Ana səhifə

Buridan le héros de la Tour de Nesle Beq michel Zévaco Buridan le héros de la Tour de Nesle


Yüklə 1.34 Mb.
səhifə33/39
tarix24.06.2016
ölçüsü1.34 Mb.
1   ...   29   30   31   32   33   34   35   36   ...   39

Bataille de Bigorne contre des vautours


Voici ce qui s’était passé : Lancelot Bigorne, entré dans la tour en même temps que Mabel, s’était arrêté au rez-de-chaussée tandis qu’elle montait.

Où était Buridan ?

En quel endroit de la tour était-il enfermé ?

C’est ce que Bigorne ignorait complètement. Mais, avec cet instinct particulier à l’homme habitué aux aventures, il avait supposé que, dans une tour comme celle-ci, les oubliettes devaient jouer un certain rôle et que, pour le moment, les sous-sols devaient être pour lui plus intéressants que les étages supérieurs.

Seulement, par où descendait-on à ces sous-sols ?

Lancelot Bigorne était demeuré en présence de l’homme qui avait ouvert la porte. C’était un fort gaillard qui ne le perdait pas des yeux : le soupçon était de règle en cet endroit. L’homme, au bout d’un instant, demanda :

« Vous êtes entré avec la femme qui a donné le mot de passe. C’est donc que vous avez affaire en haut ?

– En haut ou en bas, je ne sais pas au juste », répondit Bigorne.

L’homme demeura perplexe.

« Conduisez-moi toujours en bas, insinua Bigorne. Je connais déjà tout le haut de la tour, belle tour, ma foi ; mais, tenez, je crois bien que c’est plutôt en bas que mes affaires m’appellent.

– C’est bien », dit l’homme, dont les soupçons parurent se changer en certitude.

Et il porta à ses lèvres un sifflet dont il tira un son aigu. Le coup de sifflet ne retentit pas jusqu’au bout ; à peine l’homme avait-il fait entendre cet appel qu’il tomba comme une masse : d’un coup de dague à la gorge, Bigorne, soudain rué sur lui, l’avait abattu.

« Diable ! grogna Lancelot. Je crois bien que je l’ai tué. Oui, l’animal est bien lourd ! Allons, arrive, l’ami, laisse-toi faire sans tant de façons... »

En parlant ainsi, il traînait l’homme blessé, ou mort peut-être, jusque dans un angle de la salle, puis, d’un bond, il alla se poster près de la porte du fond qui faisait vis-à-vis à la porte d’entrée.

« Le coup de sifflet, grommela-t-il, n’est pas évidemment pour appeler des moineaux. C’est quelque vautour qui va fondre sur moi... mais... »

Il n’eut pas le temps d’achever. Un homme descendant l’escalier de pierre arrivait rapidement, pénétrait dans la salle et criait :

« Qu’y a-t-il ?...

– Rien, mon ami, ou presque rien ! » répondit Bigorne en sautant sur le nouveau venu qui, pris à l’improviste, n’eut même pas le temps de parer le coup mortel. Il vit luire la lame de la dague et tomba, et ce fut tout.

Bigorne poussa alors la porte en disant :

« Voyons s’il n’y a plus de vautour au nid ?... »

Puis, ce nouveau cadavre, il le traîna près du premier en grognant :

« Ah çà ! qu’est-ce qu’ils ont donc tous à être si lourds ? Dans mon temps, lorsqu’après une bagarre ou une bataille, j’éprouvais le besoin de soulager un corps de ce qui pouvait l’encombrer, comme pierreries ou pièces d’argent, je le trouvais toujours léger comme la plume. Le monde s’alourdit. Mauvais signe. On mange trop, peut-être ! »

Comme il achevait ce palabre et qu’il finissait de ranger les deux corps l’un près de l’autre, il vit une chose qui le frappa et lui fit écarquiller les yeux et ouvrir la bouche.

Le mur parut se fendre, les pierres semblèrent s’écarter d’elles-mêmes ; et par l’ouverture béante, Bigorne entrevit un escalier qui descendait.

« Oh ! fit-il, c’est donc par là qu’on va à la cave ?... »

Mais en même temps que l’escalier, Bigorne vit un homme qui apparaissait et qui, à la vue des deux cadavres demeura un instant terrifié.

Cet homme, c’était l’un des deux geôliers, ou plutôt des deux valets qui gardaient le cachot des trois prisonniers en même temps qu’ils les servaient. L’autre, comme on se le rappelle, était monté aux étages supérieurs pour prévenir Marguerite que Buridan avait bu le flacon d’élixir.

« Bonjour, dit Bigorne, ou bonsoir, comme vous voudrez, l’ami. Donnez-vous la peine d’entrer, que diable ! Alors, comme ça, vous habitez dans les murs ? Vous n’êtes donc pas vautour comme ces deux-ci ?

– Vautour ? dit machinalement le valet.

– Mettons chauve-souris, puisque vous avez la singulière manie de vous loger aux trous des murs, habitude déplorable que saint Barnabé, mon vénéré patron...

– Par tous les diables d’enfer ! rugit l’homme, revenu de sa surprise et de sa terreur, tu vas aller rire chez Satan !

– Non, dans tes caves, l’ami ! »

L’homme s’était rué : la lutte fut courte. D’un formidable coup de tête dans l’estomac, Bigorne abattit son adversaire, puis, sautant sur lui, han ! d’un seul coup, il le perça de part en part.

Presque aussitôt Bigorne fut debout, et dans le même instant il vit la porte du fond se rouvrir violemment.

« Encore un vautour ! » grommela-t-il en levant sa dague rouge.

Mais, cette fois, son bras ne s’abattit pas. Cette sorte de griserie effroyable que le sang faisait monter à sa tête tomba subitement.

« Une femme ! » murmura-t-il.

C’était une femme, en effet. Pâle, les cheveux en désordre, elle traversa la salle en quelques pas sans regarder, sans voir peut-être, et s’enfonça dans l’ouverture qui béait dans le mur entrouvert.

Une fois Marguerite passée, ainsi qu’un rapide fantôme, Bigorne fit une grimace, et ses yeux venant à tomber sur la porte que la reine avait laissée grande ouverte :

« Assez de vautours ! » fit-il.

Et il ferma la porte, cette fois, en la verrouillant solidement.

Derrière cette porte, au bout de quelques instants, des coups commencèrent à retentir, mais Bigorne n’y prenait garde : il contemplait les cadavres des trois hommes. Cadavres, sans doute, car il avait frappé de rudes coups.

La vie, alors, comptait pour bien peu. Ces gens étaient inconnus à Bigorne. Au fond, c’étaient des ennemis. Mais maintenant que sa fièvre de carnage était passée, un frisson le secouait.

« Diable ! murmura-t-il en hochant la tête. J’aurais pu frapper moins fort. Il faudra que je confesse ces trois cadavres au digne curé de Saint-Eustache. Et que pourrais-je bien lui donner pour avoir l’absolution ? Car je le connais, le gaillard ! Trois coups de dague à dix écus la pièce, l’un dans l’autre... où vais-je prendre trente écus, moi ? »

Une idée soudaine lui mit une grimace de jubilation sur le visage et fendit sa bouche d’une oreille à l’autre... Sans doute, il avait trouvé le moyen d’obtenir l’absolution et de payer le curé de Saint-Eustache.

Rassuré sur ce point important, Bigorne se dirigea vers l’ouverture béante et commença à descendre. Une lumière qu’il vit briller au bas de l’escalier le dirigea.

Bientôt il se trouvait devant une porte entrouverte. Cette porte, c’était celle du cachot – de l’étrange cachot – de Buridan, de Philippe et Gautier d’Aulnay. Lancelot Bigorne l’ouvrit. On sait le reste...

Les trois amis passèrent la nuit dans une auberge de la truanderie où les mena Bigorne. De dire s’ils purent fermer l’œil après les événements qui venaient de se dérouler, c’est un soin que nous laissons à nos lecteurs. Mais, cette nuit, ils la passèrent dans la même chambre, côte à côte, armés jusqu’aux dents.

Le lendemain matin, le premier mot de Buridan fut :

« Tiens ! Je ne suis donc pas mort ?...

– C’est que notre heure n’est pas venue encore ! dit Philippe.

– Oui, mais nous n’en valons guère mieux ! maugréa Gautier. Je ne donnerais pas une maille de notre peau. Ah ! Philippe, sans toi, pourtant, j’écrasais la vipère !... »

Philippe eut un pâle sourire.

« Et toi ? reprit Buridan en examinant Bigorne, tu as du sang sur les mains. Tu t’es donc battu, cette nuit ?

– Oui : contre des vautours, les mêmes qui vous auraient rongé le foie de leurs becs d’acier, si je les avais laissé faire. Vous les avez vus... Ils faisaient une mine un peu déconfite, les pauvres diables... mais j’ai trouvé le moyen d’avoir l’absolution. »

XXXIV



1   ...   29   30   31   32   33   34   35   36   ...   39


Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©atelim.com 2016
rəhbərliyinə müraciət