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Principes sur la liberté du commerce des grains


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LE TABLEAU ECONOMIQUE



I. Quesnay et Marmontel. — II. L’Ami des hommes. — III. Les Questions intéressantes sur la population. — IV. Le Tableau économique. — V. Les Éditions successives du Tableau. — VI. Objet du Tableau. — VII. Les Maximes. — VIII. Commentaire des Maximes.


      1. I.
        Quesnay et Marmontel.

L’attentat de Damiens, qui servit de prétexte pour arrêter le mouvement philosophique, fit sortir un moment Louis XV de son indifférence coutumière et persuada à Mme de Pompadour qu’elle avait mieux à faire que de s’occuper de bagatelles. Profitant de cette disposition d’esprit, Quesnay entreprit de faire prévaloir auprès du Gouvernement les vues qu’il avait exposées dans l’Encyclopédie.

Il avait alors pour élève, ou soi-disant tel, Marmontel qui l’écoutait sans conviction, avec l’espoir d’utiliser son crédit.

Un Irlandais, du nom de Patullo, venait de faire un petit Essai sur l’amélioration des terres 216, qu’il voulait dédier à Mme de Pom-padour. Quesnay trouva l’épître maladroite et pria Marmontel de la refaire. L’auteur des Contes moraux se tira habilement de sa mis-sion et introduisit dans l’Épître un résumé élégant de la doctrine économique du docteur, un résumé à l’usage des dames. On y lit :

« Parmi les arts qui ont ressenti les effets de votre protection, vous avez distingué l’agriculture comme le plus intéressant et le plus négligé de tous... Le ciel, en vous donnant une âme élevée et bienfaisante, proportionna vos lumières à vos sentiments ; vous aimez le bien de l’humanité et vous le voyez dans ses grands prin-cipes. Les arts même que l’on nomme agréables ont dû surtout l’accueil qu’ils ont reçu de vous à leur utilité politique, à leur liaison cachée, mais intime, avec les premières causes d’un règne heureux et florissant. Si telles ont été vos vues sur des arts de simple décoration, de quel œil considérerez-vous cet art de pre-mier besoin ; cet art, le nourricier des arts et qui les tient tous à ses gages... On ne peut sans étonnement comparer l’importance de l’agriculture avec l’abandon où elle est réduite...

« Ce sont les richesses du laboureur qui produisent les riches moissons. Il n’y a point de secret pour fertiliser les campagnes, sans des travaux qui les préparent, sans des troupeaux qui les engraissent, sans des bestiaux qui les labourent, sans un com-merce facile et avantageux qui assure au laboureur la récompense de ses soins, la rentrée de ses fonds et un bénéfice proportionné aux risques de ses avances.

« Que n’est-il permis, Madame, de développer à vos yeux ces idées élémentaires de l’économie politique ? Vous verriez les pro-duits de la terre se diviser dans les mains du laboureur en frais de culture et en revenus ; les frais se distribuer aux habitants de la campagne ; les revenus se répandre, par les dépenses des proprié-taires, dans toutes les classes de l’État. Vous verriez ces mêmes richesses, après avoir animé le commerce, la population, l’in-dustrie, retourner dans les mains du cultivateur, pour être em-ployées à la reproduction. Vous reconnaîtriez que c’est à la plé-nitude de ce reflux périodique des revenus de l’État vers leur source qu’on doit attribuer leur renouvellement perpétuel et que c’est à cette circulation ralentie, interrompue ou détournée qu’on doit attribuer leur épuisement. Mais ces détails seraient superflus pour qui embrasse le système du bien public dans tous ses rapports et dans toute son étendue. Il vous suffit d’être pénétrée de ce grand principe de Sully :

« Que les revenus de la nation ne sont assurés qu’autant que les campagnes sont peuplées de riches laboureurs ; que le dons de la terre sont les seuls biens inépuisables ; et que tout fleurit dans un État où fleurit l’agriculture. »

La citation de Sully était apocryphe ; mais l’épître produisit un très bon effet. Quesnay en fut enchanté ; Mme de Pompadour en la lisant versa des larmes 217. On les versait alors facilement.


      1. II.
        L’Ami des hommes.

Dans le courant de l’année précédente Quesnay avait fait la connaissance du marquis de Mirabeau, qui venait de publier les trois premières parties de l’Ami des Hommes ou Traité de la Population. L’édition de cet ouvrage, datée de 1756, n’avait été distribuée qu’au printemps de 1757. Un exemplaire en ayant été envoyé à Quesnay 218 ; il écrivit sur une marge :

« L’enfant a tété de mauvais lait ; la force de son tempérament le redresse souvent dans les résultats, mais il n’entend rien aux principe. » Le mauvais lait venait surtout de l’Essai sur le commerce de Cantillon dont, nous l’avons dit, Mirabeau possédait le ma-nuscrit depuis longtemps.

L’Ami des hommes eut un énorme succès 219. L’auteur écrit com-me Montaigne et pense comme Montesquieu, disait-on. L’ou-vrage était pourtant très mal ordonné, et il était écrit dans ce style que l’auteur a défini lui-même, « un style fait en écailles d’huîtres et si surchargé de différentes couches d’idées qu’il aurait besoin d’une ponctuation faite exprès pour le débrouiller 220 ». Mais le livre était amusant quelquefois, intéressant d’autres fois.

Mirabeau voulait prouver que la multiplication des hommes n’est jamais nuisible et il fut plus conséquent avec lui-même que beaucoup de partisans de l’accroissement d la population, car il eut onze enfants.

« Combien de gens voudraient soutenir, demandait-il, attendu qu’ils tiennent dans l’État le haut bout, que l’homme est plus heu-reux étant au large comme on est aujourd’hui que s’il se trouvait serré par ma nouvelle peuplade !

« La mesure de la subsistance est la mesure de la population », affirmait-il, et par subsistance, il entendait la nourriture, les com-modités et les douceurs de la vie.

« Plus vous avez d’hommes, concluait-il, plus vous faites rap-porter à la terre et plus vous la peuplez. Partout où il y a des hom-mes, il y a des richesses. « Tant vaut l’homme, tant vaut la terre, dit un proverbe bien sensé ; il s’ensuit de là que le premier des biens, c’est d’avoir des hommes et le second de la terre. »

La thèse était banale ; les arguments parfois contradictoires ; mais le livre était émaillé d’une foule de hors-d’œuvre présentés avec originalité, quoique dans une langue archaïque, — « maro-tique », disait Quesnay. En économie politique, Mirabeau avait encore moins d’érudition que le docteur et il ne remédiait pas toujours par la pénétration l’insuffisance de ses connaissances.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, des paradoxes à peine reliés entre eux s’accumulaient sur les finances, la justice, le Gou-vernement, les mœurs, la religion, le luxe, la centralisation, la dette publique, l’intérêt de l’argent.

Dans la troisième, supérieure aux deux autres, Mirabeau traitait de l’échange dont il avait bien saisi les effets. Au sophisme de Montaigne : « Le profit de l’un fait le dommage de l’autre », il op-posait le principe : « Nul ne perd que l’autre ne perde : » Il obser-vait que si l’Angleterre était brusquement réduite à la situation misérable de la Corse, ce serait un malheur pour l’humanité. Et il condamnait les prohibitions commerciales, « invention plate et absurde », ainsi que la réglementation du commerce des grains, « autre invention damnable ».

Allant enfin au devant des accusations d’internationalisme qui sont adressées en tous temps aux partisans de la liberté com-merciale, il déclarait que « l’amour de la patrie est plus que com-patible avec l’esprit de fraternité ».

Les sentiments humanitaires dont le marquis faisait ainsi éta-lage, malgré ses instincts aristocratiques, avaient contribué au suc-cès de l’ouvrage. Voltaire toutefois ne fut pas séduit : « L’Ami des hommes, ce M. de Mirabeau qui parle, qui décide, qui tranche, qui aime tant le Gouvernement féodal, qui fait tant d’écarts, qui se blouse si souvent, ce prétendu ami du genre humain n’est mon fait que quand il aime l’agriculture 221. »

Quesnay ne pouvait accepter le point de départ de l’Ami des Hommes. Il estimait que l’accroissement du nombre des hommes peut augmenter la puissance militaire des États, mais n’en aug-mente pas nécessairement la richesse. Néanmoins, comme il avait trouvé dans les développements du livre des idées conformes aux siennes, au sujet de l’agriculture et de échanges, on conçoit qu’il ait voulu connaître Mirabeau qui, de son côté, par ambition personnelle 222 ou fraternelle, devait désirer d’entrer en relations avec le médecin de Mme de Pompadour.

Quesnay fit prier l’auteur de venir le voir à Versailles ; dans l’entrevue qui fut chaude, il lui déclara qu’il avait mis la charrue devant les bœufs et que les écrivains dont il s’était servi étaient des sots. Mirabeau se rebiffa, puis, dans une nouvelle entrevue, le soir même, il s’inclina devant la supériorité du sarcastique docteur.

Celui-ci reconnaissait au fond que l’Ami des Hommes avait du mérite. Lorsqu’il en parla au frère de Mirabeau, il fut beaucoup moins sévère que lorsqu’il s’était adresse au futur disciple :

« Je vois bien qu’il va un train de chasse sans regarder derrière lui ; il fait bien, car il n’y a pas un mot à ôter dans son livre. »

L’ouvrage fut remis à Mme de Pompadour ; Mirabeau eut la naïveté de demander à Quesnay si la favorite l’avait lu. « Elle l’a sur sa table, répondit celui-ci, mais cela est un peu abstrait pour les dames. » Mme de Pompadour n’en déclara pas moins, lors-qu’elle en eut l’occasion, que l’Ami des hommes avait fait beaucoup d’honneur à son auteur.

Les deux hommes ne tardèrent pas à se lier intimement. Ils se ressemblaient peu pourtant : Mirabeau, jeune encore 223, avait l’imagination et l’exubérance méridionales, les allures et les sen-timents aristocratiques ; Quesnay, sexagénaire, avait le ton du médecin aux origines paysannes, et des « instincts subordonnés ».

Mirabeau se mit néanmoins à sa remorque, le copia, le prit pour correcteur, travailla avec lui pendant de longues années sans apporter beaucoup de vues tirées de son domaine propre à l’œuvre commune.

Mais se mettre « docilement aux pieds d’un autre », se traiter « en jouvenceau quand on a quarante-deux ans », étouffer sa vanité lorsqu’on a publié un livre applaudi, faire profiter de la popularité qu’on a conquise un homme que l’on connaît à peine et qui vous a reçu avec des bourrades est un sacrifice peu com-mun. Mirabeau l’accomplit sans réticences, donnant à Quesnay le titre d’homme de génie, allant ensuite jusqu’à l’appeler « le Sage par excellence, l’auteur et l’inventeur de la science, le Confucius de l’Europe, l’aigle audacieux sous les ailes duquel les plus grands hommes se cachent comme des roitelets 224 ».

Quesnay, qui ne pouvait écrire publiquement, avait besoin de disciples. Il encouragea Mirabeau, comme il avait encouragé Mar-montel, non sans administrer de temps en temps à son nouvel élève des coups de férule.

De son écriture rapide, serrée, formée de longues pattes de mouches et pénible à déchiffrer, le Marquis couvrait le papier sans arrêt, ayant quelquefois de la verve, mais rencontrant rarement la précision sur son chemin. Il envoyait copie de ses élucubrations à Quesnay qui révisait le texte ou remplissait les marges d’additions et de critiques, avec une petite écriture droite, ferme, lisible. Le docteur économisait la place et mettait quelquefois ses obser-vations sur des bouts de papier ; l’un d’eux est une bande de la Gazette de France à son adresse 225.

On y trouve des réflexions, telles que celles-ci :

« Tout ceci est vague et instruit fort peu. — Le morceau est bien étoffé, mais j’en redoute la longueur. Il est même arrangé dans un ordre inverse. — Quoique ce morceau soit un peu errant, la masse en est bonne... mais cela est bien long... »

« Vous êtes franc et généreux sur les autres États, pourquoi laisser apercevoir de l’intérêt et du faible pour la noblesse ? Voul-ez-vous la rendre honorable, ne parlez que de ses devoirs et non de son état et de ses droits. Mais ne les bornez pas à la valeur militaire ; le courage n’est qu’une des vertus cardinales ; séparé des autres ce n’est qu’une vertu instrumentale. La vertu générale du noble est le zèle patriotique en tout genre et éclairé sur le bien de l’État. »

La collaboration des deux hommes commença dès qu’ils furent en relations. Tout ce qui a été publié depuis lors par Mirabeau porte trace de la griffe de Quesnay 226.

Ainsi, la quatrième partie de l’Ami des hommes parue en 1758 227, avec la réédition du Mémoire sur les États provinciaux (publié pour la première fois en 1750), renferme un Dialogue entre le surintendant d’O et l’auteur, une Introduction au Mémoire et des Réponses aux Objections 228 qui avaient passé sous les yeux de Quesnay. Elle se termine par un opuscule auquel celui-ci avait collaboré : les Ques-tions intéressantes sur la populations, l’agriculture et le commerce, destinées aux Académies et Sociétés savantes pour obtenir les renseigne-ments statistiques sur l’agriculture. Ces questions avaient été préparées par un nommé Marivelt dont on ne sait rien d’autre, et augmentées par Quesnay qui y avait ajouté des interrogations sur des sujets d’économie politique pure sous une forme telle que les réponses y étaient contenues, à la manière de Berkeley.



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