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Une veste en cuir achetée d’occasion…


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LE MUR DE L’EVASION
Une veste en cuir achetée d’occasion… Cet objet anodin avait changé la vie de Léo.
C’était un samedi matin… Ce jour là, il n’avait pourtant pas grand moral. A bientôt cinquante ans, il lui arrivait, de plus en plus souvent, de se demander, quel sens avait sa vie. Ce qu’il en avait fait jusque là, ne lui avait rien rapporté de très heureux. A seize ans, son père l’avait envoyé préparer un Certificat d’Aptitude Professionnelle de maçonnerie. Mais il était sorti de l’école, par une petite porte, lors d’une énième fugue et sans diplôme. Certes, les rencontres qu’il avait faites, au cours de son existence, lui avaient donné de nombreuses occasions de se faire remarquer, mais malheureusement, pas toujours en bien. Et sa vie avait très vite basculé « du mauvais côté. », comme il disait…
Il se souviendra toujours de ce samedi matin : il était sorti, comme un convalescent, sans réfléchir vraiment, à ce qu’il allait faire de son temps libre. Il y avait un marché aux puces, Place Mulac à Angoulême. Les couleurs, les bruits, les gens, rien ne lui semblait familier. Il regardait les étales sans vraiment les voir. Et cette veste qui tournoyait… suspendue au bout d’une corde, sur un cintre, au dessus d’un stand de disques vinyle, il ne l’avait même pas remarquée. C’est le cintre en aluminium, qui, avec la complicité du soleil, lui avait fait un clin d’œil ! A son passage, une bourrasque de vent s’était engouffrée dans les manches, et voilà que cette veste lui tendait ses bras.

Par curiosité, Léo avait demandé son prix, au jeune homme, avachi derrière un stand, et qui feuilletait une revue de motos.



  • «  Je la laisse à 20 euros, »

  • « Je peux l’essayer ? »

Celui-ci ne s’était pas fait prier pour la décrocher et la tendre à Léo, qui avait pu contempler son reflet dans la vitre du fourgon, stationné tout près. La coupe blouson était simple. Elle tombait très bien sur ses épaules, c’était tout à fait son style. Le cuir noir, un peu vieilli, lui donnait un certain charme. Sans en discuter le prix, il l’avait troquée contre deux billets et continué son chemin. Il se sentait bien dans ce nouveau vêtement. Un peu comme dans la peau d’un autre…

En arrivant au carrefour de Lille, il avait le choix : aller tout droit et rejoindre ses anciennes connaissances au square du Jardin Vert, ou bien, prendre à droite se rendre « Au Bar des Amis », ou enfin aller à gauche dans une rue qu’il n’avait jamais empruntée jusque là. Il a choisi l’inconnu… En passant devant une vitrine, il fut soudain interpellé. Il s’en souvient comme si c’était hier. Loin d’imaginer que l’on pouvait s’adresser à lui, il continuait sans se retourner, quand il sentit une main timide frôler son épaule. Surpris, il s’était retourné. C’était une jeune femme, jolie, d’une trentaine d’années, vêtue d’une blouse rouge ornée d’une inscription : «  Librairie Le Marque-page ».



  • « oh ! bonjour… excusez-moi, dit-elle d’un air timide. J’ai eu un doute en vous voyant, mais j’ai reconnu votre blouson… Votre commande est arrivée, depuis quelques jours … »

  • « heu… bonjour …»

Louise regagnait le comptoir de la librairie. Et sans trop savoir pourquoi, il l’avait suivie. « Louise peut vous aider » : c’était le message inscrit en large, sur les épaules de sa blouse. Peut-être avait il pris ce message, comme un signe du destin.
- « Je vous l’enveloppe, comme d’habitude ? » Sans attendre vraiment de réponse elle s’était retournée pour attraper, une feuille de papier kraft. Avec des gestes délicats et professionnels, elle l’avait découpée aux mesures d’un livre de poche, qu’il n’avait pas eu le temps d’apercevoir. Elle avait déroulé un mètre de ruban bleu le nouant fermement pour le maintenir, en prenant soin d’appliquer l’étiquette autocollante « Le Marque-page » sur la boucle. D’un coup de lame de ciseaux experts, elle avait fait onduler le ruban. Léo avait pris le paquet que Louise, souriante, lui tendait. Encore sous l’effet de la surprise, il l’avait remerciée et saluée. Tout en regardant, incrédule, son blouson, il était sorti en direction du « Bar des Amis ».
Là, il s’était installé au fond de la salle, un peu à l’écart, pour délivrer le livre prisonnier de ses liens. Le titre l’avait tout de suite interpellé : « L’évadé ». Il s’était très vite plongé dans cette histoire, jusqu’à oublier tout le reste. Faisant abstraction de son environnement, il s’était enfui, tel un fugitif en dévorant les mots, en avalant les pages et s’engouffrant dans cette histoire qui aurait pu être la sienne. Il alla jusqu’à oublier qu’il n’avait rien commandé au serveur, qui pourtant, s’approchait de lui avec un grand verre de limonade :

  • « Eh ! ça f’sait longtemps ! Au début j’vous avais pas reconnu, c’est à votre blouson qu’ j’ai su qu’ c’était vous ! »

Léo, gêné, avait lancé un regard furtif à son blouson. Sans répondre quoi que soit, avait réglé et consommé la moitié de son verre. 12h20 déjà à sa montre, il était temps pour lui de rentrer.

Depuis ce jour, c’était comme un rituel, chaque samedi matin, depuis deux ans et demi, Léo venait pousser la porte du « Marque-page », se plantait droit comme un I, devant l’un des nombreux rayons. Regardait. Cherchait. Prenait son temps pour choisir un livre. Parfois, c’était plus fort que lui, il ne pouvait choisir, alors il en achetait deux, voire trois… mais toujours en format poche. Un format qu’il pouvait promener partout, qui prenait le moins de place possible, pratique, léger et qu’il pouvait garder, à portée de mains. Il vérifiait que Louise était bien au comptoir pour enregistrer ses achats, car c’était le seul moment, où il leur arrivait d’échanger sur un livre, qu’ils avaient lu tous les deux, ou bien qu’elle lui conseillait…Un jour il finirait bien par l’inviter à prendre un café, songeait Louise, chaque fois qu’elle le voyait franchir la porte. Souvent, il allait s’installer sur le premier banc libre dans le parc, face à la librairie, impatient de se plonger dans une nouvelle histoire. Et lorsque le temps était moins clément, son refuge restait le « Bar des Amis », où il continuait de lire en sirotant une limonade.


Deux ans et demi, qu’il navigue, avec sa veste de cuir noire, entre la librairie, le « Bar des Amis » et le parc, toujours le samedi matin.… Pour Louise, Léo reste le fidèle client de la fin de semaine. Pour les gardiens de la maison d’arrêt d’Angoulême, il n’est que le matricule n° 142, qui doit être de retour à 12h30 et qui revient toujours avec des livres. Après 4 ans de prison et de bonne conduite, Léo a obtenu une permission de sortie régulière. Voilà deux ans et demi, qu’il rapporte de quoi s’évader, chaque samedi matin, sous le nez de ses gardiens.
Depuis peu, Léo s’était même mis dans l’idée, d’amener son compagnon de cellule vers l’apprentissage de la lecture. Ce dernier, le matricule n° 58, analphabète, appréhendait toujours le retour de Léo. 9 m² pour deux, et tous ces livres, qui ne servaient à rien et qui s’empilaient comme un nouveau mur, brique par brique, entre leurs deux couchettes… Le matricule n° 58 n’en pouvait plus !





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