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Théâtre de la Jacquerie, Villejuif Maquette : a mollot Texte et traduction nouvelle : c merlant


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Basil : A l’instant même de notre rencontre tu m’as fasciné Dorian

J’aurais voulu t’avoir pour moi seul

Au point d’être jaloux que tu parles à d’autres

Les semaines passaient j’étais toujours sous ton charme

Je te peignais tantôt en Paris en armure, tantôt en Adonis chasseur

Tantôt en Narcisse le visage penché sur un étrange lac

Je peignais toujours Idéal et Lointain

Un jour, - sans doute fatal – j’ai décidé de te peindre tel que tu étais vivant et présent

Dégagé de tous ces oripeaux mythologiques

A mesure que je travaillais Dorian



(Basil s’approche de Dorian et va toucher son corps en parlant de son tableau)

Chaque touche, chaque couleur semblait me trahir

J’avais trop mis de moi-même je craignais qu’on découvre mon secret

Tu est fait pour être adoré Dorian

Et je t’adore dans ma peinture même

(En s’éloignant)

Il ne faudra Dorian le montrer à personne lorsqu’il sera achevé

Mon Dieu non à personne

Ça ne regarde personne


Lord Henry : (arrivant) Cher ami Victor m’a dit votre absence mais je suis désolé

Il fallait que je vous voie : oubliez tout cela


Dorian Gray : Vous voulez dire Sybil Vane ?
Lord Henry : Bien sûr ! C’est terrible mais d’un certain point de vue

Vous n’êtes pas responsable .

Dites : êtes vous allé la voir après le spectacle ?
Dorian Gray : Oui.
Lord Henry : Vous lui avez fait une scène ?
Dorian Gray : J’ai été brutal, terriblement brutal Harry

Mais maintenant c’est fini…


Lord Henry : Ah je préfère entendre cela Dorian !

Je craignais de vous trouver plongé dans le remords et arrachant vos jolis cheveux


Dorian Gray : C’est fait, j’ai déjà donné…

Maintenant Je suis parfaitement heureux et j’ai bonne conscience

Ne souriez pas Harry, la bonne conscience

C’est ce qu’il y a de plus divin en nous


Lord Henry : Voilà un point de départ charmant et artistique pour bien se conduire… !

Par où comptez-vous commencer Dorian ?


Dorian Gray : Je commencerai par épouser Sybil
Lord Henry : (bouleversé) Epouser Sybil Vane ?!

Mais mon cher Dorian…


Dorian Gray : Non… pas d’horreurs sur le mariage Harry…

Il y a deux jours j’ai demandé à Sybil de l’épouser et elle sera ma femme


Lord Henry : Votre femme... ? Alors vous ne savez rien ?
Dorian Gray : Que dois-je encore apprendre de vous ?
Lord Henry : Dorian, Sybil est morte !
Dorian Gray : Morte ? C’est faux ! Vous mentez horriblement
Lord Henry : C’est vrai. Absolument vrai

C’est dans tous les journaux du matin

Il y aura une enquête il ne faut surtout pas y être mêlé

Je suppose qu’au théâtre ils ignorent votre nom


Dorian Gray  Vous parlez d’une enquête ?

Mais… Harry, dites moi tout…


Lord Henry : On l’a retrouvée morte sur le sol de sa loge
(Sybil passe, fantomatique)
Sybil : Mon amour, mon Prince Charmant…
Lord Henry : C’est un « accident » Dorian !

Elle a avalé « par erreur » un de ces produits horrible qu’on utilise au théâtre


Sybil : De l’acide prussique, Prince Charmant, prussique…
Dorian Gray : Mais c’est atroce.
Lord Henry : Oui, bien entendu que c’est tragique ! Elle avait 17 ans…

Mais il ne faut pas être mêlé à ça…

Et pour changer d’air vous venez dîner avec moi

Et après… à l’Opéra ! La Patti chante ce soir on y sera tous…


La conteuse : J’ai donc assassiné Sybil Vane se disait-il

Et pourtant les roses ne sont pas moins belles

Les oiseaux chantent aussi heureux dans le jardin

Et ce soir je mangerai j’irai à l’Opéra et souperai encore après…

Mais la vie Henry est le pire des drames de théâtre !
Lord Henry : (sort une cigarette) Mon petit…

Si tu avais épousé cette jeune fille tu aurais été très malheureux

Tu aurais été « gentil » avec elle

On est toujours « gentil » tu le sais avec les gens qui nous indiffèrent



Dorian Gray : Vous avez sans doute raison

Je pensais que c’était mon devoir…

Mais comment se fait-il que je ne sois pas plus ému

Je ne suis pourtant pas sans cœur…


Lord Henry : Observe réfléchis…

Vois comme c’est curieux : le tragique dans la vie c’est violent mais vulgaire

Aucun style aucune théâtralité rien de Beau qui émeuve qui élève…
Dorian Gray : C’est pourtant une tragédie grecque

J’y ai joué un rôle important...


Lord Henry : Oui… il y a une part de Beauté dans la mort de cette petite

Et tu l’as senti parce que tu n’étais pas qu’acteur

Tu t’es regardé vivre et tu as moins souffert…
Dorian Gray : J’ai pourtant été cruel je devrai me sentir coupable… !
Lord Henry : Mais les femmes apprécient par-dessus tout la cruauté

On a beau les avoir affranchies

Leur instinct primitif c’est celui de l’esclave qui cherche son maître

Au fait je ne vous ai jamais vu déchaîné vous deviez être superbe !


Dorian Gray : Elle a joué son dernier rôle seule et dans une loge
Lord Henry : Ne gaspillez pas vos larmes pour Sybil Vane
La conteuse : Le crépuscule assombrit la pièce

Sans bruit les ombres du jardin progressent sur leurs pieds d’argent

Les couleurs fatiguées abandonnent les objets qui se fanent
Dorian Gray : Comme vous me connaissez bien…

Je sentais tout cela sans pouvoir l’exprimer

Vous êtes un vrai ami…
Lord Henry : … et ce n’est qu’un début

Au fait Dorian, où est le Portrait ?


Dorian Gray : Quel portrait ?
Lord Henry : Votre portrait voyons, enfin celui de Basil
(il veut monter vers le promontoire).
Dorian Gray : Non ! Je l’ai fait envoyer à la campagne

Il m’agaçait…


Lord Henry : Quel dommage !

Allons dîner



(En partant)

quand à l’Opéra c’est la Patti qui chante

Tout Londres est là et tout s’efface…
(Peut-être un retour au portrait)
La conteuse : Une heure plus tard, Dorian était à l’Opéra

Fin du chapitre 9 !

Chapitre 10 ! , - eh oui ça vous étonne… ? 9 et après c’est 10…

Le Portrait a un regard terrifiant de cruauté

Etait-ce le regard de Basil qui l’aimait si noblement ? Allez savoir

Et en plus du regard le reste ça laissait prévoir l’horreur totale la putréfaction !

Tous les péchés les bassesses les désirs pervers et puis

Les joues qui se creusent, des pattes d’oies jaunes autour des yeux

Les cheveux qui ternissent la bouche qui s’effondre et qui donne l’air bête

Le cou plein de rides et les mains pleines de grosses veines bleues

La vieillesse quoi, vous voyez le Tableau !

Il fallait cacher tout ça bien sûr !

Donc Dorian il panique complètement à l’idée

Qu’un seul regard autre que le sien puisse voir son Portrait…

Il le fait monter bien enveloppé dans une tenture

Dans le grenier de son enfance dont il a lui seul la clé

Comme ça on passe directement au chapitre 11

Ou Dorian lit un étrange petit livre broché à couverture jaune


(Entre Dorian Gray qui tient un livre et lit passionnément).
Dorian Gray : Le culte des sensations a été enfoui sous un puritanisme dégénéré

Mais voici que se lève un Nouvel Hédonisme qui sauvera la Vie

Les temps modernes reconstruiront un monde Neuf

Où l’ardeur du Plaisir écrasera les langueurs de la Vertu


(Lord Henry, la conteuse, et une jeune femme l’observent au centre)
La conteuse – Voilà … Je vous avais prévenu
Lord Henry : (en comptant) Dans ce chapitre des années passent

On Dorian se livre à toutes les passions

Il distillait des parfums précieux, s’enivre de musique africaines ou aztèques

On le voit dans les soirées folles d’une villa de Trouville ou d’une petite maison blanche à Alger

Des soirées étranges ou paré de bijoux et les bras chargés d’orchidées

Vêtu parfois de chasubles de prêtre il fumait

Le regard perdu emporté par des musiques crépitantes ou aériennes

Toujours avec ce petit livre jaune que je lui avais donné




La conteuse : Vous savez ce Petit Livre Jaune…

Le héros c’est un jeune Parisien qui a décidé de passer sa vie

A essayer tous les vices à faire tout ce qu’il faut pas

Un livre de malade quoi !


Dorian Gray : Si nos désirs sont devenus bestiaux et nos plaisirs brutaux

C’est qu’on a tenté de les soumettre par la souffrance et par la faim

Mais l’Age du Renoncement s’achève et l’esprit servira nos plaisirs…

Plutôt que de souffrir de ne pas jouir il faut jouir quitte à souffrir !


La jeune femme - Voilà forcément on en arrive là…

Il se passionnait pour les grands assassins et le crime

Couteaux poignards

Poisons minutes poisons retard

La rumeur du scandale s’élevait

On prétendait qu’il se battait avec des marins étrangers dans les bars

Qu’il fréquentait les voleurs les faux-monnayeurs

On en parlait !


(Petite danse de Dorian)
Dorian Gray : Moi ? Calomnies insultes insolences !

Je rayonne de franchise et de courtoisie

Voyez plutôt que d’écouter…

Quel plus beau plaidoyer que la beauté de l’innocence et de la jeunesse ?


La jeune femme : Oui mais certaines femmes qui l’avait adoré

Pâlissait de honte et quittaient les salons où il apparaissait

Et vous savez ?

Hé bien l’odeur du souffre ça lui donnait encore plus de charme !

Le souffre devenait de l’encens et les malédictions en faisait un maudit…
(Ici intervient une séquence de suggestion des 1001 plaisirs de Dorian sur une musique qui va des Beatles jusqu’au rock le plus hard. Ainsi, 25 années passèrent. Ravi Shankar puis tourne au brutal…)
La conteuse : Dorian il allait quand même sur ses 55 ans…

Mais regardez il est toujours aussi beau et lumineux !

Et faire le mal c’était devenu pour lui un des beaux-arts

Et sa lumineuse et parfaite beauté étaient toujours là.

« Que sera sera et qui vivra verra » !

C’est arrivé un soir de brouillard vers Onze heures

Je veux dire de brouillard « épais »

(elle rigole) à Londres on dit pas « soir de brouillard » ! On dit « le soir… »


(apparaît Basil, vieilli.)
Basil : Dorian ! Dorian ! Quelle chance je suis chez vous depuis 9 heures
(Dorian fait mine d’éviter Basil qui finalement le rattrape)
Dorian Gray : (Dorian feignant la surprise) Vous Basil !

Par un tel brouillard et la valise à la main…


Basil : Je pars pour 6 mois à Paris

J’ai un grand tableau en tête

Mais je voulais te voir pour parler de toi entrons un instant…
Dorian Gray : Avec grand plaisir

Mais ne vas-tu pas manquer ton train ?


Basil : J’ai une heure devant moi.
(Les autres comédiens installent l’appartement de Dorian)
Dorian Gray : Entre donc mais évitons les sujets sérieux

D’ailleurs par les temps qui courent tout est léger ou devrait l’être

Un verre de vin du Rhin ?
Basil : Merci je ne prendrai rien
(Pendant cette scène, les 3 conteurs jouent les meubles, passent les objets aux 2 personnages, et font des commentaires, froidement. Ils peuvent tenir un réverbère ou une fenêtre, représentent le feu dans la cheminée etc…).
Dorian Gray : Réchauffe-toi donc…
Basil : Dorian, je dois te parler très sérieusement

Ne fronce pas le sourcil


Dorian Gray : J’espère qu’il ne s’agit pas de moi

Ce soir je suis fatigué de moi et voudrais bien être un autre


Basil : Il s’agit de toi

Je ne te retiendrai pas plus d’une demi-heure


Dorian Gray : (allume une cigarette) Une demi-heure !
Basil : (cherchant son regard) Il faut que tu saches que dans Londres

On raconte des horreurs sur toi


Dorian Gray : Je ne veux pas les connaître

J’adore les ragots sur les autres

Ceux qui me concernent m’ennuient

Il leur manque le goût du nouveau


Basil : Note que je ne crois pas à ces rumeurs quand je te vois

Je sais que le péché et les vices se lisent sur les visages

Ton visage et la franchise de ton regard parlent pour toi

Mais Dorian comment se fait-il

Que le duc de Berwick quitte le Club quand tu y rentres ?

Et que Lord Staveley dise publiquement l’autre jour

Qu’on ne pet te présenter à aucune jeune fille pure à aucune femme honnête ?

Je ne peux pas entendre ça

Et même que ton amitié est fatales aux jeunes hommes

L’un se suicide, l’autre ruine sa réputation, tel autre se fait tuer…


Dorian Gray : Cesse de parler de ce que tu ignores Basil

Si l’on me me fuit ce n’est pas qu’on connaisse tout de ma vie

C’est que je n’ignore rien de celle des autres… !

Je n’ai pas à enseigner le vice et la débauche à ces gens


Basil : C’est sur ses influences qu’on juge un homme

Or tous tes amis ont perdu le sens de l’honneur, de la vertu, de la pureté

Tu peux toujours sourire…
Dorian Gray : doucement Basil

Tu vas trop loin…


Basil : Non je te parle et tu m’écoutes

Tu rencontres Lady Gwendolen

Le moindre soupçon de scandale ne l’a jamais effleurée

Aujourd’hui aucune femme convenable de Londres n’ose se montrer avec elle

On lui a retiré ses enfants

On t’aurait vu le soir et à l’aube entrer et sortir déguisé des lieux les plus infâmes

J’ai eu la confession d’une femme avant sa mort. Je te connaissais à fond. Je me demande à présent si je te connais. Il me faudrait…
Dorian Gray : Que sans les yeux ni les oreilles qui peuvent tromper

Tu puisses voir directement mon âme…

N’est-ce pas Basil ?
Basil : (grave) Oui Dorian… Mais seul Dieu…
Dorian Gray : (rire amer et étrange) Ah Basil, Basil…

Laisse donc Dieu dans son Bonheur et sa Solitude…

Ne le mêle pas à tout cela…

Mon âme tu veux la voir ? Tu vas la voir ce Soir !

La Corruption… Tes peurs en ont suffisamment parlé

Ce soir je vais te la montrer en face

Tu pourras voir ce que Dieu seul peut voir…
Basil : il suffit que tu dises une parole

Que tu dise « Basil tout cela est faux » et je serai guéri

Je te croirai…
(Dorian monte sur le promontoire, près du portrait)
Dorian Gray : (on ne sait si c’est du mépris ou de la pitié)

Monte avec moi Basil suis-moi

Je vais te montrer le journal fidèle de ma vraie vie

Il s'écrit chaque jour mais ne quitte pas la pièce où je l’écris

Suis-moi…
Basil : Si tu le souhaites Dorian (il regarde une montre) le train est parti

Mais je ne te demandais qu’une parole qu’une réponse


Dorian Gray : (joueur)

La réponse est là, Basil, là …



(Basil monte lentement l’escalier. Dorian est pris de fou rire).
Dorian Gray : Tu veux vraiment savoir Basil

Tu es le seul qui le mérite, nos vies sont plus liées que tu ne le crois

Allez, tire le rideau comme Dieu tu verras mon âme
Basile – Tu délires ou tu joues Dorian ?
Dorian Gray - Tu hésites ?

Alors c’est moi qui tire le rideau…


(Il tire le rideau. Basil est horrifié. Les conteurs entourent Basil et le manipulent).
Conteur 1 : Jamais mais jamais il n’avait peint cela

C’était un visage hideux, ignoble, dégoûtant


Basil : Ce n’est pas moi qui ai fait cela !
Conteur 2 : Mais si ! sous les immondices regarde on devine encore un beau trait…
Conteur 3 : L’atmosphère devient fiévreuse fantastique un cauchemar !
Conteur 2 : Sa bouche se contracte, son sang se gèle…
Conteur 1 : Sa langue se dessèche il ne peut plus parler
Conteur 2 : Et son front dégouline de sueur…
Basil : Que s’est-il passé ?!
Dorian Gray : (il broie une fleur dans sa main) Basil il y a des années j’étais encore enfant

Tes flatteries m’ont rendu vaniteux

Henri ton ami m’a révélé les miracles de la jeunesse

Et ton portrait ceux de la Beauté



(il parle comme si il racontait une histoire à un enfant)

Dois-je le regretter ? J’ai formulé un vœu….


Basil : Je me souviens…

Mais c’est impossible c’est la moisissure ou mes couleurs qui se sont corrompues….


Dorian Gray : Tout est possible Basil malheureusement…

Ton tableau est détruit mais il m’a aussi détruit…

Tu n’y retrouves plus ton idéal n’est-ce pas ?
Basil : Mon « idéal » comme tu dis…
Dorian Gray : Comme « tu disais » Basil…
Basil : Mais il n’avait rien de laid rien de méchant

Tu a été pour moi l’Idéal et ça c’est un visage monstrueux corrompu


Dorian Gray : Et c’est pourtant le visage

Ou le paysage dévasté de mon âme Basil

Chacun de nous porte en lui le Ciel et l’Enfer
Basil : (bredouillant) Mon Dieu si c’est le reflet de ta vie c’est pire que ce qu’on dit !

Quelle leçon Dorian, quelle affreuse leçon

tu es puni de tes fautes…
Dorian Gray – et toi tu es puni des tiennes Basil

La Beauté l’Idéal c’est tentant… Tu m’as révélé la tentation

La Beauté ce poison délicieux du Diable…
Basil : Dorian notre Orgueil a été exaucé

Notre repentir peut l’être… Il faut prier…


Dorian Gray : Il est trop tard Basil.
Basil : Il n’est jamais trop tard Dorian

Je me rappelle la prière de notre enfance

Tu peux dire avec moi : « Ne nous abandonnez pas…

Pardonnez nos offenses… Lavez-nous de nos méchancetés… »


Dorian Gray - Ces paroles ne signifient plus rien pour moi… c’est bien trop tard tu as raté ton train 6
Conteur 1 : (regardant Dorian) Un sentiment de haine incontrôlable le submerge

La force sauvage d’une bête traquée


Conteur 2 : Il exècre il vomit l’homme qui lui fait face
Conteur 3 : (qui tient un couteau) ses yeux s’arrêtent sur un objet qui brille sur la table (Dorian prend le couteau).
Conteur 1 : Et qu’ils meurent les artistes !
Conteur 2 : Le couteau plonge dans la veine juste derrière l’oreille
Conteur 3 : Il tape la tête contre la table il frappe il écrase
Conteur 2 : Les mains de Basil tentent d’accrocher l’air
Conteur 1 : Le sang goutte sur le plancher le sang goutte à goutte
Conteur 3 : Il jette le couteau écoute le silence
Conteur 1 : Si peu de temps pour conclure

Une telle aventure

Dorian se sentait étrangement calme
(Les 3 conteurs remontent le corps dans l’atelier).
Conteur 2 : (il va sur le balcon) Le ciel cette nuit sommeillait

Comme une immense queue de paon

Piquée de milliers d’yeux dorés qui regardaient
Conteur 3 : Ils n’auraient pas de preuves personne n’avait vu

Basil Hallward avait pris le train de minuit


Conteur 1 : Basil était à Paris
Conteur 2 : Comme prévu
Dorian Gray : Le Portrait était mon premier secret

La mort de son Auteur sera le second secret

Quoi de plus ?
Conteur 1 : (allume une cigarette, prend un bottin) Il prit l’annuaire sur son étagère (Dorian cherche).
Conteur 2 : Alan Campbell 152 Hertford street ce sera lui
Conteuse 1 : Le lendemain matin vers 9 heures

Le ciel est clair l’air doux et le soleil de novembre

Réchauffe de ses rayons le cadavre du mort
Conteuse 2 : monsieur ? M Campbell Monsieur.
Dorian Gray : Alan, c’est gentil à toi d’être venu.
Alan : J’avais juré de ne plus jamais mettre les pieds chez toi Gray

Mais tu me dit que c’est une question de vie ou de mort


Dorian Gray : Oui, Alan, plutôt une question de mort…

Et qui concerne plus d'une personne

Assieds toi

(un temps)

Alan dans une pièce fermée à clef en haut de cette maison

Il y a un mort assis à une table depuis maintenant 10 heures

Tranquille… Ne fais pas cette tête

Qui est cet homme ? Pourquoi est-il mort ? Comment ?

Ce n’est pas ton problème…

Ton problème c’est de…
Alan : Ne va pas plus loin Gray

Je n’ai rien entendu et je ne saurai rien mais tes secrets ne me concernent plus.


Dorian Gray : Désolé Alan il faut bien que tu sois concerné…

Tu sais que tu ne peux rien me refuser sans être très « concerné »…

Je m’adresse au chimiste Alan, à l’homme de science et d’expérience. La chose qui est là-haut doit disparaître sans laisser la moindre trace

On le croit à Paris il faudra des mois pour s’inquiéter de son absence


Alan : Tu es fou Dorian.
Dorian Gray : Ah ! « Dorian » ! C’est tellement plus délicat que Gray…
Alan : Tu es fou de m’avouer cette monstruosité… Je refuse.
Dorian Gray : Mais Alan…C’est un suicide…
Alan : Qui l’y a poussé ? Toi sûrement !
Dorian Gray : Tu refuses ?
Alan : Catégoriquement. Tu t’es trompé de personne

Et je ne te plaindrai pas si ça fait un scandale de plus à ton crédit


Dorian Gray : Bien Alan…

C’est un meurtre. Je l’ai tué

Il le méritait mais le fait est là…
Alan : Tu en es donc arrivé là ?

Je ne te dénoncerai pas, ce n’est pas mon métier mais Dieu du ciel !


Dorian Gray : Et il faudra t’en occuper Alan

Comme de ces cadavres que tu croises dans les morgues et les hôpitaux

Détruire faire disparaître c’est beaucoup plus simple que disséquer expertiser

Nous avons été amis autrefois Alan.


Alan : Ces jours sont morts oublie-les !
Dorian Gray : Tu le sais bien Alan les morts inquiètent parfois les vivants

Moi on me pendra

Mais si j’envoie cette lettre tu ne seras pas épargné
Alan : Je refuse
Dorian Gray : (il lui tend une lettre) Lis. Elle est déjà rédigée…

Si tu ne m’aides pas j’aurai le chagrin d’expédier son double


(Alan lit la lettre et devient livide)
Dorian Gray : Alan ne fais pas cette tête

Pourquoi se poser des problèmes quand on n’a pas le choix ?

C’est tout simple… on agit

(Alan disparaît derrière le rideau tiré sur le promontoire).
Conteuse 1 : Allons…

Déplaçons-nous un peu dans le temps allons au lendemain soir par exemple

Dorian fait le beau est dans le salon de Lady Agatha, tiens voici Lady Narborough…

(elle joue le personnage)
Lady Agatha - Mon cher petit si j’avais mes 20 ans je serais tombé amoureuse folle de vous

J’aurais jeté mon bonnet par-dessus les moulins !

Il m’a toujours manqué une amourette… Mais c’est la faute de mon mari

Narborough était myope ! Quel plaisir aurais-je pu trouver à tromper un mari qui n’y voyais goutte !?


(Lady Agatha lui offre une coupe de champagne).
Dorian Gray : A présent qu’il est mort vous pouvez courir

Sur une vie pavée d’amourettes !


Lady Agatha - Oh Dorian taisez-vous ! je vous abandonne un instant

Ma fille et son mari arrivent de leur campagne

Ils sont très heureux et pensent peu

A la campagne vous savez comme c’est on se lève tôt et se couche tôt…


Dorian Gray : Je vois… Pas le moindre miette de scandale à se mettre sous la dent !

Ça favorise le sommeil…


Lady Agatha : (rire) Vous venez tout à l’heure vous asseoir près de moi

Vous me distrairez… Je l’exige !


Dorian Gray : Bien plus qu’un honneur très Chère ce sera un plaisir…
La Conteuse 1 : Dorian ressentait cette étrange jouissance

De ceux qui mènent une double vie….



(Alan Campbell réapparaît de derrière le rideau).
Alan : Je n’y arrive pas…
Dorian Gray : (souriant de loin à Lady Agatha) Tu n’as pas le choix
Alan : Il y a du feu dans la chambre là-haut ?
Dorian Gray : Un radiateur à l’amiante
Alan : Je rentre chez moi je vais chercher des fournitures dans mon laboratoire
Dorian Gray : Pas question Allan tu écris et mon domestique prend un fiacre

Pour tout chercher chez toi


Alan : Tu es ignoble absolument infâme
Dorian Gray : Tu me sauves la vie Alan

Combien de temps dure… ton « expérience » ?


Alan : Environ cinq heures (il sort)
Lady Agatha : Vous semblez ailleurs Dorian

Seriez-vous amoureux et me l’auriez-vous caché ?


Dorian Gray : Chère Agatha cela fait bien une longue semaine

Que je ne suis pas amoureux


(Agatha rit. Entrent les fantômes ensanglantés de Sybil et de Basil qui viennent s’asseoir près de lui. Dorian est soudain mal à l’aise. Pendant ce qui suit, on entend parfois le bruit d’une scie).
Lady Agatha : Mme Ferrol ?!

Mais comment les hommes peuvent-ils tomber amoureux de cette femme ?

On ne comprend pas ça ! Je me rappelle d’elle à Vienne il y a 30 ans

De la taille de ses décolletés !


Dorian Gray : Elle est toujours décolletée mais le choc n’est plus le même
Lady Agatha : On la dirait toujours échappée d’un roman polisson français
Dorian Gray : Ferrol est son dernier mari ?
Lady Agatha : Dernier ? On n’en sait rien mais c’est le quatrième
Dorian Gray : Je lui ai demandé si elle avait embaumé le cœur des trois premiers

Pour les porter à sa ceinture…


Lady Agatha : Comme Marguerite de Navare… ! Qu’a-t-elle répondu ?
Dorian Gray : Elle m’a dit « non très Cher ils n’avaient pas de cœur… ! »

(agatha lui donne un coup d’éventail.


Sybil : Mon amour cher Prince Charmant…

Je suis si triste que tu payes pour tout cela


Basil : Dorian je t’aime je te veux du bien

Mais je suis contraint d’errer dans ton esprit


Lady Agatha : De nos jours tout est à l’envers…

Les hommes mariés vivent comme des célibataires

Et les célibataires mènent des vies d’hommes mariés !

Ça sent la fin de siècle…


Dorian Gray : Je préférerais la fin du monde… Vivre est tellement décevant
Lady Agatha : Ah très Cher… N’allez pas me dire

Que vous avez épuisé les charmes de la vie…


Alan : (ressortant les mains ensanglantées) Dorian j’ai fini ce que tu m’as demandé
Dorian Gray : Tu me sauves du désastre Alan
Lady Agatha : Vous avez l’air si bon…

Il faut que je vous trouve une gentille épouse


Basil : Ne t’inquiète pas je suis mort je ne te quitterai plus Dorian
Sybil : Moi non plus mon amour mon Prince Charmant…
Alan : Qu’est-ce que c’est que ce brouillard dans tes yeux.
(Dorian, assailli de toutes parts s’affole).
Lady Agatha : Au fait vous êtes parti très tôt hier au soir

Il était onze heure vous nous cachez sûrement quelque chose…


Dorian Gray : Non…je ne sais plus ce que j’ai fait

Si rien je n’ai rien fait

J’ai marché dans Londres j’ai respiré

Vous voulez toujours savoir ce qu’on fait

Je suis rentré à deux heures du matin.
Lady Agatha : Dorian, vous n’êtes pas dans votre assiette ce soir
Alan : Et maintenant, adieu Dorian

Nous ne nous reverrons jamais, jamais, jamais


Sybil : Toujours là sans jamais se revoir
Basil : Toujours là sans plus jamais parler
Lady Agatha : Vous partez Dorian comme ça si vite…
Dorian Gray : Je dois rentrer
(Tous se sont éloignés de lui. Il reste seul en scène. Les personnages devenus conteurs commencent le récit et peu à peu ce sont les marionnettes qui vont prendre leurs places).
La Conteuse 1 : Une pluie froide se met à tomber lentement sur le brouillard

(elle pousse un réverbère, tandis que tout s’obscurcit. Un conteur actionne la machine à fumée).

De certains bars jaillissent des rires horribles

Des éclats de voix des éclats de verre une odeur de bière et d’alccol fort
Marionnette 1 : Un dernier verre patron le dernier !

« La Madelon elle a des beaux nichons… »


Marionnette 2 : « Quand on les touche on s’envole en ballon ! »

Ben le Milord… il s’en fout de nos jolies chansons


Marionnette 3 : Hé ! Il sort d’une fumerie d’opium

Le Pavot le Pavot l’herbe d’oubli !


Marionnette 1 : Oh regardez la lune elle est basse

On dirait un crâne jaune


Marionnette 3 : Il cherchait le pardon mais bernique !

Il trouve que l’oubli ! Allez fumez Milord !


Marionnette 2 : Ah ! Ça commence à le ronger le Milord

Il veut se racheter une conduite il veut qu’on l’aime…


Marionnette 1 : Ben oui. Il se ronge. Regarde ses mains

Il va se les déchirer ses mains de riche


Marionnette 3 : (imite un chien qui aboie)
Marionnette 2 : ah ben Vivre hein ! Vivre à fond faut la Forme !

Vivre à tous prix ça coûte cher… Ça se paye !


Marionnette 1 : La laideur il n’aimait pas

Ben maintenant il aime que ça : il se vautre… !


Marionnette 2 : La laid y plus que ça de Vrai qu’il se dit

C’est un point de vue ça…

Patron encore un Canon !
(Dorian entre, entre les tables disposées de part et d’autres derrière lesquelles, sortent les marionnettes. Les marionnettes suivent le regard de Dorian).
Marionnette 1 : Oh ben…Voilà qu’il rentre chez nous

C’était un dancing chic avant…


Marionnette 2 : Ah ben ouais avant…

Maintenant ça fait Bar à Marins ils laissent les chiures de mouches sur les miroirs


Marionnette 3 : c’est pas tenu. Par terre ? C’est rien…

C’est la sciure pour le vomi

Mais ils marchent dedans ils balaient pas

Forcément ça fait de la boue quoi


Marionnette 1 : Forcément !

Oh ben, regardez y’a un marin qu’est là

Oh dis donc ! Il en écrase hein ?
Marionnette 2 : (se met à crier et à gesticuler)
Marionnette 3 : (rire) Hé, il croit qu’il a choppé des fourmis rouges ?

(la marionnette 2 pleure. (Apparaît Adrian, marionnette-masque de déchéance totale portée par manipulatrice)
Dorian Gray : Adrian, toi ici.
Adrian : Où veux-tu que j’aille ?

Plus personne ne m’adresse la parole


Dorian Gray : On disait que tu avais fui l’Angleterre.
Adrian : C’est mon frère Georges qu’a réglé l’addition

Il me parle plus mais je m’en fous

Quand on a le produit on n’a plus besoin d’amis

Des amis j’en ai eu trop…


(Toutes les marionnettes râlent, rient affreusement).
Basil : (réapparaissant) Ne t’inquiète pas Dorian je passe sans déranger…

(il rit7).


Dorian Gray : Qu’est-ce que tu prends ? Il faut que je boive
Adrian : Rien, je veux rien
Marionnette 2 : (à Dorian) Hé ! On est bien fier, ce soir
Dorian Gray : Je n’ai pas envie de vous parler ! Vous voulez quoi ?
Marionnette 2 : Ben enfin Milord ! Une petite pièce !

Une money-money-thune-thune !

Rien de plus…
Dorian Gray : (jetant de la monnaie) En voici ! Et fichez-moi la paix !
Marionnette 1 : Hé ! Il est fier mais il est généreux ce soir…

T’as de la chance toi !


Dorian Gray : Silence ! Viens Adrian te laisses pas aller, rentrons !
Adrian : J’ai pas envie.
Dorian Gray : Tu m’écris si tu as besoin de quelque chose
Adrian : Peut être
Dorian Gray : Bonne nuit
Adrian : C’est ça oui !
Marionnette 1 : V’là l’employé du diable qui s’en va
Marionnette 2 : Oh ! On rigole…

Tu préfères qu’on t’appelle Prince Charmant ?


(Sybil apparaît et le regarde).
Sybil : Mon Prince Charmant.
(James Vane apparaît, un revolver à la main)
Dorian Gray : Que voulez-vous ?
James Vane : Reste calme ou je t’abats
Dorian Gray : Vous êtes fou ?!
James Vane : Tu as brisé la vie de ma sœur Sybil

Des années que je te cherche et je te tiens

« Prince Charmant » je ne savais rien aucune trace

Sauf le petit nom qu’elle te donnait : « Prince Charmant »


Sybil : « Mon » Prince Charmant.
James Vane : Tu vas mourir
Dorian Gray : Je n’ai jamais connu ni entendu parler d’une Sybil
James Vane : A genoux !

Tu as une minute pour faire la paix avec Dieu


Dorian Gray : Attendez, depuis combien de temps votre sœur est morte ?
James Vane : 18 ans ! Et alors ?
Dorian Gray : Mettez-moi sous le réverbère regardez-moi

Regardez bien : je suis trop jeune

18 ans ? Je ne peux pas avoir connu votre soeur

(Ils s’exécutent).
James Vane : Mon dieu, dire que j’ai failli ...
Dorian Gray : Tirez au moins une leçon

Il ne faut jamais chercher à se faire justice soi-même


(Il s’enfuit)
Marionnette 2 : T’aurais du le tuer ! Le dézinguer le dessouder !

Il est plein de fric et bien pourri


James Vane : C’est pas lui que je cherche c’est un adolescent

Celui que je cherche doit avoir 55 ans….


Marionnette 2 : Un adolescent ?! ah je ris ! Je m’étrangle !

Ça fait 20 ans le Prince Charmant il me montait comme un Dieu !8


James Vane : Tu mens
Marionnette 2 : Devant Dieu c’est la Vérité vraie
James Vane : (saisissant la marionnette) Devant « Dieu » ?
Marionnette 1 : Pas si fort !

Oui devant Dieu ! C’est le pire de tous… je te dis !

On dit qu’il s’est vendu au diable pour garder sa forme et sa belle gueule
James Vane : Tu jures que c’est vrai ?
Marionnette 2 : Je le jure

Mais tu dis rien hein ? Il me fait peur…

Par contre une petite pièce je refuse jamais…
Lord Henry (conteur) et Jim Vane : tout en se changeant de Jim Vane en Lord Henry
Cette fameuse nuit

Jim Vane ne partit pas pour les Indes comme prévu

Il suivit longtemps Dorian à la trace

Et un beau jour lors d’une partie de chasse il eut Dorian à porté de fusil

Mais Jim sans doute trop nerveux était devant les rabatteurs

Un chasseur tira un lièvre

Et Jim reçut la balle en plein cœur...

Il était encore trop jeune trop pressé pour savoir se venger

Cet accident de chasse libérait Dorian de ces dernières angoisses

Sauvé !


Ce qui nous amène au chapitre 19 ou nous retrouvons Lord Henry

Vous vous rappelez ? Nous l’avions perdu de vue ces vingt dernières années

Le voici donc… Bien sûr avec une bonne cinquantaine aujourd’hui
(Il quitte le conteur et c’est Lord Henry)
Lord Henry - Inutile Dorian de me promettre que vous allez être bon

Vous êtes absolument parfait, ne changez pas de grace

Où étiez-vous hier ?
Dorian Gray : A la campagne Henry seul dans une auberge
Lord Henry : A la campagne tout le monde peut se permettre d’être bon

C’est ce qui fait que les gens qui quittent la ville sont si gentils


Dorian Gray : Je crois déjà avoir changé
Lord Henry : (dégustant un dessert quelconque) Hmmm ! Passionnant !

Dorian racontez-moi ça racontez-moi tout !


Dorian Gray : Cette jeune fille Hetty est très belle

Elle ressemble à Sybil Vane

Vous vous rappelez Sybil Vane ?
Lord Henry : Hein… Euh… Oh oui, oui. Juliette !
Dorian Gray : Hetty n’est pas de notre milieu elle est du village

Mais je suis vraiment amoureux d’elle

Hier elle m’attendait dans un petit verger près du village
Lord Henry – Ah les petits vergers Dorian comme à Véronne !

Y avait-il au moins un balcon ?



Dorian Gray - Les fleurs de pommiers volaient dans ses cheveux

Nous devions partir ensemble ce matin à l’aube

Et je ne comprends pas j’ai décidé de la laisser aussi innocente que je l’avais trouvée
Lord Henry : Oh ! Voilà du neuf ! Je parie que ça vous a fait frémir de plaisir non ?

Et que vous lui avez brisé le cœur de la laisser innocente !

Et vous prétendez Dorian devenir gentil !
Dorian Gray : Elle a pleuré mais je ne l’ai pas déshonnoré
Lord Henry : elle épousera un jour un gros laboureur brutal

Qu’elle détestera en se rappelant de vous et elle sera très malheureuse…. Voilà !

Ou alors Dorian elle flotte peut-être dans un étang entourée de ravissants nénuphars comme Ophélie !

Allez savoir…Tous les désespoirs sont permis…


(Sybil repasse devant lui, fantomatique)
Dorian Gray : Je regrette de m’être Henry

Que se passe-t-il en ville ?


Lord Henry : On commente toujours la disparition de Basil

On suppute on parle…


Dorian Gray : Ils se sont pas lassés
Lord Henry : enfin ! Ça ne fait que 6 semaines Dorian…

Et hormis mon divorce, le suicide d’Alan Campbell et la disparition de Basil

Il ne s’est pas passé grand-chose….
Dorian Gray : Vous avez votre idée pour Basil ?
Lord Henry : Ma foi si Basil a eu le mauvais goût de mourir

Je ne veux plus penser plus à lui


Dorian Gray : Pourquoi ?
Lord Henry : Mais Dorian parce que je hais la mort…
Dorian Gray : Pourquoi ?
Lord Henry : Par ce que… (un temps)

Jouez-moi du Chopin Dorian, du Chopin

L’homme avec qui ma femme est partie joue du Chopin à ravir

Pauvre Victoria ! Je l’aimais beaucoup



(Dorian s’installe et joue du piano)

Vrai… la maison sans elle c’est bien désert…

Dorian ! La vie conjugale est une mauvaise habitude

Mais c’est les mauvaises habitudes qu’on regrette le plus vous verrez…


Dorian Gray : Henry peut-être aussi l’a-t-on assassiné…
Lord Henry : Assassiner Basil ? Non il était bien trop ennuyeux

Pourquoi l’aurait-on assassiné ?

Il ne m’a intéressé que lorsqu’il vous adorait et me l’a confié
Dorian Gray : J’aimais beaucoup Basil

Que diriez-vous si je vous disais : « j’ai assassiné Basil » ?


Lord Henry : Vous n’avez pas ce qu’il faut Dorian pour le meurtre

Le crime c’est dans les milieux populaires

Le crime dans ces milieux c’est ce qu’est l’art pour nous
Dorian Gray : Un moyen d’éprouver des sensations ?
Lord Henry : Le meurtre est toujours une erreur Dorian

Mais oublions ce pauvre Basil

Il a du tomber d’un omnibus dans la Seine et il doit flotter

Sur le dos dans des eaux vert mat entre deux péniches…

Bref il était devenu ennuyeux sa peinture avait perdu un idéal

Elle vous avait perdu voilà !

Au fait qu’est devenu ce portrait de vous ?
Dorian Gray : Expédié à la campagne et perdu encours de route
Lord Henry : Quel dommage ! Je me rappelle je voulais l’acheter
Dorian Gray : Je ne l’ai jamais aimé et je regrette d’avoir posé
Lord Henry : Ah non ! vous lui avez donné de l’âme à ce tableau !

Beaucoup plus d’âme de sentiment qu’un homme n’en aura jamais…


Dorian Gray : L’âme les sentiments sont des choses terriblement humaines…
Lord Henry : Ah bon ? En êtes-vous sûr ?
Dorian Gray : Tout à fait.
Lord Henry : Ah bon ! Mais comme vous avez l’air grave !

Ne soyez pas si sérieux…

Vous savez bien qu’on ne croit plus en l’âme aujourd’hui

Allez jouez moi encore un peu de Chopin

Et dites-moi à voix basse votre secret…
Dorian Gray : Quel secret ?
Lord Henry : Le secret de votre jeunesse bien sûr !

A peine 10 ans de plus que vous et je suis ridé, usé, jauni

La jeunesse, il n’y a rien de tel !

Aujourd’hui moi, je n’écoute plus que les jeunes

Ils sont en avance les jeunes…

Ah ! Il est très beau ce morceau que vous jouez

Très romantique pourtant c’est pas du Chopin ?

Chacun ses souffrances Dorian

La tragédie des vieux c’est pas la vieillesse c’est de rester jeune à l’intérieur

Vous vous bougez pas hein… toujours le même


Dorian Gray : Je ne suis pas le même.
Lord Henry : Si vous êtes le même !

N’allez pas gâcher la fin de votre vie en renonçant

On s’est déchaîné contre vous mais on vous a adoré

C’est merveilleux que vous n’ayez jamais rien créé

Ni portrait, ni roman, ni monument ! Rien ! Rien que vous-même !
Dorian Gray : Si vous saviez vraiment…même vous…

(rire de Lord Henry) Vous ne rieriez pas…


Lord Henry : Pourquoi vous arrêter de jouer Dorian ?

Reprenez cette belle musique…

Regardez cette énorme lune couleur de miel suspendue l’air sombre

Elle attend que vous repreniez cette musique pour rejoindre la terre…

Allez ! Vous ne jouez plus ?
Dorian Gray : Je suis fatigué ce soir je vais me coucher
Lord Henry : Restez ! Jamais vous n’avez aussi bien joué que ce soir.
Dorian Gray : Par ce que j’ai décidé d’être gentil
Lord Henry : Pour moi on ne se change pas Dorian
Dorian Gray : (montrant le livre jaune) Jadis vous m’aviez offert un livre qui m’a empoisonné

Je ne devrais pas vous le pardonner.


Lord Henry : Mon petit là : vous mo-ra-li-sez… !

Ces livres que le public appelle immoraux

Sont justement ceux qui lui révèlent son ignominie

Venez demain je vous emmène déjeuner avec Gladys…

Elle vous lasse ? Sans doute…son intelligence finit par exaspérer tout le monde !

Bon quoi qu’il en soit à Onze heures…


Dorian Gray : Faut-il vraiment que je vienne, Henry ?
Lord Henry : Absolument : le parc est merveilleux
Dorian Gray : A onze heures donc. Bonne nuit Henry

(lui montrant la sortie).
Conteuse 1 : C’est vrai ça qu’on ne peut pas changer ?
Conteuse 2 : Où était passé son enfance rose et blanche, comme disait Lord Henry ?
Dorian Gray : Cette jeunesse qui n’en finit pas !
Conteuse 1 : Il valait mieux pour lui que chaque méchanceté soit punie aussitôt… que ça le marque…

Dorian Gray : Punis-nous de nos pêchés voilà la prière des hommes

Lorsque leur Dieu est juste….


Conteuse 1 : Sa beauté c’est un masque…
Conteuse 2 : Sa jeunesse une imposture…
Conteuse 3 : Oui mais c’est la faute de Basil

Il a peint le portrait qui lui a abîmé sa vie…


Dorian Gray : Jamais plus… je serai bon
Conteuse 1 : Mais c’est bien sûr ! Si on allait le voir ce portrait ?
Conteuse 2 : Sa bonne action avec la villageoise

Peut-être que ça a effacé les signes du mal ?


Conteuse 3 : (Dorian va voir le portrait) Ça a rien effacé hein…

Tout pareil…


Conteuse 4 : Ah si, si, si

Il y a un petit changement : il a en plus les rides sinueuses de l’hypocrisie


Conteuse 1 : Voilà, c’est ça

Tout à coup le désir de se donner un beau rôle

Plus beau que soi…

.

Conteuse 2 : Eh oui… Il a essayé la pose de celui qui s’abstient : l’abnégation !

Il reconnaît maintenant qu’il se l’est joué…
( Dorian Gray apparaît, enlaidi, à travers le portrait grâce à une glace sans tain)

.

(Cri de Dorian)


Conteuse 3 : Qu’est-ce que c’est ?
Conteuse 2 – On dirait un homme dedans…
Conteuse 4 : C’est la maison de Dorian Gray
Conteuse 3 : Ah bon ? (rire) Bon, ben alors, allons-nous coucher... On reste pas là !
Conteuse 4 : C’est ça ! Bonne nuit !
Conteuse 3 : Ah, il voit le couteau qui a transpercé Basil Hollward et…
Conteuse 1 : Il frappe le portrait
Marionnette 1 : Le journal dit que que c’est son domestique qui l’a découvert ce matin
Marionnette 2 : Ouais, et au mur, y’avait un beau portrait, bien beau, de not’ maître tout jeune tout beau tout frais comme le roitelet !
Marionnette 1 : Mais que sur le plancher c’était un vieux clodo tout dégueulasse

Et avec un couteau en plein dans le cœur !


Marionnette 3 : Tout ridé, tout desséché et tout, hein !

C’est grâce à ses bagues qu’ils l’ont reconnu


Marionnette 2 : Ah la bague au doigt forcément !

Ça permet de reconnaître hein !


Rire général
Marionnette 1 : (dans le rire) Fin du roman de Milord Wild
Marionnette 2 : Hé ! Hé ! Des histoires comme ça !

C’est quand même un sport de riche !


Entre Sir Henry, vieux et fatigué :

Disparaissez ! (les marionnettes s’éloignent) Dorian, Dorian, que m’arrive-t-il ? Il n’y avait que de la lumière. Je ne voulais pas d’ombre. Je…Je me suis trompé ?



Mon Dieu, seul, je suis seul (il tombe à genou) Superficiel… Superficiel.
RIDEAU


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Jacquerie Dorian Gray – Mollot – Merlant /
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