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Buridan le héros de la Tour de Nesle Beq michel Zévaco Buridan le héros de la Tour de Nesle


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Le comte de Valois


Valois s’était jeté hors du Louvre à la tête d’une vingtaine d’archers à cheval qui attendaient dans la grande cour, ayant d’avance reçu des ordres. Au grand trot, précédée de torches, par les ruelles noires déjà désertes, la cavalcade, avec un grand bruit d’armures entrechoquées, avait traversé Paris et mis pied à terre devant la Courtille-aux-Roses.

« Attention ! dit Valois. Il s’agit d’une sorcière. Ainsi, que chacun prenne garde et se recommande au saint qu’il préfère. »

Des imprécations éclatèrent parmi les soldats, des cris de haine, des insultes, des menaces.

« Qu’elle ose me regarder, je lui fends le crâne d’un coup d’estramaçon !

– Si elle fait un signe, c’est qu’elle veut nous jeter un sort. Alors, moi, je l’assomme avec ma masse !

– Il vaut mieux lui crever les yeux !

– Et lui trancher tout de suite les poignets !...

– Tenons-nous bien, camarades ! Voici Mgr le comte qui frappe à la porte maudite...

– Il faut vraiment qu’il soit brave !

– Et ce n’est pas étonnant, puisqu’il est de sang royal... »

Valois, dans sa hâte, frappait lui-même du poing. Les archers frémirent et firent le signe de croix.

« Gillonne, Gillonne ! quels sont ces bruits ? »

Myrtille tremblante, Myrtille pâle comme un lis qui se meurt, depuis la scène qu’elle avait eue avec son père, Myrtille qui, depuis le départ de maître Lescot, était demeurée à la même place, n’ayant de force que pour pleurer, Myrtille avait, au bruit des chevaux, relevé la tête et écouté sans terreur.

Que la maison fût même attaquée par une bande de truands, tout lui était indifférent.

Elle songeait seulement qu’elle allait quitter la Courtille-aux-Roses sans pouvoir prévenir Buridan, et que son père haïssait celui qu’elle aimait de toute son âme...

« Gillonne, va voir ce que sont ces gens et ce qu’ils veulent !... »

Gillonne déjà ouvrait la porte de l’enclos. Valois entra.

« Elle est là ? demanda-t-il sourdement.

– Oui, monseigneur.

– Où trouverai-je le sortilège ?

– Dans la chambre du haut, vous verrez à la tête du lit un prie-Dieu. Au-dessus du prie-Dieu l’image de la Vierge. Et sous la Vierge un bénitier. J’en ai retiré l’eau bénite. C’est là, dans ce bénitier, que Monseigneur trouvera la figurine ensorcelée semblable à celle que je lui ai envoyée...

– Et tu seras prête à témoigner que cette Myrtille est la propre fille d’Enguerrand de Marigny ?...

– Qui se fait appeler ici maître Lescot, oui, monseigneur !

– Et tu seras prête à témoigner que le père de la sorcière a assisté à la fabrication du sortilège ?

– Oui, monseigneur !

– Et qu’il a consenti à être le parrain de la figurine ?

– Oui, monseigneur !

– C’est bien. Gagne mon hôtel. Une chambre t’y est préparée. Tu y resteras jusqu’à ce que j’aie besoin de toi, et, pour commencer, tu y trouveras la moitié de la somme convenue.

– Et quand aurai-je l’autre moitié, monseigneur ?

– Le jour où le cadavre de Marigny se balancera au gibet de Montfaucon ! » répondit Valois.

La hideuse mégère eut un sourire, hideux comme elle. Puis, s’enveloppant de son manteau et de sa capuche, elle sortit de l’enclos sans tourner la tête et se dirigea vers Paris.

Valois appela le chef de l’escorte et lui dit :

« Monte cet escalier jusqu’à la chambre d’en haut. À la tête du lit, tu verras un bénitier. Prends ce que tu trouveras dans ce bénitier et apporte-le-moi. »

Le soudard s’élança et Valois pénétra dans le logis, tandis que les archers, se rapprochant à mesure qu’il avançait, pénétraient dans la Courtille-aux-Roses.

Il était sombre de joie. Car la joie, chez certaines natures et sur certaines physionomies, prend des teintes funèbres. Une effroyable haine gonflait le cœur de cet homme à le faire éclater. Ce qu’il avait souffert d’humiliation, de rage, d’envie pendant les dernières années du règne de Philippe le Bel, alors que lui, frère du roi, était moins honoré qu’un intendant de Marigny, ce long supplice de l’ambitieux qui ronge son frein, de l’envieux forcé de se courber devant le rival exécré, toute cette torture enfin avait détruit en lui tout sentiment humain et ne lui avait laissé qu’une raison de vivre :

La vengeance.

Oh ! elle serait implacable, féroce, avec des raffinements de hideur que, durant ses longues nuits d’insomnie, l’un après l’autre, il avait imaginés.

Pour se venger, il descendrait jusqu’à la lâcheté ! Il se ferait chien, il se ferait chacal, n’ayant pu être le lion qui d’un coup de sa patte puissante fracasse la tête de l’adversaire.

Et pourtant, cet homme avait de brillantes qualités que signale l’histoire. Et qui sait si ce n’est pas à cause de ces qualités, bien plus encore que pour complaire à Marigny, que Philippe le Bel, toujours tourmenté de soupçons, avait tenu son frère à l’écart ? Grand, fort, audacieux, brave, entreprenant, qui sait de quelles héroïques actions Charles de Valois eût été capable si, trouvant l’emploi de ce qu’il avait en lui de fier et de généreux, il ne s’était pas lentement enlisé dans cette fange fétide qui croupit au fond du cœur humain :

L’envie !...

Maintenant, c’était fini. Il se sentait déchu. Il comprenait qu’il avait descendu les derniers degrés de l’infamie, et il se disait :

« Que je sois haï, que je sois méprisé pour les moyens que j’emploie, soit ! Mais, que du moins ma vengeance soit si effroyable que la haine soit plus forte encore que l’opprobre !... »

Sa vengeance ! Il la tenait ! Aussi complète qu’il l’eût jamais rêvée !... Le lendemain, Marigny serait mis en accusation ! Marigny, impuissant, verrait condamner et mourir sous ses yeux cette enfant qu’il adorait. Et puis, lui-même serait traîné au supplice !

Voilà ce que Charles de Valois se disait en pénétrant dans le logis de Myrtille.

Les portes avaient été laissées ouvertes par Gillonne. Il arriva dans la grande salle paisible où Myrtille, assise dans un fauteuil, la figure dans les mains, ayant oublié déjà ces bruits de chevaux et d’armures, songeait à son malheur...

« C’est vous qu’on appelle Myrtille ? dit rudement Valois en entrant.

– C’est moi, monsieur », répondit la jeune fille, qui se leva, tremblante.

Valois prononça :

« Jeune fille, tu es accusée de sortilège et maléfice dirigés contre la personne sacrée du roi. Sorcière, au nom de Sa Majesté, je... je... »

Il voulait dire : « Je t’arrête !... » Et le mot s’étranglait dans sa gorge !...

Le comte de Valois bégayait, pâlissait, rougissait et dévorait des yeux la sorcière qu’il venait arrêter, la fille d’Enguerrand de Marigny !...

Que se passait-il en lui ? Quel bouleversement s’opérait dans son esprit ? Il voulait dire : « Je t’arrête !... » et en lui-même, éperdu de stupeur et d’admiration, il balbutiait :

« Quoi, c’est là la fille de Marigny ! Quoi ! c’est là cette jeune fille que je vais livrer au bourreau ! Quoi ! c’est là cette enfant que je vais convaincre de sorcellerie !... Quoi ! tant de beauté, de grâce et de suave innocence réunies sur un même visage humain !... »

Ce qui se passait dans l’esprit ou dans le cœur de Charles de Valois ?... Il se passait qu’une passion violente, impétueuse, terrible par sa soudaineté même, une de ces passions qui, parfois, frappent un cœur d’homme à l’improviste, comme la foudre frappe un chêne, se déchaînait en lui ! Il se passait que, sans se l’avouer, sans le savoir, alors qu’il croyait seulement lutter contre une passagère faiblesse de pitié, Charles, comte de Valois, se mettait à aimer de toute son âme, de tous ses sens, de tout son être, Myrtille, fille d’Enguerrand de Marigny !...

*

Sous l’épouvantable accusation, Myrtille avait chancelé ! Elle savait trop bien ce qui l’attendait, même innocente, et qu’une pareille accusation, c’était la mort, la plus affreuse des morts, dans les tortures et les flammes !



Éperdue d’horreur, elle joignit les mains, leva sur le sombre personnage la pureté radieuse de ses yeux d’azur, et d’une voix faible, pareille à la plainte de la biche aux abois, simplement, elle murmura :

« Oh ! monsieur, que vous ai-je fait ?... »

C’était si imprévu, cette question, c’était si poignant, c’était une si profonde divination de l’horrible vérité, que toute éloquente défense eût paru inutile et fausse après ce cri qui disait tout.

Valois, frappé au cœur, demeurait muet, hagard et songeait ceci :

« C’est impossible ! C’est monstrueux ! Il faut qu’elle fuie ! »

Nous disons qu’il pensait ces choses. Mais c’était vague, imprécis... tout ce qu’il comprenait, c’est qu’il éprouvait un vertige d’horreur à la pensée de livrer cette enfant au bourreau, c’est qu’il ne voulait plus sa mort, c’est qu’il voulait maintenant de toutes ses forces qu’elle pût vivre !

Sans se rendre compte de ce qu’il faisait, il alla à la fenêtre, en grondant :

« Elle peut fuir par là... écoute, jeune fille, je...

– Monseigneur ! Monseigneur ! hurla à ce moment une voix, je tiens la chose ! J’ai trouvé le sortilège !... Abomination ! C’est dans un bénitier, sous une image de la Vierge, que la sorcière le cachait !... »

Le chef des archers faisait irruption dans la salle, agitant la figurine de cire !

En même temps ses soldats entraient en tumulte, avec des imprécations terribles ; en un instant, Myrtille fut entourée, saisie, entraînée...

Stupide d’épouvante, non pas devant l’arrestation de Myrtille, mais devant ce qu’il entrevoyait au fond de son propre cœur, Valois suivit, sans un mot, marchant en rêve.

Quelques minutes plus tard, Myrtille, rudement poussée par l’escorte forcenée, franchissait le pont-levis du Temple...

Quelque chose comme un pâle sourire, d’une infinie détresse, passa sur ses lèvres et elle murmura :

« Je savais bien que l’ombre du manoir du Temple glacerait ma vie !... »

Entre Valois et le gouverneur de la forteresse des Templiers, transformée en prison par Philippe le Bel, il y eut une brève explication.

Puis, le comte de Valois remonta à cheval et, au pas, s’arrêtant parfois, lentement, écrasé par de formidables pensées, il regagna le Louvre.

Myrtille fut saisie par deux geôliers qui, non sans multiplier les signes de croix, s’emparèrent d’elle, la poussèrent vers un escalier qui s’enfonçait dans les entrailles de la terre, puis, à demi morte, la jetèrent dans une sorte de trou de quelques pieds carrés, et, violemment, refermèrent la porte de fer de ce cachot...

Et Myrtille demeura plongée dans les ténèbres silencieuses, pareilles aux ténèbres de la tombe... Seulement dans ce lourd silence, à intervalles réguliers, résonnait un bruit mat : c’étaient les gouttes d’eau qui se formaient au plafond et tombaient dans la large flaque de boue qui était le sol du cachot. Seulement aussi, au fond de cette nuit, des points minuscules brillaient d’une lueur pâle : c’était le salpêtre qui couvrait les murs de la tombe...

VIII



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