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André Durand présente l’intérêt de l’action dans ‘’À la recherche du temps perdu’’


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Au début d’’’À l’ombre des jeunes filles en fleurs’’, il fut indiqué que M. de Norpois fut « ambassadeur au Seize Mai », ce qui désigne la crise politique du 16 mai 1877.

Dans ‘’Un amour de Swann’’, Cottard s’étonna que Swann « frayât avec le Chef de l’État », Jules Grévy qui, le 30 janvier 1879, était devenu président de la République (I, page 216). Ce fut l’année où les parents de Marcel se seraient mariés, tandis que, ‘’Un amour de Swann’’ se situant alors, Swann aurait fait la connaissance d'Odette. À la fin de cette année, ils auraient « fait catleya » car il fut fait mention de « la fête de Paris-Murcie donnée pour les inondés de Murcie » (I, page 225) qui fut célébrée le 18 décembre 1879.

Dès l’année suivante, leurs rapports se dégradèrent. En juin, Swann assista à la soirée de Mme de Saint-Euverte, et y entendit de nouveau « la petite phrase » de Vinteuil.

Marcel serait né en juillet 1880, tandis qu’en octobre et novembre seraient nées Albertine, les autres « jeunes filles en fleurs », Morel, Mlle de Vinteuil et Gilberte, la fille d'Odette qui, un mois plus tard, partit faire une croisière en Méditerranée qui dura deux ans.

Au début de 1881, Swann rencontra dans un omnibus Mme Cottard qui lui dit qu'Odette l'adorait, qu’au cours de la croisière elle ne pensait qu’à lui (I, page 376). Sa jalousie calmée, il partit pour Combray rejoindre Mme de Cambremer.

C’est le premier janvier 1885 que Marcel fit avec sa mère une visite de Nouvel An à sa tante Léonie qui venait toujours passer l'hiver à Paris et qu’il dut, pour ses étrennes, donner une pièce de cinq francs à Françoise (I, page 53).

En 1888, il se rendit chez son oncle Adolphe qui, ce jour-là, recevait ce jour-là une « dame en rose », Odette de Crécy (I, pages 75-80) ; l'oncle fut ensuite exclu de la famille et ne fut plus reçu à Combray.

C’est l’année suivante que Swann épousa Odette.

On peut déterminer que c’est un jour de 1890, le plus triste de sa vie, que Marcel, alors âgé de dix ans, souffrit d’avoir dû aller se coucher sans recevoir le baiser de sa mère car Swann était venu rendre visite à ses parents (I, page 13).

En 1892, au cours d’autres vacances à Combray, il fit des promenades vers Tansonville, où il vit Gilberte Swann, « la dame en blanc » (Odette) et « le monsieur habillé de coutil » (Charlus) (I, page 140), et vers Guermantes dont il n'atteignit jamais le château (I, pages 165 et la suite). Il s'intéressa à deux dames. Il assista au mariage de la fille du docteur Percepied et vit à cette occasion la duchesse de Guermantes (I, page 174). À Paris, il fut reçu par Mme Swann (I, pages 503-513).

Ce serait en 1894 qu’à l’âge de quatorze ans, il sentit naître en lui le désir de la femme (I, pages 156-158) et connut, pour la première fois, l'amour avec une de ses cousines sur le canapé de tante Léonie (I, page 578). Celle-ci mourut à l'automne. Il en hérita (I, page 454). Françoise, la servante de tante Léonie, passa au service de ses parents. C’est à la fin de cette année-là que le capitaine Dreyfus fut accusé et arrêté.

Au début de l'année suivante, Marcel espéra visiter Florence et Venise, mais, malade, dut y renoncer (I, page 442). Aux Champs-Élysées, il fit la connaissance de Gilberte (I, page 394). Il alla voir la Berma au théâtre (I, page 440). M. de Norpois vint dîner chez ses parents et parla de la visite du roi Théodose, qui n’était évidemment qu’un souverain oriental de fantaisie (I, pages 451-478).

Le 1er janvier 1896, Marcel proposa à Gilberte de bâtir une amitié neuve (I, page 486). Mais, après un début heureux, leurs relations se dégradèrent. En octobre cependant, il sortit encore avec Gilberte et ses parents (I, page 525), et rencontra la princesse Mathilde dans une allée du Bois (I, pages 541-544), ce qu’on put déterminer en fonction de l’allusion à la visite du tsar Nicolas II au tombeau des Invalides, qui eut lieu le 7 octobre 1896, tandis que, dans la page précédente, il fut fait allusion à un article de Taine qui date de 1887, ce qui prouve le jeu continuel de Proust avec le temps. En mars de cette année-là, le commandant Georges Picquart avait constaté que, dans l’affaire Dreyfus, le vrai traître avait été le commandant Ferdinand Walsin Esterházy, le dénonça et exigea la révision du procès.

À cette époque, alors que Marcel avait seize ans, son camarade Bloch le conduisit chez une entremetteuse (I, page 576).

Le 1er janvier 1897, Marcel constata qu'il n'avait pas réussi à conquérir le cœur de Gilberte (I, page 608). Mais il fréquentait le salon de sa mère (I, page 615). Il garda le souvenir du mois de mai (I, page 634). En juin, il alla à Combray pour l'enterrement de la mère de tante Léonie, se promena dans la campagne et vit, à Montjouvain, Mlle Vinteuil se conduire de façon scandaleuse avec son amie après le décès de Vinteuil (I, pages 159-165). En août, à Balbec, il fit la connaissance des jeunes filles en fleurs (I, page 788) et, en particulier, d’Albertine qui lui fut présentée chez le peintre Elstir (I, page 828).

Les parents de Marcel s’installèrent dans un nouvel appartement dépendant de l’hôtel de Guermantes (II, page 9). Il alla à l'Opéra (II, page 37) et y vit la duchesse de Guermantes, son amour pour elle concurrençant celui pour Mme Swann (II, page 58).

En janvier 1898, Esterházy, traduit en conseil de guerre, fut acquitté. Le 13 janvier, Émile Zola publia son ‘’J'accuse’’ ; il fut poursuivi en justice, et son procès se déroula au palais de justice de Paris du 7 au 23 février 1898. En juin, survint la mort de la grand-mère de Marcel (II, page 345). Aussi dut-il porter le deuil six mois, et ne reprit sa vie mondaine qu'en décembre. Au cours de l’hiver, il assista à un dîner chez la duchesse de Guermantes (II, pages 416-457).

En 1899, il fut invité à la soirée de la princesse de Guermantes (II, pages 633-719). Il découvrit la conjonction entre Charlus et le giletier Jupien (II, page 573, pages 601-613). Swann était mourant (II, page 870). Cette année-là eut lieu la révision du procès de Dreyfus, le premier jugement le condamnant étant cassé, un nouveau conseil de guerre en août le condamnant cependant une nouvelle fois, à dix ans de travaux forcés, avec, toutefois, circonstances atténuantes. Quelques jours plus tard, le président Loubet lui accorda sa grâce, et, épuisé par sa déportation de quatre longues années, il l’accepta.

En 1900, Marcel (qui avait vingt ans), sur l'ordre des médecins, partit pour Balbec où il retrouva Albertine (II, pages 751-763). Il y rencontra Robert de Saint-Loup (II, pages 728-738) et lui rendit visite dans sa garnison de Doncières (II, pages 95-97) où se trouvait aussi le jeune violoniste Morel dont Charlus fit la connaissance (II, page 860). Marcel et Albertine furent reçus chez les Verdurin, à la Raspelière, manoir des Cambremer qu’ils avaient loué (II, pages 866-978), et où Morel fut invité à jouer. Marcel resta à Balbec jusqu'au 15 septembre, et, à partir de cette date, Albertine allait demeurer chez lui à Paris (III, page 9) . Au cours de l’hiver, tandis qu’il vivait avec Albertine, il fit des visites à la duchesse de Guermantes (III, pages 30-42).

Ce fut au cours de l’hiver 1900 que Barnum montra les soeurs siamoises Rosita et Doodica (III, page 72).

Au printemps 1901, Albertine s'enfuit (III, page 414) et mourut dans un accident (III, page 476). Il commença à l’oublier le dimanche de la Toussaint (III, page 559).

Au début de 1902, il eut une importante conversation avec Andrée (III, page 596). Au printemps, il séjourna à Venise avec sa mère (III, page 623) ; ils y virent Mme de Villeparisis et M. de Norpois vieillis : ils avaient plus de quatre-vingts ans (III, pages 631-639)). Il reçut un télégramme où Gilberte lui annonçait son mariage avec Robert de Saint-Loup (III, page 641). En été, il alla séjourner à Tansonville, chez Gilberte (III, pages 677-721).

En 1903, elle accoucha d'une fille.

Au chapitre I de la deuxième partie du ‘’Côté de Guermantes’’, il est question de « la guerre russo-japonaise » : on serait donc en 1904, année à partir de laquelle apparemment Marcel séjourna souvent dans des maisons de santé (III, page 723).

Lors du repas qu’elle tint chez elle, « Mme de Guermantes lançait parfois des réflexions sur l’affaire Dreyfus, sur la République, sur les lois antireligieuses» (II, page 514) : c’était la loi de 1904 interdisant l’enseignement à tous les « congréganistes » (les membres des congrégations religieuses auxquels les radicaux reprochaient un « enseignement contre nature » [IIII, page 913]), la loi de séparation de l’Église et de l’État de décembre 1905. De l’affaire Dreyfus, il avait déjà été question auparavant et il allait en être question encore à de nombreuses reprises : elle est au coeur d’’’À la recherche du temps perdu’’ comme l’est la condition des juifs.

En 1914, Marcel rentra à Paris « pour subir une visite médicale » (III, page 723). À cause de la guerre, Gilberte partit pour Tansonville (III, page 751).

En 1916, Marcel fut de retour à Paris (III, page 723). Saint-Loup mourut au front, et ses funérailles eurent lieu à Combray (III, page 846). M. Verdurin mourut (III, page 769), et sa femme épousa le duc de Duras puis le prince de Guermantes qui avait été ruiné par la révolution en Bavière.

En novembre 1918, de nouveau à Paris, Marcel fit une promenade sentimentale et nostalgique au bois de Boulogne (III, page 950).

C’est à cette époque que, selon George Painter, il aurait fait l’expérience de la madeleine  qui lui rappela Combray (I, page 43, III, page 866).

La réception chez le prince de Guermantes à laquelle se rendit Marcel pourrait avoir eu lieu en mai ou en juin 1919, « la grippe qui régnait à ce moment-là» (III, page 929) pouvant être la fameuse grippe espagnole, ou en 1921 comme permettrait de le supposer la mention de Landru (III, page 205), criminel célèbre dont le procès s’est déroulé cette année-là.

À l’âge de trente-neuf ou de quarante et un ans, Marcel décida d'écrire ‘’À la recherche du temps perdu’’.
Ainsi, la principale distorsion qui apparaît ainsi est celle qui concerne l’expérience de la madeleine. Mais un examen plus détaillé permet d’en découvrir bien d’autres.
Au début, dans ‘’Du côté de chez Swann’’, les souvenirs de l’enfance, avant d’être rappelés avec plus de précision après l’expérience de la madeleine, apparaissent nimbés d’un certain flou. Ainsi, quand il est question des promenades du côté de Méséglise et du côté de Guermantes, le développement est bâti autour de mots comme « quelquefois », « parfois », « souvent », qui suffisent à révéler que Proust ne s’attacha pas à suivre scupuleusement une durée passée et qu’il ne retint, au terme de son expérience, que ce qui lui parut valoir la peine d’être noté.

Ensuite, Marcel suit le cours de sa vie avec une attention qui semble scrupuleuse et il se montre soucieux de bien indiquer le passage du temps, du moins celui des saisons. Et certaines allusions permettent même de dater des épisodes.

Cependant, Proust pratiquant une constante interpolation des temps, car il concevait son texte « comme un terrain où des laves d’époques différentes sont mêlées », ce déroulement linéaire est constamment rompu par des analepses, des retours en arrière, le plus important étant évidemment ‘’Un amour de Swann’’ tandis qu’ailleurs Marcel rayonne souvent vers un passé disposé en cercle autour de lui, qui surgit dans le présent, ce qui a été annoncé dès le début par ses considérations sur les réveils, sur la façon dont à chaque réveil nous réorganisons le monde en reconstruisant notre perception, le dormeur étant hors de la succession chronologique du temps (« Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes » [I, page 5]). Ainsi, quand, dans les premières pages de ‘’La prisonnière’’, Marcel évoque ses réveils matinaux à une certaine époque de sa vie, il ne suit pas l’enchaînement de ses pensées ; ce ne sont pas les impressions qu’il eut tel ou tel matin qu’il saisit sur le vif : ce sont les impressions qu’il eut alors de ces matins de jadis, et il en distingue plusieurs sortes dont chacune avait ses caractéristiques. Ailleurs, plutôt qu’une description du sommeil d’Albertine, on a plutôt les sommeils d’Albertine, chacun d’eux entrant dans une catégorie dont l’auteur nous indique les nuances particulières.

Parfois, on a l’impression que, parce que la narration est mal maîtrisée, des événements sont rapportés après le temps où ils eurent lieu ; ainsi l'excursion en auto d'Albertine à Versailles où le chauffeur l’avait laissée seule comme elle le lui avait demandé (III, pages 132-136). On comprend mieux qu’au moment de l’entrée du prince de Faffenheim-Munsterburg-Weinigen chez Mme de Villeparisis, Proust revienne sur ses rapports avec M. de Norpois (II, pages 256-263), mais on s’étonne qu’il s’y s’étende si longuement. Plus loin, alors que Saint-Loup remarquait l’entrée chez Mme de Villeparisis de son « oncle Palamède », le baron de Charlus, Marcel se lance dans un retour en arrière, sur « un fait qui s’était produit quelques jours auparavant, et qu’il est nécessaire de relater à cause des conséquences qu’il devait avoir beaucoup plus tard, et qu’on suivra dans le détail quand le moment sera venu » : la visite que lui avait faite Charles Morel, « le fils, inconnu de moi, de l’ancien valet de chambre de mon grand-oncle » Adolphe, qui lui avait apporté « des photographies des artistes célèbres, des grandes cocottes » que ce « viveur » avait connues. (II, pages 264-267).

Alors qu’à Paris, Saint-Loup rendait visite à Marcel et l’emmenait au restaurant, « tout en descendant l’escalier », lui revinrent des souvenirs de Doncières (II, pages 396-397) dont on peut se demander s’ils ne sont pas simplement ajoutés ici par Proust qui renonça à essayer de les placer là où ils devraient être. Puis, à l’extérieur, alors que Marcel est saisi par la nuit et le brouillard, il a des souvenirs de Combray (II, pages 397-398).
On trouve aussi des prolepses, des anticipations.

Après la matinée offerte par Elstir où il a pu rencontrer Albertine, Marcel annonça : « Il n’empêche d’ailleurs qu’après cette première métamorphose, Albertine devait changer encore bien des fois pour moi. » (I, page 873).

Il se réfréna aussi quand, entrevoyant déjà sa vie future avec Albertine, il se dit : « Mais j’anticipe les années. » (II, page 352).

Il laissa planer un suspens quand, au moment où il surveillait les allées et venues des Guermantes, il indiqua que « son attente sur l’escalier devait avoir pour moi des conséquences si considérables […] qu’il est préférable d’en retarder le récit de quelques instants » (II, page 573) ; il y revint encore au début de ‘’Sodome et Gomorrhe’’, pour dire qu’il avait « fait, pendant la durée de mon guet, une découverte, concernant particulièrement M. de Charlus, mais si importante en elle-même que j’ai jusqu’ici, jusqu’au moment de pouvoir lui donner la place et l’étendue voulues, différé de la rapporter. » (II, page 601) : il s’agit de la rencontre entre Charlus et Jupien qui, non sans atermoiements (contemplant un arbuste, il se demandait « si l’insecte improbable viendrait, par un hasard providentiel, visiter le pistil offert et délaissé » [II, pages 601-602] ; signalant l’heure indue à laquelle Charlus faisait ce jour-là sa visite à Mme de Villeparisis, il s’étendait sur les habitudes des Guermantes [II, page 602] ; il revenait sur « le miracle qui devait se produire, l’arrivée presque impossible à espérer, à travers tant d’obstacles, de distance, de risques contraires, de dangers, de l’insecte envoyé de si loin en ambassadeur à la vierge qui depuis longtemps prolongeait son attente. Je savais que cette attente n’était pas plus passive que chez la fleur mâle, dont les étamines s’étaient spontanément tournées pour que l’insecte pût facilement la recevoir ; de même la fleur-femme qui était ici, si l’insecte venait, arquerait coquettement ses ‘’styles’’, et pour être mieux pénétrée par lui ferait imperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, la moitié du chemin » [II, pages 602-603] ; il faisait encore tout un exposé sur « les lois du monde végétal » [II, page 603]), fut enfin décrite, Proust ayant une conception très élargie des « instants » !

Dans l’exposé qui fut donné sur l’homosexualité, il fut annoncé : « Ces êtres d'exception que l'on plaint sont une foule, ainsi qu'on le verra au cours de cet ouvrage, pour une raison qui ne sera dévoilée qu'à la fin. » (II, page 631).

Dans ‘’Les intermittences du cœur’’, Marcel prédit : « Quant à un chagrin aussi profond que celui de ma mère je devais le connaître un jour, on le verra dans la suite de ce récit. » (II, page 768).

Au début du chapitre deuxième de ‘’Sodome et Gomorrhe’’, il sentit déjà qu’allait commencer « la douloureuse et perpétuelle méfiance que devait m’inspirer Albertine, à plus forte raison le caractère particulier, surtout gomorrhéen, que devait revêtir cette méfiance. »  (II, page 787).

Quand cette « cruelle méfiance à l'égard d'Albertine » ne fut pas encore suscitée au moment où le « lift » ne la trouva pas à Égreville, Marcel indiqua qu’elle le fut « quelques semaines plus tard » du fait d’« une remarque de Cottard » (II, page 794).

À la fin de la première partie du chapitre deuxième de ‘’Sodome et Gomorrhe’’, Marcel annonça : « Au reste, ma jalousie causée par les femmes qu’aimait peut-être Albertine allait brusquement cesser. » (II, page 854).

Il fit savoir : « On verra comment, dans les plus petites choses, Morel, qui se croyait devenu un M. de Charlus mille fois plus important, avait compris de travers, en les prenant à la lettre, les orgueilleux enseignements du baron quant à l’aristocratie. Disons simplement pour l’instant…» (II, page 1011).

Il se souvint d’« un petit incident dont la cruelle signification m’échappa entièrement et ne fut comprise par moi que longtemps après. » (III, page 54) : il s’agit « des seringas venus du Midi » offerts par la duchesse et dont « l’odeur si violente » sembla incommoder Andrée puis Albertine qu’elle mit en fuite, « lui donnant le temps d’aller dans ma chambre, d’où elle m’appela, et de s’étendre sur mon lit. Encore une fois, au moment même, je ne trouvai à tout cela rien que de très naturel, tout au plus d’un peu confus, en tout cas insignifiant. » (III, page 55).

Pour la scène de flagellation fut suscitée une attente : « On verra, en effet, dans le dernier volume de cet ouvrage, M. de Charlus en train de faire des choses qui eussent encore plus stupéfié les personnes de sa famille et de ses amis, que n’avait pu faire pour lui la vie révélée par Léa.»  (III, page 216).

Plus loin, la déchéance du baron fut déjà tracée : « M. de Charlus redescendit sa pente avec une vitesse que nous verrons progressivement croissante. » (III, page 324).

Marcel, souffrant du départ d’Albertine et considérant que « l’intelligence n’est pas l’instrument le plus subtil, le plus puissant, le plus approprié pour saisir le vrai », annonça que « la suite le montrera davantage, comme bien des épisodes ont pu déjà l’indiquer » (III, page 423).

Il souligna lui-même une de ces anticipations : « Malheureusement dès le lendemain, disons-le pour anticiper… » (III, page 779).

Quand Charlus voulut renouer avec Morel, Marcel mentionna « deux faits qui le lui prouvèrent rétrospectivement », précisant dans une parenthèse : « j’anticipe de beaucoup d’années pour le second de ces faits, postérieur à la mort de M. de Charlus. Or elle ne devait se produire que bien plus tard, et nous aurons l’occasion de le revoir plusieurs fois bien différent de ce que nous l’avons connu, et en particulier la dernière fois, à une époque où il avait entièrement oublié Morel » (III, page 804) ; ce saut en avant obligea Proust à signaler dûment le nécessaire retour en arrière : « Mais il faut revenir en arrière. » (III, page 806).

Marcel, chez le prince de Guermantes, rencontra Mme de Forcheville qui lui parut « pareille à celle d’autrefois » (III, page 948), puis révéla que, « moins de trois ans après », il la revit qui était devenue « un peu gaga » (III, pages 951, 952).

De Mlle de Saint-Loup fut indiquée la destinée : « Cette fille, dont le nom et la fortune pouvaient faire espérer à sa mère qu’elle épouserait un prince royal et couronnerait toute l’œuvre ascendante de Swann et de sa femme, choisit plus tard comme mari un homme de lettres obscur, car elle n’avait aucun snobisme, et fit redescendre cette famille plus bas que le niveau d’où elle était partie. » (III, pages 1028-1029).

Mais l’anticipation la plus hardie fut celle qui dépassa le cadre chronologique d’’’À la recherche du temps perdu’’ puisqu’à la mort de Swann, Marcel annonça qu’« un petit imbécile a fait de vous le héros d’un de ses romans » et qu’ainsi « on recommencerait à parler de vous et que peut-être vous vivrez » (III, page 200),
Le jeu avec la chronologie se fit particulièrement hardi quand, alors que le déroulement des événements était jusque-là rendu avec une grande minutie, Proust se permit soudain un saut énorme dans le temps. En effet, Marcel évoqua subrepticement « l’état maladif qui allait me confiner dans une maison de santé » (III, page 709), précisant plus loin qu’il y était resté « jusqu’à ce que celle-ci ne pût plus trouver de personnel médical, au commencement de 1916 », pour ajouter : « Je rentrai alors dans un Paris bien différent de celui où j’étais revenu une première fois, comme on le verra tout à l’heure, en août 1914, pour subir une visite médicale, après quoi j’avais rejoint ma maison de santé » (III, page 723). Et, au lieu de parler d’abord du retour de 1914, c’est au « nouveau retour, en 1916 » qu’il se consacre d’abord (pages 723-735), pour traiter ensuite du premier retour (III, pages 737-751) et enfin revenir au second retour (III, pages 755- 1048). Quel embrouillamini !
Si certains de ces sauts en avant ou en arrière peuvent être attribués à un certain souci d’efficacité narrative, la plupart semblent plutôt la conséquence d’un manque d’organisation qui s’est manifesté d’abord dans la conception de l’ensemble d’’’À la recherche du temps perdu’’.

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Un texte trop sinueux
L’incohérence se manifeste aussi constamment au cours du texte. Proust, s’abandonnant souvent à une libre association des idées, à une dérive constante, à cette « logomachie » qu’il reprocha aux critiques (III, page 893), nous fait passer sans crier gare d’une situation à une autre, d’un sujet à un autre, d’une époque à une autre, d’une narration à une réflexion et l’inverse, se contentant d’une simple juxtaposition d’éléments disparates, ne se souciant pas d’enchaîner les faits pour leur donner du relief, ne donnant pas à ses lecteurs l’occasion de suivre le fil des péripéties, négligeant les raccords entre deux rédactions ou les faisant maladroitement, d’où des chevauchements et des hiatus.

On peut signaler l’introduction soudaine, alors qu’il était question du danger que les Champs-Élysées pourraient présenter pour la santé des enfants, d’un exposé sur « les névropathes » (I, page 495) ; celle du « curé de Combray » dans un développement où il était question de Françoise (III, page 15).

Proust s’embourba souvent dans les détails des événements les plus futiles, en particulier dans les cinquante premières pages, dont il faut dépasser le cap difficile pour commencer à goûter le livre. Il s’immobilisa dans des piétinements, sensibles notamment dans les quatre-vingts pages qui sont consacrées au retour de Marcel à Paris au cours de la guerre (III, pages 723-809).

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