Ana səhifə

La figure de l’actrice et le temps de l’illusion, dans


Yüklə 97 Kb.
səhifə3/3
tarix24.06.2016
ölçüsü97 Kb.
1   2   3

III/ Le temps insaisissable



« Les poètes, devant mes grandes attitudes,

Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,

Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,

De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :

Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! » (Charles Baudelaire, La Beauté)
La fin du sonnet de Baudelaire ouvre parfaitement la troisième partie de cette étude. Si la beauté fascine, elle n’en est pas moins dangereuse. Vampirisant les jours des poètes, ses grands yeux sont « de purs miroirs », qui renvoient l’image d’un fantasme, de Narcisse s’observant dans le regard d’Echo.
1/ Le regard de Narcisse
Le souvenir du « fantôme blond et rose » qui traverse la vie du narrateur de Sylvie, illustre l’ambition scripturale de Nerval. Il s’agirait d’inscrire dans le présent un passé. Mais, un passé choisi, disséqué, rêvé, et, plus précisément, « recomposé ». Afin de bien saisir ce phénomène, reportons nous au chapitre 7 de Sylvie, qui retrace le souvenir de la représentation d’un mystère, dans lequel figurait Adrienne. Le tableau brossé par le Parisien évoque une scène d’apocalypse qui « transfigure » la religieuse. Celle-ci, comparée à « un esprit montant de l’abîme », est littéralement déifiée par sa stature dramatique. On retrouve des éléments qui éveillent l’appétit onirique du narrateur : « le nimbe de carton doré qui ceignait sa tête angélique » apparaît comme « un cercle de lumière » et, « sa voix avait gagné en force et en étendue ». Pourtant cette apparition ne fait que confirmer l’équation posée au chapitre 3 : l’actrice et le souvenir d’Adrienne se confondent dans un monde idéal. Et, cet axiome ne célèbre que la défaite d’une réminiscence dépassée par la paramnésie. C’est ce qu’avoue Nerval lorsqu’il écrit : « en me retraçant ces détails, j’en suis à me demander s’ils sont réels, ou bien si je les ai rêvés. » Le rêve du rêve souligne l’étendu de l’obsession, celle qui provoque la perte de toute stabilité temporelle. L’utilisation du verbe « retracer » est symbolique : il s’agit effectivement d’une recomposition fantasmée du rêve. « Créer, au fond, c’est se ressouvenir », déclare l’auteur des Filles du Feu. Et tel est pourtant le piège du rêve. « Ce qui contribue au caractère onirique, écrit S. Kofman, c’est que le réel n’est jamais présent, n’aura jamais été présent : il est toujours un simple écho du passé. » Mais, l’auteur souligne aussitôt que « le passé lui-même n’aura jamais été présent, car il était déjà lui aussi préinvesti par le fantasme […] : il n’y a jamais eu le présent, puis sa répétition, en écho, dans le passé ; la répétition est originaire et on ne sort jamais du monde des reflets, des simulacres, des fantasmes et des fantômes. » La recomposition mémorielle témoigne par conséquent d’un passé purement fantasmé. L’exclamation de Coster, à la vue d’Aspasie, est à ce point explicite :
« La beauté que mon rêve a choisie.»
L’actrice ne renverrait donc que l’image d’un narcissisme. La fascination que porte Nerval à l’actrice se justifie dès lors par sa virtualité. Sa capacité à libérer les signes du langage, à incarner tous les rôles, permet l’expression de désirs égotistes. Cependant, dans cette perspective, la comédienne n’a plus aucune réalité, et est réduite à n’être qu’un fantôme vide. Aspasie ne se décrit pas autrement :
« Je ne serai jamais une fille des hommes,

Celui qui parle au spectre échappé du linceul,

Se dit : Nous sommes deux, et pourtant il est seul !

[…]

Feuille flétrie au vent d’un éternel automne,

Chaque jour je me mêle au nuage de l’air,

Et qui veut me saisir n’embrasse qu’un éclair. »
« La morte qui parle » se change alors en Galatée, qui consacre le narcissisme d’un Nerval-Pygmalion. Ce mythe est particulièrement saillant dans L’Imagier de Harlem puisqu’Aspasie fut ranimée par le diable, et n’a d’autre réalité que celle de ses rôles, qu’elle abandonne avec une facilité déconcertante. Elle est, selon Catherine, l’épouse de l’imprimeur, « une statue qui marche », automate au service d’un fantasme. Nous assistons donc à l’accomplissement des « délires théomaniaques » de Nerval. L’actrice et ses avatars cristallisent en effet les désirs du spectateur, et agit donc comme une œuvre autonome. Le piège se referme pourtant sur le narrateur : la réalité brise ce passé fantasmé, et dénonce la falsification du souvenir. Ainsi, après avoir conduit Aurélie « sur la même place verte où pour la première fois » il avait « vu Adrienne », le narrateur raconte-t-il tout, en avouant « la source de cet amour entrevu dans les nuits, rêvé plus tard réalisé en elle. » Aurélie refuse alors d’accepter le rôle de Galatée :  « Elle m'écoutait sérieusement et me dit : - Vous ne m'aimez pas ! Vous attendez que je vous dise : La comédienne est la même que la religieuse; vous cherchez un drame, voilà tout, et le dénouement vous échappe. Allez, je ne vous crois plus ! » Le monde onirique éclate donc sous la pression du réel. La défaite est d’ailleurs proclamée par les réponses de l’Echo à Coster, dialogue symbolisant à merveille le mythe de Narcisse, puisque L’Imagier ne communique qu’avec son fantasme :

« Qui peut fixer ton vol aérien ?



Rien

Quel nom donner à ce divin mensonge ?

Songe. »

Du songe au mensonge, l’image de l’actrice ne renvoie qu’à une falsification onirique. Mais, acceptée par Nerval, qui préfère s’enfermer dans ce microcosme d’apparences. Le héros de Sylvie tente toujours de travestir le passé. La scène du déguisement est symptomatique de ce phénomène. Cherchant « de la poudre » pour parfaire son rhabillage, il se transforme en « marié de l’autre siècle ». La comédie sentimentale se poursuit lorsque la vieille tante revoit « l’apparition » de sa jeunesse. Et pourtant, cette pseudo-renaissance du souvenir n’est qu’un leurre du passé. Car, si les chants d’autrefois accompagnaient « les mariés rentrant après la danse », le couple formé par Sylvie et Nerval n’en est pas un, et eux, vont bientôt repartir. Ce jeu mensonger n’empêche pas l’arrêt de l’implacable cours du temps : « Nous étions l’époux et l’épouse, écrit-il, pour tout un matin d’été. » Echec cuisant de cette mise en abîme onirique. Comme le souligne Philippe Destruel : « Le conte merveilleux ne finit pas toujours très bien. Il est dangereux d’invoquer ainsi le passé, des morts qui ne ressusciteront jamais. Quant à Sylvie et au narrateur, ils ne se marièrent pas et n’eurent jamais d’enfants. Cette scène en trompe-l’œil ne trompe personne. »




2/ La cellule d’Aldébaran
Falsifier le passé, acte manqué accepté par lehéros, entraîne un évident parallèle entre l’actrice et l’écriture. Le projet scriptural nervalien est, de fait, comparable aux mécanismes littéraires de l’autobiographie, puisque, dans les deux cas, se pose l’énigme de la réminiscence, ou, plus loin, de la paramnésie. Maurice Blanchot, dans L’Espace littéraire, réinterroge le mythe d’Orphée en axant sa réflexion sur le geste littéraire. A ses yeux, l’œuvre du joueur de lyre est de faire réapparaître celle qui a disparu. On sait pourtant qu’Orphée, par impatience, se retourne sur sa compagne, et celle-ci disparaît à jamais. M. Blanchot émet alors l’hypothèse qu’Eurydice est l’œuvre et Orphée l’écrivain. Voulant atteindre l’œuvre, l’immédiateté du souvenir, du passé, il se retourne sur elle, et la voit s’évanouir. La relation à Eurydice ne peut donc s’accomplir que dans l’improbable quête ouverte de l’écriture. A l’impossible regard direct, s’oppose, comme l’écrit Blanchot « une exigence extrême ». L’acte scripturaire est alors ainsi défini : « l’insécurité et l’inaccessible, l’expérience infinie de ce qui ne peut pas même être cherché, l’épreuve de ce qui ne se prouve pas, d’une recherche qui n’en est pas une et d’une présence qui n’est jamais donnée ». Ce rapport à l’écriture, ce « désir demeuré désir » selon la formule de René Char, confirme la réalité de l’écriture : elle est inépuisable, insaisissable.
Dans le cadre exemplaire de l’autobiographie, on perçoit aisément la froide certitude scripturale : si le langage vise à cerner le modèle, le modèle lui-même reste incernable. Or, la falsification employée par Nerval trahit l’impuissance d’une écriture. A défaut d’authenticité, le travestissement permet de contourner le mur du langage. La Pandora, dans cette optique, paraît être une allégorie de l’écriture. Cependant, « l’enchanteresse » représente avant tout le désavoeu de la création littéraire. Lorsque débute la nouvelle, la comédienne rédige une lettre, et selon l’expression employée par Michel Jeanneret, « communique aux mots sa fondamentale carence » :
« Une lettre qu’elle faisait semblant d’écrire n’avançait guère, et les délicieuses pattes de mouche de son écriture s’entremêlaient follement. »
Le mensonge s’infiltre partout. Pandora feint d’écrire et trace des caractères illisibles. En pervertissant l’écriture, la comédienne tend un piège à Nerval. La Pandora devient terrifiante dans son essence même puisqu’elle condamne tout salut scriptural ; ainsi, un « mandarin » est-il vidé de toute substance référentielle et devient l’absurde alliage d’un mandat légal et d’un fleuve. Comparée à une « sirène dorée », l’actrice fascine le spectateur par sa virtualité et son ouverture à une polysémie infinie. Mais, dans le même temps, elle précipite le prétendant dans le royaume de l’insignifiant, de l’irréalité. Marilia Marchetti souligne également qu’elle « est un signe qui se métamorphose lentement en création vivante et qui détient tout signifiant. Son univers est celui du théâtre et de l’apparence. » L’implacable piège se referme alors sur Nerval : la falsification de l’actrice est telle qu’elle emprisonne le héros dans une cellule des illusions. Ainsi, dès que « l’artificieuse Pandora » aperçoit le narrateur, l’enferme-t-elle dans le carcan d’un rôle, arbitraire et humiliant : « Tiens, c’est un petit prêtre », s’exclame-t-elle. Couvert, dès lors, d’un masque, dépossédé de soi, Nerval va être définitivement aliéné par l’actrice. Refusant de jouer aux Ecclésiastiques, le petit prêtre déclare ne plus vouloir remettre l’habit noir, symbole de sa mystification. Mais Pandora étouffe toute contestation, lui demandant de lui « laisser son illusion ». L’actrice noie son prétendant dans ce rêve mensonger et maléfique. Par suite, la comparaison entre le poète et Prométhée prend un singulier relief : « Ô Jupiter ! Quand finira mon supplice ? ». Le motif de la prison revient dans L’Imagier de Harlem. La dame de Beaujeu apprend à Coster :
« Votre prison sera ce manoir enchanté

Qui reçut le doux nom de château de Beauté »
Image de Circée, Aspasie piègera Coster dans son illusion durant 12 ans. De même, derrière l’astucieuse Pandora, il devine le double féminin du Diable, la nommant Jézabel ou Impéria. Impéria est également la dernière déclinaison d’Aspasie dans L’Imagier de Harlem. Celle qui réunit toutes ces femmes, se dégage finalement Lilith, femme qui prend « toutes les formes pour nuire aux gens, surtout aux hommes qui sortent de la ligne ordinaire ». Ce sera cette changeante séductrice qui habitera toutes les productions théâtrales de Nerval : «  Alilah, c’est-à-dire Lilith la femme éternellement condamnée de la tradition arabe, et dont le Démon se sert pour séduire tous les grands hommes et leur faire manquer leur but. » (Lettre adressée à Janin). Alilah est l’incarnation même du mensonge. Son existence se réduit à un passé d’avatars, et lorsqu’elle avoue à son maître Satan qu’elle pourrait aimer Coster, leur dialogue est éloquent :
« Satan : Toi l’aimer ! Toi, vraiment ! ah ! t’ai-je bien comprise ?

[…]

Aspasie, aimas-tu l’élève de Socrate ?

Cléopâtre, aimais-tu dans la belle Memphis,

Le triumvir Antoine, ou César, ou son fils ?

Quand Alcide brisait sa marche triomphale

Sur l’écueil de tes bras, l’aimas-tu, reine Omphale ?

C’est le mensonge seul qui dompta tes amants

Et quand tu dis encore que tu l’aimes… tu mens ! »
Le mensonge habite l’actrice. Et, Nerval, au terme de ses pérégrinations mémorielles, doit reconnaître que l’étoile du théâtre n’est plus qu’un « astre trompeur » :

« Ermenonville ! pays où fleurissait encore l'idylle antique […]. Tu as perdu ta seule étoile, qui chatoyait pour moi d'un double éclat. Tour à tour bleue et rose comme l'astre trompeur d'Aldebaran, c'était Adrienne ou Sylvie, - c'étaient les deux moitiés d'un seul amour. L'une était l'idéal sublime, l'autre la douce réalité. Que me font maintenant tes ombrages et tes lacs, et même ton désert ? »



3. Les trois Parques
« Rien n’est plus dangereux pour les gens d’un naturel rêveur qu’un amour sérieux pour une personne de théâtre ; c’est un mensonge perpétuel, c’est le rêve d’un malade, c’est l’illusion d’un fou. La vie s’attache toute entière à une chimère irréalisable qu’on serait heureux de conserver à l’état de désir et d’aspiration, mais qui s’évanouit dès que l’on veut toucher l’idole », déclare Nerval dans Les Confidences de Nicolas. Guttemberg, ouvrier et ami de Coster, affirme de façon identique que le joug de Lilith s’exerce sur la volonté du héros :

« Ah ! oui, tous ces inventeurs, tous ces hommes de génie, ont malheureusement là, dans le fond, une folle maîtresse … Une femme qui n’existe pas, et qui se nomme imagination ; ils la poursuivent toute leur vie, ils sacrifient tout à ce rêve ; ils bâtissent pour lui de beaux châteaux en Espagne, et oublient leur maison et leur travail. »



Nerval s’est attaché à la merveilleuse et diabolique ronde d’apparences fugitives. Au bout de sa longue quête, le poète se voit face à face avec un miroir grimaçant qui ne lui renvoie que l’image de son désir et de sa nostalgie. L’univers scénique n’est plus que l’écho de sa propre voix. Et, la lettre adressée à Jenny Colon, actrice réelle, présente la même désillusion que l’ultime phrase de La Pandora :
« Non, mon Dieu ! vous ne m’avez pas créé pour mon éternelle souffrance ».
Cette course aux Chimères achève-t-elle l’aventure démiurgique ? La réponse à cette cruciale interrogation repose à nouveau sur l’actrice. Mais, dans l’optique de la désillusion, du retour prosaïque et douloureux au réel. Revenons dans un premier temps à Sylvie. Lorsque le narrateur revient à Loisy, il décrit « vingt chaumières dont la vigne et les roses grimpantes festonnent les murs ». Nous avions évoqué la rose, associée aux Heures, qui était un véritable symbole de recomposition et de répétition temporelle. Or, la description des fleurs est directement suivie par l’apparition de « fileuses matinales, coiffées de mouchoirs rouges ». Ce détail est loin d’être anodin. En effet, le héros souligne que Sylvie elle-même « exécute de fines dentelles » : « Je suis monté à sa chambre, sans étonner personne ; déjà levée depuis longtemps, elle agitait les fuseaux de sa dentelle, qui claquaient avec un doux bruit sur le carreau vert que soutenaient ses genoux ». Que peut-on conclure de ces remarques ? Sylvie, on le sait, est l’image d’une Heure, déesse liée au temps cyclique de la répétition. Or, S. Kofman met en avant un point crucial : « Dans l’iconographie – et c’est ici essentiel – [les Heures] sont représentées par trois jeunes filles gracieuses tenant à la main une fleur ou une plante ». Et, en effet, Sylvie présente bien trois « jeunes filles en fleur » : Aurélie, Adrienne et Sylvie. Le puzzle semble alors se constituer puisque les Heures, déesses de la végétation, gardiennes des lois de la nature, sont aussi déesses du destin, à l’instar des Parques romaines, en d’autres termes : des fileuses. Le cycle qu’elles symbolisent n’est plus ce retour temporel, mais plutôt le cycle de la vie, et de la mort. S. Kofman souligne que Sylvie est « un conte dont on pourrait tirer la leçon que nul n’échappe au destin humain filé par quelque Parque qui noue indissolublement la répétition et la différence, le retour et le changement, la vie et la mort ». Sylvie est d’ailleurs la figure qui ramène le sens de la vie à la pure nécessité. Elle travaille et ne vit pas de chimères et de chansons. « Il faut songer au solide » explique-t-elle au héros. Et, c’est encore elle qui annonce la mort d’Adrienne au poète, signifiant un temps et une réalité inexorable.
On retrouve encore les trois Parques dans La Pandora. Si dans la version primitive, le chapitre 1 s’intitule « Trois femmes ». Trois actrices apparaissent dans la seconde version : Pandora, bien sûr, puis Rosa, « figurante au théâtre », et enfin le type même de la femme idéalisée : la Kathi, décrite comme « bionda et grassota ». On la retrouve d’ailleurs dans le Voyage en Orient. Le narrateur confie à son correspondant : « Imagine que c’est une beauté de celles que nous avons tant de fois rêvées, - la femme idéale des tableaux de l’école italienne, […], bionda et grassota, la voilà trouvée ! » Les trois actrices, encore une fois, figure de l’idéal, privent pourtant d’autonomie le héros, « petit prêtre » dont la destinée est dans la bobine des Parques. Ainsi, l’exclamation finale le comparant à Prométhée enchaîné démontre que son destin appartient à Pandore : « O Jupiter ! Quand finira mon supplice ? » De même, la Saint-Sylvestre est l’unique date qui ouvre puis clôt le récit. Dernier jour de l’année, d’un cycle, il marque le destin prométhéen filé par Pandora.
Enfin, L’Imagier de Harlem propose encore trois figures féminines qui se partagent la vie et la destinée de l’inventeur : sa femme, Catherine, décrite dans une lettre à Jules Janin comme une « femme bourgeoise qui ne le comprend pas et qui le fait souffrir, mais qui le sauve par le sentiment religieux », puis, sa fille Lucie, métamorphosée en ange, et bien sûr l’actrice Aspasie. Dans ce drame-légende, il est intéressant de constater que Coster se fait toujours pièger par le diable. Il ne doit son salut qu’à l’action de ces trois femmes. Ce sont elles qui brodent sa vie, alors que l’inventeur est totalement prisonnier des maléfices du diable. Cette œuvre s’achève pourtant en apothéose, puisque Aspasie, spectre à la botte de Satan, s’humanise par une conversion à l’amour divin. Le triomphe de Coster est, on le voit, scellé par l’actrice elle-même.

CONCLUSION

Les trois œuvres offrent donc trois trajectoires. La désillusion frappe le scripteur, et doit se résoudre à appeler sa chère Sylvie « Lolotte ». L’Imagier de Harlem s’achève triomphalement par la rédemption de Lilith. Il n’en demeure pas moins que, dans ce cas, l’actrice abandonne ses pouvoirs démiurgiques, son intemporalité spectrale, afin de reprendre pied sur le réel. Enfin, la Pandora abandonne Nerval aux supplices du rêve. La boîte de Pandore gît maintenant, ouverte. L’actrice impose ses choix et laisse s’écouler, selon ses désirs, le sable du temps. Au cœur même des fantasmes nervaliens, elle illustre avant tout l’échec d’une écriture. Ce qui fait l’originalité de Pandora, ce n’est d’ailleurs pas seulement le lien qui unit la comédienne à l’écriture. Au delà de la parabole scripturale, l’actrice du théâtre de Vienne fait avorter l’autonomisation d’une œuvre. Il semble qu’en effet, le traducteur de Faust soit particulièrement sensible à ce projet, à la frontière de la folie. « Il faut aller poser le pied solidement sur le moins ancien, prendre part à la vie pour quelques temps et trouver les moyens de lui ravir l’ombre d’Hélène », écrit-il dans la préface de l’œuvre de Goethe. Mais, il faut également «  la faire vivre matériellement dans notre atmosphère ». Le parallèle entre la femme et la création littéraire affirme un désir d’absolu. La lyre module l’idée démesurée que l’œuvre devienne son propre modèle, son propre absolu. De façon similaire, « le livre sur rien […] qui ne tiendrait que par la seule force de son style », formule précisément l’engagement de l’écrivain : celui de « reconstruire intégralement le monde dans l’ordre du langage », comme l’écrit J.-M. Maulpoix dans La Voix d’Orphée. Cependant, cette fièvre scripturale, qui prend pour organe l’actrice même, est condamnée à l’échec. Pandora, on l’a vu, conduit à la signifiance par l’exclusion du signifié. De façon identique, Aurélie rejette son autonomie artistique afin de conserver son identité. Livrée à elle-même, l’écriture devient inutile. Le rideau tombe définitivement sur les illusions. Comme le souligne Marilia Marchetti, en prenant l’exemple de la comédienne du théâtre de Vienne, « Pandora s’exhibe ainsi comme le lien énigmatique où la fiction de l’écriture trahit son manque angoissant. »






1   2   3


Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©atelim.com 2016
rəhbərliyinə müraciət