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Textes de méthodologie en sciences sociales


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Bernard Dantier

(6 février 2007)
(docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales,

enseignant au Centre Universitaire de Formation et de Recherches de Nîmes)



Textes de méthodologie en sciences sociales

choisis et présentés par Bernard Dantier


“«Esprit», «forme » et «idéaltype»:
«Anticritique» de Max Weber au sujet de L’éthique
protestante et l’esprit du capitalisme
.”
Extrait de: Max Weber, ANTICRITIQUE À PROPOS DE L'« ESPRIT » DU CAPITALISME (1910), in L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais, Paris, NRF Gallimard, 2003, traduction de Jean-Pierre Grossein, pp. 344-380.

Un document produit en version numérique par M. Bernard Dantier, bénévole,

Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

Enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence

Courriel : bernard.dantier@free.fr
Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales"
dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi

Site web : http://classiques.uqac.ca/


Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque

Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi

Site web : Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

Un document produit en version numérique par M. Bernard Dantier, bénévole,

Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

Enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence

Courriel : bernard.dantier@free.fr

Textes de méthodologie en sciences sociales choisis et présentés par Bernard Dantier :


“«Esprit», «forme» et «idéaltype» : «Anticritique» de Max Weber au sujet de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme.”
Extrait de :
Max Weber, ANTICRITIQUE À PROPOS DE L'« ESPRIT » DU CAPITALISME (1910), in L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais, Paris, NRF Gallimard, 2003, traduction de Jean-Pierre Grossein, pp. 344-380.

Utilisation à des fins non commerciales seulement.

Polices de caractères utilisée :
Pour le texte: Times New Roman, 14 points.

Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.


Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004.
Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Édition complétée à Chicoutimi, Québec, vendredi, le 16 février 2007.


“ Textes de méthodologie en sciences sociales
choisis et présentés par Bernard Dantier :




“«Esprit», «forme» et «idéaltype» : «Anticritique» de Max Weber
au sujet de L’éthique protestante
et l’esprit du capitalisme.”

Extrait de :



Max Weber, ANTICRITIQUE À PROPOS DE L'« ESPRIT » DU CAPITALISME (1910), in L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais, Paris, NRF Gallimard, 2003, traduction de Jean-Pierre Grossein, pp. 344-380.


Par Bernard Dantier, sociologue

(6 février 2007)

«Esprit», «forme» et «idéaltype»: «Anticritique» de Max Weber au sujet de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme.”

Ici Max Weber rétorque aux objections qu’on lui a formulées à l’issue de son ouvrage intitulé « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme ». Cette « anticritique », parmi d’autres défenses, offre le double intérêt suivant. D’une part, l’auteur revient sur sa principale thèse (montrer les limites de l’explication par le matérialisme historique en révélant l’influence par affinité élective d’un « esprit », une conception religieuse et le mode de vie attenant, sur le développement d’un système économique, une « forme », dans la particularité d’une configuration historique) en reformulant cette thèse et en la justifiant au moyen même des contestations de ses adversaires, dont surtout l’historien allemand et professeur d’université Felix Rachfahl (1867-1925). D’autre part, parallèlement, Max Weber à cette occasion explicite les points principaux de sa méthode, en traitant notamment de sa conception et de son usage de « l’idéaltype ».


(Pour alléger la lecture du texte, les notes de Max Weber, qui représentaient près d’un quart du texte complet, ont été supprimées).
Bernard Dantier, sociologue

6 février 2007.


Max Weber:

extrait de



Max Weber, ANTICRITIQUE À PROPOS DE L'« ESPRIT » DU CAPITALISME (1910), in L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais, Paris, NRF Gallimard, 2003, traduction de Jean-Pierre Grossein, pp. 344-380.
Dans l'Internationale Wochenschrift (3e année, nos 39-43, 25 septembre-23 octobre 1909), le professeur Rachfahl publie une critique de mes études sur l'éthique protestante et l'« esprit » du capitalisme (cf. ici, dans cette revue, les tomes XX, XXI ainsi que XXV et XXVI ; cf. également l'article de Christliche Welt de 1906, p. 558 sq., p. 577 sq.). Dans la mesure où elle était aussi (secondairement) dirigée contre lui, mon ami Troeltsch y répondra à cette place. Quant à moi et à regret, malgré toute l'estime que j'ai pour les mérites de l'éditeur, notamment en tant que directeur de la Deutsche Literaturzeitung, je me suis senti, et je me sens toujours, empêché de répondre en ce lieu — ce qui aurait été le plus naturel et pour moi le plus indiqué. Dans la mesure où il ne s'agit ici que de pure polémique, j'aurais naturellement fermé les yeux, comme le fait Troeltsch, sur le fait que l'Internationale Wochenschrift, fondée par F. Althoff, a certaines habitudes rédactionnelles auxquelles je ne serais guère tenté de me conformer. Mais la rédaction a préféré, vis-à-vis de cet article presque totalement dirigé contre moi, laisser mon collègue Troeltsch, qui n'est concerné que secondairement, seul maître de décider s'il souhaitait y répondre. Je pourrais aussi ignorer, naturellement, cette impolitesse (car c'en est une, dans les circonstances présentes). Mais monsieur mon critique a pris, lui aussi, l'habitude de nous traiter tous les deux comme un collectif, afin de pouvoir nous tenir responsable l'un de l'autre, ce qui offrait cet avantage que les véritables (ou prétendues) erreurs de l'un semblent aussi concerner l'autre. Par ailleurs, il ne s'est pas privé non plus d'un autre avan­tage, celui de nous jouer, au besoin, l'un contre l'autre, si bien que désormais ce collectif « Weber-Troeltsch », qui est présenté comme porteur des idées de l'un comme de l'autre, semble se trouver en contradiction manifeste avec lui-même. Face à cette pratique peu loyale, soit dit en passant, il me semble opportun de suivre ma propre voie, y compris dans les détails externes, et en outre de décliner expressément toute responsabilité pour ce que je n'ai pas dit, comme sans aucun doute le ferait Troeltsch de son côté. Permettez-moi d'ajouter encore ceci : toute personne qui a vraiment lu nos essais respectifs sait que Troeltsch, pour ses objectifs et son exposé, n'a absolument pas besoin de mes résultats (à l'exception du concept de secte, que Rachfahl ne discute absolument pas — cf. Archiv, XXI, p. 63, p. 64, note 126 ; supra, pp. 182 et 183, note 175, ainsi que l'article déjà cité de la Christliche Welt). Ses résultats pourraient être justes quand bien même les miens seraient faux, et réciproquement. Il développe le processus historique de l'élaboration des doctrines sociales des Églises chrétiennes, tandis que, jusqu'à présent, j'ai cherché seulement à rendre compréhensible un phénomène déterminé de la conduite de vie, dans son conditionnement (originellement) religieux. S'il s'est occasionnellement référé à certaines de mes analyses, il s'agissait toujours (excepté encore moins en trouver une parmi les trivialités que Rachfahl lui oppose. Mais, naturellement, Troeltsch devra porter seul, face à la critique, la responsabilité scientifique de ce qu'il a dit, comme je le fais moi-même pour mes analyses. Ma précédente remarque sur l'article de Troeltsch a un seul objectif : empêcher que les critiques de l'espèce de Rachfahl n'interprètent le fait de démêler les responsabilités comme un rejet, de ma part, des résultats de Troeltsch. À présent, venons-en au fait.
Les distorsions introduites par la polémique de Rachfahl commencent avec le premier mot du titre de son essai : « Calvinisme et capitalisme ». Dès le premier moment où, dans mon étude, je parle du calvinisme (dans son opposition au catholicisme et au luthéranisme), je le mets entièrement sur le même plan que les sectes (ou que les formations de type sectaire au sein de l'Église) que j'ai, dans le titre du deuxième chapitre de mon étude et tout au long de celui-ci, rassemblées sous le terme de « protestantisme ascétique ». Rachfahl polémique (réglons cette question d'emblée) — c'est à vrai dire la seule chose qu'il maintienne complètement jusqu'à la fin de son étrange critique — dans tous les sens possibles sur le terme d'« ascèse », employé pour désigner la forme de conduite de vie que j'ai tenté d'analyser. Certes, lui-même n'a pas pu s'empêcher, au début de ses articles (p. 1217, ligne 7), d'employer la même expression pour la même chose. Seulement, nous verrons que, dans sa critique, cela ne le dérange jamais de recourir sans cesse à des critères différents pour lui et pour les autres. De fait, il ne s'agit pas de la même chose, après tout, selon que c'est le « spécialiste » en histoire ou l'outsider, qui « construit » l'histoire, qui disent une seule et même chose ! L'ascèse est pour lui une « fuite du monde », et comme les puritains (au sens large, englobant toutes les sectes « ascétiques ») n'ont pas été des moines ni n'ont mené de semblables existences contemplatives, ce que précisément j'appelle « ascèse intramondaine » est déjà en soi, d'après lui, un concept « faux », qui présuppose avant tout, à tort, une parenté avec l'ascèse catholique. Je peux difficilement me représenter polémique plus stérile qu'une telle polémique sur des termes. Pour moi, le terme à choisir de préférence à tout autre est celui qui convient le mieux. Et tant que nous ne nous décidons pas à créer chaque fois, ad hoc, des mots absolument nouveaux ou, à la manière de la chimie ou de la philosophie d'Avenarius, à travailler avec des symboles, nous devons, pour désigner des faits qui ne l'ont pas encore été, prendre les mots de la langue traditionnelle qui s'en approchent le plus possible et qui les désignent le mieux ; il faut seulement veiller, comme je l'ai suffisamment fait pour l'« ascèse intramondaine », à les définir sans ambiguïté. Mais en ce qui concerne le fond des choses — la parenté interne avec l'ascèse catholique —, je rappellerai seulement, en passant, que quelqu'un comme Ritschl est allé si loin dans l'identification des traits ascétiques (dans mon acception) du « piétisme » (qu'il conçoit de façon large) avec des restes « catholiques » au sein du protestantisme, que j'ai essayé de restreindre expressément sa présentation sous ce rapport. Et si, déjà parmi les contemporains de la Réformation, quelqu'un comme Sébastien Franck — que Troeltsch cite à juste raison — a remarqué qu'un des résultats de celle-ci fut que désormais, non seu­lement les moines par profession, mais tout homme devait être sa vie durant une sorte de moine, il était sur le fond exactement du même avis que moi. Il mérite donc de la part de Rachfahl la même mise en garde sévère que moi, à savoir qu'un moine n'a pas le droit d'avoir de femme, de gagner de l'argent, encore moins celui de s'attacher aux biens de ce monde et que par conséquent cette expression n'est pas du tout appropriée. Pourtant, chacun sait que quand nous parlons aujourd'hui d'ascèse, que ce soit dans le domaine spécifiquement sexuel ou dans celui de la « jouissance de la vie » en général, ou bien que cela concerne le comportement vis-à-vis des valeurs esthétiques ou autres valeurs non « éthiques », nous entendons par là une conduite de vie tout à fait semblable, en son fond, à celle que le puritanisme dans son ensemble (pas seulement le calvinisme, mais d'abord et surtout l'anabaptisme et tout ce qui s'en approchait) érigea en devoir. C'était donc en effet un idéal de vie commun, dans l'« esprit », à ces courants protestants et aux formes rationnelles de l'ascèse monacale ordonnée en méthode de vie — à cette différence près que cette « ascèse » doit se déployer à l'intérieur des ordres du monde : famille, vie lucrative, communauté sociale, et qu'elle est par conséquent modifiée dans ses exigences matérielles en fonction de ces contextes. Que ce phénomène concerne différentes sphères de la vie, en dehors même de celle du « gain », je l'ai montré à grands traits, mais avec suffisamment de clarté pour m'épargner ici une répétition. Même les moyens dont use l'ascèse protestante sont, comme j'en ai fait la remarque (XXI, p. 77 sq.), tout à fait parallèles. J'ai d'autre part rappelé que c'est justement l'ascèse pratiquée dans les monastères qui a permis à ceux-ci d'obtenir leurs résultats économiquement si considérables. J'aurais encore pu ajouter que les sectes ascético-rationnelles ou les formations de type sectaire du Moyen Âge présentent très régulièrement, par la singularité de leur conduite civique, des traits tout à fait semblables (notamment) à ceux des sectes anabaptistes, qui apparaissent plus tard, ou à la catégorie correspondante des sectes russes (toutes n'y appartiennent pas !) jusqu'à ces dernières années. Que le « protestantisme ancien », considéré comme un tout, ait « repris à son compte l'ascèse du catholicisme médiéval », c'est une des nombreuses absurdités que me fait dire Rachfahl. On peut lire chez moi de façon détaillée combien les traits que j'analyse furent attaqués de façon acerbe et violente par le protestantisme ancien, luthérien ou anglican, et par les autres formes de protestantisme non « ascétique » (dans mon acception) qui y voyaient une « sainteté par les œuvres » — exactement comme le fut le monachisme catholique. Le protestantisme a été bien loin de trouver une position unifiée vis-à-vis de l'ascèse (dans mon acception). Je ne vois pas, dans un premier temps, de meil­leur qualificatif qu'« ascétique » pour rassembler sous une caractérisation commune les groupes dont je m'occupe, par opposition au luthéranisme, à l'anglicanisme et aux formes plus édulcorées de la confession réformée. Mais ces différences, que ces groupes ont en commun, existent bien. Et l'évolution que connurent ces groupes « ascétiques » résulte des processus rassemblés sous le nom de « Réformation ». Tel est, par exemple, le cas du gnésioluthéranisme dont Dieu sait si l'esprit, d'ailleurs, ne différait pas moins du Luther des années 1520 que le calvinisme auquel je m'intéresse ne différait des conceptions personnelles de Calvin. C'est ce que j'ai moi-même souligné fortement et que pourtant (ou justement pour cette raison), et comme presque toujours, Rachfahl me renvoie, à titre de leçon et d'objection. Mais quelle espèce d'historien est-ce donc là qui, parce qu'un phénomène (l'éthique puritaine du gain) — d'une immense portée quoiqu'il en soit (comme il le concède lui-même) — lui semble non « éthique » (col. 1250, 1324) et antipathique ; parce que ce phénomène ne lui paraît pas correspondre au schéma — conceptuel — qu'il s'est fait du cours du développement de l'éthique pro­testante, tel que — à vrai dire — il aurait être (car pour dire vrai, c'est bien de cela qu'il s'agit ici), le couvre (N. B. : le phénomène lui-même et non, par exemple, la présenta­tion que j'en fais) de jugements de valeur, en parlant de « distorsion » et autres formules! Qu'est-ce donc que ce méthodologue qui avance l'étrange thèse selon laquelle, en Angleterre, l'existence de l'esprit capitaliste « peut aussi se concevoir sans ce facteur » (religieux), quoique « nous ne voulions absolument pas nier son influence ». Nous sommes donc ici devant un « facteur » qui a eu une importance causale dans un contexte déterminé, mais que l'« historien » peut pourtant se permettre de laisser de côté comme non pertinent, lorsqu'il s'attache à « concevoir » ce contexte. Au lieu de « concevoir », nous pouvons bien dire ici « construire », et nous trouvons ainsi chez Rachfahl, lui qui est si zélé pour défendre son territoire contre les « constructeurs d'histoire » qui ne font pas partie de sa corporation, un « idéaltype » de ce comportement si fréquent chez les historiens, qui consiste à employer des concepts non clarifiés, empreints de préjugés et de jugements de valeur, et cela sans s'en apercevoir.
Il n'existe pas de concept estampillé d'« ascèse ». Que l'on puisse interpréter ce concept de façon bien plus large que je ne l'ai fait, lorsque j'ai comparé la conduite de vie que j'appelle « ascèse intramondaine » et l'ascèse « extramondaine » du monachisme, cela est d'une certaine manière évident et j'en ai convenu moi-même. Je parle expressément en ce qui concerne l'ascèse catholique d'ascèse rationalisée (que l'on trouve à sa puissance maximale dans l'ordre des jésuites), par opposition, par exemple, à la « fuite du monde non réglée » (du côté catholique) ou à la simple « ascèse » affective (du côté protestant). C'est pourquoi mon concept, par exemple, se distingue expressément de celui de Troeltsch, comme chacun, avec un tant soit peu de bonne volonté, est obligé de le voir, même Rachfahl. Lui aussi l'a « vu ». Il parle même d'oppositions « fondamentales » entre nos conceptions respectives. Mais, malgré cela, il guerroie, quand cela l'arrange, contre un concept d'ascèse « troeltscho-wébérien » et rassemble pour le réfuter toutes sortes de concepts d'ascèse différents les uns des autres et venant d'autres auteurs, qui conviennent sans doute aux objectifs de ceux-ci, mais pas aux miens. En outre, que l'on puisse entreprendre la « rationalisation » de la vie selon des points de vue très différents, et par conséquent comprendre cette expression de façon très différente, je l'ai expliqué de façon détaillée au début de mes analyses (XX, p. 35 ; supra, pp. 61-62), et l'ai également souligné plus tard avec force et à profusion (XXVI, p. 278 ; supra, p. 336). Mais pourtant (ou plutôt justement pour cette raison), Rachfahl m'oppose cela comme une « objection », quoique ici aussi — comme il le sait parfaitement — tout ce que j'entends sous ce terme en fonction de mes objectifs soit expliqué suffisamment clairement. J'avoue que ce genre de discussion présente à mes yeux assez peu de valeur et je trouve un peu fort qu'un auteur qui vit à ce point de la confusion provoquée artificiellement et à dessein par une « critique » ne portant que sur des mots, exprime la crainte que ma terminologie, précise et créée explicitement ad hoc, ne soit de nature à « estomper des différences fondamentales ». Essayons tout de même de faire apparaître clairement les points positifs dans le plaidoyer nébuleux de Rachfahl et demandons-nous : où devrait-on trouver, ici, des différences « fondamentales » ?
Mais revenons au point de départ. Le fait que Rachfahl limite, tout à fait arbitrairement, le thème au calvinisme, reste déterminant pour l'essentiel du raisonnement qu'il m'oppose. Le thème véritable de la polémique est axé d'emblée là-dessus et la même déformation de l'objet du débat réapparaît à plusieurs reprises dans ses articles, selon des termes qui, du reste, rendent seuls possible l'unique thèse sérieuse qui m'est opposée.
Réglons d'abord le problème de cette thèse. Rachfahl est persuadé du rôle prépondérant qu'aurait joué la « tolérance » en tant que telle dans le développement économique. Comme le sait tout lecteur de mes études, je ne suis aucunement en opposition avec lui sur ce point. Au contraire, j'ai moi-même évoqué ces connexions — qui, dans le détail, ne relèvent pas de mon exposé, dans son état actuel (XXI, p. 42, note 1). Mais, sur cette question, le point décisif est pour moi le suivant : certes, toute forme de tolérance, dans les conditions de l'époque, a certainement dû contribuer à « peupler le pays », à importer des fortunes et des métiers de l'étranger, mais ce côté des choses ne m'intéresse pas. Pour le déve­loppement de l'habitus que j'ai (ad hoc et uniquement pour mes objectifs) baptisé « esprit capitaliste », la question qui importait à l'évidence était de savoir à qui, concrètement, la tolérance profitait. Dans le cas des juifs, par exemple, ou dans celui des dénominations chrétiennes « ascétiques » (selon mon acception du terme, XXI, p. 28 sq.), elle a alors agi régulièrement dans le sens d'une expansion de cet « esprit » — mais naturellement, cet effet n'était pas une simple conséquence de la « tolérance » en tant que telle. Et, de surcroît, le degré de la tolérance a été, de façon générale, très loin d'être décisif pour le degré de développement de l'« esprit capitaliste » (toujours dans mon acception). Car inversement, on le sait (cf. XX, p. 5), une tolérance incomplète, notamment l'exclusion systématique, pour des minorités confessionnelles, de l'égalité des droits politiques et sociaux, s'est très fréquemment révélée capable d'engager les déclassés sur la voie du gain économique, et ce dans une proportion particulièrement forte. Et c'est conformément à ce schéma que les « Églises sous la croix » apparaissent le plus souvent parties prenantes de ce phénomène. Sir William Petty, que cite Rachfahl, souligne lui aussi expressément ce fait (Political Arithmetic, édition de Londres, 1691, p. 26) : partout, dit-il, ce sont les hétérodoxes qui ont les « affaires » en main ; en particulier dans les pays où règne l'Église romaine, les « trois quarts » des affairés sont dans des mains hérétiques. Mais nous sommes alors confrontés au fait suivant — et cette donnée complémentaire constitue vraiment le point décisif de la situation : jusqu'à présent, ce phénomène n'est apparu nulle part, de façon claire, dans les minorités catholiques privées de leurs droits ou tenues à l'écart, comme je le soulignais immédiatement (XX, p. 6 ) ; de plus, concernant les minorités luthériennes, on n'a rencontré nulle part ce phénomène tel qu'il s'est manifesté dans les dénominations ascétiques, alors que de l'autre côté, on voit des couches calvinistes, quakers et baptistes, présenter habituellement les propriétés caractéristiques de leur comportement et de leur conduite de vie économiques, non seulement quand elles sont en minorité, mais tout aussi bien quand elles dominent. Et là où des dénominations protestantes « ascétiques » et d'autres dénominations chrétiennes étaient en concurrence tout en jouissant des mêmes droits, c'étaient en règle générale les premières qui portaient la vie des affaires. Jusqu'à la dernière génération comprise, sur l'ancien territoire industriel classique de la vallée de la Wupper, le mode de conduite de vie des « réformés », d'un côté, et celui des non-réformés, de l'autre, étaient encore fondamentalement différents, et précisément quant aux traits qui sont ici décisifs. Associée à ce que j'avais appelé ad hoc la « contrainte ascétique à l'épargne », l'activité économique de l'« homme de la profession-vocation » au sein des milieux réformés et piétistes (le piétisme est d'origine réformée) tranchait nettement et de façon remarquable. Toute personne familière de cet environnement ne peut que le constater, quelle que soit la « moralité chrétienne moyenne » inventée ad hoc par Rachfahl. Aussi imparfaite que soit restée indéniablement ma tentative, tout le contenu de cette conduite de vie concordait pourtant tellement bien avec ce que j'en ai dit que, du sein même de ces milieux — et ne venant pas d'un seul bord —, on m'a assuré expressément que c'est seulement maintenant qu'ils comprenaient pleinement la singularité spécifique de leurs propres traditions, à partir de ces antécédents. Et quand, par exemple, Rachfahl m'oppose le Hambourg luthérien, où l'« esprit capitaliste » aurait prospéré et prospérerait sans que les influences du « protestantisme ascétique » y aient contribué, je me permettrai pour l'instant de me contenter de me servir de l'information que mon collègue Adalbert Wahl m'a aimablement communiquée par lettre : contrairement à la situation, qu'il connaît depuis plus longtemps, dans la Baie réformée, où la richesse de l'ancien patriciat a été constituée et conservée grâce à l'épargne, à Hambourg aucune des fortunes familiales aujourd'hui importantes, même celles qui passent pour être héritées de longue date, ne remonte au XVIIe siècle, à une seule exception : et il s'agit d'une célèbre famille réformée. Mais laissons là de tels détails, que je pourrais compléter de maintes informations personnelles du même genre reçues par d'autres sources sur la situation des baptistes, etc. Ma « thèse » décisive sur la signification de la « profession-vocation » ne contenait du « nouveau » — comme je voudrais le souligner avec force — que dans la manière dont je l'ai développée. En ce qui concerne le sujet lui-même, on s'en tiendra, je pense, à ce que ce même contemporain remarquable, sir Petty — que Rachfahl connaît très bien et dont il reconnaît l'autorité, ce qui lui fait croire qu'il peut utiliser contre moi (comme on le voit, très à contresens) ses remarques sur les bienfaits économiques de la tolérance —, a dit seulement deux pages auparavant (pp. 23-24), concernant les raisons pour lesquelles la tolérance (particulièrement en Hollande, dont il s'occupe dans ce texte) a eu des effets si favorables pour les « affaires» : « / now corne to thé firstpolicy ofthe Dutch, viz. : liberty of Conscience... Dissenters ofthis kind» — il s'agit des hommes qui ont mené le combat pour la liberté en Hollande, en premier lieu des calvinistes — « are for thé most part thinking, sober and patient Men, and such as believe that Labour and Industry is their Duty towards God (How erroneous soever their Opinions be) » < J'en viens maintenant au premier principe politique des Hollandais, à savoir la liberté de conscience... Les dissidents de cette nature sont pour la plupart des hommes réfléchis, prosaï­ques et patients ; ils croient que le travail et l'assiduité constituent leur devoir envers Dieu (quel que soit le carac­tère erroné de leurs opinions). Il me semble presque que ce passage pourrait si facilement faire passer l'une des thèses fondamentales de mon étude pour un plagiat, malheureusement inconscient, de Petty, que je peux me permettre de laisser le choix au lecteur entre l'autorité de Petty et celle des critiques modernes ; en conséquence, je me retire, quant à moi, de la discussion. — Cela d'autant plus volontiers que je dois en outre avouer que Groen van Prinsterer aussi, un auteur que l'on créditera — quelque bien qu'en pense par ailleurs Rachfahl — d'un travail fon­damentalement plus profond et plus original sur la singularité de sa patrie hollandaise, a déjà à l'occasion dit exactement, sur le fond, la même chose que moi quant aux raisons de la formation de la richesse dans ce pays (le rapport entre la — relativement ! — faible consommation et le gain).

La suite du passage de Petty élucide encore un autre point, dont son essai se nourrit presque entièrement et dont Rachfahl a fait l'objet d'une de ces nombreuses controverses factices avec moi : « Thèse people (c'est-à-dire les dissenters puritains) believing the Justice of God, and seeing thé most Licentious persans to enjoy the world and its best things, will never venture to be ofthe same religion and profession with voluptuaries and Men of extrême Wealth and Power, who they think hâve their portion in this World » « Ces gens croient en la justice de Dieu ; voyant les personnes les plus débauchées jouir du monde et des meilleures choses qui s'y trouvent, ils ne prendront jamais le risque de partager la même religion et la même confession avec des jouisseurs ni avec des hommes comblés de richesses et de pouvoir, qui, selon eux, prennent toute leur part en ce mond ».

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