d’en bas » dans la gestion des moyens et de leur quotidien.


3- L’esprit de la décentralisation tel que nous le percevons.

N’étant pas obtus, nous voulons bien reconnaître leur part de vérité à ces arguments. Et pourtant, nous sommes convaincus que derrière ces bonnes intentions de façade, le véritable esprit qui guide la politique de décentralisation telle qu’elle a été lancée est tout autre. Nous sommes convaincus que ce que cherche le gouvernement, à travers elle, c’est :



  • de désengager l’Etat des services publics,

  • de se décharger sur les collectivités territoriales de la gestion et des dépenses lourdes des services publics, et donc tout particulièrement de l’Education,

  • d’aligner le système éducatif sur le modèle libéral qui existe déjà dans plusieurs des pays de l’Union Européenne.

A ce niveau de notre réflexion, on pourrait nous accuser de parti pris et d’interprétation injustifiée des intentions du gouvernement.

Ce qui irait dans le sens de ces accusations, ce sont les déclarations faites par le ministre de l’Education et le Premier ministre lui-même. Ils affirment :



  • que l’Etat transfèrera exactement de l’Etat aux collectivités territoriales le montant des dépenses qu’y consacrait l’Etat.

  • Que l’Etat assurera une péréquation pour aider les collectivités territoriales les moins riches.

  • Que l’Etat conservera la définition des programmes, des diplômes, du recrutement des enseignants et des cadres et la répartition des moyens entre académies. « L’éducation est nationale et le restera », a affirmé le Premier ministre à Rouen.

Plusieurs éléments, hélas, prouvent sans équivoque qu’il n’y a ni procès d’intention ni diabolisation abusive de notre part. Certes, l’Etat assurera sans doute sur une période transitoire ce que ces déclarations mettent en avant, histoire d’endormir méfiance et vigilance. Mais il nous apparaît tout aussi évident qu’il se désengagera progressivement de ses obligations. Et voici les éléments qui battent en brèche les protestations de bonne foi du gouvernement.

II- LES PIECES A CHARGE

1- Le contexte économique mondial.

En 1995, à un niveau mondial, l’O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce) s’est lancée dans un ensemble de négociations qui ont donné lieu à l’A.G.C.S. (Accord Général sur le Commerce des Services). Et sur la base de cet accord, des décisions ont été prises sur un rythme qui, depuis mars, va croissant. Le but de l’A.G.C.S., comme son nom l’indique, est de soumettre les services aux lois du marché. Autrement dit, Eau, Electricité, Transports, Santé, Education… (liste bien sûr non exhaustive) doivent à terme devenir, lorsque ce n’est pas déjà le cas, des produits marchands ; ils doivent obéir à des règles de rentabilité, s’ouvrir aux investissements privés et à la concurrence mondiale.

Or il faut savoir que pour tous les pays de l’Union Européenne, la Commission de Bruxelles veille à l’application des décisions prises dans le cadre de l’A.G.C.S., dès lors qu’elles ont été votées, et donc que la France, pour aligner l’Education sur ce système et l’ouvrir aux lois du marché, se doit de décentraliser.

C’est ainsi que Roger Mézin, conseiller technique U.M.P. chargé de la réforme de la décentralisation au ministère de l’Education Nationale, a déclaré : « L’Education est un produit qui doit répondre à des demandes et qui devra supporter de plus en plus les contraintes de la concurrence et de la mondialisation ».

Autre contrainte économique : le Budget. Il faut savoir en effet que la Commission Européenne de Bruxelles, outre l’application des décisions prise dans le cadre de l’A.G.C.S., surveille l’état des déficits des pays membres de l’Union Européenne. Or, par rapport aux normes imposées, la France est en délicate posture et s’est d’ailleurs fait tirer les oreilles tout récemment, le 7 mai dernier. Le traité de Maastricht a en effet fixé que la dette publique d’un pays membre ne devait pas dépasser 60% de son PIB, et il apparaît que la France n’honorera probablement pas cette règle.

Dans ce contexte, il importe donc de réduire de manière drastique les déficits de l’Etat. Et comme d’une part il y a eu baisse de l’impôt sur le revenu et que d’autre part il a été programmé par le gouvernement l’augmentation des moyens accordés aux services régaliens (police, armée, justice), la tentation est grande, pour l’Etat, de se débarrasser de la charge financière des autres services publics.



  • De cela, il apparaît donc nettement que la réelle préoccupation du gouvernement, en décentralisant, n’est pas de rapprocher la politique de la « France d’en bas », mais de se désengager financièrement pour réduire le montant des déficits et de pouvoir aligner la France sur le modèle imposé par l’A.G.C.S .

2- La méthode adoptée par le gouvernement.

La méthode adoptée par le gouvernement plaide contre lui. Cette méthode pourrait être résumée en deux expressions : « refus de la concertation » et « flou artistique ».

Si la décentralisation était menée de manière positive et dans un réel souci d’améliorer les services publics, dont l’Education, elle serait présentée et défendue par ses promoteurs de manière claire et lisible. Des buts et des missions précis seraient avancés. Or le transfert aux collectivités territoriales des 110 000 personnels concernés se passe dans le flou le plus complet. Aucun cadre, aucune définition des rôles et missions des personnels, aucune modalité de transfert : tout confirme que la décentralisation telle qu’elle a été mise en œuvre n’est pas née d’une réflexion véritable sur les possibilités d’améliorer les services publics, mais seulement du souci de s’en débarrasser au plus vite.

Autre problème : le refus de concertation. La décentralisation a été imposée d’en haut à la France d’en bas sans que les présidents de régions n’aient été consultés, sans qu’il y ait eu de concertation auprès des personnels concernés et sans que les représentations syndicales aient été conviées au dialogue. On peut s’étonner qu’un gouvernement qui revendique la proximité adopte une telle stratégie de rouleau compresseur. N’est-ce pas justement un signe de plus que les intentions de sa politique sont bien moins avouables que celles qui sont avancées ?
3- La grogne des présidents de régions.

Preuve supplémentaire de ce que nous disions : la manière dont les présidents de régions, de manière presque unanime et indépendamment de leurs appartenances politiques, réagissent face à la décentralisation de 110 000 agents de l’Education Nationale.

Le jeudi 10 et le vendredi 11 avril, Luc Ferry, ministre de l’Education, a rencontré les présidents de treize régions pour en parler. Leurs déclarations, à l’issue de cette rencontre, parlent d’elles-mêmes :

Alain LE VERN, président PS de la région Haute-Normandie et président de l’Association des régions de France a dit: « 110 000 personnes, auxquelles l’Etat a annoncé par lettre sèche qu’elles allaient changer d’employeur, vont nous être transférées, sans que nous ayons été concertés ». Et s’alarmant de voir sa masse salariale passer de 16 millions à 78 millions d’euros, il a dit craindre que le flou actuel entretenu par le gouvernement sur les modalités de ces transferts ne cache « une volonté de désengagement financier de l’Etat ».

« Les conséquences humaines et financières n’ont pas été mesurées et discutées », affirme Alain ROUSSET, président PS de la région Aquitaine.

Mais les présidents de région U.M.P. n’ont pas été en reste, Gérard LONGUET (Lorraine) et Josselin de ROHAN (Bretagne) ayant fait connaître leurs réserves et affirmé n’avoir jamais été demandeurs de récupérer des personnels supplémentaires. Josselin de ROHAN a même déclaré : « Les personnels sont inquiets mais nous aussi. […] La Bretagne compte aujourd’hui 320 agents. Avec ceux venant de l’Education Nationale, elle en aura plus de 2000 à gérer. Vous imaginez les problèmes en termes de gestion du personnel que cela nous pose. C’est une source de coût supplémentaire importante. »

[Source : article paru dans le Monde daté du 14 avril 03 : « Ferry face à la grogne des présidents de région »
4- La prise de position inédite des Inspecteurs d’Académie.

Les Inspecteurs d’Académie représentent le ministre de l’Education Nationale dans leurs académies respectives. Ils ont ainsi obligation de relayer la « bonne parole » venue d’en haut et d’en assurer la mise en application à leur niveau. Or, situation inédite, ils se sont fédérés pour dénoncer unanimement la décentralisation. Qu’ils en arrivent à cette extrémité en dit long sur la gravité de la situation.

Leur texte commun commence ainsi :

« LES I.A. SONT UNANIMES A LE PENSER : LE SERVICE PUBLIC D’EDUCATION DOIT RESTER DE LA RESPONSABILITE DE L’ETAT, POUR DES RAISONS DE COHERENCE, D’EGALITE ET DE JUSTICE SOCIALE. » Site consultable : http://www.snipria.org/pedagogie/art13.htm

e) Déconcentration ou décentralisation ?

L’argument suivant est celui que développent de manière très éclairante les Inspecteurs d’Académie dans leur texte. Nous ne saurions mieux faire que de les citer.


« Aujourd'hui il est de bon ton d'affirmer, au nom d'un soi-disant besoin de "proximité", qu'il faut décentraliser pour " rapprocher " l'administration du citoyen et la rendre ainsi plus efficace.
Rappelons que la déconcentration, largement développée dans les services publics français, permet déjà que toutes les décisions ne se prennent plus à Paris. Mais toutes les autorités déconcentrées (qui sont des fonctionnaires de l'État) agissent dans le cadre d'une politique nationale, dont la cohérence de mise en oeuvre est garantie par le lien hiérarchique qui unit les différents échelons.
À l'inverse, la décentralisation transfère à des collectivités infra nationales le pouvoir de définir une politique et les moyens de sa mise en oeuvre. Il en résulte que, sur un domaine considéré, il n'y a plus une orientation unique mais autant de politiques que de collectivités. En ce sens, la prétendue proximité génère des inégalité de droits et de traitement d'une collectivité à l'autre. Difficile de voir là un progrès démocratique dans notre pays où l'égalité de droit notamment en matière d'éducation est une valeur à laquelle tous les français sont très attachés.
Est-ce que la décentralisation favorise la démocratie de proximité et l'épanouissement du "citoyen d'en bas " ? Ou est-ce un moyen au service du désengagement de l'État ? »
6- Le changement de dénomination du ministre de l’Education.

Autre pièce à charge, et non des moindres, attestant sans ambiguïté de la mort annoncée d’une Education Nationale, c’est-à-dire d’un service public d’éducation placé sous la responsabilité de l’Etat, avec pour mission d’assurer cohérence, égalité et justice sociale : le décret n°2003-181 du 5 mars 2003 paru dans le Journal Officiel n°55 du 6 mars 2003.

En voici la reproduction intégrale :

Décrets, arrêtés, circulaires Textes généraux
Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

Décret n° 2003-181 du 5 mars 2003 modifiant le décret n° 90-179 du 23 février 1990 instituant un Conseil national des programmes NOR: MENE0300046D

Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche,
Vu le code de l'éducation ;
Vu le décret n° 90-179 du 23 février 1990 instituant un Conseil national des programmes ;
Vu l'avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche du 21 octobre 2002 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de l'éducation du 12 décembre 2002,
Décrète :

Article 1Les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 du décret du 23 février 1990 susvisé sont modifiés ainsi qu'il suit :

I. - A l'article 1er, les mots : « ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de l'éducation » ;
II. - A l'article 2, premier alinéa, les mots : « le ministre de l'éducation nationale » sont remplacés par les mots : « le ministre chargé de l'éducation ou le ministre chargé de l'enseignement supérieur » ;
III. - A l'article 2, deuxième alinéa, les mots : « le ministre » sont remplacés par les mots : « le ministre chargé de l'éducation ou le ministre chargé de l'enseignement supérieur » ;
IV. - A l'article 2, troisième alinéa, les mots : « placés sous tutelle du ministère de l'éducation nationale » sont remplacés par les mots : « placés sous la tutelle du ministre chargé de l'éducation ou du ministre chargé de l'enseignement supérieur » ;
V. - A l'article 3, les mots : « la direction des lycées et collèges » sont remplacés par les mots : « la direction compétente pour les programmes de l'enseignement professionnel et technologique » ;
VI. - A l'article 5, premier alinéa, les mots : « le ministre » sont remplacés par les mots : « le ministre chargé de l'éducation » ;
VII. - A l'article 6, les mots : « ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de l'éducation ».

Article 2. Le premier alinéa de l'article 7 du décret du 23 février 1990 susvisé est remplacé par les dispositions suivantes :


« Les programmes ne peuvent entrer en vigueur que douze mois au moins après leur publication, sauf décision expresse du ministre chargé de l'éducation ou du ministre chargé de l'enseignement supérieur, prise après avis du Conseil national des programmes et du Conseil supérieur de l'éducation. »

Article 3 Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et le ministre délégué à l'enseignement scolaire sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 5 mars 2003.
Par le Premier ministre : Jean-Pierre Raffarin
Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, Luc Ferry
Le ministre délégué à l'enseignement scolaire, Xavier Darcos

Ce document est d’autant plus inquiétant qu’il concerne le Conseil national des programmes. Ne prouve-t-il pas, au contraire de ce que le gouvernement affirme, que l’Education ne restera pas nationale et que même pour ce qui concerne les programmes et les diplômes, il ne garantira ni la cohérence ni l’égalité ? N’est-ce pas le signe que nous allons nous aligner sur le modèle éducatif allemand, et que selon les régions, les enseignements n’auront pas les mêmes contenus, et les diplômes la même valeur ? Une dernière pièce à charge, accablante, le démontre.



7- Le Rapport du Conseil d’Etat du 20 mars 2003.

Ce rapport intitulé « Perspectives pour la fonction publique » a pour objet la réforme de l’Etat. Or, son contenu contredit radicalement les affirmations du ministre quant à la garantie d’un recrutement national des enseignants et la garantie de programmes et de diplômes nationaux.

Le Royaume-Uni et l’Allemagne y sont présentés comme des modèles à suivre. Et dans le but de permettre la libre circulation des travailleurs -et donc des professeurs- au sein de l’Union Européenne, il y est préconisé un alignement du système de leur recrutement sur celui de pays voisins. Concrètement, il y est stipulé que les enseignants ne seraient plus recrutés sur concours national, mais à partir du diplôme de Licence européenne (+ 3 après le secondaire), et que ce recrutement ne s’effectuerait plus sur la base du statut de la fonction publique du 19 octobre 1946, mais suivant les principes du privé : principaux et proviseurs recruteraient à partir d’un « document contractuel tenant compte d’un échange de vues préalables et prenant acte d’engagements réciproques », étant entendu que « les caractéristiques de l’emploi n’ont pas nécessairement à être identiques dans toutes les régions ou dans tous les établissements d’une même région. »

Et à la page 344 du rapport, on peut lire : « Ainsi pour prendre un exemple concret, le contrat d’affectation sur emploi ne devrait pas stipuler que l’emploi en question est celui d’un professeur dans l’un des collèges de la région d’Ile de France, mais celui de professeur dans tel collège, tant il est évident que les caractéristiques de l’emploi, les objectifs concrets que l’on peut assigner à son titulaire, et les appuis, notamment en termes de formation, que l’on peut lui consentir pour atteindre ces objectifs, n’ont pas nécessairement à être identiques pour tous les collèges de cette région. ».. On ne saurait mieux dire : plus de contenus d’enseignement et donc de diplômes nationaux ; selon la citation, il n’y aurait même aucune garantie de contenus et de diplômes régionaux ; chaque établissement pourra définir ses programmes et ses critères de recrutement ! (aller voir les conséquences néfaste de ce principe sur le modèle allemand dans le I)10)

Nature des emplois, contenus des enseignements et valeurs des diplômes étant soumises aux réalités socio-économiques locales et à la manière dont les entreprises y investiront de l’argent et s’y investiront afin de pouvoir se pourvoir directement en main d’œuvre, on voit bien les conséquences que cela aura en matière d’inégalité. La qualité de l’enseignement et des contenus, mais aussi la valeur des diplômes variera d’une région à une autre et d’un établissement à un autre en fonction des choix politiques et des réalités socio-économiques locaux. Pour intégrer telle école, telle université ou aborder telle formation, il vaudra mieux avoir fait ses études dans un établissement de quartier huppé ou dans une région riche que dans un établissement de banlieue ou dans une région pauvre. L’inégalité des chances face à l’éducation et à la professionnalisation sera radicalisée. On aboutira à une situation similaire à celle qu’on observe déjà en Espagne ou en Allemagne, où il n’existe pas d’examens nationaux, où l’admission dans telle ou telle université se fait sur concours ou dossier et où un élève sortant du secondaire en Andalousie, région la plus pauvre d’Espagne, aurait aussi peu de chance d’intégrer une université de Catalogne, région la plus riche, qu’un élève sortant du secondaire dans le Brandebourg en aurait d’intégrer une université de Bavière.

Mais nul n’est besoin de faire de telles spéculations pour mesurer les dangers de la décentralisation telle qu’elle est mise en œuvre. Le constat de ses premières répercussions parle de soi-même.



B- Les premières répercussions concrètes de la décentralisation telle qu’elle est mise en oeuvre. Par souci de clarté, nous allons distinguer les conséquences de la décentralisation qui vont concerner toute la France dès la rentrée prochaine de celles qui résultent d’expérimentations menées dans certaines académies grâce à la brèche ouverte par l’article 72 de la Constitution. Puis nous examinerons les conséquences plus que probables du transfert des 110 000 T.O.S, médecins scolaires, assistants sociaux et conseillers d’orientation psychologues aux collectivités territoriales.

I- CONSEQUENCES EFFECTIVES PARTOUT DES LA RENTREE 2003-2004 .

1- Les Assistants d’Education.

Le gouvernement supprime 5600 postes de surveillants et 20 000 aides éducateurs. Il met en extinction le corps des MI-SE (Maître d’Internat – Surveillant d’Externat). Et à tous ces postes supprimés, il substitue 16 000 assistants d’éducation. Pas besoin d’être polytechnicien pour comprendre que si 16 000 assistants d’éducation sont censés compenser la disparition de plus de 25 000 postes, c’est au prix de modifications statutaires importantes, dont essentiellement l’annualisation et l’alourdissement des conditions de service, étant entendu que ces modifications ne suffiront pas à pallier toutes les suppressions.

Cette mesure s’inscrit dans la logique décentralisatrice mise en œuvre par le gouvernement : d’une part, elle permet de faire de substantielles économies à l’Etat, les assistants d’Education, en dépit de la dégradation statutaire dont ils sont le résultat, n’étant pas plus rémunérés que les aides éducateurs ; d’autre part, leur recrutement ne se fait plus en fonction de critères nationaux, il devient local et est effectué par le chef d’établissement sans qu’interviennent nécessairement des critères de qualification.

Cette mesure est inquiétante à plus d’un titre :



  • Les fonctions des assistants d’Education restent encore floues. Officiellement, on sait qu’ils seront essentiellement recrutés parmi les étudiants, les mères de famille et les retraités, mais c’est tout. Ce flou confirme que le but de la manœuvre n’est que comptable : on lance cette mesure en toute hâte pour réaliser des économies ; on ne se préoccupe de son contenu et de ses modalités d’application qu’ensuite.

  • Elle occasionnera nécessairement une dégradation de l’encadrement des élèves, puisqu’il y aura moins de personnes en présence pour l’assurer et puisqu’aucun critère de qualification n’est exigé. Le gouvernement penserait-il que l’aide aux devoirs, les activités pédagogiques, artistiques et sportives, l’animation des intercours… peuvent être pris en charge par quiconque ? Et a-t-il conscience, lorsqu’il parle de mères de famille et de retraités, de ce en quoi consiste le travail de surveillance ?

  • Elle représente une grave régression sociale. Leur statut permettait aux surveillants de pouvoir mener de front leur service au sein des établissements et leurs études. Il les aidait à s’auto-financer. Il jouait un rôle d’ascenseur social et était un facteur de meilleure égalité des chances. Avec le statut d’assistant d’Education, les étudiants d’origine modeste vont se trouver face à un dilemme : travailler à temps plein pour s’assurer leur indépendance et financer leurs études, mais sans la possibilité de pouvoir se consacrer à leurs études, en raison de l’alourdissement du service dû ; ou alors travailler à mi-temps pour pouvoir se consacrer à leurs études, mais alors toucher une moitié de SMIC et ne pas pouvoir s’assurer financièrement.

Concrètement, dans l’Académie de Limoges, cette mesure va se traduire par la disparition de 200 aides éducateurs et de 80 surveillants.
2- Une baisse généralisée des moyens.

Il faut voir dans cette baisse importante des moyens le signe sans équivoque de la volonté de désengagement de l’Etat qui guide sa politique de décentralisation.

Pour la justifier, on peut aisément alléguer les deux arguments suivants :


  • L’axiome selon lequel la qualité des services rendus n’est pas proportionnelle à la quantité des moyens versés, ce à quoi nous souscrivons : il est évident que mettre beaucoup d’argent ne suffit pas à garantir l’efficacité ; encore faut-il qu’il soit bien utilisé..

  • Le rapport de la Cour des comptes, rendu public le 2 avril 2003, qui dresse un bilan très critique de la gestion du système éducatif français et qui en appelle à plus de rigueur. Ce rapport met notamment l’accent sur les problèmes suivants : la croissance continue des moyens alloués à l’Education Nationale alors que les effectifs ont diminué, ce qui laisserait à penser que nous bénéficions de trop de moyens ou en tout cas de moyens largement suffisants qu’on gagnerait simplement à mieux déployer ; l’empilement continuel de réformes dont la mise en application est gourmande en moyens ; l’ « exceptionnelle » rigidité de la gestion des enseignants. Là encore, il n ‘est pas question de rejeter en bloc ce bilan. Tout juste nous permettrons-nous de dire qu’une augmentation des moyens, même dans un contexte de baisse des effectifs, ne nous paraît ni scandaleux ni superflu, compte tenu de l’évolution des conditions d’exercice du métier d’enseignant : scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, hétérogénéité plus grande du public, accueil de tous et donc de tous les problèmes de la société…

Mais puisque le gouvernement, pour justifier la baisse des moyens, assure qu’elle répond au désir de mettre en œuvre une gestion plus rigoureuse qui n’entamerait pour autant pas la qualité des services rendus, nous aimerions comprendre en quoi la manière dont cette baisse va se concrétiser partout à la rentrée n’apporte aucune dégradation grave du système éducatif.

En effet, voici quelques chiffres et faits pour montrer de quelle manière cette baisse généralisée des moyens s’est déjà manifesté ou va se concrétiser à la prochaine rentrée dans notre collège, notre département ou notre région.1



  • Baisse des fonds sociaux, dont le rôle est pourtant d’aider des élèves confrontés à des situations économiques difficiles.  Au collège Calmette, en début d’année, la baisse annoncée lors d’un des premiers conseils d’administration était de près de 75% . Puis petit à petit, l’Etat a réinjecté de l’argent, sans pourtant que l’on r’atteigne le niveau de l’année précédente. Précisons qu’entre temps, parents et personnels élus du C.A. avaient refusé de siéger lors d’une séance. Voilà qui est parfaitement à l’image de la stratégie de désengagement mise en œuvre par l’Etat : tester les forces de réaction ; agir en fonction ; rogner petit à petit.

  • Baisse des dotations horaires (= volume des heures de cours accordées à un établissement), laquelle a pour conséquences de diminuer le nombre de classes et donc d’augmenter le nombre d’élèves par classe.  Au collège Calmette, c’est principalement cette baisse du volume horaire qui avait motivé notre refus de siéger en C.A. Dans la dotation initiale, par rapport aux moyens de l’année 2002-2003 et alors qu’une augmentation de l’effectif est prévue pour la rentrée prochaine, nous perdions 21 heures de cours hebdomadaires, ce qui devait occasionner la perte d’une classe. Après ce refus de siéger, nous avons été reçus par l’Inspecteur d’Académie, avons présenté nos doléances et les spécificités de notre bassin de recrutement et avons obtenu, après tractations, de ne plus perdre que 12 heures hebdomadaires. Il importe d’ailleurs de préciser qu’avec cette perte de 12 heures, dans un contexte de baisse généralisée, nous figurons parmi les mieux lotis du département !

  • Dans le seul département de la Haute-Vienne, et pour le seul second degré, 124 postes de professeurs vont faire défaut. Sur l’ensemble du territoire français, ce sont 5 000 emplois d’enseignants dont la création, initialement programmée, a été annulée.

  • Toujours pour le département de la Haute-Vienne, mais cette fois-ci pour le premier degré, deux postes de professeurs vont être créés alors que l’administration prévoit la scolarisation de 356 élèves supplémentaires pour la rentrée 2003-2004.

  • Autre conséquence de la baisse des dotations horaires : la rogne sur les heures d’options facultatives. D’un point de vue purement comptable, ces heures sont enquiquinantes, puisqu’elles supposent qu’on paye un enseignant pour un nombre plus ou moins limité d’élèves. Conséquences : elles sont menacées. Dans l’académie de Bordeaux, ce sont plus de 1000 heures d’options qui ont été purement et simplement supprimées ; au sein des établissements, les élèves ne choisiront plus selon leurs goûts et leurs attentes entre différentes options qui leur seront proposées, c’est le conseil d’administration qui fera jouer les options les unes contre les autres et qui, selon les moyens disponibles, tranchera.


II- CE QUI EST EXPERIMENTE ET QUI A VOCATION A S’ETENDRE.

Les mesures dont il va être désormais question ont été expérimentées dans les deux académies pilotes que le gouvernement, grâce à l’article 72 de la Constitution, a pu se choisir : celles de Bordeaux et de Rouen. Toutefois, avant de les énumérer, deux remarques :



  • Certaines de ces mesures sont déjà également « expérimentées » dans d’autres académies. Ainsi, celles qui concernent le système de remplacement sont déjà à l’œuvre, à des degrés divers, presque partout.

  • Ces expérimentations ont provoqué un mécontentement et des réactions tels que l’académie de Bordeaux a cessé d’être officiellement « pilote ».

1- Le système de remplacement ; le recours massif à des personnels précaires.

Il existe actuellement, pour assurer les remplacements, le service des T.Z.R. Ces Titulaires sur Zone de Remplacement sont des professeurs « normaux » qui, CAPES ou agrégation en poche, ont été affectés non pas sur un établissement précis mais sur une zone dans laquelle ils interviennent pour assurer les remplacements de longue, moyenne ou courte durée. Incontestablement, il fut une période durant laquelle ces T.Z.R. pouvaient être sous-employés et donc être source, d’un point de vue comptable, d’un « gaspillage » des deniers publics : autrement dit, ils étaient assez nombreux pour pouvoir assurer dans d’assez brefs délais un remplacement qui survenait, ce qui supposait que certains d’entre eux, sur des périodes plus ou moins longues, ne travaillaient pas. Mais il n’aura échappé à personne que la situation a déjà bien changé : le nombre des TZR est insuffisant pour qu’ils assurent tous les remplacements ; l’emploi de personnels précaires (vacataires et contractuels) est de plus en plus important, ce qui n’empêche pas les remplacements d’être moins vite assurés (il faut partir à la pêche de remplaçants qui ne sont pas immédiatement disponibles) et parfois pas du tout assurés.

Eh bien ce qui est à l’ordre du jour, c’est la disparition progressive de tous les TZR. Il est question, progressivement et à la faveur des départs nombreux à la retraite annoncés, de tous les fixer sur un poste précis en établissement. Quant aux zones de remplacement, pour les TZR qui restent, elles ont été singulièrement étendues. Prenons l’exemple de la Haute-Vienne : notre département était partagé en trois zones de remplacement ; désormais, il constitue à lui tout seul la zone unique de remplacement dans laquelle le TZR a obligation de service.

Conséquences de ces mesures :



  • Le recours massif à des personnels précaires, dont les statuts leur assurent peu de droits, qu’on emploie comme des mouchoirs jetables, qui sont corvéables à merci et dont les conditions d’exercice sont difficiles et peu garanties. Cette tendance à la précarisation des personnels est telle qu’il sera fait de moins en moins appel à des contractuels, mais de plus en plus à des vacataires.

  • Une dégradation quantitative des remplacements : les remplacements seront encore moins vite -voire pas du tout- assurés, d’autant qu’il y a fort à parier que la pêche aux vacataires, vu les conditions d’exercice qui les attendent, sera loin d’être miraculeuse.

  • Une dégradation qualitative des remplacements, ces derniers n’étant plus assurés par des professeurs titulaires dont le niveau de qualification est garanti par l’obtention d’un concours national de recrutement.

2- Expérimentation de l’autonomie des établissements.

Dans l’Académie de Bordeaux, douze établissements tests voient leur Conseil d’administration présidé, non plus par leur Principal ou leur Proviseur, mais par un élu ou un membre de la Chambre de commerce et d’industrie ou même un chef d’entreprise. Leur C.A. comportent moins de représentants des personnels, mais plus de parents et d’élus. Les « projets d’établissement » sont contractualisés sur 3 ans.



3- Globalisation des budgets (Postes et fonctionnement).

L’enveloppe budgétaire de l’établissement ne distingue plus les besoins en matériel et en personnels. Ainsi des choix sont possibles ou obligatoires selon l’importance du budget. On peut imaginer le C.A. décider de la création d’une salle informatique aux dépends de deux postes d’enseignants choisis dans des disciplines jugées moins «efficaces»…



4- Soumission au critère de rentabilité ; fermeture des structures non rentables.

Dans l’Académie de Rouen des choix sont déjà faits. La région est-elle suffisamment riche pour maintenir un service public d’éducation suffisant ? Non.

Au Havre la fermeture du Lycée Jules Verne a été annoncée aux personnels le mardi 25 mars par le président du Conseil Régional pour raisons budgétaires. Les élèves de ce Lycée, situé au sud de l’agglomération havraise, iront étudier aux Lycées Schuman et Lavoisier au nord de la ville. Trois écoles maternelles (Sergent Goubin, Georges Brassens et Anatole France) ferment leurs portes sur décision de la mairie du Havre, les élèves de grande section étant rattachés à des groupes scolaires élémentaires moins proches et de taille plus importante. Les locaux des anciennes maternelles sont récupérés par la mairie pour en faire des crèches payantes. Encore un bel exemple de politique de proximité.

5- Modification des missions des Conseillers Principaux d’Education.

Dans l’académie de Bordeaux, les CPE ont reçu via intranet un document troublant leur indiquant, en fonction du nombre d’élèves dans leur établissement, s’ils étaient trop ou pas assez présents, excès ou insuffisance de présence leur étant mentionnés sous forme de pourcentages. En tenant compte de la logique d’ensemble, cela laisse supposer que les CPE, comme actuellement les infirmières, médecins et assistantes sociales, seront prochainement affectés sur un bassin et qu’ils ne seront plus présents dans tous les établissements relevant de ce bassin que proportionnellement aux nombres d’élèves qu’on y trouve.



6- Haro sur les documentalistes !

Les documentalistes ont été avisés que leur CAPES « pourrait » disparaître, que leurs missions « pourraient » s’élargir, qu’ils cesseraient d’être personnels enseignants (alors que leur rôle pédagogique n’a cessé de s’accroître avec les TPE, IDD…) pour devenir personnels administratifs. A côté de cela, il est question de leur substituer des « cédéistes » (personnels dont le niveau de qualification est moindre) et des personnels reconvertis (notamment les professeurs des disciplines menacées).



7-Extinction ou dégradation des disciplines non rentables.

  • Education musicale et arts plastiques deviennent des options facultatives en 3ème : l’élève aura à choisir entre l’une ou l’autre… dans la mesure du possible, puisque nous avons déjà vu précédemment que le nombre des options facultatives proposées au choix de l’élève sera restreint et qu’il dépendra des moyens dont les établissement disposeront.

  • Les professeurs de philosophie ont été reçus par la Direction des Ressources Humaines et ont été conviés à se mettre à la bivalence (philo+lettres, philo+HG…) ou à tout bonnement se reconvertir.


III- CONSEQUENCES DES TRANSFERTS DE PERSONNELS AUX COLLECTIVITES TERRITORIALES

1- Problèmes généraux occasionnés par ce transfert ; répercussions particulières du transfert des T.O.S aux régions.

  • Augmentation importante des impôts locaux, que certains présidents de région, comme Martin MALVY (Midi-Pyrénées) estiment à 30%, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on constate actuellement l’augmentation que le seul financement de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) réclame (+ 16% en Creuse ; +12% en Haute-Vienne).

  • Selon les régions et les moyens dont elles disposent, une dégradation plus ou moins importante de la qualité des services et une présence aléatoire des T.O.S au sein des établissements scolaires. En effet, face à l’impossibilité d’augmenter inconsidérément les impôts locaux, les collectivités territoriales vont être amenées à faire des choix, à supprimer des postes et ne pourront pas toutes réserver une partie de leurs agents aux seuls besoins des établissements scolaires. Par conséquent, ces derniers, à des degrés variables selon les moyens dont disposeront les collectivités territoriales, seront moins bien entretenus.

  • La tentation –et pour certaines régions la nécessité- de recourir au privé pour se débarrasser des frais de gestion des personnels, et partant, une augmentation du coût des prestations pour le consommateur. Ainsi, le prix d’un repas de restauration scolaire risque d’au moins doubler.

2- Transfert des Conseillers d’Orientation – Psychologues aux régions.

Les personnels doivent pouvoir poursuivre, dans les CIO, les établissements scolaires, les DRONISEP, leurs activités. Elles sont partie intégrante de la mission de l'école, mission fondamentale de la République, qui doit garantir par une formation initiale de qualité l'institution du citoyen. Par leur position particulière dans l'institution scolaire, les personnels privilégient une conception du conseil, éclairée par la psychologie, et s'appuyant sur l'information indépendante, qui permet d'accompagnement de chacun.


Ces missions ont leur place au sein du service public de l'Éducation nationale et réaffirment de fait leur attachement aux principes suivants :
1) L'existence le développement d'un service public d'information et d'orientation, garantissant le droit au conseil orientation inscrit dans la loi du 10 juillet 1989 de l'Éducation nationale.
2) Le maintien des missions nationales attribuées au centre d'information et d'orientation et aux conseillers d'orientation psychologues, comme aux personnels et services de l’Onisep.
3) Le statut de fonctionnaires d'état pour les conseillers d’orientation-psychologues, directeur de centre d’information et d'orientation et autres personnelles des Dronisep.
4) Pour les personnels d'orientation, une formation professionnelle spécifique, pluridisciplinaire et de haut niveau universitaire, donnant la qualification de psychologue.
5) Pour les centres d'information et d’orientation, un statut reconnu leur permettant de fonctionner en réseaux, comme service public de proximité, d'accès gratuit, sans s'inscrire dans une logique de « guichet unique ».
6) Un recrutement de personnels qualifiés (conseillers d’orientation-psychologues et directeurs de CIO) en rapport avec les missions et les besoins.
7) La conception et la production, au sein du service public (Onisep, Cereq) d’une information de qualité, vérifiée et vérifiable, non mercantile, indépendante d'intérêts particuliers, à destination du public et des centres d'information et d’orientation.

3- Transfert des assistants sociaux aux départements.

Transfert des Assistants Sociaux : les permanences seront réparties au niveau départemental, les missions définies en fonction des impératifs fixés par le département. Les fermetures des accueils réalisés jusqu'alors en établissements laissent posée la question de l'écoute et du soutien des élèves en difficulté et de leurs familles. Qui va s'en charger désormais au niveau local ? Comment se fera l'accueil des nombreux élèves et parents d'élèves qui ont un besoin vital de ce service ? Là encore, où est la proximité ?



4- Transfert des médecins scolaires aux départements.

En annonçant le transfert des conseillers d’orientations à la région, des assistants sociaux et des médecins au département, M. Raffarin justifie le maintien des infirmiers par le fait qu’ils sont « intégrés dans les processus éducatifs ». Cela revient à dire, si l’on poursuit le syllogisme, que ceux, qui « ont vocation à être décentralisés », ne le sont pas.


Inutile de dire que bon nombre d’entre eux en ont avalé leur agenda, particulièrement aux pages marquées « équipes éducatives », « réunion de suivi scolaire », « comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté », « élaboration d’actions de prévention », « commission départementale de l’éducation spécialisée ». La liste n’est pas limitative, elle est beaucoup trop longue pour être citée in extenso.
On pourrait encore excuser un Premier Ministre surchargé de mal connaître un corps professionnel, somme toute restreint, au sein de la Fonction Publique. Mais que dire de la méconnaissance de leur spécificité, qui transparaît tout au long de la communication de M. Darcos, sur la santé des jeunes en milieu scolaire ?

Passons sur le fait que cette communication, en date du 26/2/2003, ne fait nullement mention d’un quelconque transfert, qui sera pourtant annoncé 48h plus tard.


Il y a donc dans l’air du temps, une double question :
Faut-il décentraliser un service qui comprend tout au plus 2000 professionnels, dont 1300 titulaires sur l’ensemble du territoire national ?
Le risque, en l’occurrence, est de l'émietter. Les départements n’auront pas tous les moyens, ou l’envie, de créer un pôle Éducation Nationale au sein des conseils généraux. On risque de retrouver, dans certains départements, deux ou trois titulaires qui auront bien du mal à exister en tant que profession autonome, tant vis à vis d’une institution scolaire massive, que d’une institution départementale, déjà réduite à quia pour satisfaire ses obligations de prise en charge de la petite enfance et des personnes âgées.

Et, surtout, QUE va-t-on décentraliser ? Une conception archaïque de la médecine scolaire qui réduit l’activité du médecin à un dépistage de masse, un simple inventaire des déficits ?


Il semble temps de le dire : le rattachement des médecins scolaires à l’Éducation Nationale a constitué un réel progrès. Pour les élèves, et pour une certaine conception de la médecine.
Les effets de ce qui était, au départ, une simple mesure administrative, méritent d’être mis en lumière.
Pendant des décennies, la question de la séquelle scolaire a très peu été inventoriée. Lorsqu’un enfant était atteint d’une pathologie chronique, les prises en charge éducatives et médicales tournaient isolément. L'hôpital se satisfaisait d’avoir bien soigné, quant à l’école, elle admettait de fait les scolarités chaotiques, voire même l’absence de scolarité collective. Depuis dix ans, par un ensemble de mesures, les choses ont changé. Imparfaitement, certainement, faute de moyens, mais néanmoins significativement. En créant des contrats d’intégration personnalisés, des classes spécifiques au sein d’écoles de quartier, en organisant, par les « projets d’accueil individualisés », la prise de médicament au sein de l’école, pour éviter les trop fréquentes absences, l’école s’est dotée d’un arsenal de protocoles limitant les effets de la maladie ou du déficit. Parallèlement, les services hospitaliers se sont mis à s’intéresser au devenir scolaire de leurs jeunes patients. Les progrès de la médecine sont tels, que pour bon nombre d’entre eux, parvenus à l’âge adulte, la séquelle la plus durable, la plus discriminatoire devient l’absence de formation, et la sous qualification, entraînée par les ruptures de cursus.
Les enseignants ont besoin de partenaires pour répondre à cette question finalement si complexe: « comment, malgré tout, enseigner à un enfant qui va mal, et continue à le faire savoir ? »

Sonnez l’alarme ! … Voici les conseils donnés par des experts aux chefs d’Etat des pays de l’OCDE. Ou comment diviser pour mieux réformer. intégral en pdf  http://www.oecd.org//dev/PUBLICATION/cahiers/CAHIER13.PDF



Les extraits suivants sont tirés d'un rapport de l'OCDE intitulé « La  faisabilité politique d'un ajustement ». Destiné aux gouvernements et  aux responsables des programmes d'ajustement du FMI, ce document à été rédigé en 1996 par M. Christian Morrisson. Il à ensuite été relevé par  Eric Toussaint dans son livre La bourse ou la vie (éd. Luc Pire  1998).

« On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l'établissement voisin, de telle sorte que l'on évite un mécontentement général de la population. » (ibidem, p. 30)

« Les politiques de stabilisation économique et d'ajustement peuvent provoquer des troubles sociaux, voire mettre en péril la stabilité des pays. Les coûts politiques en termes de grèves, de manifestations ou d 'émeutes sont très différents d'une mesure de stabilisation à l'autre. Ces recherches ont permis de définir et de préciser les caractéristiques d'un programme de stabilisation politiquement optimal qui, pour un même résultat, minimise les risques politiques. » (Morrisson, 1996, p. 3)

« Une politique monétaire restrictive, des coupures brutales de l'investissement public ou une réduction des dépenses de fonctionnement ne font prendre aucun risque à un gouvernement. Cela ne signifie pas que ces mesures n'ont pas des conséquences économiques ou sociales négatives mais nous raisonnons ici en fonction d'un seul critère : minimiser les risques de troubles. » (ibidem, p. 16)

« Un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes (c'est-à-dire qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à appliquer qu'un programme discriminatoire, faisant supporter l'ajustement à certains groupes et épargnant les autres pour qu'ils soutiennent le gouvernement. » (ibid., p.18)

« La grève des enseignants n'est pas, en tant que telle, une gêne pour le gouvernement mais elle est indirectement dangereuse puisqu'elle libère la jeunesse pour manifester. » (ibid., p. 29)

« Le gouvernement peut expliquer que, le FMI imposant par exemple une baisse de 20% de la masse salariale, le seul choix possible est de licencier ou de réduire les salaires et qu'il préfère la seconde solution dans l'intérêt de tous. » (ibid., p. 29)

« Beaucoup d'habitants des bidonvilles ou des quartiers pauvres ressentent un sentiment de frustration et d'exclusion par rapport au reste de la population urbaine. Dès lors le saccage et le pillage des magasins dans les quartiers aisés leur permet d'exprimer ce sentiment. Si une mesure de stabilisation - la coupure des subventions par exemple - entraîne une hausse soudaine des prix des denrées courantes, ces populations vont réagir en manifestant avec violence leur désespoir. En effet, cette mesure réduit brutalement leur niveau de vie déjà très bas et arrivés à ce point, les pauvres n'ont plus rien à perdre. » (ibid., p. 26)

« Il faut, comme au Maroc en 1983-1984, relever d'abord les prix des produits intermédiaires et non pas ceux des produits de base consommés par les ménages pauvres. Si les prix des produits de base sont augmentés, il faut procéder par hausses modérées (moins de 20%) et étalées dans le temps. » (ibid., p. 27)



« Si les analyses sur de larges échantillons ont montré une relation entre ces mesures d’austérité et les grèves, les études de cas nous ont aussi montré qu’il existe une marge de manoeuvre pour un gouvernement, qui a été exploitée avec succès dans certains pays comme le Maroc ou la Côte d’Ivoire. Les salaires nominaux peuvent être bloqués (ce qui allège rapidement la masse salariale en termes réels si le taux d’inflation atteint 7 ou 8 pour cent) ; on peut ne pas remplacer une partie des salariés qui partent en retraite ; ou bien l'on peut supprimer des primes dans certaines administrations, en suivant une politique discriminatoire pour éviter un front commun de tous les fonctionnaires. Évidemment, il est déconseillé de supprimer les primes versées aux forces de l’ordre dans une conjoncture politique difficile où l’on peut en avoir besoin. Comme on le voit, pourvu qu’il fasse des concessions stratégiques, un gouvernement peut, en procédant de manière graduelle et par mesures sectorielles (et non globales), réduire les charges salariales de manière considérable. L’essentiel est d’éviter un mouvement de grève générale dans le secteur public qui remettrait en question un objectif essentiel du programme de stabilisation : la réduction du déficit budgétaire. »
« Quelques précautions sont souhaitables. Cette réforme ne devrait tout d’abord pas coïncider avec un programme de stabilisation, car la coalition des opposants serait très dangereuse, avec la conjonction de manifestations de masse et de grèves dans des secteurs clés. Ensuite, il ne faut pas acculer ces salariés au désespoir en les licenciant purement et simplement. Des fonds de reconversion sont indispensables pour les réinsérer. Enfin, il est souhaitable, dans un premier temps, d'exclure de la réforme les secteurs stratégiques comme l’énergie ou les transports, quitte à prendre des mesures plus tard, dans une conjoncture politique et économique meilleure. »
Alors, l’école de demain ? Accumulation de scandales pédagogiques et citoyens… Des locaux moins bien entretenus, des tableaux pas toujours nettoyés, des prix de repas deux fois plus élevés ; certains élèves qui mangeront chaud dans la salle de restauration tandis que leurs camarades grignoteront un sandwich sur les bancs de la cour de récréation, des cours de récréation où traîneront des papiers, l’absence d’activités péri éducatives pour occuper les moments où les élèves n’auront pas cours, des remplacements d’enseignants en quantité et en qualité moins bien assurés ; une prise en charge des élèves par la vie scolaire en déliquescence, une aide au devoir réalisée par des assistants d’éducation qui n’en sauront pas forcément plus que ceux qu’ils aident, des retraités qui mettront toute l’énergie qui leur restera à calmer les cas difficiles et à maintenir l’ordre dans les couloirs, des mères de famille qui s’époumoneront vainement pour que les heures d’étude se passent le moins mal possible, des élèves en situation de détresse qu’aucun système de solidarité ne pourra aider, qu’aucune assistante sociale ne pourra écouter et qu’aucun médecin scolaire ne pourra soigner ou signaler, des classes surchargées, comme autant de symboles, des conseillers d’orientation dont la suppression donne un air de « no future » à toute chose…

Cette évocation vous paraît outrée ? Eh bien sachez qu’elle s’est pourtant limitée au secondaire et que rien n’y a encore été dit sur ce qui se passe dans l’enseignement supérieur, lui aussi en branle-bas de combat, dans les lycées professionnels, dans le primaire et dans les maternelles.

Sachez par exemple qu’il serait question de retirer tous les professeurs des maternelles pour les mettre dans le primaire, que l’enseignement public ne se chargera plus des enfants qu’à partir de 6 ans et que les maternelles se borneront à n’être plus que des garderies ou des crèches… pour la plupart payantes bien sûr !

Quant à l’école d’après-demain ? Une école à plusieurs vitesses et des abîmes béants qui se découvrent et croissent entre les pauvres et les riches, les favorisés et les défavorisés de la culture, les bien nés et les moins bien nés ; une école dont l’Etat ne garantit l’égalité ni des programmes ni des formations ni des diplômes ; une école de l’inégalité instituée en règle.

Inégalité géographique : d’un côté, des régions pauvres aux diplômes dévalués ; de l’autre, des régions riches dont les diplômes feront autorité.

Inégalité sociale au sein des régions : pour les enfants de l’ « élite », quelques établissements privés qui dispenseront un véritable enseignement  et qui leur permettront de rester dans l’  « élite », pour les enfants du peuple, un service public au rabais, débarrassé du projet d’instruire et recentré sur ce que l’on appelle publiquement la socialisation, pour les premiers, des cursus diplômants qui leur permettront de se caser et se recaser plus facilement, pour les autres, des orientations soumises aux réalités socio-économiques du terrain et au souci de pourvoir au plus vite ( c’est-à-dire de la manière la moins diplômante) les entreprises locales en main d’œuvre, au risque de freiner la mobilité et de nuire aux possibilités de reconversion professionnelle en cas de licenciement.

Impossible ? Et si vous alliez maintenant voir ce qui se passe en Allemagne… Car ce n’est pas quand vous serez bien vieux, le soir à la chandelle, sous le faix de votre misère aussi bien que des ans, que vous aurez les moyens de partir pour l’étranger !
III) Retraites

La voix du gouvernement :



Il prétend vouloir réduire les inégalités entre public et privé en oubliant de dire que ces inégalités ont été instaurées par le Plan Balladur et que l’amputation des pensions programmée par le plan Fillon touche plus gravement le secteur privé que le secteur public.

Il prétend vouloir sauver le système par répartition alors que les chapitres suivants démontrent qu’il va le couler.

Il prétend que c’est le bon sens et l’évolution démographique qui obligent à mener cette réforme. Or on verra que l’argument démographique n’est pas si évident et que s’il s’avère exact, le système par capitalisation subira les mêmes effets qu’un système par répartition.

Il prétend qu’il n’y a pas de solution alternative, mais les sommités qui ont rédigé les articles que nous vous soumettons en proposent pourtant plusieurs. Notamment celle qui consisterait à consacrer une part croissante du PIB au paiement des retraites, ce qui est le sens historique.
A- Le plan Fillon à la loupe, sans myopie ni brouillard médiatique

1- Le projet de réforme Fillon le 15 mai 2003




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