Sir Henry : Parfait. Demain 8 heures je serai au Bristol dans votre loge
Quoi de plus délectable que le spectacle des passions…
(Ils sortent)
(En parlé-chanté style Jacques Demy)
Sybil : Maman, Maman, si tu savais
Comme aujourd’hui je suis heureuse…
Je voudrais tellement maman
Que la vie te sourie aussi
La mère (en conteuse) : Je suis heureuse quand tu joues
Tu ne dois penser qu’à tes rôles
Isaac est très bon pour nous
Et nous lui devons de l’argent.
Sybil : Qu’importe l’argent chère maman
Il n’y a que l’amour qui compte
La mère : 50 livres ce n’est pas rien
Et il nous les a avancées
Pour habiller ton frère James
Qui part demain pour l’Australie
Sybil : Je hais sa façon de parler
Ce n’est pas un vrai gentleman
La mère : Oui mais sans lui ma pauvre enfant
On ne pourrait pas s’en sortir
Sybil : Nous n’avons Maman plus besoin
De lui car enfin sur nos vies
Veille ce Prince si charmant
Que j’aime tant chère maman…
La mère : Petite enfant petite folle
Pense à tes rôles écoute Maman
(La conteuse)
Mais elle n’écoute pas !
Rien à faire… Son prince Charmant ne la quitte pas
Elle est libre dans la prison de sa passion
Et elle chante comme un oiseau dans sa cage
Elle a lancé son âme à la recherche d’un Prince
Et son âme elle lui ramène un Prince !
Voilà…
Sybil : Maman, maman
La mère : Oui
Sybil : Pourquoi m’aime-t-il tant ?
Que voit-il en moi ? Je ne suis pas digne de lui
Et pourtant je ne me sens pas humble je me sens fière
Maman aimais-tu mon père comme j’aime le Prince Charmant ?
(La mère est triste)
Si tu es aussi triste c’est que tu l’aimais…
La mère : Tu es trop jeune pour songer à l’amour
D’ailleurs que sais-tu de ce jeune homme ?
Tu ignores même son nom
Ceci dit… s’il est riche…
Sybil : Ah maman laisse-moi être heureuse
(Entre Jim, le frère de Sybil)
Jim : Tu pourrais garder quelques baisers pour ton frère, Sybil !
Sybil : Tu n’aimes pas qu’on t’embrasse
Jim : Viens te promener avec moi, Sybil
Une dernière fois dans ce Londres que je ne reverrai plus
La mère : Oh Jim mon fils parle pas comme ça
Jim : Et pourquoi pas ?
La mère : Je suis sûre que tu reviendras
(La conteuse)
Bien sûr l’Australie c’est bon pour faire fortune
Mais ensuite…
Retour à Londres pour se faire une position sociale
Jim : Dans la bonne société, hein ?!
Ça ne m’intéresse pas je veux de l’argent pour vous arracher au théâtre…
Sybil : Marin ? Tu ne resteras pas marin
Enfermé dans un horrible bateau qui chevauche des vagues bossues
Non tu quitteras ton bateau à Melbourne
Tu rejoindras les mines d’or
En une semaine tu trouveras une grosse pépite la plus grosse
Bien sûr les bandits t’attaqueront mais tu les massacreras
Quoique non… Pas les mines d’or
C’est plein de gens qui boivent qui jurent et tirent au revolver
Non ! Tu élèveras des moutons et si en rentrant le soir
Tu vois un brigand enlever à cheval une belle héritière
Tu le poursuis, tu la libères
Et alors tu tombes amoureux d’elle, elle de toi
Vous vous mariez et… retour à Londres dans une immense maison
Ton avenir est merveilleux…
Tu sais je n’ai qu’un an de plus que toi, mais je connais bien mieux la vie
Jim : Arrête ces romans Sybil…
Sybil – (riant) Oh Jim ! Tu es méchant, allons nous promener au Parc…
Jim - C’est trop chic et moi je suis miteux
Sybil : Tu as une belle veste…
Jim : Bon on va au Parc… mais habille-toi vite
(Elle sort).
Jim : (à la mère) Tu as préparé mes affaires ?
La mère : Tout est prêt Jim
(La conteuse)
Depuis quelques mois la mère redoute ce fils rude et sévère
- C’est toi qui a choisi d’être marin souviens-toi
Tu pouvais entrer chez un notaire
J’espère que tu seras heureux
.
Jim : Je hais les notaires
Il faudra que tu veilles sur Sybil maman
Qu’il ne lui arrive rien de mal
La mère : Cela va de soi ?!
Jim : On m’a dit qu’un monsieur vient le soir en coulisses et lui parle
La mère : Au théâtre c’est normal de recevoir des hommages
Quand j’étais jeune… on me couvrait de fleurs
Jim : Oui, je sais et alors ?
La mère : alors c’est un jeune homme bien élevé, toujours très poli avec moi…
Vu les fleurs qu’il envoie il est riche…
Jim – (brutal) Tu ne connais pas son nom !
La mère : C’est très romanesque…
C’est sûrement un Aristocrate
Jim : Veille sur elle !
La mère : Ne soit pas vexant ! Ils sont très beaux ensemble
Ça serait un mariage brillant pour Sybil
Jim : Mère… étais-tu marié avec mon père ?
La mère : Non
Jim : Mon père était donc un salaud
La mère : Ne parle pas comme ça ! Nous nous sommes beaucoup aimé
Et s’il avait vécu il aurait pris soin de nous
C’était un gentleman
Jim : un gentleman comme celui qui lui fait la cour
La mère : Sybil a une mère, moi je n’en avais pas.
Jim : Si ce type lui fait du tort, je l’abats comme un chien, c’est juré !
La mère - conteuse : La fureur de la menace
L’attitude le ton et les paroles grandiloquentes
Ça faisait des mois qu’elle n’avait pas admiré son fils
Elle aurait aimé donner la réplique à ce niveau d’émotion mais…
Sybil : (qui revient) Vous êtes bien sérieux tous les deux...
Jim : A tout à l’heure mère
Je dînerai à 5 heures.
La mère : Au revoir (ils sortent) Jim n’a jamais aimé le théâtre.
Le directeur Isaac : Ah ! Le théâtre, mesdames et messieurs !
Comment ne pas aimer le théâtre ?!
Que ne ferait un comédien pour jouer une grande scène ?
Que ne ferait pas la plus fière des comédiennes pour jouer Juliette ?
Pour être un seul instant l’amoureuse illustrissime sublime et mirifique ?
La vraie comédienne pour jouer Juliette mesdames messieurs…
Elle abandonne son Père et sa Mère, elle trahit son amant, elle vend ses meubles !
Elle se coupe un membre même si pour le rôle c’est préjudiciable !
Pour Juliette s’il le fallait, elle le ferait
Pour être un instant l’image de cette image
Pour être un autre soi-même encore plus élevé que tous les soi mêmes imaginables
Et pourtant ce ne serait encore qu’une comédienne qui joue le rôle
Mais ce soir au Bristol, Mesdames Messieurs
Ce n’est pas Sybil Vane, la délicieuse créature que vous connaissez tous
Non ! Sybil Vane a disparu elle s’est évanouie devant Juliette
C’est Juliette, Juliette, enfin JULIETTE soi-même !
Incarnée parfaitement et totalement sur les planches du Bristol Palace !
Préparez-vous et patientez quelques instants car il faut que j’aille me changer
Eh oui ! Roméo ce soir ce sera moi
En remplacement de votre jeune premier habituel
Il est terrassé par une fâcheuse grippe
À tout de suite, donc….
(Entrent Dorian et Sir Henry qui viennent s’asseoir avec les spectateurs)
Sir Henry : Oh, c’est amusant, ici c’est plein de pauvres ! Etre bon voyez-vous Dorian
C’est tout simplement être en harmonie avec soi-même
C’est notre vie à nous qui importe le plus
C’est l’individualisme qui propose l’objectif le plus noble
Et quel est le principe de l’individualisme ?
Le « plaisir » Dorian… Le plaisir !
Ah ! Le théâtre
J’adore le théâtre
C’est tellement plus vrai que la vie
Dorian Gray : Vous allez enfin la voir, Harry
Elle va rendre sensibles comme des violons
Faire rire ou pleurer à volonté
Ces brutes vulgaires aux visages épais
(Les trois coups résonnent, le rideau du promontoire s’ouvre, Roméo escalade le balcon. Juliette-Sybil est sur le promontoire, immobile)
Dorian Gray : La voilà celle a qui je vais consacrer ma vie !
Sir Henry : Charmante ! Délicieuse !
(Applaudissements)
La conteuse : (elle traverse la scène et descend dans le public)
Ce soir la salle est pleine à craquer
Sybil Vane entre sur un tonnerre d’applaudissements
Ah ! Elle était belle sans conteste
Son cou comme un lys blanc ses mains comme de l’ivoire
L’orchestre joue quelques mesures
Mais là… qu’est-ce qu’il se passe ?!
On dirait qu’elle recule et que ses lèvres tremblent…
Roméo est là et elle reste là indifférente ?!
(Pendant la scène de Shakespeare, Sybil est comme absente. Elle cherche Dorian du regard. Le Directeur-Roméo panique, tandis que la conteuse, dans la salle, avec le public, lance des quolibets.)
Directeur- Roméo - … Mes lèvres sont toutes prêtes à guérir ta souffrance
Juliette – Réserve tes baisers à la paume de mes mains… beau pèlerin…
… garde tes lèvres pour prier…
Directeur- Roméo - Exauce donc mes lèvres…
(Il l’embrasse un peu en force)
- ( a parte ) Mais qui elle regarde bon dieu… ?
Juliette – … il y a de la religion dans tes baisers…
Ah ! Dois je naître à l'amour par si grand miracle
Qu’il faut que je me donne à l’ennemi de mes pères ?!
Directeur- Roméo - Ah je la sens pas ce soir…
Conteuse 1 – (public ) C’est vrai qu’elle est bizarre
Elle ondule d’accord mais c’est l’intonation
La couleur de la voix qui va pas
Ah la fameuse scène du balcon peut-être que…
Directeur- Roméo – Oh ! Oh ! quelle lumière brille à cette fenêtre?
Mais oui c’est l’Orient et Juliette est son Soleil !
Juliette – Hélas!...
Directeur- Roméo - Oh… ! Parle encore, ange de lumière…
Juliette – Ô Roméo, Roméo! Pourquoi es tu Roméo!
Renie ton père et refuse ton nom …
Une rose sous un autre nom sentirait bien tout aussi bon…
Roméo, défais toi de ton nom …et prends moi tout entière !
Conteuse 1 – (public ) Toujours pas hein…
Directeur- Roméo - (de plus en plus en force)
Appelle moi « Amour » et ce nouveau baptême
Aura fait oublier Roméo de la lignée des Montagu !
Juliette – Oh quelle est cette voix ? Qui est-ce dans l'ombre de la nuit ?
Directeur- Roméo - L’ « Amour » tel est mon nom
Juliette – N'es tu pas Roméo un fils de Montaigu ?
S’ils te trouvent dans ce verger ils te tueront…
Directeur- Roméo - Hélas plus de périls sont dans tes yeux
Que dans vingt de leurs glaives. Souris moi…
Juliette – Qui t'a guidé jusqu'ici?
Directeur- Roméo - (a parte et bas à Sybil)
– Bon Dieu regarde moi, moi !
(en super force )
L'amour fut mon pilote dans la nuit
Sur ses ailes j’ai volé par dessus les murs
Rien n’a pu l’arrêter je suis dans le verger !
Conteuse 1 – Quand ç’est parti comme ça, c’est foutu…
Juliette – Je me cache ô mon amour sous le masque de la nuit
Adieu mes bonnes manières : M'aimes tu ?
Si tu m’aimes proclame le… Pardonne cet abandon
Dans cette nuit trop sombre ma conduite est légère,
Mais mon âme reste noble et à jamais fidèle
Lord Henry – Elle est jolie Dorian mais est-ce une actrice ?
Allons-nous en… nous allons souffrir
Dorian Gray – navré d’avoir gâché votre soirée Henry c’est stupéfiant
Lord Henry – C’est très mauvais pour le moral
Dorian Gray – Ne voyez-vous pas que mon cœur se brise ?
Lord Henry – Allons-nous en
Dorian Gray – Non je reste
(Sir Henry sort )
Directeur- Roméo - Ma Dame, je le jure sur cette lune sacrée…
Juliette – Non pas sur la lune cet astre est inconstant
J'aurais trop peur
Directeur- Roméo - (à Sibyl bas mais très énervé)
– Si tu fais exprès tu le dis et on baisse le rideau !
(Hurlant avec la force du désespoir dans les grands désastres)
Oh Vierge divine ! Oh…vas tu donc me laisser insatisfait?
Pourquoi ô mon amour ?
Conteuse 1 – Non… Non… là c’est le fiasco… Le Fiasco total !
Elle a vidé la moitié de la salle…
Ceux qui restent c’est pour du foutage de gueule…
On arrête tout !
(Sybil radieuse vient en bord de scène vers Dorian)
Sybil : J’ai mal joué ce soir Dorian
Dorian Gray : Affreusement ! Tu devais être malade
Sybil : Dorian, tu ne comprends pas ?
Dorian Gray : Comprendre quoi ?
Sybil : Pourquoi ce soir j’étais mauvaise
Et que je ne jouerai plus jamais bien
Dorian Gray : C’est ridicule
Mon ami s’est ennuyé, je me suis ennuyé
Sybil : Dorian, Dorian
Avant de te connaître le théâtre était tout
Je ne vivais que sur scène
La joie de Béatrice était ma joie, les chagrins de Cordélia mes chagrins
Je vivais dans l’univers des décors peints
Tu es venu mon bel amour tu as libéré mon âme tu m’as appris la vraie vie
Ce que c’est que d’aimer pour de vrai
C’était la première fois ce soir
Que Roméo m’apparaissait affreux, vieux, maquillé
Que le Verger le clair de lune n’était que des décors vulgaires
Et que les paroles que je disais n’étaient pas les miennes qu’elles étaient écrites
Tu m’as apporté la vie mon amour, le vrai amour
Tellement plus beau et plus élevé que ses reflets pour la scène
Tu m’as fait comprendre, mon amour !
Mon Prince Charmant...
Je suis entrée en scène assurée d’être admirable et tout s’est écroulé
J’ai haï ces lumières et ces ombres de théâtre
Le jour s’est levé en moi
Le public sifflait mais moi je souriais
Que pouvait-il savoir d’un aussi bel amour ?
Dorian, Dorian emmène moi loin du public
Je suis amoureuse et ne veut plus jouer la comédie d’amour
C’est comme un sacrilège je hais le faux je veux vivre
Tu comprends…
Dorian Gray : Vous avez tué mon amour
Vous enflammiez mon imagination et j’aimais ce génie
Que vous aviez à donner vie aux rêves des grands Poètes
Mais qu’êtes-vous désormais ? Rien.
Une jolie fille un peu stupide et prétentieuse
Vous auriez pu être une Artiste et vous n’êtes qu’une amoureuse
Adieu j’espère oublier votre nom
Sybil : Dorian, ce n’est pas sérieux, vous jouez ?
Dorian Gray : « Jouer » ? Moi ? Non. Je vous laisse à cette occupation
, vous savez si bien le faire
Sybil : Dorian, Dorian, ne m’abandonnez pas
Pardonnez d’avoir mal joué, je vais progresser
Je vais travailler, je n’ai été mauvaise qu’un soir…
C’est parce que j’ai découvert trop brutalement l’amour quand tu m’as embrassée
Embrasse-moi, ne vous éloignez pas mon amour
Vous plaisantiez…
Je vais travailler, essayer de mieux faire. Ne soyez pas si cruel
Tu ne peux pas me pardonner ?
Vrai ? Vous m’abandonnez…
Dorian Gray : Je pars. Vous m’avez déçu
(il lui tourne le dos. Il disparaît)
Sybil : Mon Dieu… Je t’avais donné ma vie…Ma vie. Et maintenant je vais te…Non, je ne veux. Je ne veux pas te haïr. Non le but de l’amour c’est d’aimer, d’aimer seulement. Pas de haine. Si je te haïssais, chaque arbre se dessécherait, chaque source serait empoisonnée. Je dois conserver l’amour en moi. Tu as tiré une flèche, au hasard, tu n’as pas de mauvaises intentions. Non…Mon Dieu, ça fait mal, ça fait mal…Vas-tu comprendre ce que tu m’as fait ?
(A vue, un comédien répand du brouillard avec la machine à fumée.)
La conteuse (Musique orchestrale de Wagner très ample)
A la fin du chapitre 7 Dorian erre dans la nuit mal éclairée des bas quartiers après tout ça…
Normal… Il avait besoin de marcher…
Il faisait froid et il y avait du brouillard…
Normal Londres sans le brouillard ! Sans le « Smog » ! C’est plus Londres…
(une marionnette de " pauvre " apparaît)
Ah ! Voici les pauvres !
Pauvre 1 : Oh ! Arrive, raboulle, fissa, fissa, viens voir
Pauvre 2 : Ouh ! Bonsoir mon Milord...
Ça c’est du roitelet tout frais…
Pauvre 1 : Hmmm… ! du-tout-beau-qui-sent-bon…
Une petite pièce, Milord ?!
Pauvre 2 : Une petite money-money-thunne-thunne !?
Qui réchauffe la tristesse répare la maladie ?
Pauvre 1 : (Il chantonne Piaf) Allez donnez Milord…
La petit’ pièce au pauvre…
Pauvre 2 : Ouais, pas voyou-nous-du-tout hein…
Pauvre seulement pauvre, hein !
Dorian Gray : Laissez-moi, la paix, tenez ! (il donne une pièce).
Pauvre 1 : (chantonne) ça c’est super Milord
Vous avez l’air d’un môme
Encore une pièce Milord
Et le compte sera bon…
(Dorian redonne)
Pauvre 2 : Les petites pièces ça guérit des grands drames...
Pauvre 3 : (saoul comme un Russe) Qu’est-ce-ky-spass’là ?!
Mais kes-kya’là ? !
Ka-kalin ! Kamaïa ! Ah !
Pauvre 1 : Ah non pas toi !
Fous l’camp ! t’es pas dans L’Europe !
Pauvre 3 : Faut partager, là, oh… !
Je veux ma part…donne-moi ma part.
Pauvre 1 : Comme t’es devant le Milord
Pas honte ?
Tu-t’as-pas-vu-quand-t’as-bu ?!
Il est mal élevé, Milord, c’est un Russe…
Dorian Gray : Disparaissez ! Vous Fatiguez !
(ils disparaissent. Dorian rentre chez lui. Les marionnettes vont ressortir et commentent ce qu’il fait.)
Pauvre 1 : Hé ! M Dorian finalement, il est rentré chez lui, ouais, bien au chaud.
Pauvre 2 : C’est là qu’il a l’idée d’aller voir son Portrait
(Dorian rentre et monte sur le promontoire puis regarde le Portrait).
Pauvre 3 : (saoul) Ah ben ouais ! Y’avait quelque chose qu’était bizarre
Y regardait, pis de bien près, et c’était pas comme avant
Pauvre 1 : Y’avait maintenant un quelque chose
D’une sale gueule dans ce portrait
C’était-y la bouche ? C’était-y les yeux ?
Dur à dire mais y avait de la fissure ou de la ride…
Pauvre 2 : Ouh là ! Vite qu’il se reluque dans sa glace
Ah ben, dis-donc ! Rien du tout qu’avait changé dis donc !
Jeune et beau
Frais lisse et tendu comme la fesse de l’enfant !
Pauvre 3 : Vlà-t-y pas qu’y retourne au Portrait
Et là…alors là, y s’est dit : ouais, ouais, ouais… !
Pauvre 2 : …. Y s’dit : ouais, ouais, ouais… OUAIS !
Ah ben mince… qu’y se dit ! Je me rappelle dis donc...
Pauvre 1 : …C’est là Dis-donc-Dis-donc
qu’y s’a rappelé ce qu’il avait dit
qu’il avait dit …
La conteuse – (au pauvre) Là tu me laisses le dire parce que c’est important
(elle prend le livre)
« Le Portrait restera toujours jeune
Je donnerai mon âme
Pour que l’image vieillisse et que je reste toujours jeune… »
Pauvre 1 – Mouais… J’l’aurais dit hein !...
Pauvre 2 : Que le portrait au fur à mesure
Il allait dev’nir tout vieux… tout pourri…
Qu’il montrerait ce que Milord il est pour de vrai dans le dedans quoi !
Pauvre 1 – Tandis qu’lui il peut bringuer y peut foirer
Pis faire des tas de méchancetés
Il garderait la gueule tout nickel… Frais comme le roitelet !
Pauvre 3 - Eh oui ! C’est pas croyable hein ?
Ben pourtant c’est comme ça…
Pauvre 2 – C’est quand même des trucs de Riches tout ça hein… ?
Ben pourtant c’est comme ça…
Dorian Gray : (il sanglote) Sybil ! Sybil !
Pauvre 1 - Ah ben v’là qu’à cette heure il a du remords…Oh ben !
Pauvre 2 - Le remord qui « tenaille » !
Il se dit : « pourquoi que la mauvaise Nature…
Elle m’a fait Riche et Dégueulasse ! Pourquoi ! »
Pauvre 3 - Ben oui, ça rigole pas !
Maintenant chaque fois qu’il fait une saloperie…
Poff ! une merdouille sur le Portrait !
Pauvre 2 – Ah ben…
Ça rigole pas hein !
Pauvre 1 - C’est là qu’y se dit…
Le Portrait : Faut que personne le voie jamais
Faut le boucler au grenier
Dorian Gray : Sybil, Sybil, Sybil !
Oublie cette folie cruelle d’hier
Il faut que nous nous retrouvions
C’est moi qui te demande pardon
A nouveau nous nous aimerons…
Oh Sybil et nous nous marierons…
(se précipite et écrit une lettre).
Pauvre 2 : Il est quand même pas pourri complet…
Pauvre 2 – Ben le voilà qu’écrit…
Ça doit être la petite…
(Dorian s’écroule et dort)
Pauvre 3 : Eh ben, voilà…!
Un bon petit somme pis demain c’est reparti !
C’est formidable les Riches ! Pas vrai ?
Pauvre 2 – Ben pourtant, c’est comme ça…
(Victor le valet entre.)
Victor : Monsieur a vraiment bien dormi, cette nuit.
Dorian Gray : Quelle heure est-il, Victor ?
Victor : Une heure et quart, Monsieur
(Victor lui fait enfiler sa robe de chambre il frissonne )
Monsieur a froid ? Dois-je fermer la fenêtre ?
Dorian Gray : Non, ce n’est pas le froid
(Victor montrant sa table de loge)
Victor : Le petit-déjeuner de Monsieur
Dorian Gray : Merci Victor
Allez porter cette lettre à Melle Sybile Vane
Dites lui aussi que je regrette tout
Dites lui aussi que je serais chez elles cet après-midi
Dites lui que je l’aime et que nous allons nous marier !
Victor : Vous avez bien dit Mlle « Sybil Vane » Monsieur…
Comprenez… je préfère ne pas me tromper de destinataire Monsieur
Dorian Gray : Sybil Vane l’actrice.
Et maintenant je ne suis là pour personne, Victor
Victor : Bien monsieur !
(Victor sort. Dorian Gray va scruter le portrait).
La conteuse : Eh oui… Le Portrait avait effectivement changé
Il tentait de fuir cette laideur, cette image visible de sa conscience
Et en même temps il se sentait attiré par une curiosité presque scientifique
Il se souvient alors de ce Basil lui avait dit un jour
(Victor se change en Basil).
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