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9 Juin 2002 Les pirates font de déplorables grands-pères


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3 novembre 2002 – De vieux sorciers Pawnee se concoctent des bavettes aux échalotes

Une bien belle arrière-saison nous permet de peaufiner une bavette aux échalotes, cuite à point26, accompagnée de petites pommes de terre nouvelles, dorées dans l’huile. Laquelle s’avère un tantinet trop chaude, à en juger par la vigueur des réactions du premier goûteur, qui se trémousse dans la cuisine, exécutant dans les plus pures règles de l’art une danse de la pluie folklorique, en poussant des cris de gros sorcier Pawnee27, qui déchirent les ultimes torpeurs nées des quelques modestes libations de la veille.

Deux bossus ricanent dans la cuisine avec une absence de compassion des plus remarquables.


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Un peu plus loin, les tempêtes du mois causent pourtant bien des peines. A une heure à peine réelle de la nuit, dans une rue agitée par tous les vents de la Création, un homme immense, en costume, appuyé à l’une des poubelles débordantes qui salissent les trottoirs, chancelle et tient sa tête entre ses mains parmi les papiers affolés. Il est agité de sanglots. Son chien, silencieux au bout d’une laisse alanguie, adresse un vrai regard d’homme au passant qui s’éloigne, un je-ne-sais-quoi d’inexplicablement humide dans l’œil. « Il y a des larmes pour toute chose, et les destins des mortels touchent le cœur ».

Peut-on enfin chanter novembre, sans parler des cimetières et des aïeux qu’on y visite entre proches, dans le calme un peu flou des après-midi de la fin de l’automne ? L’air y sent le feu de branchages, le labour et le civet de lièvre. Quelques corbeaux planent et exultent dans le ciel froid. Il flotte comme la promesse d’une terrine de sanglier dans l’air, la Bourgogne n’est pas tout à fait morte ; l’optimisme est donc de mise.


Voilà un mois où l’on sent qu’il faudrait bien qu’une aïeule sans beaucoup de dents s’installe commodément près de l’âtre, dans une pièce qui sentirait la pomme et le lard. Nichée dans une pénombre sortie d’un rite oriental, à la lueur moqueuse des flammes, une petite voix inquiétante de grand-mère goguenarde conterait à des marmots, heureux comme tout d’être morts de peur, des histoires très vraies et très horrifiques de jeunes mouflets dévorés par de grandes nuits d’hiver, de cloches sonnant à la volée – le diable seul en tire les cordes, de marmites et d’ogres.

On ressent comme une envie urgente de régresser au stade de la grosse peluche douillette, la plus rassurante possible.

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Que pourrait-elle raconter d’autre, sinon l’histoire d’Attila, le « nain hideux », le « fléau de Dieu » ? Le froid s’y prête, et Attila est-il autre chose qu’un corbeau qui plane au-dessus des labours de l’histoire ?


Qu’est-ce qu’Attila, sinon Rome moribonde, l’ordre ancien qui cède lentement sous les coups de hordes d’hommes vêtus comme des porchers et des esclaves ? Fiévreux de tous les rêves barbares, la poitrine nue et offerte, sentant le porc, la graisse et la sueur, ils viennent briser les rangs mal assurés des dernières légions, se jetant contre les rangs bardés d’acier, hurlant en mourant leur mépris de la mort et du monde aux soldats étonnés de cette rage inconnue.

Incarnation des cauchemars de toutes les vieilles civilisations, Attila traverse son siècle en bandit cruel, y ajoutant les rumeurs de sa légende, galope parmi les siens dans les herbes hautes des plaines d’Europe centrale, sous des ciels aux étoiles glacées. Ils sont suivis par des myriades de chariots, traînant aux pas des hommes tout un fatras de butin, d’amphores et de ciboires, de fourrures, de vin, d’hydromel, de femmes et de marmots empilés. On songe aux mélopées des troupes, à leurs rites païens et sauvages, pratiqués à la nuit tombante, devant les centaines de feux épars qui alarment les villages, plus bas dans les vallées. Leurs étendards noirs, gonflés du vent de la course des chevaux, faisaient entendre, parmi les clameurs du combat, le vent sourd qui accompagne les mondes qui chutent.


Attila fut un homme à l’emploi du temps bien chargé.

Il trucida son frère28 histoire de se faire la main, rançonna Théodose et l’empire d’Orient, effraya la Gaule, tortura ou viola un petit peu tout ce qui bougeait, pilla Orléans, échoua devant des Lutéciens galvanisés par Sainte Geneviève, prit le temps de prendre une raclée du côté de Chalons-en-Champagne, mais n’en descendit pas moins chatouiller le nord de l’Italie, où il tailla le bout de gras avec le pape de service, lequel parvint à le convaincre de laisser Rome et l’Italie vivoter un temps encore.

Rançonnant ici, massacrant là, brûlant ailleurs, il se construisit par la force et la peur un empire de gel, de boue, de sang, de paille et de bois, un royaume incertain qui ne lui survécut pas – mais quelle existence ! Quelle intensité ! Rome au grand corps engourdi de trop de pourpre en laissa le témoignage hagard.

Lui et ses Huns, qui ne la firent pas tomber, laissent plus de traces dans les âmes des hommes qu’Alaric et ses Wisigoths, qui, plus tôt pourtant dans la longue légende des siècles, l’avaient pillée pendant des jours.

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Les grands croque-mitaines n’ont pas toujours la mort que l’on attend.

Au zénith de sa gloire, Attila décida de ne pas rompre avec une coutume bien magnifique : épouser de gré ou de force l’une des princesses d’un nouveau vassal29 . Il s’agissait en l’espèce d’une jeune fille de quinze ans, la blonde et sans doute très belle Idilco, prise de guerre d’une autre campagne en Germanie. La chronique des temps veut que si ce n’était pas là sa première épouse, Attila le féroce s’était fait agneau devant les yeux d’Idilco. Puisque l’histoire en est plus belle, je veux bien l’admettre, mais le fait est qu’un doute demeure chez l’homme éclairé.

On ne fait pas les choses à moitié chez les Huns – si j’ose une expression qui pourrait passer pour une astuce mathématique des plus éculées. Sur les bords du Danube, sous la tente immense des fêtes d’exception, Attila vit défiler ses vassaux, venus de tous les points cardinaux rendre hommage à celui qui avait accéléré l’histoire. A chacun, racontent les chroniques du temps, Attila rendait son salut en buvant un grand verre30. Rabelais en eut été ravi.

Las, c’est là un régime qui mettrait Bacchus lui-même à rude épreuve – d’autant qu’on imagine assez le nombre de roitelets de pacotille venus s’agenouiller ce soir-là aux pieds de leur maître.


Titubant, ivre mort, empourpré, Attila se rendit alors dans la chambre nuptiale, où l’on imagine assez que la malheureuse Idilco soumise à un léger stress, tremblait parmi les têtes d’ours, les fourrures et les armes. Il eut à peine le temps de se diriger vers le lit. Un flot de sang jaillit de sa gorge, il tourna un temps sur lui-même, cherchant de l’air – et tomba comme un arbre parmi les fourrures, aux pieds de la jeune femme, qui hurla sans modération.

On a vu nuit de noce plus réussie.


Passée la première panique et les premières fureurs, les lieutenants les plus fidèles d’Attila mirent en place d’étranges funérailles à la mode barbare. Au lever du jour suivant, après que chacun eut défilé devant le corps du conquérant de grand chemin, on creusa une immense fosse dans la plaine triste des bords du Danube.

Le corps d’Attila fut déposé, en compagnie de son épée, dans un cercueil d’or, placé à son tour dans un cercueil d’argent, lequel vint prendre place dans un sarcophage de fer. La fosse était si grande que quatre de ses hommes, les plus fidèles purent y prendre place. Ils s’étaient égorgés eux-mêmes ; on les fixa tout harnachés sur leurs chevaux, au moyen de quatre grands pieux qui traversaient tous ces corps. Chacun, tourné vers l’un des quatre points cardinaux, dressé sur ses étriers, surveille à jamais le sommeil d’Attila.


Les esclaves qui avaient creusé l’immense tombe furent massacrés, afin que nu ne sache où repose le corps de celui qui fit trembler Rome, une dernière fois avant que ne s’ouvrent des temps bien obscurs.
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Attila traîne encore un peu dans les mémoires.

Le plus indécrottable cancre de France sait encore que l’herbe ne repoussait pas derrière les pas de son cheval. Qu’on le pousse un peu : il se souviendra vaguement qu’on disait de lui et de sa horde de Huns qu’ils avaient coutume d’attendrir la viande crue, en la plaçant sur leurs chevaux, entre leurs cuisses, avant de la déchirer comme des ogres.

Saisissant raccourci : on peut le plus historiquement du monde en conclure qu’Attila parcourut ce bas-monde pour y tuer son frère, alarmer deux empires, rançonner les princes, mourir au soir de ses noces – le tout au grand galop, les fesses bien calées sur un gros steak. Voilà le lecteur édifié.


23 décembre 2002 – Le Saxon, sous des dehors peu ragoûtants, s’avère riche en fibres

Les psychiatres allemands se préparent d’intéressantes discussions, la convivialité n’est plus ce qu’elle était et la presse est heureuse comme tout : l’actualité a un talent noir.
Il était donc une fois, en Allemagne, un vieux garçon charmant, ma foi encore assez jeune, longtemps écrasé comme un oeuf par sa chère maman, récemment défunte. Sorti d’un Hitchcock de bonne facture, il logeait dans quelques-unes des pièces d’une grande et belle maison à l’aspect un peu fantastique, passablement hantée d’ombres, isolée et dissimulée par un rideau d’arbres froids et morts.

Comme le vieux garçon charmant s’ennuyait un brin, seul parmi ces ombres, il s’adressa à la cantonade, cherchant à savoir si cela tentait quelqu’un de se faire aimablement étriper puis cuisiner et dévorer par ses soins, en toute courtoisie.

On ne peut que l’en féliciter, sur un plan diététique. Le Saxon, sous des dehors peu ragoûtants, s’avère riche en fibres, les protéines fondamentales pullulent chez le Bavarois et un repas équilibré ne saurait s’imaginer sans l’apport en sels minéraux d’un vieux Prussien, certes un peu rude sous la dent, mais diablement savoureux aux yeux du connaisseur.

La nature humaine étant à force sans surprises, et l’Allemagne le pays de Hoffmann et des rites fantastiques, il y eut bien évidemment un doux jeune homme farfelu pour venir tirer la sonnette de la grande porte sombre.


Après l’apéritif, tous deux dévorèrent de concert cette partie de l’anatomie de la victime expiatoire sans laquelle nous aurions bien du mal à perpétuer l’espèce, si l’on voit ce que je veux dire. Flambée au rhum, à la poêle. On imagine qu’ils durent goûter ensemble puis ajouter, en amateurs éclairés, condiments et épices, approuver enfin d’un air entendu puis partager équitablement, en vrais camarades. Etonnant spectacle que celui de l’autophage et du cannibale attablés autour d’un verre de vin de Moselle et d’une partie quelque peu essentielle de l’un des deux, devisant cordialement de choses et d’autres. Que purent-ils bien se dire, au cours de cette Cène païenne? Quel rêve barbare croyaient-ils atteindre ?
Nous le saurons peut-être, puisque toute la scène fut filmée par le vieux garçon charmant, pour le plus grand bonheur du public, qui aime à frissonner, et du chroniqueur, qui aime à faire frissonner.
Après un petit dessert, un café et l’addition, l’hôte prit congé de son invité en lui tranchant civilement la gorge dans la cave. Il se confectionnait un bon petit garde-manger de Hobbit rondouillard, fait pour durer tout l’hiver au frais dans le cellier, quand la maréchaussée vint frapper à son tour à la grande porte. Il se laissa prendre comme un enfant. Sans doute était-il rassasié, ou peut-être ne put-il pas imaginer de les manger tous. Là encore, on ne peut que l’approuver ; un simple coup d’œil à une table calorique laisse entendre que rien n’est plus gras que le sergent de ville. C’aurait été de la gourmandise, péché bien peu allemand. Et que faire des uniformes ?

On en reste pour tout dire un peu gêné aux entournures. Il y a là quelque chose qui laisse méditatif : pourquoi du vin de Moselle, alors qu’il se marie si mal au rhum, surtout flambé ?


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La presse locale, en Saône-et-Loire, est pour sa part moins allemande, moins fantasmagorique, en un mot plus calme et moins préoccupée des derniers raffinements de l’anthropophagie contemporaine. Loin des convulsions du monde, elle fait ce que l’on attend d’elle : elle salue bien bas M. Albert, en un grand titre lapidaire, centré sur l’essentiel : « Gergy : M. Albert remporte le jambon ».

On ne fait pas plus déontologique ni plus informatif. C’était au Café de la Poste – évidemment, serait-on tenté de dire : où peut-on remporter un jambon ailleurs qu’au café de la Poste ? – et la partie fut acharnée, mais M. Albert fut impitoyable. Les autres concurrents purent se consoler : le second remporta une épaule, mais c’est au troisième que cela devient très beau : il reçut, en récompense de son classement honorable, un coffret pastis et jambon persillé31.

Voilà qui ne va pas du tout  et c’est toute la tradition charcutière qu’on assassine : du pastis avec du jambon persillé, voilà la fin de la civilisation véritable.


Heureusement que M. Albert demeure tel un phare dans les ouragans, immuable pour l’éternité, fermement campé, heureux comme ces rois Peuls qui marchent seuls après la conquête – quoique de silhouette sensiblement moins élancée.

Dessinons-le.

Il brandit un jambon conquis de haute lutte, dans les embruns du temps, et se verse un bon coup à boire. Il sort des pages d’un vieux Rabelais et porte une grande serviette à carreaux rouges coincée dans son col. Il a à peu près la tête du sergent Garcia dans les vieux épisodes de Zorro que nous regardions enfants, et se coupe des tranches de jambon épaisses comme le pont d’un cuirassier avec un vieux couteau solide. Il étale du beurre sur des tranches de pain et dévore le tout en buvant à la régalade, assis au bout du piton de Solutré, les jambes pendant dans le vide.

Il regarde le ciel et se dit que le temps pourrait bien se mettre au beau.


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Quant au bonheur, il frappe par surprise, rue d’Odessa, puis s’enfuit plus étrangement encore, attiré ailleurs, laissant aux lèvres l’amertume des occasions manquées, inde irae et lacrimae. Un vertige âpre se lève, on ne sait plus à quel saint se vouer, rien ne répond et il ne nous reste qu’à nous affronter nous-mêmes. On se tourne alors contre le mur comme un enfant et les yeux ouverts, on pense, pense et pense encore. On ferme les yeux, mais les paupières ne cachent pas grand chose. Dans le sablier, il semble que le sable coule un peu plus vite.


Aldébaran mue vers un rose pâle, Bételgeuse tire sur un jaune de topaze : nous voilà parvenus en décembre, le long d’une route qui laisse fourbu. Décembre n’étend pas le froid et la neige qu’au flanc des coteaux du Jura. Quelques livres, quelques marches, le vol des rapaces sur les ruines qui rehaussent les coteaux de Bourgogne, la tendre amitié du pentacle des fidèles : autant d’enchantements, autant de flammes chaudes, autant de chandelles qui rompront les sortilèges.

Le caillou ôté, l’épine dissoute, la route reprendra ; les poings seront pourtant plus serrés au fond des poches, les yeux plus durs et la mâchoire plus désabusée qu’auparavant, du temps des possibles.


Tout meurt, jusqu’à ce qui ne faisait que naître à peine, timidement, doucement. Mais tout recommencera. Peut-être le doute prendra-t-il fin. Peut-être pourrons-nous toucher du doigt les mirages. Peut-être, étendu en silence contre le talus où s’attarde encore l’ombre de M. Albert, les mains croisées sous la nuque, pourra-t-on alors apprivoiser un bonheur fidèle, qui ne se dérobera plus sous la caresse d’une main aimante. Ce sera alors le temps de la grande sagesse – ou celui de la grande hébétude.


31 décembre 2002 – Le regard monacal et pâle des hautes statues de l’Ile de Pâques

Le Soleil est entré dans le signe du Capricorne par la « porte des dieux », au solstice. Voilà que sonne le minuit de l’année. Les enfants qui naissent sous ce signe, à en croire ceux qui lisent l’humanité dans les entrailles profondes des astres, seront considérables, solides et tranquilles comme des montagnes ; ils déplaceront leurs grandes ossatures avec lenteur et précaution. Ils contempleront les gouffres et les sommets, avec au cœur la sourde envie de majesté et la vieille démence des fils de Saturne le Fou.

Ils auront sous la lune froide et magique l’apparence paisible et le regard monacal et pâle des hautes statues de l’Ile de Pâques.


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Vers quels soucis humains tournent-elles leurs grands visages ? Peut-être pensent-elles au mariage ? Après tout, le sujet torture bien Panurge, qui en mange son bonnet. Il consulte tous les prophètes, toutes les autorités et toutes les Pythies, rien n’y fait, le fond de la chose lui échappe. Il s’étouffe de rage et de perplexité. Gustave Doré le saisit au vol en pleine crise : voilà Panurge tracé pour l’éternité.
Il devrait lire la somme du docteur Garnier32, qui dit tout et le reste sur le mariage et sa composante essentielle : l’homme. La femme est brièvement abordée en annexe, essentiellement dans ceux de ses aspects qui la rapprochent de la poule domestique ordinaire.

Voilà le fiancé charmant, le mari fidèle, le père sévère zoologiquement dépeint dans toute sa splendeur, non sans un lyrisme délicieux. La Muse du Docteur Garnier pète la forme, si j’ose m’exprimer ainsi : « l’homme est ardent, altier, robuste, velu, audacieux, prodigue et dominateur. Son caractère est ordinairement expansif, bouillant, sa texture est fibreuse, serrée, compacte ; ses muscles épais sont saillants ; ses cheveux raides, sa barbe noire et bien fournie, sa poitrine velue exhale le feu qui l’embrase ; son génie sublime et impétueux le pousse aux grands desseins et le fait aspirer à l’immortalité ».

Que peut bien faire le Docteur Garnier des avares souffreteux, des tuberculeux modestes ? La vérité est qu’il s’en moque, qu’il les retranche de son rêve de l’homme. Il veut des gaillards faits pour emboucher des clairons à l’aube, forcer le cerf dans les bois de Compiègne, et chanter quelques airs bachiques pendant le banquet du soir, dans l’odeur du cuir, du sang, du génie en marche et du gibier dépecé.
Le docteur Garnier a dû croiser le Capitaine Haddock, il l’aura confondu avec l’homme zoologique et il ne s’en est jamais vraiment remis.
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Après une longue veille, je suis finalement parvenu à en apercevoir plusieurs, groupés en bande avide derrière la brume alléchante qui efface les étals des charcutiers de décembre. Ils rappelaient de vieux opossums empaillés, ou des dessins de Sempé, d’Hugo ou de Franquin, tout en encre, en angles aigus et en bavures. Ils n’étaient guère velus, paraissaient peu ardents, modérément fibreux et aspiraient moins à l’immortalité qu’à être servis plus vite que le voisin par la grosse charcutière ronde et rose, aux énormes bras d’enfant replet. Elle sortait de chez son coiffeur, qui lui avait fait toute une choucroute de cheveux, aux reflets vaguement roux, un brouillard de cheveux trop fins, trop vieux pour un tel assemblage. On aurait dit une pelote de laine fine posée sur un tas de saindoux aux lèvres peintes en guerre.

Cette coiffure était toute une affaire. Le fils aimait bien, pas le mari. Doit-on plaire au davantage au fils, ou au mari ? Sphinx redoutable, elle posait la question dès que l’on atteignait la caisse. Mais c’est que nous ne sommes pas aux portes de Thèbes et que je ne suis ni Œdipe, ni le docteur Garnier, moi ! Je n’ai pas su quoi lui répondre, paralysé par l’enjeu, et j’ai grommelé une onomatopée dubitative. « Eh ben vous n’êtes pas causant, vous ».

Non, je ne suis pas causant, moi, du moins rarement, avec les plats populaires allemands qui parlent. Voilà les trente-cinq centimes, ça fera pile, ça fera même face, et bonne année, chère choucroute.
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A quoi la consacrerons-nous33 ? A ne pas perdre de temps, à rappeler que le mot argile est du genre féminin, à tenter de découper un poulet rôti34, à monter à cheval en Camargue, à sentir les larmes monter sous la lune, à partir écouter les loups hurler dans le Gévaudan – il y en a encore, je tiens l’information d’un ami sûr – à se promener dans Paris la nuit, à lire, à regarder et à rendre compte, à sourire, à s’étonner et à croire aux mystères.

Il faut croire aux mystères. Dulce est desipere in loco, écrivait le vieil Horace : il est agréable d’oublier la sagesse à propos.
Nous lirons aussi du latin, à haute voix. Le latin s’impose, il est magique. Prononcez-le à haute voix, faites-le retentir comme un vieux cor de chasse, pendu depuis des lustres au mur de la salle à manger d’une maison de campagne : il sonne encore juste et clair. Cette langue regorge de secrets qu’elle murmure encore, si l’on tend bien l’oreille.

Nous serons donc un peu poètes et un peu sorciers.

Nous continuerons de fouiller dans le grenier, d’ouvrir les coffres et les armoires, de déchiffrer les étiquettes jaunies, écrites à la plume, en ronde. Nous continuerons de chercher l’étrange et l’exceptionnel, partout où l’on dirait qu’il n’existe pas. Nous continuerons à retourner les pierres moussues, à chanter les mérites du lombric aux mœurs souterraines, du hanneton commun et du scarabée sacré. Un proverbe du Labrador le résume si bien : « il faut continuer de chasser l’opossum ».

Nous soufflerons sur les couvertures des livres perdus, sur les bibelots oubliés, et leur poussière ambrée dansera dans le soleil qui passe au travers des lattes du toit.

« Tu sépareras la terre du feu, le subtil du dense, doucement, avec grand art ». Dans les cornues, sur l’athanor alchimique, nous mélangerons d’autres Attila, de nouveaux éléphants, l’ornithorynque et les souvenirs de nos morts, dans une grande coction, en cherchant à respecter les sages conseils du Trismégiste : « Monte de la terre au ciel et du ciel, redescends à la terre et rassemble l’unité des forces des choses supérieures et des choses inférieures : ainsi tu conquerras la gloire dans tout le monde et tu éloigneras de toi toutes les ténèbres. »
Eloigner de nous toutes les ténèbres, conquérir la gloire et parvenir à « cette paix des rides que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux », écrivait le jeune Rimbaud. Pourquoi pas ? Qu’avons-nous d’autre à faire ? Reste à définir ce que nous choisissons d’appeler ténèbres et gloire. Il semble que la géométrie de tout cela soit bien variable.

Voilà bien pourquoi nous continuerons de chasser tous les opossums possibles.


11 janvier 2002 - Quelques pingouins barbus et ahuris.



Tout s’accélère, on n’a plus la paix cinq minutes : la semaine passée, je suis sorti de chez moi, mirabile dictu, le temps d’acheter une baguette et de boire un café bien chaud. Comme la température était à peine sibérienne, j’ouvris ma fenêtre, laissant à un beau soleil d’hiver le soin de refroidir mon salon et d’aérer mon appartement.

La météo, qui ne recule jamais devant une bonne blague, s’est bien amusée pendant que je dégustais mon café. Comme il fumait davantage que Jeanne d’Arc sur la fin, j’ai pris mon temps.

Eh bien on me croira si l’on veut, à mon retour, il y avait des congères contre la cheminée, parfaitement ; de la neige sous la télévision, un remonte-pente contre la bibliothèque, une piste de luge le long du futon et Michel Blanc, pendu au lustre, qui chantait « Etoile des neiges ». J’ai retrouvé le Larousse pris dans la banquise, j’ai dû balayer à grand renfort de sèche-cheveux et allumer une bonne flambée pour me réchauffer.

L’air sentait le lichen, le bois mort et le feu humide. J’ai bivouaqué à l’ombre d’un sapin, sur la pente de ma couette enneigée, guettant les loups d’un air mélancolique, en comptant mes cartouches. Au matin, je n’avais aperçu que quelques pingouins barbus et ahuris, le poil frémissant dans le blizzard35.


La Seine monte vite, mais la neige descend doucement. Tout Paris a bien failli disparaître sous les flocons ; il ne s’en est fallu que de deux ou trois mètres à peine que la ville fut poétique, feutrée, médiévale, parcourue d’ombres errantes et silencieuses.

Dans un monde mieux fait, mes chers loups, revenus de leurs contes, rôderaient le long des murailles de Philippe le Bel, à l’heure ou le soir se lève comme une marée froide. De temps en temps, par jeu, ils croqueraient dans un gardien de square ou dans un conseiller d’état. On retrouverait pêle-mêle, le long du canal Saint-Martin, un tibia mâchouillé, une belle casquette municipale, un code civil et le reste des morceaux du gardien de square trépassé. Des croque-morts compassés les enterreraient à Montmartre par grand froid, sous un ciel pâle et bleu, à peine rehaussé de quelques corbeaux presque immobiles. Les chats, qui sont les âmes des morts les plus sages, contempleraient tout cela de loin, d’un air mystérieux, levant haut leurs pattes à cause de la neige et éternuant dans leurs moustaches givrées.


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Tout cela est bien morbide, sans doute, mais de saison et après tout, « la vie, c’est beau, mais la mort ! la mort c’est magnifique ! », disait un Espagnol. C’est un avis peu partagé. « Mais je ne veux pas mourir ! », disait l’industriel Rizzoli, « Je suis l’homme le plus riche d’Europe ! ». On ne fait pas plus tendrement absurde, ou peut-être seulement à l’ONU ; en 1956, l’un des bulletins de cette année-là disait clairement les choses : « La mort, afin d’être idéale (sic), ne devrait survenir chez l’homme qu’après une période de vie plus ou moins longue… ».

Voilà qui donne envie d’être diplomate : on sent qu’on s’amuse bien, à l’ONU.


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La mort, c’est peut-être magnifique, mais encore ? Que dire  d’autre ? « Puisque ce sont des hommes », disait le vénérable conteur Goblind le Borgne à Kipling, qui lui posait la question, « puisque ce sont des hommes, parle-leur d’éléphants, de rois, de batailles, de chevaux et de lions ».
Il ne lui manque que de citer le gendarme, et le vieux Goblind serait exhaustif. Heureusement, les instituteurs qui apprenaient le français aux enfants des écoles d’Abidjan, du temps des colonies et de l’AOF, y ont pensé, ce qui permet de combler une telle lacune. Toute une ribambelle de marmots dut un jour écrire une rédaction : sujet, « Le gendarme », ramassage des copies dans une heure, le premier qui copie se prend une retenue.
A quoi ressemble donc le gendarme ? « La figure du gendarme reflète l’énergie et la bonté, son front est bombé. Ses gros yeux qui ressemblent à ceux d’un hibou sont surmontés de deux sourcils étroits sous lesquels est fixé un long nez courbé, percé par deux grosses narines. Sa bouche est large et on voit souvent des dents blanches quand il parle. Il a un dos légèrement voûté et un gros ventre.

Quand il est au garde-à-vous, sa grosseur ressemble à celle d’un véritable pneu Berliet-Diesel. Sa nuque est large comme celle du buffle, ses pieds spacieux comme ceux de l’éléphant, et son vaste derrière imite celui de la vache. Il est fort et vaillant, ce qui prouve qu’il descend des Gaulois. Le soir, il aime chanter dans sa petite maisonnette », écrivait le jeune Maurice Bah, qui aurait mérité d’être élu Président à vie, mandat renouvelable une fois.

Voilà ce que c’est que de penser en enfant noir et d’écrire en français : la vieille langue y rencontre la magie curieuse du vieux continent. Je veux bien manger mes chaussettes36 s’il n’y pas là la plus touchante poésie qui se puisse imaginer.


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La poésie se cache donc partout ; comment l’attraper ? « Il faut continuer de chasser l’opossum », conseille le proverbe du Labrador. Tenere opossum auribus : je tiens un opossum par les oreilles, attrapé au vol37 : une lettre, d’amour et des Antilles. Elle sent le rhum et la douceur entêtante des vanilliers.

« Chère dulcinée, depuis le jour que je vous ai vue pour la première fois quand vous étiez avec votre amie chez mon compère Ti-Yonyon manger des mangotines, eh bien, chère amante, depuis ce jour jeudi 4 heures, je vous adore à l’adoration. Quand j’étais venu chez vous, j’avais honte parce que j’étais pieds nus. Mais vous, pas besoin de vous inquiéter : j’ai beaucoup de souliers, de chaussettes et de caleçons.

J’ai aussi du beau linge de laine que je peux faire venir de Fort-de-France et que je mets pour descendre au bourg le dimanche, pour faire le philosophe et aussi le faraud.

Vous pouvez donc sans craindre vous marier avec moi parce que primo, je suis joli garçon assez passablement. Secundo, je ne suis pas un premier venu, car je suis passé par toutes les écoles de Saint-Pierre. Troisiemdo, j’ai une jolie maison avec véranda tout autour. Quatriemdo, j’ai un joli cheval d’Alzan, c’est mon frère d’âme. Cinquiemdo , j’ai une belle truie qui a sept petits et de toute beauté. (…) septièmedo, mon grand-père est un ancien capitaine-pompier de Bayonne et je suis un bon mulâtre fils unique (…). Huitièmdo, j’ai sept carrés très bien plantés.

Enfin, chère demoiselle bien aimée, je vous aime à fendre l’âme. (…) Chère doudouce, je vous vois déjà dans votre chambre nuptiale, moi en moresque et vous en chemise de nuit claire, avec des faveurs et des bandes brodées. Si vous répondez oui, mettez vous en rouge, cela signifiera Victoire. Si vous répondez non, je vous fiche une volée avec mes deux pieds… »
Que peut-on ajouter ? Peut-être que l’on espère bien que la chère dulcinée finit par accepter de s’habiller en rouge ? Comment résister à quelqu’un qui descend au bourg faire le philosophe, et aussi le faraud, et qui vous aime à fendre l’âme ?

25 janvier 2003 – Vendre pour 5 dollars les manuscrits de la Mer Morte



Personne n’a une pensée pour les zoologues, qui sont pourtant dignes d’un grand cri d’amitié et de reconnaissance. Sans eux, qui saurait que le lion est le seul mammifère qui naisse les yeux ouverts ? Que la femelle du yak ne porte qu’une seule rangée de mamelles ? Que l’escargot ne recule jamais ?

De façon générale, les zoologues s’occupent en retournant des cailloux dans des forêts humides, et en regardant dessus avec une grosse loupe collée à l’œil, au milieu d’un public réjoui de fourmis sarcastiques, de tamanoirs enrhumés et d’araignées monumentales.


Qu’ils tombent sur une grosse bestiole pleine de pattes, et les voilà plus joyeux que des carabins dans une morgue. Plus elle est vilaine, visqueuse, plus il y a de poils, d’antennes, d’anneaux, de bave ou d’élytres, plus ils sautent comme des cabris en criant youpi ; moyennant quoi ils se cassent la figure en glissant sur une pierre recouverte de mousse. Une fois réanimés, ils la baptisent d’un nom latin, le plus compliqué possible, et rédigent fiévreusement de gros rapports complets sur les mœurs (la plupart du temps parfaitement inavouables) du staphylin fluet, du pangolin géant d’Afrique ou des aptérygotes sauteurs. Le grand Hyppolite Gaulois lui-même a longuement évoqué, en des envolées admirables, les mœurs du kiwi, qui comme nul n’en ignore, est également un aptéryx. L’Aptéryx de Gaulois, ça ne s’invente pas38.
D’autres chronomètrent l’escargot39 et mesurent le crocodile, dont je suis bien désolé d’annoncer que les plus grands n’atteignent que 3 mètres et demi de long, soit un nombre ridicule de sacs à main et à peine la place de deux zoologues rangés en long. La tête du dernier dépasse même un peu, avec son casque et son filet à papillons.

Avant de rassasier l’alligator, ils prennent le temps d’expédier par malle-poste des volumes entiers à des sociétés anglaises ; on y accroche leur portrait au mur, en pied, dans un grand salon aux tons de bois brun, où des gentlemen solennels grommellent en écossais dans leur moustache, en buvant un scotch dans des fauteuils clubs au cuir profond.


A les lire on apprend des choses plus qu’utiles à la vie parisienne. Il est temps, par exemple, d’oublier tout ce que l’on sait sur la couleuvre et la vipère. Cette histoire de V sur la petite tête plate de la seconde est une dangereuse légende. Tout n’est pas si simple, il y a des couleuvres travesties et des vipères particulièrement fourbes. La seule façon infaillible de les différencier40, c’est de compter les écailles séparant l’œil de la joue : deux pour la couleuvre, trois pour la vipère. Voilà une astuce qui demandent un prompt coup d’œil et un esprit mathématique.

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On peut trouver de quoi s’étonner, en retournant ainsi de vieilles souches dans des forêts profondes. On peut aussi poursuivre les étonnements en suivant quelques bédouins, sur les bords de la Mer Morte, dans les grottes de Qumrân.
En 1947, un berger de Palestine, Muhammad le Loup, se lança aux trousses d’un chevreau échappé du troupeau. Fatigué, il s’appuya un instant contre un rocher et par jeu, lança un caillou dans une ouverture étroite et noire qu’il apercevait devant lui. Le hasard, un fou qui joue aux dés en riant, dut réussir un double six à cet instant : la pierre brisa une jarre dans laquelle vieillissaient depuis vingt siècles trois rouleaux de cuir enveloppés dans du lin, couverts de signes inconnus et réguliers.

Ameutés par Muhammad, les bédouins, gens pratiques, pensèrent d’abord s’en faire des semelles de sandales, mais le cuir était trop usé et les écritures n’auraient pas été très élégantes... Un jour de marché, ils finirent par les vendre pour 5 dollars à un antiquaire de Bethléem, qui, intrigué, les fit examiner par un professeur d’archéologie de Jérusalem, qui ne tarda pas à comprendre qu’il tenait entre ses mains un rêve de savant, une découverte inouïe : les rouleaux de la Mer Morte.

Jamais encore l’Ancien Testament n’avait été aussi âgé.
Pendant une dizaine d’années, dans un Proche-Orient déchiré par les guerres entre Arabes et Juifs, bédouins et archéologues fouillèrent une dizaine de grottes : autant de bibliothèques, emplies de rouleaux de cuir et couverts d’écritures grecque, araméenne et hébraïque. Depuis, une confrérie de savants acharnés de Paris, de Jérusalem, de New York ou de Londres ne sont pas encore venus à bout des 800 rouleaux et fragments sacrés mis au jour, et les Manuscrits n’ont pas encore fini de chuchoter les échos des choses passées.

Au temps de Jean le Baptiste et de l’occupation romaine, dans les grottes qui surplombent les bords salés de la Mer Morte, quelques milliers d’Esséniens s’étaient réfugiés à l’écart des autres Juifs et de la religion officielle, pour se consacrer à leur ascétisme, à l’étude et à la pratique de la Loi. Si l’on déroule les peaux desséchées, en suivant du doigt les étranges caractères, alors peut commencer la longue litanie, « pleine de bruit et de fureur », des psaumes, des proverbes et des chants de l’Ancien Testament, mais plus encore, les textes propres aux Esséniens retrouvés de Qumrân, poursuivis et chassés par les prêtres de Jérusalem.

Au détour des Psaumes d’exorcismes, du Rouleau des Hymnes, du Rouleau du Temple, du Livre des Géants, au travers d’une encre faite de suie, d’huiles et de plantes, on peut entendre s’écouler les lois terribles et magnifiques d’un peuple pieux. Frappé de rêves et de stupeur, on écoute conter le cheminement du monde, de sa Création à sa fin, contée dans le Rouleau de la Guerre des Fils de la Lumière contre les Fils des Ténèbres.
Devant nous surgissent un monde, un peuple et une foi, avec leurs titres étranges, le Maître de Justice, le Prêtre Impie et l’Homme de Mensonge, leurs pères et leurs démons, leurs guides et leurs Judas (« Voyez, traîtres, et regardez, et soyez dans la stupéfaction car en vos jours, j’accomplis une œuvre que vous ne croiriez pas si elle était racontée »), toutes leurs prières, celles qu’on scande au moment ou le soleil s’avance, et celles du soir, celles de la guerre et celles des sacrifices. On y apprend, au détour d’un apocryphe, que Noé avait une tache rouge dans les cheveux, et qu’il dut apprendre en trois livres (sans doute de Pline) les mystères des êtres vivants.

Les Manuscrits portent en eux les étincelles de rumeurs fiévreuses ; les âmes avides d’ésotérisme veulent y voir le secret ultime, celui que l’on prête aux textes longtemps cachés, celui du manuscrit secret qu’on ne sait trop quelle autorité religieuse, vaticane ou juive, voudrait voir oublié et détruit, de crainte de voir son pouvoir s’écrouler. Comme les Cathares, comme les Druides ou les Templiers, les purs de Qumrân allument un feu paranoïaque où s’enflamment tous les rêves.


Pourtant, les manuscrits sont bien davantage qu’un seul secret, si grand qu’on puisse l’imaginer. Loin des rumeurs et des songes, ils racontent une histoire à qui sait entendre leur murmure. Ils chantent encore, simplement, la poésie étrange, ardente et admirable, de la Bible encore inachevée.
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Il règne un temps à marcher lentement, pensif et sans tristesse, dans les allées désertes d’un cimetière de Paris, baigné par les paillettes d’une lumière d’hiver, qui lit à l’oreille des passants nonchalants les paroles gravées sur les tombes. Aux Batignolles, André Breton retient le passant par la manche, le temps de lui dire doucement : « Je cherche l’or du temps ».


Il arrive que de simples bergers en découvrent quelques éclats, cachés au fond d’une jarre brisée quelque part dans un désert de Palestine, là où le vent, le soleil et l’ombre des hommes passés courent ensemble sur le sable et les pierres.
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