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Une politique méga-événementielle

La politique événementielle du parti au pouvoir à Istanbul et à Ankara participe aussi à l’effervescence actuelle. La stratégie suivie n’a d’ailleurs rien d’original. Elle se distingue seulement par les dimensions imaginées, les ambitions affichées et les modes de justification des grands travaux entrepris, qui puisent fréquemment aux grandeurs ottomanes et au réveil du monde musulman. Mais tous les registres sont possibles, de la « Capitale européenne de la Culture » (2010) aux « Olympiades du turc », en passant par la « Capitale européenne du sport » (2012). Istanbul, qui ambitionnait de devenir ville des Jeux Olympiques d’été en 2020, a finalement été évincé par Tokyo au cours du votre ultime du 7 septembre 2013. C’est un rêve caressé par les édiles et les gouvernements successifs depuis au moins 1980, puisqu’un certain nombre de sites olympiques étaient déjà ciblés dans le master-plan de 1980, totalement oublié après le coup d’État de septembre de la même année. En 1992, le gouvernement a fait adopter une loi qui a posé cet objectif pour Istanbul et mis en place les structures et institutions chargées de porter la candidature. L’objectif était alors 2000, puis ce fut 2004, puis 2008, puis 2012... Une campagne avait été lancée à la fin de l’année 2012, à grands renforts de moyens, pour faire accepter cette candidature contestée à l’intérieur du pays, par les chambres professionnelles (architectes, ingénieurs et planificateurs urbains) et l’opposition de gauche radicale au parti au pouvoir, au motif que ce méga-événement allait servir de prétexte pour accélérer la transformation urbaine au détriment des les plus démunis. Après les événements de juin 2013, la posture d’opposition aux J.O. — érigés en symbole de l’irréalisme des projets urbains — s’était même radicalisée.

Comme partout, la politique événementielle produit ses horizons mobilisateurs à moyen, voire à long terme — dates magiques ressassées par le discours officiel , qui donnent du sens à l’attente, au désordre et au labeur présents. Trois horizons pour Istanbul en 2013 : 2020 avec les Jeux Olympiques et para-olympiques d’été ; 2023, cent ans de la République turque et 2071, mille ans de la pénétration turque en Anatolie (bataille de Malazgirt remportée par les Seldjoukides contre les Byzantins) ! Par là, la métropole réinterprète à l’envi son passé et se construit une éternité d’exception au service des intérêts présents.

Au même titre que celle des centres de congrès, des centres de foire et exposition ou celle des hôtels haut de gamme, la construction de grands stades s’inscrit dans cette orientation méga-événementielle. De ce point de vue, la décennie 2000 est caractérisée par une accélération et un changement d’échelle des projets : après le stade olympique « Atatürk », qui tarde à trouver une utilisation bien qu’il ait été achevé en 2001, tous les grands clubs de football de la métropole se sont lancés dans une surenchère : Galatasaray est doté d’un nouveau stade depuis 2011 (Türk Telekom Arena : capacité de 52 800 spectateurs), Fenerbahçe a accru la capacité de son stade, Beşiktaş vient d’entreprendre une opération équivalente et l’équipe de la municipalité métropolitaine — İBB Spor — est décidée à se doter de son propre stade [4].



Des projets ponctuels et opportunistes

Au regard de cette intense promotion internationale, Istanbul est devenu le théâtre d’opérations immobilières de très bon rapport — compte tenu de l’augmentation des prix, du nombre croissant d’investisseurs (étrangers, notamment), de la raréfaction du sol urbain, du faible coût de la main-d’oeuvre et de la vente effrénée des terrains publics. Les projets d’immobilier résidentiel, de bureaux et d’immobilier commercial se sont multipliés ces dernières années, sous la forme de programmes parfois mixtes et souvent démesurés [5].



Les grands projets immobiliers

Dans la périphérie ouest, sur le deuxième périphérique autoroutier, Batışehir fait partie des projets immobiliers actuels les plus importants, avec 3 266 logements en voie de construction (soit environ 15 000 habitants à venir), des tours de bureaux et un hôtel. Il s’agit d’une opération développée dans le cadre d’un partenariat public/privé aux dépens de terrains militaires — sur la frange sud d’un très vaste terrain de tir (Atışalanı) bien visible sur les images satellitales — par une société privée (Ege) et deux sociétés péri-publiques émanation de l’Administration du Logement Collectif ou TOKİ, acteur central de la transformation d’Istanbul depuis une dizaine d’années. Sur la rive anatolienne, Metropol Istanbul projet encore plus ambitieux par les hauteurs visées , repose sur une forme semblable de partenariat. Outre un programme de deux mille logements, ce complexe comprendra une des tours de bureaux les plus hautes d’Europe, le centre commercial le plus étiré en longueur de Turquie (400 mètres) et un ensemble de 17 salles de cinéma... En outre, Kanalistanbul, le projet pharaonique évoqué plus haut, serait associé à une ou deux villes nouvelles disposées de part et d’autre du débouché nord, ainsi qu’à un nouveau quartier d’affaires à la hauteur du débouché sud. L’étalement urbain actuellement à l’œuvre a ouvre de nouveaux territoires pour la rente immobilière, avec pour conséquence un changement très rapide du statut et de la vocation des sols.

Galataport, Haydarpaşa et Haliçport sont trois mégaprojets destinés à « reconquérir » les rives de la métropole. Le projet Haliçport ou « Port de la Corne d’Or » a été rendu public en pleine crise de Gezi, la date du dépôt des candidatures à l’adjudication du marché (et des terrains publics) ayant été fixée au 2 juillet 2013. C’est un des principaux programmes de reconversion de la rive gauche de la Corne d’Or, qui confirme le transfert progressif des terrains militaires vers le marché immobilier civil. En effet, Haliçport vise à la transformation de deux des trois chantiers navals de cette rive gauche. D’après la presse de la fin du mois de juin et du début de juillet 2013, sur 25 hectares, deux ports de plaisance, deux hôtels cinq étoiles d’une capacité de 400 lits chacun, une mosquée pouvant accueillir mille fidèles, un centre commercial et un parc sont programmés dans le cadre de ce projet appelé à soulever des oppositions sérieuses.

Galataport est un projet plus ancien, qui a donné lieu à une première concession (revenant à une privatisation) en 2005 finalement annulée. La privatisation a été renouvelée en mai 2013 — mais avec des conditions plus restrictives que celles octroyées huit ans auparavant , pour un montant de 702 millions de dollars (contre 3,5 milliards d’euros en 2005 !). L’objectif est de reconvertir les quais des douanes de Karaköy en terminal pour les bateaux de croisière, assorti de résidences haut de gamme et de shopping malls. Pour accroître la surface de réalisation de profit, de nouveaux remblaiements sur le Bosphore sont même envisagés. Peu importe qu’ils modifient durablement la topographie littorale [6].

Le projet d’Haydarpaşa alimente aussi de nombreuses polémiques depuis au moins dix ans. Il est lié au projet Marmaray mentionné plus haut. Le 19 juin 2013, en pleine crise de Gezi, le dernier train de banlieue a quitté cette gare historique, construite pour la voie ferrée d’Istanbul au Hidjaz le Bagdadbahn par des architectes allemands au tout début du XXe siècle : elle était vouée à perdre sa fonction première avec la mise en route du Marmaray. Le port de marchandises et la gare routière qui la jouxtent sont destinés à être reconvertis en même temps, au moyen de formules urbanistiques désormais banalisées : marina, hôtel de luxe, résidences de standing et centre commercial ; éléments auxquels un stade olympique « portable » pourrait être ajouté, selon des déclarations récentes du ministre en charge de la candidature d’Istanbul pour 2020.

Comme on l’a vu pour les projets de Galataport et de Haliçport, il existe un lien consubstantiel entre la dynamique de projets et la vente des terrains publics d’extension encore importante en Turquie. Pour financer et rendre possibles ces grands projets, l’AKP s’est engagé dans un processus massif de transfert du foncier public — encore très important ; pour ne citer qu’eux, les militaires possèdent encore plus de 10% du sol du département d’Istanbul ; ce qui leur donne le pouvoir non négligeable de renégocier leur place dans le système des institutions. Cela permet, à travers des partenariats avec des entreprises privées — dont certaines sont apparues durant la dernière décennie de valoriser ces terrains avec une retombée financière immédiate. Mais ce faisant, les pouvoirs publics perdent définitivement la main sur un des moyens de contrôle les plus efficaces de la croissance urbaine, la maîtrise foncière...

Dans la présente furie de mégaprojets, le design urbain a triomphé sur la planification urbaine. Le design, ce sont les projets ponctuels, opportunistes, de rapport symbolique ou financier immédiat, aux dépens d’une vision de développement territorial à moyen et long termes soucieuse des biens publics. Dans ce contexte où les rentes sont considérables, la planification urbaine est un leurre, une pratique qui a renoncé à devenir performative. On produit des plans qui n’ont aucune valeur prescriptive et ne sont pas pris en compte par cette logique des coups d’éclat.

Le nouveau citoyen, le nouvel urbain « civilisé » que l’AKP appelle de ses vœux et se propose de produire/reproduire dans ses institutions et ses hauts lieux urbains, est avant tout un consommateur, docile, nanti d’une batterie de cartes de crédit. C’est un conservateur qui consomme en famille, les nouveaux rituels déployés dans les centres commerciaux (appelés « centres de commerce et de vie ») étant indissociablement liés à la structure familiale. La consommation semble même être devenue une des dimensions constitutives à la fois de la modernité urbaine dont l’AKP pense être le porteur et de la nouvelle citoyenneté qu’il entend bâtir. Cette dernière assimile clairement le citoyen à un client, comme le confirme la nouvelle terminologie utilisée par les pouvoirs locaux AKP. Rien d’étonnant à ce que les mairies prennent place dans les centres commerciaux géants nouvellement édifiés — comme dans le nouvel arrondissement d’Esenyurt, où les services de la municipalité sont noyés dans un complexe commercial flambant neuf ou alors à ce que les maires abandonnent/délèguent aux développeurs de centres commerciaux la mission de produire les nouveaux espaces de sociabilité (pour ne pas dire espaces publics, si l’on opte pour une conception (normative ?) de l’espace public intégrant l’exigence de neutralité dans la dévotion du sens donné aux interactions, de liberté des usagers dans leurs modes d’appropriation et de pluralité des usages possibles).

Un des exemples les plus étonnants de cette évolution, c’est le centre commercial-résidence-hôtel — à cette heure encore en chantier dénommé Mall of Istanbul, en référence directe au Mall of America, d’une part, et au Mall of Dubaï, de l’autre. Édifié dans un arrondissement en pleine transformation de la périphérie occidentale, Mall of Istanbul est l’œuvre d’un de ces groupes émergents du marché immobilier, le groupe Torunlar. Ses hautes tours lumineuses à prétentions futuristes se dressent désormais à la place d’un quartier d’habitat spontané rasé en février 2007 dans le cadre de la politique de transformation urbaine, à proximité du deuxième périphérique autoroutier.

Enflure et emphase vont bon train dans le nouveau récit de ville. La mesure de la puissance que les nouveaux pouvoirs veulent exhiber paraît être la démesure. Il faut faire grand, il faut du spectaculaire, il faut battre des records et pouvoir annoncer avec force superlatifs que l’on a construit « le plus grand palais de Justice d’Europe », « le plus grand aéroport d’Europe », « le plus haut pont du monde » (pour le troisième pont sur le Bosphore), « la plus haute tour d’Europe » (projet Skyland, du groupe Eroğlu, à proximité du nouveau stade de l’équipe Galatasaray, Türk Telekom Arena). Ces objectifs ne sont pas seulement ceux du gouvernement, ils sont relayés par la classe d’entrepreneurs liés au parti AKP. Rivalisant de zèle pour aller dans le sens de cette volonté de grandeur, ils diffusent dans tout le pays et le corps social cet impératif de faire grand. L’escalade est vertigineuse. On observe même comme un fétichisme des chiffres absolus, auxquels recourent abondamment les politiciens [7] comme leurs entrepreneurs. Les montants faramineux sont lancés et publicisés : plus gros marché public (transfert de terrains publics, marché de la distribution de l’électricité), plus grosse transaction immobilière...

Il faut aussi agir vite. La capacité à réduire la durée entre les inaugurations de chantiers et les inaugurations d’ouvrages achevés semble être un des indices de la puissance et de la résolution du pouvoir politique. Quitte à procéder à des inaugurations anticipées et dédoublées quand le calendrier politique et symbolique l’impose... Et c’est ce qui distingue Istanbul des agglomérations européennes, c’est cette vitesse, qui repose sur des formes de travail moins sécurisées — on a donc plus d’accidents et moins de garanties et sur un contournement généralisé des dispositifs en matière de protection de l’environnement et des sites classés historiques. Ainsi en avril 2013, au nom de la nécessité de tenir les délais pour l’inauguration déjà annoncée du 29 octobre 2013, le chantier archéologique de Yenikapı a été refermé sans que les archéologues aient pu faire tout ce qu’ils avaient souhaité.

Récrire l’Histoire

Il faut même faire « fou » (çılgın), à l’instar du projet Kanalistanbul ou du projet d’îles artificielles dans la mer de Marmara [8]. L’épithète est utilisée de manière très consensuelle pour faire vibrer la fibre nationaliste depuis la parution en 2005 d’Ils sont fous ces Turcs, roman sur la guerre d’indépendance (1919-1922) signé Turgut Özakman. Il est intéressant de voir l’AKP s’approprier cette rhétorique et cet esprit pour légitimer sa politique urbaine dans l’opinion publique. De ce fait, on assiste à une diffraction du discours nationaliste — et la surenchère de drapeaux turcs lors des manifestations autour de Gezi, quel que soit le camp concerné, est une expression de cette banalisation -, qui témoigne de sa plasticité et de sa perte de sens. Omniprésent, sur-instrumentalisé, le discours nationaliste a perdu sa faculté de départager dans le champ politique. Il n’est plus que phatique.

Le registre de la conquête — en référence à la conquête de Constantinople par les Ottomans en mai 1453 — est aussi convoqué pour mobiliser les masses et convaincre. Se lancer dans des projets spectaculaires, c’est en quelque sorte renouer avec l’esprit et l’énergie du Conquérant, référence permanente du discours politique et économique (un développeur immobilier très en vogue a même réalisé un gros programme résidentiel de haut standing dénommé « 1453 »). Les rêves de grandeur actuels trouvent leur légitimité et s’alimentent aux hauts faits dûment sélectionnés du passé. Recep Tayyip Erdoğan, l’ultime porteur actuel des grands projets à Istanbul, n’hésite d’ailleurs pas à cultiver le parallèle avec le Conquérant — malgré le fait qu’Erdoğan n’a pas l’âge qu’avait le Conquérant au moment de ses hauts faits, inscrivant son œuvre dans celle qui a inauguré la métamorphose de Byzance l’infidèle. La récurrence de ces références ne laisse pas de surprendre. Une statue géante à la gloire de Mehmet II avait même été imaginée sur une des petites îles de la mer de Marmara, à l’instar de la Statue de la liberté de New York. L’« esprit de la Conquête » imprègne donc tous les discours justificateurs de l’entreprise de remodelage et d’embellissement initiée. Il insuffle à la fois une énergie et une fierté certaines aux acteurs de ce grand œuvre. D’ailleurs la commémoration de la Conquête, orchestrée par la mairie métropolitaine d’Istanbul, prend des formes de plus en plus spectacularisées (jeux de lumières, laser, son et feux d’artifices) qui attirent les foules en masse [9]. La publication en 2012 par une maison d’édition proche des milieux conservateurs d’un ouvrage intitulé « Les projets ottomans fous » est un indice de cette tendance à fonder la démesure présente sur les grandeurs passées redécouvertes et exaltées [10].

Au delà des grands projets, pour réaliser pleinement son destin d’exception, Istanbul se doit d’être réordonné et nettoyé de toutes les scories qui font encore mauvaise impression aux yeux de ses promoteurs. C’est tout l’enjeu de la « transformation urbaine » initiée en 2004 et relancée avec force et détermination en mai 2012 avec une loi qui, au nom du risque sismique, donne tout pouvoir de définir les périmètres d’intervention au ministère de l’environnement et de l’urbanisme, ainsi qu’au Conseil des ministres. Le Premier ministre l’a déclaré lui-même lors d’une cérémonie de relance de la politique de transformation urbaine (en l’occurrence la destruction simultanée de plusieurs bâtiments jugés très fragilisés et vulnérables), il s’agit bien pour lui de « réécrire l’histoire ». Plusieurs grands projets (tous ?) relèvent plus ou moins de cette logique révisionniste. Par là, les univers de sens se réordonnent brutalement. Le plus spectaculaire — outre la mosquée géante construite à Çamlıca, une des hauteurs qui dominent le Bosphore sur la rive anatolienne, — est sans doute celui de l’île de Yassı Ada dans la mer de Marmara. C’est sur cette île que furent jugés en 1960-1961 des membres du gouvernement démocrate .... Et l’AKP voudrait la transformer en « île de la liberté », à la mémoire des victimes du coup d’État du 27 mai 1960 (le premier ministre d’alors, Adnan Menderes, et deux de ses ministres furent jugés puis exécutés à la suite de l’intervention militaire). Après l’identification à Mehmet-II, celle saisissante à Adnan Menderes, « martyr de la liberté » influe sur la politique urbaine.



Un Hercule fatigué ?

Le 19 juin 2013, le maire d’Istanbul Kadir Topbaş, resté très effacé depuis le début de la crise de Gezi, a promis que dorénavant l’avis de ses administrés serait davantage sollicité avant que de grands projets soient lancés. La démocratie locale sortira-t-elle de ce mois qui a mis en cause le fonctionnement dominant de la gestion des affaires publiques ? Après le tremblement de terre d’août 1999 — pour lequel l’État a été sévèrement critiqué dans sa capacité à secourir et informer ses citoyens —, certains analystes ont déjà annoncé qu’une nouvelle manière de faire de la politique (urbaine) était, sous le choc, en train d’émerger.

Quant au Premier ministre, il ressemble pour l’instant à la fameuse statue de l’Hercule fatigué, pourtant sujet de fierté nationale. Néanmoins, il ne paraît pas du tout renoncer à son agenda de grands travaux. Bien au contraire, comme pour prouver au monde que la puissance turque n’a pas été ébranlée par ce qu’il décrit comme un épiphénomène politique — le fait de « marginaux » malintentionnés à son endroit , il se montre déterminé à poursuivre son étourdissant programme de folies urbaines, comme ivre de cette escalade d’annonces tonitruantes.

Pour résumer, cette fureur de grands travaux qui semble avoir embrasé la métropole turque s’alimente à des dynamiques très diverses — internes au pays, internationales, idéologiques, spéculatives... et participe d’une volonté de rattrapage, de normalistion et de prestige. Ces grands travaux — qui reposent sur des formes de travail très précaires et risquées et sur une externalisation obstinée des coûts environnementaux peuvent être aussi considérés comme des cache-misère destinés à faire tourner une économie dont un des moteurs est depuis longtemps le secteur du BTP. Ils ont aussi pour fonction de réactiver les communautés imaginaires (celle des croyants, celle des membres de la nation, celle de la turcité) et d’inclure symboliquement les exclus du « miracle turc » c’est-à-dire tous ceux dont le pouvoir d’achat n’a pas augmenté au prorata de l’accroissement de la richesse nationale, tous ceux qui se sont surendettés et tous ceux dont les conditions de travail se sont précarisées des années AKP. Mais tous ces programmes étourdissants pourraient être sérieusement remis en cause par la perte de valeur relative de la monnaie turque amorcée au le début de l’été 2013 et par les difficultés croissantes des entrepreneurs turcs ayant emprunté en devises étrangères sur les marchés internationaux...

par Jean-François Pérouse , le 24 septembre
http://www.laviedesidees.fr/Hyperistanbul.html

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75776

TURQUIE/SYRIE

La Turquie fait-elle passer des armes chimiques en Syrie ?

Les Observateurs.ch

Mercredi, 25 septembre 2013

Un journaliste turc, Firat Alkac, a publié, il y a quelques jours, en première page du Taraf, des informations concernant l’envoi de matériel chimique en Syrie depuis la Turquie et la livraison de ces substances aux groupes terroristes du Front Al-Nosra et d’Ahrar-Ash-Sham, liés à Al-Qaïda.

Selon Firat Alkac, suite à une interpellation à la frontière, une seule personne avait été incarcérée, les autres prévenus ayant été libérés immédiatement. Le détenu, Heissam Qassab, est d’origine syrienne.

Il a d'abord été accusé de possession de 2 kg de gaz sarin.

« Les responsables d’Ankara ont dit que le convoi qu’il transportait ne contenait pas de gaz sarin mais d’anti-gel ! On a su plus tard que le gouvernement a fini par libérer tous les accusés ! », a ajouté Alkac précisant qu’un chef d’accusation a été ensuite formulé pour possession illégale de phosphore blanc.

Selon le procureur, le phosphore blanc rentrerait dans la composition des armes au gaz sarin.

« Le gouvernement d’Ankara en aurait dû être informé car les services de renseignements espionnaient ces personnes. Ces derniers circulaient facilement à la frontière syro-turque. Le point qui mérite réflexion c’est pourquoi le procureur a renoncé à poursuivre les complices. », a poursuivi le journaliste ajoutant :

« Selon les informations et renseignements que nous avons obtenus, ces personnes travaillaient pour les services de renseignements turc. Ils collectaient les substances nécessaires à la fabrication des armes chimiques de divers endroits de la Turquie, pour les réunir sur les frontières où ils les livraient à Heissam Qassab, le Syrien, qui les faisait entrer en Syrie et les livrer aux terroristes.

[...] Les cinq prévenus libérés étaient accusés d'avoir fourni des armes aux terroristes, une fois libérés, ils ont rejoint le Front Al-Nosra.

[...] La veille du jour où nous entendions publier cette information, un journal proche du gouvernement d’Ankara a annoncé que les services de renseignement de l'Iran, de la Syrie et de la Russie, vont divulguer des nouvelles sur l’envoi du sarin via la Turquie en Syrie. Nous avons été choqués puisque nous voulions publier la nouvelle !

[...] Je crois que les services de renseignements turcs ont eu vent de l’affaire en écoutant nos conversations téléphoniques et en contrôlant nos postes électroniques. »



http://www.lesobservateurs.ch/2013/09/24/les-soldats-syriens-gazes-par-des-armes-chimiques-turques/

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75784

Affaire Aazaz : « Harceler chaque ressortissant turc », la énième menace des familles

L'Orient-Le Jour

25/09/2013

Les parents des neuf otages détenus en Syrie ont manifesté hier matin devant le siège de l’ambassade de Turquie à Rabieh, réitérant leur demande d’obtenir la libération de leurs fils et maintenant le discours d’hostilité envers la Turquie, qui serait « la seule responsable », selon eux, de l’atermoiement subi pendant plus d’un an sur le dossier des otages de Aazaz. Ils avaient prévu de brûler des pneus devant l’ambassade, mais y ont renoncé à la demande des forces de l’ordre.

« Les ravisseurs se trouvent à l’intérieur du territoire turc, contrairement à l’idée véhiculée sur leur présumée présence en Syrie », a lancé hajjé Hayat Awali, membre du comité de suivi de l’affaire des otages, réitérant les menaces d’escalade « qui a commencé ». Tenant symboliquement dans une main une bouteille de plastique remplie de mazout et dans l’autre un briquet susceptible de l’enflammer, elle a déclaré que « la volonté des parents n’est pas d’incendier l’ambassade turque, mais de miner les nerfs de la Turquie ». « Nous harcèlerons chaque citoyen turc où qu’il se trouve au Liban, et si cela ne leur plaît pas, qu’ils aillent élire domicile ailleurs », a-t-elle fermement affirmé. Elle a signalé que les familles des otages manifesteront à chaque atterrissage d’un avion turc à l’aéroport de Beyrouth et interdiront aux Turcs d’entrer en territoire libanais. De son côté, Mohammad Zgheib a assuré que les forces de sécurité « seront surprises par notre prochaine manifestation qui se fera loin des médias ».

Après avoir achevé leur sit-in en milieu de matinée, les proches des otages se sont rendus au centre-ville de Beyrouth pour manifester devant le siège du Centre culturel turc. Ils ont néanmoins été interdits de manifester par les agents de l’ordre, en poste depuis plusieurs semaines devant les établissements relevant des intérêts turcs dans la capitale. Après des médiations vaines, marquées par une tentative d’entrer de force au centre culturel, les proches des otages se sont résignés à rebrousser chemin et rentrer chez eux.


Parallèlement, l’avocate May Khansa s’est rendue au siège du Conseil supérieur chiite afin d’exposer les détails de l’action intentée contre le gouvernement turc pour le rapt des neuf otages.

http://www.lorientlejour.com/article/834699/affaire-aazaz-harceler-chaque-ressortissant-turc-la-enieme-menace-des-familles.html

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75782

SYRIE

Surenchère dans l’horreur

Paris Match

Factions familiales ou villageoises, groupes mafieux, islamistes dissidents… Il y aurait 1 200 unités rebelles. Que Al-Qaïda veut dominer

Crâne rasé, yeux bandés, mains nouées derrière le dos, chaque prisonnier est agenouillé sur la place du village pour écouter le ­jugement des rebelles. Ces hommes sont décrits comme des « chabihas », des « ombres », les voyous des milices les plus exécrées du régime de Bachar El-Assad. On accuse ces quatre-là d’avoir commis des viols en série, des pillages, des meurtres, et d’avoir livré au gouvernement un groupe de jeunes insurgés. Le tribunal de la charia d’Alep les a condamnés à la peine capitale. Les exécutions doivent avoir lieu ce samedi 31 août dans la ville d’Azaz et dans trois autres ­bourgades du nord de la Syrie, près de la frontière turque. Les captifs écoutent la sentence, impassibles, résignés comme des bêtes à l’abattoir. Peut-être ­espèrent-ils encore être exécutés d’une balle dans la tête. Il n’en sera rien. Un groupe allonge l’un deux sur le dos. Des sabres surgissent. On tente de le décapiter. On échoue, le sang jaillit à gros bouillons. Un bourreau s’acharne pour lui sectionner le cou avec son poignard. Chaque fois, la cérémonie macabre prend plus d’une demi-heure. Certaines photos, impubliables, montrent un des hommes, en veste de treillis beige, ­hurlant de douleur alors que sa trachée s’ouvre, béante, sous l’effet de la lame. « C’était le dernier condamné, se souvient le jeune auteur de cette abominable série de photos. Il avait réussi à défaire ses menottes. La souffrance ­décuplait ses forces, il a fallu quatre ­insurgés pour le tenir pendant qu’on l’égorgeait. » Les habitants contemplent la scène en souriant. « Ils ont tellement souffert du régime que je pense qu’ils étaient contents », explique le photographe. Détail particulièrement pénible, des enfants observent aussi la scène, ­sagement assis au premier rang pour ne rien rater du spectacle…

Dans la guerre de communication que livrent le régime et la rébellion ­syrienne pour se vilipender l’un l’autre, les rebelles viennent encore de monter d’un cran dans la barbarie. Tandis qu’à Washington le gouvernement authentifie les vidéos montrant des enfants gazés au sarin, en banlieue de Damas, par l’armée régulière, l’accumulation de ces images d’atrocités rebelles sème le trouble et l’écœurement. Elles sont de plus en plus nombreuses, au fil des mois, à filtrer de Syrie. En mai, une vidéo exhibait un chef insurgé ­mangeant le cœur d’un soldat mort. Une nouvelle vidéo, diffusée la semaine dernière par le site du « New York Times », montre l’exécution de sept ­militaires prisonniers. On y voit un petit chef rebelle, dans la zone de Harem, qui, pistolet au poing, déclame un poème en guise de sentence devant ses prisonniers, agenouillés face contre terre. « Puisque vous n’avez ni religion ni morale, nous jurons par le Seigneur du trône ce serment : nous nous vengerons », récite le commandant. Abdoul Samad Issa se montre à visage découvert, comme fier d’orchestrer avec ses hommes ce massacre pour la caméra. « Vous paierez le double du prix pour chaque goutte de sang versé. Et le ­moment de répandre le sang est ­arrivé… » Issa attend quelques secondes puis, d’une balle dans la nuque, exécute le prisonnier à ses pieds. Un peu ­anxieux, visiblement peu habitués à perpétrer des crimes de guerre devant la caméra, ses auxiliaires finissent par faire de même avec les autres hommes à terre.

Dans un pays de plus en plus fermé aux journalistes étrangers, ces horreurs qui filtrent via Internet ­renforcent la crainte que les bombardements promis par Barack Obama ne viennent ­cautionner des rebelles à la ­dérive. Censées punir le régime de ­Bachar El-Assad pour avoir employé des armes chimiques à grande échelle, les frappes aériennes auraient pour effet de sceller une alliance contre nature. L’Amérique et la France échangeant un ennemi connu, le dictateur de Damas, contre l’inconnu d’une insurrection ­multiforme et pleine d’amertume, divisée, incontrôlable, infiltrée par les djihadistes internationaux et affichant parfois au grand jour son alliance avec Al-Qaïda. « Le problème des interventions internationales, c’est qu’on soutient ­rarement des gens parce qu’ils sont sympathiques, glisse un analyste militaire très proche du dossier syrien. On intervient au nom d’intérêts ou de principes extérieurs, et on s’accommode avec ceux qu’on trouve sur place. »



Parmi les otages, des syriens et au moins quinze journalistes occidentaux

La vidéo du crime de guerre d’Issa semble emblématique de ce qu’on trouve aujourd’hui sur place, en Syrie. Il affirme contrôler trois cents hommes dans son groupe, Jund al-Cham, « Les soldats du Levant ». Le rebelle de 37 ans est natif de Hama, plus au sud, où son père a été tué pendant le grand soulèvement islamiste de 1982 que le pouvoir réprima dans le sang. Négociant en bétail relativement prospère, Issa en a gardé une ­détestation farouche du régime. Il a fait deux fois de la prison avant l’insurrection de mars 2011 et juré depuis ­d’exterminer tous les Alaouites, la minorité religieuse de Bachar El-Assad. C’est sur ses propres deniers qu’il a lancé son groupe armé, fin 2011, dans les collines du nord-ouest de la Syrie. Les villageois du secteur l’appellent « L’oncle », en signe de respect pour sa richesse et parce qu’il compte plusieurs neveux parmi ses combattants. Il y a aussi un capitaine déserteur de l’armée régulière et un apprenti artificier qui peine à ­appliquer les recettes de bombes artisanales tout juste téléchargées sur Internet. Tandis que des combats impitoyables se déroulent non loin dans la ville d’Idlib au printemps 2012 – lorsque la vidéo fut tournée –, Issa et ses hommes semblent surtout s’occuper de trafics sur la frontière turque et de propagande. Ils ont des tee-shirts siglés du logo de leur groupe, un cavalier qui brandit son fusil, et se filment en train de chanter des hymnes religieux.

« En fait, cette vidéo de mises à mort est relativement banale, car ce type d’exactions est de plus en plus ­fréquent », assure Donatella Rovera. Enquêteuse pour Amnesty International, arabophone, Donatella connaît la Syrie ­actuelle comme peu de gens. ­Voilée pour ne pas se faire repérer, elle passe des semaines d’affilée, parfois des mois, à circuler dans les zones insurgées du nord du pays. Chaque voyage est plus difficile, dans ces contrées ravagées par une guerre civile qui a déjà fait plus de 100 000 morts et deux millions de réfugiés. Lors de son dernier séjour, en juillet, de larges secteurs contrôlés par des groupes djihadistes de plus en plus puissants et intransigeants, lui étaient interdits. « Je pense que c’est la principale nouveauté des derniers mois : les djihadistes n’ont plus peur de s’afficher ni de faire régner leur loi, signe qu’ils se considèrent en position de force par rapport aux autres groupes. »

Le renseignement américain ­dénombre quelque 1 200 factions combattantes en Syrie pour 100 000 à 150 000 hommes armés. Formé en décembre 2012, un commandement militaire suprême est censé les chapeauter. Mais à peine plus de la moitié des groupes ont fait allégeance à l’état-major de l’ASL (Armée syrienne libre). Et même parmi ceux-ci, l’autorité du général Salem Idris, qui commande la structure unifiée, reste très symbolique. Entre les factions familiales ou villageoises, les groupes quasi mafieux et les unités islamistes dissidentes, tout un réseau ­d’alliances mouvantes et parfois contradictoires maillent le nord du pays. Avec la charia, c’est le plus souvent l’anarchie qui règne dans les zones libérées. Le nombre des enlèvements a ­explosé. Outre les nombreux otages syriens, on compte au moins quinze journalistes ­occidentaux, dont Didier François, le photographe Edouard Elias et deux autres Français. La plupart demeurent confidentiels, mais les services de renseignement sont convaincus que la majorité des enlèvements sont le fait des islamistes. Soit par haine de l’Occident, soit pour les rançons qui se négocient à plus de 400 000 dollars. Chez les djihadistes ­radicaux, dont le nombre n’a cessé d’augmenter depuis deux ans, on est d’ailleurs convaincu qu’une éventuelle intervention occidentale sera une fourberie, ­visant à bombarder discrètement les camps de la rébellion proche d’Al-Qaïda.



Beaucoup d’insurgés dépendent de l’argent des pays du Golfe et des donateurs privés

Les autorités françaises estiment que ces radicaux ne représentent en tout que 20 000 combattants, dont près d’une moitié d’étrangers. « Le régime a aussi libéré des poignées d’extrémistes en leur faisant promettre de s’afficher comme les disciples de Ben Laden », ­assure un proche du dossier. Beaucoup, à Paris et à Washington, demeurent convaincus qu’en finançant et en armant enfin l’ASL du général Idris, on pourrait encore ­fédérer plus des deux tiers des combattants rebelles. Les regards se portent notamment vers le sud du pays où la ­rébellion reste nettement moins forte, mais mieux organisée et financée. Car, si les mouvances radicales ont tant gagné de terrain, c’est surtout parce que beaucoup d’insurgés n’ont guère d’autre choix que de dépendre de l’argent des pays du Golfe et des donateurs privés. Pour l’obtenir, il leur faut s’allier aux ­islamistes, mieux structurés à l’international. Leur fédération, rivale de l’ASL, s’est lancée publiquement, à l’automne 2012, sous le nom de « Front islamique de libération de la Syrie », et regrouperait plus de 30 000 combattants. Elle est elle-même débordée par des groupes de radicaux très puissants, dont le Jabhat Al-Nosra, qui compterait près de 10 000 hommes parmi les plus aguerris et les plus ­déterminés du pays. Auteur de multiples attentats, le Front Al-Nosra a fini par être placé sur la liste des organisations terroristes par l’Onu et les Etats-Unis.

Mais depuis plusieurs mois, une faction plus radicale encore monte rapidement en force, celle de l’Isis ou Etat islamique d’Irak et d’Al-Sham : c’est l’émirat que les militants d’Al-Qaïda veulent imposer sur toute la région. Les services de renseignement occidentaux estiment à près de 5 000 hommes les forces d’Al-Qaïda en Syrie. A l’est du pays, près de Raqqa et de Deir Ez-Zor, il s’agit surtout de combattants irakiens. Au nord-ouest, un bataillon de Tchétchènes contrôle un large secteur du djebel. Le chef d’un second groupe, un Tunisien, a fait exécuter le commandant local de l’ASL lors d’un guet-apens. Les villageois chrétiens de la zone vivent dans l’inquiétude. ­Certains parlent en sourdine de harcèlement et de persécution. Comme à ­Malloula, un village près de Damas que des rebelles, menés par le Front Al-Nosra, ont pris au gouvernement la semaine dernière. C’est un des derniers lieux au monde où l’on parle encore la langue de Jésus, l’araméen. Les villageois affirment que des insurgés ont déjà saccagé les églises et ­menacé de mort ceux qui ­refusent de se convertir à l’islam. « Ils sont tellement sanguinaires que même les autres ­rebelles ont peur d’eux, glisse une source qui travaille régulièrement dans la zone. Le dernier espoir, c’est d’armer et de soutenir la rébellion républicaine et modérée pour faire contrepoids. Mais plus on attend, plus le désespoir gagne et plus elle perd du terrain. »

http://www.parismatch.com/Actu/International/Surenchere-dans-l-horreur-528604

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75772

"Ces enfants dorment-ils ou sont-ils morts ?"

La Libre

Jonas Legge Publié le mardi 24 septembre 2013 à 15h47 - Mis à jour le mardi 24 septembre 2013 à 22h23

Il arrive que des personnes soient réduites à manger des rats et de l'herbe."

La députée européenne Véronique De Keyser (PS) a suscité la polémique la semaine dernière pour avoir rencontré le président syrien Bashar al-Assad. Outre cette entrevue, la socialiste s'est rendue dans des camps de réfugiés libanais pour se confronter à la situation humanitaire dans la région. Elle évoque un "génocide humanitaire".

Pouvez-vous nous décrire les camps de réfugiés au Liban ?

Je suis d'abord allée à Chatila, près de Beyrouth, là où se trouvent les plus précarisés, ceux qui sont rejetés de partout. Les réfugiés qui arrivent au camp de Chatila sont traumatisés, blessés. La promiscuité y est épouvantable : les gens se retrouvent à 30 dans des pièces. Mais là où ça devient dantesque, c'est dans la plaine de la Bekaa, dans l'est du Liban. On estime qu'il y a 500 000 réfugiés, même si le Haut-Commissariat des Nations Unies ne parvient pas à les enregistrer. Or, les fonds de ce Commissariat ne couvrent pas 30% des besoins. Du coup, les manques sont terribles. Il n'y a pas d'eau, ils doivent donc en acheter mais ils n'ont pas d'argent. Les écoles sont rares, et lorsqu'il y en a une, le manque d'essence empêche de les rejoindre. On voit réapparaître des maladies qui n'existaient plus, comme la polio ou la tuberculose. Des enfants sont entièrement mangés par des vermines qui pénètrent dans la peau...



Les réfugiés trouvent-ils de quoi se nourrir ?

Il arrive que des personnes soient réduites à manger des rats et de l'herbe, comme en Syrie, dans les zones encerclées. Les gens me disent "C'est comme Berlin en 45". Il n'y a pas de mot pour comparer ça...



Le terme "génocide humanitaire", qui est de plus en plus régulièrement utilisé, n'est donc pas exagéré ?

On se dirige en effet vers un génocide humanitaire. Puisque l'hiver approche, et qu'il est très rigoureux dans la Bekaa, toutes les ONG, l'Union européenne,... tirent la sonnette d'alarme et disent "Ils vont mourir" ! On estime que le nombre de morts sera bien plus important que suite aux attaques par armes conventionnelles ou chimiques. C'est un des trucs les plus terribles que j'ai vus, alors que je suis allée un peu partout... Il faut aussi imaginer que ces réfugiés se trouvent dans des zones inondables. Résultat : le campement et les familles gisent parfois dans la boue, ce qui multiplie les maladies.



Avez-vous eu l'occasion de discuter avec certains réfugiés ? Leur détresse doit être insoutenable...

Ils sont encore complètement déboussolés, traumatisés, hébétés par les combats. Certains ont perdu des membres de leur famille. Les gosses ne sourient plus. On voit qu'ils crèvent de faim. J'ai vu des enfants qui pendouillent dans les bras de leur mère, et je me suis demandée "Dorment-ils ou sont-ils morts ?". C'est en m'approchant de l'un d'eux que j'ai constaté que son visage était mangé par des plaques. Cela se soigne mais il faut de l'argent pour cela, sinon l’hôpital ne vous prend pas en charge...



Qui doit gérer ces réfugiés ?

En Syrie, une quarantaine d'ONG travaillent avec eux. Et la ministre des Affaires sociales, qui est une femme énergique, qui fait du bon boulot, coordonne le tout. Mais en période de guerre, l'accès aux zones encerclées est difficile. Alors qu'elles tentent de couvrir les besoins, certaines ONG se font prendre par les groupes armés. D'autres fois, il faut négocier avec chacun des groupes terroristes, dont al-Nosra, pour essayer de passer. En Syrie, on est obligé de négocier avec le diable.

Au Liban, le gouvernement est en affaires courantes et il ne prend donc aucune décision. Dès lors, il n'y a pas cette coordination. L'UE tente de s'en charger mais les personnes sur place doivent procéder à du ciblage et donc choisir à qui ils vont apporter de l'aide. J'ai assisté, dans la Bekaa, à des batailles entre réfugiés car certains se plaignent d'être défavorisés. Mais comment appliquer des critères objectifs lorsque vous devez choisir entre ceux qui sont prêts à mourir et ceux qui sont pauvres... Toute cette région risque de devenir un nouveau Sahel. D'autant que 5000 nouveaux réfugiés arrivent tous les jours à la frontière. Si la guerre dure, qu'est-ce qu'on va faire de ces gens ?

Après votre passage au Liban, vous vous êtes retrouvée en Syrie, où vous avez rencontré Bashar al-Assad. Avez-vous parlé de cette crise humanitaire avec le président syrien ?

Oui, très longuement. Il a évoqué les efforts, l'impulsion qu'il avait donnée pour l'aide. Tout cela m'a été confirmé par les ONG. Bashar aurait dit, il y a un an déjà, que tout civil syrien a droit à l'aide humanitaire. Il y a donc une politique à ce sujet. Mais des obstacles subsistent, concernant notamment l'acheminement. Cependant, tout cela n'est pas de sa seule responsabilité. Les endroits où il y a les pires problèmes sont ceux détenus par des groupes armés, qui ne dépendent pas du gouvernement... Quant à la question de l'humanitaire, une porte est assez largement ouverte par Bashar al-Assad, même s'il faudra encore plus travailler avec lui. J'espère ne pas être la seule à rencontrer les autorités syriennes. On doit arriver à une solution politique. Cela prendra du temps. D'ici là, il y aura encore des centaines de milliers de morts et des réfugiés qui vont continuer à arriver...



Bashar al-Assad est-il vraiment un interlocuteur fréquentable ?

J'ai assez dénoncé son régime, je suis l'auteure d'une résolution demandant son départ, qui a été votée 3-4 jours avant mon vol vers le Liban. Je savais ce que je faisais en le rencontrant. Je pense que l'humanitaire est le domaine où l'on fréquente tous ceux qui ont une partie du contrôle sur la situation. Vous savez, aujourd'hui l'ONU négocie avec al-Qaeda pour passer à certains endroits. Or, al-Qaeda n'est pas beaucoup plus fréquentable que Bashar al-Assad...



Mais ne craignez-vous pas de lui donner de la légitimité ?

C'est ce que certains m'ont reproché. J'ai envie de pleurer de rire ou de désespoir... J'ai pris mes précautions : j'ai demandé à ce qu'il n'y ait pas photo de la rencontre et je ne suis pas parue dans les journaux. Mais qu'on le veuille ou non, il est soutenu par une grande partie de la population syrienne. Ce qui lui donne la légitimité, c'est le fait que les Syriens ont l'impression d'être aux mains d'interférences étrangères : Arabie saoudite, Qatar, Iran, Russie, etc. La crainte de la population de voir la Syrie devenir un Etat islamiste radical est un autre facteur de légitimité pour Bashar al-Assad.



http://www.lalibre.be/actu/international/ces-enfants-dorment-ils-ou-sont-ils-morts-524154e43570bed7db9d7363

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75771

Syrie: Minsk et Erevan soutiennent la position de Moscou (déclaration)

RIA Novosti


16:31 23/09/2013


SOTCHI, 23 septembre - RIA Novosti

Minsk et Erevan soutiennent la position russe sur le règlement du conflit en Syrie, ont déclaré lundi les présidents biélorusse et arménien, Alexandre Loukachenko et Serge Sargsian, lors du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) qui se déroule à Sotchi (sud de la Russie).

"Sur la Syrie ainsi que sur une série d'autres questions, nous agissons dans le même esprit que la Fédération de Russie", a déclaré M.Loukachenko.

Serge Sargsian a de son côté déclaré que l'Arménie militait en faveur d'un règlement rapide du conflit syrien sur la base d'un dialogue national.

"Dans ce contexte, nous saluons l'accord russo-américain sur le règlement politique du conflit syrien", a ajouté le président arménien.

Le 14 septembre, les chefs de diplomatie russe et américain, Sergueï Lavrov et John Kerry, se sont mis d'accord à Genève sur les modalités de mise sous contrôle international des armes chimiques syriennes et de leur destruction d'ici le milieu de 2014.

Créée en 2002, l'Organisation du traité de sécurité collective, qualifiée par certains analystes d'"Otan russe", est une organisation à vocation politico-militaire qui regroupe à ce jour l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie et le Tadjikistan.

http://fr.ria.ru/world/20130923/199373728.html

http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75788


    1. AZERBAIDJAN/RUSSIE

Dépêche de l'APA [ 23 Septembre 2013 17:48 ] - Agence de Presse d'Azerbaïdjan

Le Collectif VAN vous propose un article de l'APA (Agence de presse azérie) daté du 25 septembre. Les articles de ce site (écrits généralement dans un français rudimentaire) ne sont pas commentés de notre part. Ils peuvent contenir des propos négationnistes envers le génocide arménien ou d'autres informations à prendre sous toute réserve.

APA


Ministère des Affaires étrangères de l'Azerbaïdjan exclut Alexei Mitrofanov et trois autres personnes de la liste des « persona non grata »

[ 23 Septembre 2013 17:48 ]

Bakou. Chamil Alibayli - APA. Le Ministère des Affaires étrangères de l'Azerbaïdjan a exclu quatre étrangers de la liste des personnes qui ont visité illégalement les territoires occupés.

APA rapporte que Alexeï Mitrofanov, membre de la Douma de la Russie, James Brooke, chef du bureau de la VOA (Voix de l'Amérique) à Moscou, Ivan Benovich et Nicholas Vondra - étudiants de l’Université Johns-Hopkins ont été exclus de la liste « persona non grata ».

Ils ont fait appel au gouvernement de l'Azerbaïdjan et ont exprimé leurs remords dans le cadre de l'événement.

Après ça leurs noms ont été retirés de la liste des « persona non grata »



  1. http://fr.apa.az/xeber_minist__re_des_affaires___trang__res_de_l_a_20655.html

  2. http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75785


    1. GENOCIDE DES TUTSI

Nota CVAN : Nous ne commentons pas les informations de la presse francophone que nous relayons sur notre site. Lorsqu'ils traitent du génocide des Tutsi, certains journalistes utilisent le terme simplificateur de "génocide rwandais". Or, l'expression "génocide rwandais" réhabilite le négationnisme et son double génocide (celui des Tutsi par les Hutu et des Hutu par les Tutsi). C'est aussi la thèse des autres négationnistes qui justifient le crime des Jeunes-Turcs contre le peuple arménien par des crimes d'Arméniens contre des Turcs. Le négationnisme se combat par la rigueur des mots d'histoire. Au lecteur d'avoir cet avertissement en mémoire, pour mieux analyser les articles de notre Revue de Presse. En revanche, nous remercions les journalistes qui mettent en pratique la rigueur nécessaire à ces thématiques sensibles.

Nous relayons aussi les articles concernant les crimes de guerre décrits récemment comme un "génocide" perpétré au Congo par les forces armées rwandaises entre 1993 et 2003, selon la version préliminaire d'un rapport de l'ONU. Mais nous attirons l'attention de nos lecteurs sur le fait que, même lorsqu'ils sont publiés dans les plus grands titres de la presse française et internationale, certains articles émanent essentiellement - et faut-il s'en étonner - des cercles négationnistes proches des milieux du Hutu Power, responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Est-ce une manière pour eux de transformer leurs victimes en bourreaux ? Sans vouloir prendre partie sur des faits qui méritent encore d'être étudiés, il importe de rester vigilants car nous connaissons ce processus avec les propagandes turques et azéries, également très puissantes au sein d'organismes internationaux tels que l'ONU.



Un couple de Reims chasse les génocidaires rwandais exilés en France

  1. 20minutes.fr

    Créé le 24/09/2013 à 16h32

    PORTRAIT – Depuis quinze ans, Alain et Dafroza Gauthier traquent les hutus exilés en France qui sont soupçonnés d’avoir pris part au massacre de 800.000 personnes en 1994…

    Quand il prépare à manger, Alain Gauthier oublie souvent le sel. Mais jamais ses dossiers. Le temps de cuire un saumon en papillote est égal à celui nécessaire pour lire deux procès-verbaux. Depuis plus de quinze ans, avec sa femme Dafroza, il traque les génocidaires présumés rwandais exilés en France.



    «Il reste encore de jolis cous à trancher»

    Leur minuterie à eux s’est vraiment déclenchée, en 2001, à Bruxelles. La Belgique a été le premier pays à juger des Rwandais pour leur participation au massacre qui coûta la vie à 800.000 personnes en treize petites semaines de l’année 1994.

    Le jour du procès belge, Dafroza pouvait encore sentir le souffle de l’horreur sur sa nuque. «Il reste encore de jolis cous à trancher», murmura ainsi l’un des soutiens aux accusés hutus quand elle pénétra dans la salle d’audience.

    Elle a perdu sa mère, ses voisins, ses amis…

    Membre de la minorité tutsie, Dafroza a fui son pays dans les années 1970. Quand le génocide débute, vingt ans plus tard, sa vie est donc à Reims. Mais sa famille, elle, est encore au pays. «Le téléphone sonnait sans cesse, raconte-t-elle. A chaque fois, c’était pour nous annoncer un mort.»

    Un voisin, un ami, un neveu. Et finalement sa mère. «On a essayé d’alerter, raconte Dafroza, 59 ans, chimiste de profession. Mais les autorités françaises ne nous ont jamais répondu. On a donc décidé d’enquêter nous-mêmes.»

    Vingt-cinq plaintes en tout

    Après avoir repéré les génocidaires présumés exilés en France, le couple passe son temps à constituer des dossiers. «On part au Rwanda, on recueille des preuves, des témoignages de victimes et on revient déposer plainte en France», explique Alain, enseignant à la retraite. Dans leur bureau, les dossiers sont bien alignés. Vingt-cinq en tout.

    «Avec des moyens, on pourrait en trouver cinquante de plus », poursuivent les Gauthier dont le combat rappelle celui des Klarsfeld, chasseurs de nazis. « L’histoire est un éternel recommencement, hélas…», conclut Dafroza.


    Muhayimana et Musabyimana extradés ce mercredi?

    Ils font partie de la liste d’Alain et Dafroza Gauthier. La cour d’appel de Paris doit examiner, ce mercredi, les requêtes visant à extrader Claude Muhayimana et Innocent Musabyimana vers le Rwanda. Accusés d’avoir participé au massacre en 1994, ils pourraient être les premiers génocidaires présumés extradés par la France. Le parquet général a préconisé cette solution alors que, jusqu’ici, la justice s’y était toujours opposée.




  2. http://www.20minutes.fr/societe/1227217-20130924-couple-reims-chasse-genocidaires-rwandais-exiles-france

  3. http://www.collectifvan.org/article.php?r=4&id=75783



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